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23 DÉCEMBRE 2011
I. INTRODUCTION
Le projet de loi, qui fait l'objet du présent rapport, relève de la procédure bicamérale facultative et a été déposé à la Chambre des représentants par le gouvernement (doc. Chambre, nº 53-1954/1).
Il a été adopté le 22 décembre 2011 par la Chambre des représentants en séance plénière par 88 voix contre 39 et 13 abstentions.
Il a été transmis le 23 décembre 2011 au Sénat, qui l'a aussitôt évoqué.
Conformément à l'article 27.1, alinéa 2, du règlement du Sénat, la commission a entamé l'examen du projet de loi avant le vote final à la Chambre des représentants.
Il a été examiné en commission des Finances et des Affaires économiques les 21 et 23 décembre 2011.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU VICE-PREMIER MINISTRE ET MINISTRE DES FINANCES ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, CHARGÉ DE LA FONCTION PUBLIQUE
L'arrêté royal du 14 novembre 2008 a créé un Fonds spécial de protection pour les dépôts et les assurances-vie. Il a aussi prévu de porter l'intervention par déposant de 20 000 euros à 100 000 euros. Les établissements devaient verser des contributions annuelles s'élevant à 0,31 pour mille du montant des dépôts éligibles au remboursement.
La loi-programme du 23 décembre 2009 a porté le taux de la contribution à 0,15 %. Argenta Banque d'épargne SA a introduit auprès de la Cour constitutionnelle un recours en annulation de cette disposition. Argenta a mis en avant le fait qu'elle se finançait essentiellement avec les dépôts versés par le grand public. La banque d'épargne a argué que, compte tenu du fait que les contributions étaient calculées exclusivement sur la base des dépôts protégés par le système de garantie des dépôts, elle était beaucoup plus touchée que les établissements financiers qui se financent entièrement ou en partie sur le marché des capitaux. Selon elle, cela constituerait une violation des principes constitutionnels d'égalité et de non-discrimination.
Dans son arrêt nº 115/2011 du 23 juin 2011, la Cour constitutionnelle a statué que les autorités doivent respecter le principe d'égalité et de non-discrimination lorsqu'elles fixent le montant de contributions. Par conséquent, les catégories d'établissements qui se trouvent dans des situations fondamentalement différentes au regard de ces contributions ne peuvent être traitées de manière égale que s'il existe une justification raisonnable à ce traitement identique. La Cour estime qu'en principe, il est justifié de tenir compte, lors du calcul des contributions, des dépôts éligibles au remboursement. Néanmoins, il doit être tenu compte non seulement de ces dépôts, mais également du risque que les autorités doivent effectivement intervenir.
Dès lors que la loi-programme du 23 décembre 2009 traitait tous les établissements de crédit de manière égale pour le calcul des contributions, sans aucune pondé ration en fonction de leur profil de risque, la Cour constitutionnelle a jugé que les principes d'égalité et de non-discrimination étaient violés et elle a annulé la disposition de la loi-programme qui prévoyait de porter le taux de contribution à 0,15 %. Les effets de la disposition annulée ont toutefois été maintenus jusqu'au 31 décembre 2011. Le législateur disposant ainsi d'un délai courant jusqu'à la fin de cette année pour modifier la disposition de telle manière qu'il soit tenu compte des facteurs de risque lors du calcul de la contribution.
Le projet de loi à l'examen vise donc à ce que des facteurs de risque soient pris en considération pour le calcul des contributions individuelles des établissements de crédit de droit belge. Ces facteurs de risque sont au nombre de trois: il y a le risque de solvabilité, le risque de liquidité et la qualité des actifs.
Le montant total des contributions que le Fonds spécial de protection doit percevoir doit suffire pour rembourser les dépôts jusqu'à concurrence de 100 000 euros par déposant en cas de faillite d'un établissement. C'est pourquoi on a opté pour une contribution de 0,10 % de l'encours des dépôts éligibles au remboursement. Pour des raisons budgétaires, le pourcentage de la contribution a été porté à 0,245 % pour 2012 et à 0,15 % pour 2013. En effet, l'évolution actuelle des marchés financiers est telle que le risque que le Fonds spécial de protection doive effectivement intervenir, a augmenté.
Outre cette modification de la contribution pour le système de garantie des dépôts, le projet de loi prévoit aussi l'instauration d'une contribution de stabilité financière. Il s'agit là d'un élément totalement nouveau. Cette contribution devra être versée au Fonds de résolution dont la gestion sera assurée par la Caisse des dépôts et consignations. L'instauration de cette contribution vise d'ailleurs en partie à donner suite à l'arrêt précité de la Cour constitutionnelle. Cette contribution a en effet pour but d'inciter les établissements de crédit belges à limiter le risque systémique spécifique lié au financement du marché des capitaux. Elle a aussi pour objectif de garantir que le secteur financier contribue au coût de la maîtrise des crises financières. Enfin, cette contribution doit, selon le Conseil de l'Union européenne, constituer un « cadre crédible pour la résolution des crises ». Le projet de loi fixe la contribution annuelle à 0,035 % de l'encours du total du passif diminué du montant de deux postes: premièrement, le montant des fonds propres et, deuxièmement, le montant des dépôts garantis par le Fonds spécial de protection, l'objectif étant, dans ce dernier cas, d'éviter une double imposition.
Le Fonds de résolution a pour objet d'assurer le financement de mesures destinées à réduire l'impact de la défaillance d'un établissement de crédit sur le système financier, mais il n'est pas obligatoirement tenu de le faire. Il peut être mobilisé par le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, après réception de l'avis de la Banque nationale de Belgique.
