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8 DÉCEMBRE 2011
Les circonstances de la vie nous amènent parfois à devoir surmonter les conséquences d'un accident, d'une maladie grave ou d'une intervention chirurgicale, pour nous-mêmes ou pour un de nos proches.
Une certaine période est nécessaire pour surmonter sa douleur, pour vivre son deuil, avant de pouvoir comprendre comment ce qui est arrivé est arrivé, et avant de pouvoir se poser des questions sur le déroulement de la prise en charge par les différents prestataires, institutions et services de soins.
C'est notamment pour cette raison que l'article 1er, § 3, de l'arrêté royal du 3 mai 1999 déterminant les conditions générales minimales auxquelles le dossier médical visé à l'article 15 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, stipule que: « Le dossier médical doit être conservé pendant au moins trente ans dans l'hôpital. »
Une procédure précise est, de surcroît, prévue par la loi du 22 août 2002 sur les droits du patient, si un patient a besoin de retrouver des précisions sur son histoire médicale, et ce surtout si l'on pense être confronté à une erreur médicale ou à un manque de prise en considération adéquate au moment de son arrivée à l'hôpital ou de la part de prestataires de soins.
Avoir accès à son dossier de patient, et à toutes les informations liées à un acte ou une intervention médicale, est, dès lors, un préalable indispensable à l'introduction d'une action en justice contre un médecin ou une institution hospitalière.
Mais, lorsqu'il y a dommage résultant des soins de santé, il arrive que le praticien ou la structure hospitalière concernée fasse preuve de mauvaise volonté dans la communication de certaines pièces du dossier qui pourraient les incriminer.
Nous avons, malheureusement, connaissance de familles qui, après le décès de leur enfant, ont reçu un dossier médical où il manquait des éléments permettant de savoir à quelle heure il était entré aux urgences, à quelle heure il avait été pris en charge, par qui et vers où il avait été orienté. Malgré les demandes répétées, la transmission de ces éléments n'a été effectuée qu'à l'expiration du délai de prescription, soit cinq ans après les faits !
Des recours existent mais les procédures sont longues et peu connues du grand public. Or, pendant ce temps, la prescription des faits court et quand les documents incriminants réapparaissent, ou sont enfin consultables, il est trop tard pour intenter une action, les faits étant prescrits.
Une telle attitude est intolérable et totalement irrespectueuse des patients et de leurs proches !
C'est pourquoi, la présente proposition de loi prévoit de retarder le début de la prescription au moment où toutes les pièces liées à l'intervention en cause se retrouvent effectivement dans le dossier.
La loi sur les droits du patient est également complétée afin de préciser quelles sont les pièces qui devront figurer dans le dossier. Une liste plus exhaustive encore pourra être dressée par le Roi, en concertation avec les organisations représentatives des différents praticiens professionnels.
Ainsi, peut on lire dans l'arrêté royal du 3 mai 1999 précité que:
« Art. 2. — § 1er. Le dossier médical comporte au moins les documents et renseignements suivants:
1º l'identité du patient;
2º les antécédents familiaux et personnels, l'histoire de la maladie actuelle, les données des consultations et hospitalisations antérieures;
3º les résultats des examens cliniques, radiologiques, biologiques, fonctionnels et histopathologiques;
4º les avis des médecins consultés;
5º les diagnostics provisoires et définitifs;
6º le traitement mis en uvre; en cas d'intervention chirurgicale, le protocole opératoire et le protocole d'anesthésie;
7º l'évolution de la maladie;
8º éventuellement le protocole de l'autopsie;
9º une copie du rapport de sortie;
10º pour chaque transfusion, le produit sanguin instable administré avec le numéro d'unité ou le numéro de série, la date et l'heure de l'administration, les administrateurs médecin et infirmier, l'indication de la transfusion, les réactions éventuelles et une évaluation clinique et/ou biologique de l'efficacité de l'intervention.
§ 2. Les documents visés au § 1er, 3º, 4º, 5º, 6º et 8º, doivent être signés respectivement par le médecin responsable, les médecins consultés, le médecin qui a posé le diagnostic, le chirurgien et l'anesthésiste traitants ainsi que par l'anatomopathologie.
§ 3. Le document qui comprend les données visées au § 1er, 10º, est rédigé dans le service dans lequel le premier produit sanguin instable est administré et il suit le patient durant toute la durée de son hospitalisation jusque dans le service d'où le patient quitte l'hôpital.
Art. 3. — § 1er. Le rapport de sortie, visé à l'article 2, § 1er, 9º, comprend:
1º le rapport provisoire qui assure la continuité immédiate des soins;
2º le rapport complet sur le séjour à l'hôpital, signé par le médecin responsable du patient.
§ 2. Le rapport visé au § 1er, 1º est:
1º soit remis au patient à l'attention de son médecin traitant et de tout médecin concerné;
2º soit transmis au médecin traitant et à tout médecin concerné.
Ce rapport contient tous les renseignements nécessaires permettant à tout médecin consulté par le patient d'assurer la continuité des soins.
