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Mme Marie Arena (PS). - Il a été difficile d'identifier le ministre auquel il fallait poser cette question. En effet, s'agissant des ressources minières en République démocratique du Congo, j'aurais aussi pu m'adresser au ministre des Affaires étrangères, M. Vanackere, ou encore au ministre des Finances, M. Reynders, puisque la question porte sur des pratiques d'évasion fiscale.
Un député britannique, Eric Joyce, a récemment dénoncé une fraude fiscale pratiquée par le biais d'un paradis fiscal, en l'occurrence les Îles Vierges Britanniques, et l'application de prix de transfert pour des ressources minières congolaises.
Comment le système fonctionne-t-il ? Des biens miniers congolais sont vendus à des prix bien inférieurs à leur valeur à des sociétés fictives installées dans des paradis fiscaux, qui les revendent à des sociétés ayant pignon sur rue, en Angleterre ou ailleurs, à un prix beaucoup plus élevé.
Ces pratiques liées aux paradis fiscaux permettent évidemment d'éluder l'impôt, tant pour le pays d'origine que pour celui qui achète réellement les biens.
Le document rendu public par ce député britannique montre que cette pratique représente 5,5 milliards de dollars, uniquement au niveau de la République démocratique du Congo.
Le pillage est donc double : le pillage des ressources de la République démocratique du Congo et un pillage d'ordre fiscal de la République de Congo et des autres pays. Par ailleurs, ces agissements permettent de financer des filières armées s'adonnant à toutes sortes de violences, dont des viols au Kivu. Il s'agit donc de pratiques mafieuses.
Compte tenu, d'une part, du partenariat belgo-congolais, et donc de la présence d'entreprises belges en République démocratique du Congo, et, d'autre part, des aspects diplomatiques et de l'aide financière accordée en matière de coopération au développement, je voudrais poser trois questions.
Tout d'abord, quel est l'état des informations du gouvernement concernant ces pratiques ? Ensuite, qu'a fait le gouvernement ou que compte-t-il faire pour lutter contre celles-ci ? Je rappelle à cet égard la promesse du gouvernement congolais de pratiquer la plus grande transparence en ce qui concerne ses ressources financières ? Des contacts diplomatiques ont-ils été pris sur ce point avec le gouvernement congolais ?
Troisièmement, mais je devrais peut-être m'adresser à M. Reynders, quel programme le gouvernement a-t-il élaboré pour lutter contre les paradis fiscaux, le but étant notamment de mettre fin à ces pratiques des prix de transfert ?
Mme Sabine Laruelle, ministre des PME, des Indépendants, de l'Agriculture et de la Politique scientifique. - Je réponds donc au nom d'Olivier Chastel.
Tout comme vous, le ministre Chastel a bien sûr pris connaissance avec beaucoup d'attention des déclarations du député britannique Eric Joyce sur la vente des biens miniers congolais. Notre pays a insisté à plusieurs reprises pour que le processus de révision des contrats miniers se déroule, comme vous l'avez d'ailleurs souligné, dans la plus grande transparence possible. La Belgique a toujours insisté afin que toutes les autorités concernées continuent à travailler à la transparence et à la bonne gouvernance du secteur minier congolais.
Plusieurs contrats conclus ces derniers temps dans le secteur minier congolais soulèvent néanmoins un certain nombre de questions. Le FMI bloque, pour l'instant, la conclusion de sa quatrième révision du programme économique de gouvernement en raison justement de l'absence de publication des contrats de deux sociétés minières qui n'ont pas été déclarés au FMI lors de leur conclusion bien qu'ils tombent sous l'obligation de transparence et s'appliquent donc à toutes les entreprises appartenant à l'État.
Selon la loi congolaise, ces contrats auraient dû être passés par marché public et le produit de la vente de ces actifs aurait dû parvenir dans les caisses du Trésor public, ce qui ne semble pas apparaître dans les informations soumises au FMI. Le Congo risque donc de ne pas recevoir les 90 millions de dollars US liés à ce programme du FMI.
La Belgique a toujours marqué son attachement au principe de responsabilité. Elle soutient donc pleinement l'approche du FMI qui consiste à subordonner l'aboutissement de la revue du programme à ses exigences de transparence et de bonne gestion des contrats miniers.
La Belgique a déjà soutenu et continue à soutenir plusieurs initiatives visant à rendre ce secteur plus transparent. Nous avons ainsi apporté une contribution financière à l'élaboration des lignes directrices sur la diligence raisonnable pour l'industrie extractive par l'OCDE, ainsi qu'à deux projets du Centre Carter ayant trait l'un à la « revisitation » des contrats miniers et l'autre à l'amélioration de la gouvernance dans le secteur minier en RDC.
Nous avons également insisté pour que la république du Congo s'engage dans le cadre de l'initiative de transparence dans les industries extractives (ITIE) dont nous sommes un des bailleurs de fonds. La RDC est toujours en attente de conformité.
Par ailleurs, il est certain qu'après les élections, que vous avez eu la chance de superviser, la communauté internationale et la Belgique en particulier continueront à faire de la bonne gouvernance un des principaux thèmes de discussion avec le gouvernement congolais. L'environnement dans lequel évoluent les entreprises privées en République démocratique du Congo reste pour l'instant particulièrement difficile en raison de la corruption et du manque de sécurité fiscale, judiciaire et juridique en général.
Mme Marie Arena (PS). - Nous ne disposons pas de beaucoup de leviers et je comprends bien la logique du FMI qui consiste à bloquer le versement de la tranche à payer à la République démocratique du Congo. Le problème est que, dans ce cas, la population est doublement victime, d'une part, parce qu'elle ne recueille pas le fruit des ressources minières et, d'autre part, parce que les paiements que suspend le FMI sont destinés à des programmes en faveur des populations.
Comme vous l'avez rappelé, j'ai eu la chance d'observer le déroulement des élections au Congo. J'ai pu constater que la population souffrait terriblement. Je pense donc que nous devrions tous, tant sur le plan national qu'international, réfléchir à des dispositifs qui, au lieu de pénaliser les populations, sanctionnent les entreprises qui pillent les ressources de ces pays. Le jour où nous disposerons d'un dispositif sanctionnant les entreprises qui pratiquent cette fraude fiscale - et celles-ci se situent malheureusement sur le territoire européen -, nous aurons également le moyen de lutter contre la corruption car, face à toute personne corrompue, il y a une personne qui propose la corruption et il s'agit en l'occurrence de nos entreprises.