III. DISCUSSION
Mme Maes fait remarquer que le versement de la contribution de stabilité financière au Fonds de résolution ne fait naître aucune obligation. Par conséquent, on pourrait, du point de vue constitutionnel, considérer cette contribution comme une taxe. Quel est le point de vue du ministre à cet égard ?
Pourquoi le gouvernement opte-t-il pour une taxe qui ébranle la compétitivité des établissements financiers belges alors qu'il aurait pu tout aussi bien adopter une démarche normative en agissant sur la politique de mise en réserve des établissements financiers ?
Enfin, l'intervenante se demande quelle est la position de la Belgique en matière de contributions par rapport aux autres États membres de l'UE, dont certains ont instauré une taxe bancaire. Le ministre pourrait-il préciser les pays qui ne l'ont pas fait ?
Mme Arena déclare que l'on ne peut que se réjouir de la contribution du secteur. Dans le contexte de la crise financière, une plus grande contribution du secteur, telle qu'annoncée, semble légitime.
Il fallait également aborder les facteurs de risque. Il existait en effet des structures financières beaucoup plus risquées, et où le risque était de nature beaucoup plus systémique. Il importait de prendre cet élément en considération et de répondre ainsi au secteur financier.
Enfin, il convenait d'inscrire cette couverture de risque dans la durée.
Le groupe de l'intervenante soutiendra dès lors le projet de loi à l'examen.
M. Morael trouve positif que le gouvernement ait apporté une réponse à l'arrêt de la Cour constitutionnelle et qu'une forme de contribution du secteur bancaire à la stabilisation financière puisse se poursuivre.
Néanmoins, le projet laisse le groupe de l'intervenant largement sur sa faim. D'une part, il tient insuffisamment compte, à ses yeux, du levier d'endettement des institutions bancaires. Le taux de la contribution applicable sur les dépôts, qui sera de 0,15 puis de 0,035 %, fera en sorte qu'il sera toujours plus intéressant pour une banque de s'endetter sur le marché interbancaire ou d'émettre des obligations que de récolter des fonds pour augmenter leurs fonds propres.
L'aspect « contribution » de la loi est heureusement maintenu et garanti. Par contre, l'aspect « stabilisation » du secteur n'est nullement garanti par le dispositif en projet.
Cependant, compte tenu de l'échéance du 31 décembre, il faudra bien se contenter du texte proposé.
M. Laaouej déclare que l'on ne peut pas espérer réaliser une meilleure régulation et une meilleure stabilisation du secteur financier uniquement grâce aux nouvelles modalités de contribution en projet. Il s'agit d'un problème qui doit être abordé de façon globale. L'accord de gouvernement contient un certain nombre d'éléments dans le volet « régulation ». M. Morael s'est quelque peu étonné, lors de la discussion de l'accord de gouvernement, du fait que, s'agissant particulièrement de la question de la séparation des métiers, les termes de l'accord semblaient assez prudents (étude de faisabilité, étude d'opportunité, etc.). En homme politique expérimenté, il n'ignore pas que le choix des mots résulte généralement du processus de négociation. Il n'en demeure pas moins que l'accord de gouvernement énonce la nécessité d'avancer sur le terrain en recourant à l'expertise de la Banque nationale.
L'intervenant pense donc que le message à faire passer est qu'en complément au présent projet, il faudra sans tarder pouvoir avancer dans les autres chantiers en vue d'une meilleure régulation du secteur financier. L'accord de gouvernement contient les éléments nécessaires à cette fin.
Le vice-premier ministre et ministre des Finances et du Développement durable, chargé de la Fonction publique, déclare tout d'abord que la Cour constitutionnelle a déjà précisé que la contribution pour la protection des dépôts est une rétribution et non un impôt. Il suppose que, par analogie, la contribution de stabilité financière peut également être considérée comme une rétribution.
Le présent projet n'a pas pour vocation de tout régler. L'on ne réglera pas tous les problèmes du secteur financier par une contribution à un fonds censé protéger les citoyens à hauteur de 100 000 euros. Le but est essentiellement de donner suite aux critiques formulées par la Cour constitutionnelle.
Le ministre répond ensuite à la question relative à la position de la Belgique par rapport à d'autres pays. Nous voyons que le Royaume-Uni se situe à 4 points de base et que l'Allemagne, dont la situation est plus favorable, se trouve entre 2 et 4 points de base, tandis que la Belgique se trouve à 3,5 points de base. L'on ne peut donc pas dire que notre pays se distingue excessivement des pays limitrophes.
Le ministre souhaite également souligner que lorsque certains établissements financiers actifs sur notre territoire participent au fonds de protection des dépôts d'un autre pays, de l'Allemagne par exemple, ils paient leur contribution à ce pays. En l'occurrence, le risque est rémunéré par le contribuable allemand. Il existe une cohérence entre les deux aspects.
On peut considérer qu'il faut également examiner la compétitivité, mais il faut garder à l'esprit qu'il y a une participation à un financement qui porte sur les avoirs de ceux qui participent au modèle.
IV. VOTES
Le projet de loi dans son ensemble a été adopté par 10 voix contre 3 et 1 abstention.
Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.
Les rapporteurs, | Le président, |
Marie ARENA. Richard MILLER. | Ludo SANNEN. |
Le texte du projet adopté par la commission est identique au texte transmis par la Chambre des représentants (voir le doc. Chambre, nº 53-1954/007).