§ 3. Le rapport visé au § 1er, 2º, est communiqué du médecin de l'hôpital au médecin désigné par le patient.
Ce rapport contient les éléments anamnestiques, cliniques, techniques et thérapeutiques caractérisant au mieux l'hospitalisation et le suivi nécessaire.
Art. 4. — Le dossier médical, plus spécifiquement le rapport de sortie, doit être le compte rendu fidèle de la démarche diagnostique et thérapeutique.
Art. 5. — L'enregistrement du Résumé Clinique Minimum visé à l'article 153, § 2, 3º, de la loi du 29 avril 1996 portant des dispositions sociales, sera basé sur les documents de l'article 4.
Art. 6. — § 1er. Les dossiers de tous les patients ayant quitté le service sont classés et conservés dans des archives médicales organisées de préférence de manière centrale et électronique ou tout au moins groupées au niveau du service avec un numéro unique par patient au sein de l'hôpital.
Les dossiers doivent être accessibles en permanence aux médecins associés au traitement du patient.
§ 2. Le patient ou son représentant légal a le droit de prendre connaissance, par l'intermédiaire d'un médecin choisi par lui, des données du dossier médical qui le concernent. »
Le but de la présente proposition de loi n'est cependant pas de rendre les erreurs médicales imprescriptibles. Ce serait en effet démesuré et ingérable sur le long terme car les prestataires de soins et les institutions de soins doivent, à un moment, pouvoir classer les dossiers anciens des patients en ayant la garantie qu'ils ne seront pas poursuivis, le temps des conséquences potentielles étant écoulé.
Ainsi, si le dossier contient toutes les pièces relatives à une intervention, la prescription débute normalement. Dans le cas où un patient constate qu'une ou plusieurs pièces sont manquantes, la prescription des faits ne commencera que lorsque le patient aura été prévenu par le praticien ou la structure hospitalière que toutes les pièces ont été retrouvées et se trouvent désormais dans son dossier.
Cécile THIBAUT. | |
Mieke VOGELS. | |
Zakia KHATTABI. | |
Claudia NIESSEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 9, § 1er, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient est remplacé par la disposition suivante:
« § 1er. Le patient a droit, de la part de son praticien professionnel, à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et complet. Ce dossier est conservé en lieu sûr jusqu'à trente ans après son décès.
Ce dossier doit, au minimum, contenir des informations précises quant à tous les actes qui ont été posés sur le patient, ou que celui-ci a refusés, ainsi que les noms et qualités de tous les praticiens professionnels qui sont intervenus, ou auraient dû intervenir. Les documents et renseignements à enregistrer dans le dossier doivent reprendre, au minimum, les éléments déterminés par le Roi.
À la demande du Roi, le Centre fédéral d'expertise des soins de santé détermine la liste et, le cas échéant, la forme des documents qui doivent, au minimum, figurer dans ce dossier.
À la demande du patient, le praticien professionnel ajoute les documents fournis par le patient dans le dossier le concernant. »
Art. 3
Dans la même loi est inséré un chapitre IVbis intitulé: « Dommage et prescription », contenant un article 15/1, rédigé comme suit:
« Art. 15/1. — § 1er. Lorsqu'un patient subit un dommage suite à l'intervention, ou l'absence d'intervention, d'un ou plusieurs praticiens professionnels, la prescription des faits ne commence à courir que lorsque le patient, ou une des personnes visées au paragraphe 4 de l'article 9, a pu avoir accès, conformément aux dispositions de la présente loi, à son dossier de patient et à toutes les pièces concernant l'intervention ou la demande d'intervention concernée.
§ 2. Si, lors de la consultation du dossier par le patient ou une des personnes visées au paragraphe 4 de l'article 9, il apparaît qu'une ou plusieurs pièces sont manquantes, il est dressé un inventaire des documents manquants. Cet inventaire, daté et signé par le patient et le prestataire de soins tel que défini à l'article 2, 1º, de la loi du 31 mars 2010 relative à l'indemnisation des dommages résultants de soins de santé, est joint au dossier.
Lorsque des pièces sont manquantes ou en cas de poursuite des traitements, il appartient au(x) prestataire(s) de soins concerné(s) de compléter le dossier et de prévenir par écrit, par envoi recommandé, le patient lorsque tous les documents manquants ont retrouvé leur place dans le dossier.
§ 3. Lorsque des pièces sont manquantes, la prescription ne commence à courir qu'à la date de réception du document visé au paragraphe 2 par le patient, sans que celui-ci ait émis de contestation, par envoi recommandé, quant au caractère complet du dossier. »
Art. 4
L'article 1er, § 3, de l'arrêté royal du 3 mai 1999 déterminant les conditions générales minimales auxquelles le dossier médical visé à l'article 15 de la loi sur les hôpitaux, coordonnée le 7 août 1987, est abrogé.
10 novembre 2011.
Cécile THIBAUT. | |
Mieke VOGELS. | |
Zakia KHATTABI. | |
Claudia NIESSEN. |