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Sénat de Belgique

Annales

JEUDI 9 FÉVRIER 2012 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Question orale de Mme Marie Arena au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères, du Commerce extérieur et des Affaires européennes sur «la participation du président Wade aux élections présidentielles sénégalaises» (no 5-396)

Mme la présidente. - Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture, répondra.

Mme Marie Arena (PS). - Cette question devait être posée la semaine dernière ; l'absence du ministre Reynders a conduit à son report. Je remercie donc la ministre Laruelle d'être présente aujourd'hui.

Le 27 janvier dernier, la validation de la candidature de M. Wade aux élections présidentielles sénégalaises avait provoqué des émeutes en province et à Dakar ; un policier a même été tué. Selon l'opposition, de nombreuses personnes ont été blessées, dont des journalistes frappés par la police, laquelle a procédé à de nombreuses arrestations. Plusieurs ONG, dont Amnesty International, la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme et le syndicat de la presse, ont protesté contre ces violences.

La mission d'observation électorale de l'Union européenne (MOE UE) au Sénégal a demandé dimanche à la plus haute instance juridique du pays d'expliquer pourquoi elle avait accepté certaines candidatures à la présidentielle et en avait rejeté d'autres.

La porte-parole du Département d'État américain, Victoria Nuland, s'est exprimée de manière ferme en déclarant « Nous continuons à penser que la décision du président sénégalais de briguer un troisième mandat est une erreur qui risque de compromettre les nombreux acquis qu'il a lui-même réalisés au cours de sa présidence, y compris la disposition qu'il a lui-même introduite dans la nouvelle Constitution, limitant à deux le nombre des mandats présidentiels. » Elle l'invite à « laisser la place à la prochaine génération ». Cette prise de position claire rejoint les revendications de la société civile et de l'opposition sénégalaise.

Monsieur Reynders, dans une interview récente, vous avez dit « Je n'aurai pas ma langue dans ma poche » à propos du soutien à donner à l'aspiration à plus de libertés et à un changement de régime dans certains pays.

Quelles sont les prises de positions diplomatiques de la Belgique sur la candidature controversée du président Wade ainsi que sur le respect des droits de l'homme et de la liberté d'expression dans ce pays ?

Mme Sabine Laruelle, ministre des Classes moyennes, des PME, des Indépendants et de l'Agriculture. - Je vous lis la réponse du ministre des Affaires étrangères.

Tout comme l'Union européenne dans sa déclaration locale du 27 janvier, la Belgique a pris acte de la publication par le Conseil constitutionnel de la liste des candidats au scrutin présidentiel, y compris donc de la candidature du président Wade.

Le bilan des droits de l'homme au Sénégal reste globalement positif. Le Sénégal a ratifié la majorité des traités internationaux sur les droits de l'homme. Les droits civils et politiques sont généralement respectés et les violations graves des droits de l'homme sont plutôt rares. Il n'y a pas de persécutions systématiques de l'État à l'encontre des défenseurs des droits de l'homme.

Néanmoins, il y a lieu de constater que des tracasseries administratives et policières ont tendance à se renforcer à l'approche des élections présidentielles.

Avec ses partenaires européens, la Belgique a invité tous les candidats contestant le bien-fondé de cette décision du Conseil constitutionnel à user des voies de recours prévues par la législation électorale.

Quatorze recours ont été introduits. La mission d'observation électorale envoyée par l'Union européenne a publiquement déclaré le 29 janvier que le Conseil constitutionnel devrait donner, dans sa décision définitive sur la liste des candidats, toutes les motivations que la loi sénégalaise lui impose. Le Conseil constitutionnel s'est finalement prononcé le 29 janvier à minuit arrêtant la liste définitive des candidats. Concernant les huit réclamations contestant la constitutionnalité d'un troisième mandat de Monsieur Wade, le Conseil Constitutionnel les a déclarées recevables sur la forme mais les a rejetées sur le fond.

La Belgique a également appelé toutes les forces politiques à maintenir un climat de paix et à éviter toute décision et acte de violence de nature à nuire à l'exercice du droit de vote des citoyens sénégalais dans le respect des échéances prévues.

Par ailleurs, la mission d'observation électorale de l'UE continue d'analyser l'ensemble du processus électoral en fonction de la législation sénégalaise et des obligations découlant des traités internationaux auxquels le Sénégal adhère. L'initiative de la mission d'observation électorale de rencontre avec les membres du Conseil constitutionnel et de demande d'un accès à tous les dossiers de candidature pourrait dans les prochains jours avoir des effets importants.

Je puis vous assurer que la Belgique suit très attentivement la situation, par l'intermédiaire de son ambassade à Dakar ainsi qu'à partir des informations de la mission d'observation de l'UE, dont le prochain rapport est attendu le 10 février. Je soutiens pleinement ces efforts diplomatiques de l'UE sur le terrain. Le rapport et les recommandations de la mission d'observation permettront de tirer les conclusions sur le processus électoral en cours, et justifieront d'éventuelles réactions de ma part.

Mme Marie Arena (PS). - Je tiens à rappeler les limites - dans le temps et dans l'espace - des missions d'observation. Soyons prudents : d'autres expériences ont montré à quel point leur tâche est compliquée.

La réponse n'évoquait pas le soutien à la société civile, plus spécialement les ONG telles qu'Amnesty International. Je plaide pour que le gouvernement, singulièrement le ministre des Affaires étrangères, apporte une attention particulière au soutien à ces organisations et à leur témoignage sur le processus électoral.