5-121COM

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Commissie voor de Justitie

Handelingen

WOENSDAG 8 FEBRUARI 2012 - OCHTENDVERGADERING

(Vervolg)

Vraag om uitleg van mevrouw Zakia Khattabi aan de minister van Justitie over «de opsluiting van minderjarigen» (nr. 5-1677)

Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - En novembre, le Délégué général aux droits de l'enfant a rendu son avis et ses recommandations sur l'incarcération des mineurs. Comme il le souligne, l'enfermement des mineurs qualifiés de « délinquants » devrait être le dernier recours lorsque toutes les autres solutions ont été envisagées et jugées impossibles.

Or, dans les faits, on constate que c'est loin d'être le cas des mineurs incarcérés dans des établissements pénitentiaires. Ces mineurs sont soit des mineurs d'origine étrangère (des mineurs non accompagnés) dont l'âge est contesté, soit des mineurs ayant fait l'objet d'un dessaisissement en vertu de l'article 57bis de la loi du 8 avril 1965.

Le Délégué général, comme le Comité des droits de l'enfant des Nations unies, recommandent de revoir la législation dans le but de supprimer la possibilité de juger des enfants comme des adultes et de les enfermer avec des adultes. En effet, il n'a jamais été démontré que la justice des adultes était mieux outillée que la justice des mineurs face à ces jeunes, la seule garantie qu'elle offre étant que le jeune sera enfermé plus longtemps.

Selon les directions des établissements pénitentiaires, les mineurs détenus sont soumis à un régime de détention normal. Mais il ressort du témoignage de ces jeunes que, dans les faits, ceux-ci n'ont que très peu voire pas du tout de contact avec leur famille, notamment en raison de l'éloignement, que la scolarité et la formation posent problème et que rien n'est fait en vue de leur réinsertion et de leur avenir. Le régime qu'ils doivent endurer s'apparente dès lors plus à un régime d'isolement qu'à un régime normal de détention.

Enfin, il semblerait qu'il n'existe pas de statistiques précises et fiables au sujet des mineurs incarcérés dans nos prisons, certains directeurs de prison ignorant même le nombre de jeunes enfermés dans leur établissement ! La Direction générale a néanmoins communiqué des chiffres d'écrou de mineurs pour les années 2006 à 2009.

Madame la ministre, considérez-vous comme normal de faire primer des considérations de sécurité publique sur la Convention internationale des droits de l'enfant en enfermant des mineurs dans des prisons pour adultes ? Que comptez-vous faire concrètement pour mettre fin à cette situation indigne d'un pays ayant signé cette Convention et pour répondre aux recommandations du Délégué général quant à la révision de la législation dans le but de supprimer la possibilité de juger des enfants comme des adultes, au fait de retirer immédiatement les enfants des prisons pour adultes, au transfert des mineurs d'origine étrangère dont l'âge est contesté dans une institution publique de protection de la jeunesse, à la mise en oeuvre de moyens garantissant que les enfants privés de liberté sont placés en détention dans des établissements proches de leur lieu de résidence et que tous ces centres sont desservis par les transports en commun, à la mise en oeuvre de moyens garantissant que les enfants privés de liberté bénéficient d'un accès à l'enseignement, comme le requiert la loi pour tous les mineurs ?

Quels sont les chiffres des incarcérations de mineurs pour les années 2010 et 2011 ?

En ce qui concerne les mineurs placés en centre fédéral fermé, il semblait permis d'espérer, avec l'ouverture du centre fédéral fermé de Saint-Hubert, que le problème de la détention de mineurs dans des prisons pour adultes se réglerait de lui-même. Force est de constater qu'il n'en est rien.

Il était également permis d'espérer que la section des jeunes ayant fait l'objet d'un dessaisissement fournirait à ceux-ci un traitement plus favorable que dans les prisons pour adultes et ferait preuve d'un plus grand respect de leurs droits. Or cette section se situe en zone rurale et rien n'a été fait pour faciliter la visite des familles, notamment en termes de transport. Les mineurs sont encadrés par des agents fédéraux qui n'ont aucune formation liée à la jeunesse. Le règlement d'ordre intérieur de cette section qui n'est qu'un simple « copié-collé » du règlement d'une prison classique où quelques articles spécifiques ont été ajoutés, n'a toujours pas été approuvé par vous. Aucune commission de surveillance n'exerce un contrôle indépendant sur cette section, ce qui est contraire aux dispositions prévues par la loi de principe du 12 janvier 2005 concernant l'administration des établissements pénitentiaires ainsi que le statut juridique des détenus. Enfin, les mineurs sont toujours en contact avec les majeurs.

