5-121COM

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Commissie voor de Justitie

Handelingen

WOENSDAG 8 FEBRUARI 2012 - OCHTENDVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Zakia Khattabi aan de minister van Justitie over «de strijd tegen mensenhandel» (nr. 5-1679)

Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - À l'occasion de la journée de la lutte contre le trafic des êtres humains, le 18 octobre, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme a présenté son rapport annuel sur la traite et le trafic des êtres humains. Dans ce rapport, la thématique est étudiée sous l'angle de la lutte contre la fraude sociale, et le centre formule l'hypothèse que la lutte contre cette fraude bénéficie aussi à la lutte contre la traite des êtres humains à des fins d'exploitation économique.

Ce rapport met également l'accent sur les responsabilités en chaîne, depuis les donneurs d'ordre jusqu'aux sous-traitants. À ce sujet, le centre réitère l'importance de l'adoption d'une loi instaurant une coresponsabilité des donneurs d'ordre, et ce d'autant plus que la législation européenne en impose l'adoption. Il estime louables mais insuffisantes les initiatives isolées prises par certains secteurs économiques exposés au risque de traite des êtres humains.

Le centre plaide donc pour que les projets actuellement en discussion se voient accorder une plus haute priorité dans l'agenda politique, afin que le travail législatif entamé en 2003 puisse enfin aboutir. Cette priorité se fait d'autant plus pressante que, selon les chiffres récemment avancés par la police, 23 000 personnes seraient encore victimes d'exploitation sexuelle en Belgique.

Madame la ministre, confirmez-vous ce chiffre ? Comment et selon quels critères a-t-il été établi ? Si vous confirmez ce chiffre, pouvez-vous me dire ce qui a été mis en oeuvre pour aider ces personnes ?

Par ailleurs, l'article 12 de la loi du 13 avril 1995 contenant des dispositions en vue de la répression de la traite des êtres humains et de la pornographie enfantine dispose ce qui suit : « Le Gouvernement fait tous les deux ans » - depuis la loi du 12 août 2005 - « rapport au Parlement sur l'application de la présente loi et sur la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains en général. »

Ce rapport contient notamment un exposé de la situation en ce qui concerne les poursuites judiciaires. Or, sur le site internet du service de la politique criminelle où sont publiés les rapports existants, le dernier rapport date de 2006.

Où sont les rapports suivants ? Ont-ils été rédigés ? Sinon, pour quelles raisons ne figurent-ils pas sur le site du service de la politique criminelle ? Que comptez-vous faire pour que les prochains rapports soient publiés dans les délais ?

Par ailleurs, le 15 avril dernier, la nouvelle directive 2011/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2011 sur la traite des êtres humains a été publiée. Elle remplace la précédente décision-cadre sur la traite des êtres humains afin de répondre aux récentes évolutions dans ce domaine. L'article 19 de cette directive prévoit que « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour mettre en place des rapporteurs nationaux ou des mécanismes équivalents. Ces mécanismes visent notamment à déterminer les tendances en matière de traite des êtres humains, à évaluer les résultats des actions engagées pour lutter contre ce phénomène, y compris la collecte de statistiques, en étroite collaboration avec les organisations pertinentes de la société civile qui sont actives dans ce domaine, et à établir des rapports ».

Pouvez-vous me dire, madame la ministre, où en sont les discussions à ce sujet et qui est pressenti comme rapporteur pour la Belgique ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - La Belgique est l'un des pays les plus actifs en matière de lutte contre la traite des êtres humains (TEH). L'arrêté royal du 16 mai 2004 a mis en place un mécanisme de coordination de la politique de lutte contre ce phénomène criminel ; il s'agit de la Cellule interdépartementale de coordination de la lutte contre le trafic et la traite des êtres humains. Cette cellule est présidée par le ministre de la Justice et est composée des différents départements et services compétents en la matière. Afin de veiller à la mise en oeuvre des décisions de la Cellule, l'arrêté royal de 2004 a créé un Bureau qui est présidé par le Service de la Politique criminelle et dont le secrétariat est exercé par le Centre pour l'égalité des chances.