Madame la ministre, je viens de dresser un tableau relativement pessimiste de la situation de ces mineurs. Comptez-vous répondre à chacune de ces lacunes et dans quel délai ?

Mme Annemie Turtelboom, ministre de la Justice. - En vertu de l'article 606 du Code d'instruction criminelle, « les personnes qui, à la suite d'un dessaisissement prononcé sur base de l'article 57bis de la loi 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, font l'objet d'un mandat d'arrêt, sont placées dans un centre fédéral fermé pour mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. Ce centre est désigné par le Roi. Si les mêmes personnes font l'objet d'une condamnation à une peine d'emprisonnement principal ou accessoire, elles exécutent cette peine dans l'aile punitive d'un centre fédéral fermé pour mineurs ayant commis un fait qualifié infraction. »

La règle est donc claire : tous les dessaisis sont placés non pas dans un établissement pénitentiaire classique, mais dans un centre fédéral fermé - Tongres ou Saint-Hubert. Il peut arriver que le jeune soit incarcéré dans une prison pour adultes par les autorités judiciaires, mais dans ce cas, la procédure prévoit un transfèrement vers Tongres ou Saint-Hubert dans les plus brefs délais. Il existe une exception, toujours inscrite dans la loi, qui prévoit qu'un jeune dessaisi peut être envoyé en établissement pénitentiaire « classique » dans des circonstances particulières.

La problématique des « mineurs » dont l'âge est contesté est beaucoup plus complexe et tient surtout à la détermination de l'âge réel de la personne. En effet, les autorités judiciaires et l'administration pénitentiaire sont souvent confrontées à des détenus qui se prétendent mineurs d'âge, mais qui, en réalité, sont majeurs, et qui essayent ainsi de se soustraire à l'incarcération.

Il est dès lors intellectuellement inexact de considérer que toute personne qui se déclare mineure, l'est réellement et de l'enfermer dans une IPPJ. Il appartient dès lors aux autorités judiciaires de déterminer si la personne est effectivement mineure, et de la placer sous la compétence du juge de la jeunesse, ou majeure, auquel cas elle peut évidemment être incarcérée dans une prison. Il appartient à l'administration pénitentiaire d'agir en fonction de la décision judiciaire.

En dehors du cas des mineurs dessaisis dans des circonstances particulières, il n'y a donc juridiquement pas de mineurs incarcérés dans nos prisons.

S'il devait apparaître, au cours de la détention, qu'un jeune considéré comme majeur est en réalité mineur, son statut juridique serait immédiatement revu et son dossier serait envoyé au juge de la jeunesse. Si celui-ci décidait de ne pas se dessaisir, le jeune serait immédiatement remis en liberté à la disposition du juge de la jeunesse.

En ce qui concerne le fonctionnement du CFJ Saint-Hubert, celui-ci sera examiné conjointement avec les communautés, à la lumière du rapport d'évaluation dressé par les différentes parties, comme le prévoit le protocole de collaboration entre le fédéral et les communautés - la validation finale du Règlement d'ordre intérieur figurera également dans les points à envisager.

Le droit sanctionnel des jeunes fait également partie de ma note de politique générale et, en concertation avec les communautés, différents points seront analysés en ce qui concerne plus spécifiquement la nature des mesures pouvant être prises à l'égard des mineurs ayant commis une infraction, les règles de dessaisissement et les règles de placement en établissement fermé.

Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, mais vous n'avez pas répondu à la question concernant le nombre de jeunes. Vous me dites que, juridiquement, les mineurs n'ont pas à se trouver dans un centre d'incarcération pour adultes. Néanmoins, certains s'y trouvent, alors que vous prétendez le contraire.

Il serait intéressant de disposer de chiffres pour que l'on puisse se mettre d'accord sur la réalité de nos prisons. J'aurais également aimé vous entendre reconnaître qu'il est inacceptable que des jeunes soient incarcérés dans nos prisons. Cela m'aurait donné un espoir quant à l'orientation de la politique que vous souhaitez mener en la matière. Or je n'ai rien entendu en ce sens, et je le regrette. La référence que vous faites aux textes est la même que la mienne, certes, mais le problème est que cette législation n'est pas respectée. Je ne manquerai pas de déposer une question écrite en vue d'obtenir des statistiques précises. Je reviendrai alors vers vous afin de vous demander des éclaircissements quant à la politique que vous comptez mener en cette matière.