Dans le cadre de leurs travaux, le Bureau et la Cellule interdépartementale ont élaboré et mis en oeuvre divers projets : élaboration du plan d'action national en matière de lutte contre le trafic des êtres humains, circulaire multidisciplinaire relative à la protection des victimes ou encore flyer d'informations à destination des demandeurs d'un visa de travail.

Le Bureau de la Cellule et un groupe de travail ad-hoc ont également travaillé sur des projets de texte portant sur la question de la responsabilité des donneurs d'ordre qui recourent à des intermédiaires se livrant à la traite des êtres humains. Ces propositions finalisées n'ont cependant pas pu être discutées en raison de la démission du gouvernement.

Le chiffre évoqué a bien été repris dans la presse. Cependant, il reprend des procès-verbaux qui ont été dressés dans le cadre de la prostitution mais qui ne portaient pas tous la qualification de « traite des êtres humains ». Il y a donc une nuance à apporter.

Je n'ai pas de détails sur le nombre de PV qui concernaient la traite des êtres humains sensu stricto. Cependant, il ressort des chiffres du Collège des procureurs généraux qu'en 2010, par exemple, 175 dossiers ont été ouverts dans les parquets belges en matière de traite des êtres humains pour exploitation sexuelle. La banque de données nationale générale de la police indique également qu'en 2010, 119 infractions en la matière ont été enregistrées.

La Belgique a été l'un des premiers pays à développer des mécanismes d'aide et d'assistance spécifiques aux victimes de traite des êtres humains. La délivrance de titres de séjour et l'aide apportée aux victimes sont détaillées dans la loi du 15 décembre 1980. La collaboration et les tâches des acteurs de terrain sont décrites dans la circulaire du 26 septembre 2008 relative à la mise en oeuvre d'une coopération multidisciplinaire concernant les victimes de la traite des êtres humains et/ou de certaines formes aggravées de trafic des êtres humains. Cette circulaire a elle-même fait l'objet d'une évaluation.

De manière générale, et comme cela a aussi été souligné dans le rapport du Centre pour l'égalité des chances ou dans l'évaluation de la circulaire du 26 septembre 2008, il y a lieu de développer à l'avenir nos efforts de sensibilisation à destination de certains acteurs autres que les services d'inspection ou de ceux qui sont le plus directement confrontés à la traite des êtres humains.

Il peut s'agir, par exemple, du milieu médical ou de certains services sociaux.

Le rapport 2007-2008 du gouvernement a été transmis aux assemblées parlementaires le 28 octobre 2011. II peut aussi être consulté sur le site du Service de la Politique criminelle. Le retard est dû au fait que les réponses ont été collectées en 2009 et que la rédaction du rapport a dû être interrompue pour se consacrer aux activités de la présidence belge de l'Union européenne dès le début 2010. Les travaux de préparation du prochain rapport sont en cours.

Quant à la mise en oeuvre de la directive, des réflexions approfondies sont nécessaires. Cependant, j'attire votre attention sur plusieurs éléments à prendre en compte.

La directive européenne fait bien mention de « rapporteur national ou mécanisme équivalent ». La condition d'indépendance n'est pas reprise dans l'instrument européen. Les États ont donc le choix de désigner une entité/institution chargée de ces tâches ou plusieurs puisqu'il est question aussi de mécanisme équivalent.

Diverses situations se rencontrent dans les autres États européens. Il semblerait qu'environ six pays disent disposer d'un « rapporteur national ». Les autres pays parlent davantage de « mécanismes équivalents » dans la mesure où ces mécanismes sont souvent une instance de coordination.

Je peux vous fournir par écrit des informations sur les autres États membres.

Enfin, la Cellule interdépartementale peut occasionnellement produire des rapports d'évaluation. Cela a été dernièrement le cas dans le cadre de l'évaluation de la mise en oeuvre de la circulaire relative à la coopération multidisciplinaire concernant les victimes de traite des êtres humains.

En conséquence, sur le plan strictement légal, il me semble que la Belgique se conforme déjà à la directive car elle remplit les conditions liées au mécanisme équivalent.

Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Il semble qu'en Belgique, un rapporteur ne sera pas non plus désigné en tant que tel. Dès lors, la cellule « traite des êtres humains » du centre serait-elle le rapporteur ? Ce n'est pas très clair.

Je relirai attentivement les nombreux éléments que contient la réponse de la ministre, et je l'interrogerai à nouveau par la suite.