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Mme Marie Arena (PS). - Le diplomate marocain Youssef Amrani a été nommé, récemment, secrétaire général de l'Union pour la Méditerranée (UPM). D'après la presse, la candidature de M. Amrani, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères marocain, était soutenue par la France et l'ensemble des pays du Sud, membres de l'UPM. Pour rappel, l'UPM est sans secrétaire général depuis la démission, en janvier, du Jordanien M. Ahmad Masa'deh.
« Nous comptons sur M. Amrani pour mettre en oeuvre des projets de coopération à même d'accompagner les réformes et les mouvements à l'oeuvre au sud de la Méditerranée. Les domaines ciblés en priorité sont ceux de l'aide aux PME, la promotion du secteur de l'énergie propre, la mobilité des jeunes et des étudiants, le projet d'Office méditerranéen de la Jeunesse, etc. », a souligné M. Juppé, lors de cette nomination. J'ai quelques questions à propos de cette nomination.
La France plaide en faveur d'une plus grande présence de l'Europe dans l'UPM pour bénéficier de financements de l'Union. M. Juppé souhaiterait même que Mme Catherine Ashton soit désignée pour la co-présidence de l'UPM, assumée actuellement par la France.
Cet appel semble avoir été partiellement entendu puisque le Conseil européen du 20 juin dernier a salué la nomination de M. Amrani et affirmé que l'UPM devrait être améliorée afin de construire une coopération régionale efficace et orientée sur les résultats par la voie de projets concrets. Il n'y a donc pas eu de réponse précise sur la question de l'intégration de Mme Ashton dans la direction de l'UPM.
Quelle a été la position de la Belgique sur la nomination de M. Amrani ? Ne trouvez-vous pas qu'il s'agit d'une nomination inopportune puisque une partie de la population marocaine manifeste encore et toujours son mécontentement ? Le Maroc n'est manifestement pas le pays du sud de la Méditerranée le plus engagé dans des réformes démocratiques.
L'UPM a souvent été décrite comme moribonde. Quelle est la position de la Belgique sur la relance évoquée par M. Juppé, sur une co-présidence de Mme Ashton et sur les ponts à lancer avec la politique extérieure de l'Union européenne ?
Comment la Belgique va-t-elle être impliquée dans l'élaboration des priorités à venir et quelles vont être celles-ci ?
Qu'en est-il actuellement de la co-présidence précédemment occupée par M. Moubarak, lequel a été chassé du pouvoir dans son pays qui ne voulait plus de la dictature ?
Avez-vous plus de précisions sur le projet de mobilité des étudiants qui serait une espèce d'Erasmus méditerranéen ?
Avez-vous plus d'informations sur le projet d'Office méditerranéen de la Jeunesse ?
Quel lien pourrons-nous établir entre l'UPM et la politique de voisinage qui est en discussion au sein de l'UE ?
M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Six questions, six réponses.
La nomination du secrétaire général Amrani relève d'une décision souveraine des États du sud de la Méditerranée en vertu de l'accord passé, lors de la conférence ministérielle de Marseille en 2008, sur la répartition entre le siège du secrétariat installé en Espagne et le poste de secrétaire général revenant aux pays du Sud.
Quant à l'opportunité du choix, le profil de M. Armani me semble adéquat par rapport aux missions. Son expérience de secrétaire général du ministère des Affaires étrangères marocain nous garantit qu'il possède le crédit et la compétence nécessaires pour faire du secrétariat un interlocuteur crédible dans la coopération euroméditerranéenne. Sa vision de l'Union pour la Méditerranée est proche de celle de l'Union européenne et de la Belgique qui souhaitent en faire un espace de coopération basée sur des projets concrets. La nationalité marocaine du secrétaire général ne me paraît pas un problème puisqu'elle est celle d'un pays qui s'est engagé depuis un certain temps déjà dans un processus de réforme et qui se positionne comme un fervent partisan de liens renforcés avec l'Union européenne.
La Belgique a toujours voulu qu'il y ait un cadre pour la coopération euroméditerranéenne. Un tel cadre suppose que l'UPM agisse en bonne intelligence avec la politique extérieure de l'UE, notamment avec sa politique de voisinage. Il s'agit d'éviter de gaspiller nos moyens techniques, financiers ou humains dans des duplications coûteuses et inutiles. Une co-présidence européenne attribuée à la haute représentante Mme Ashton en serait un signe positif. Lors de notre présidence de l'Union européenne au second semestre de 2010, j'ai déjà clairement annoncé cette position à certains de mes collègues.
Les priorités fixées au Sommet de Paris du 13 juillet 2008, même si elles peuvent être adaptées en fonction du printemps arabe, sont toujours pertinentes pour relever les défis économiques de la région. Je pense notamment au développement de PME dans le sud de la Méditerranée, au plan solaire et au développement de synergies et d'échanges dans l'enseignement supérieur.
La co-présidence du Sud est occupée par le gouvernement intérimaire égyptien jusqu'à ce qu'un accord entre les pays du Sud se fasse sur le remplacement. L'Égypte a déjà fait savoir à plusieurs reprises qu'elle voulait céder la place. Sans interférer dans le choix de nos partenaires du Sud, je souhaite que ce processus débouche sur une décision qui soit en phase avec l'esprit du printemps arabe.
La mobilité des étudiants et le programme Erasmus Mundus dépendent de la politique européenne de voisinage. C'est dans ce cadre que nous devons travailler avec nos partenaires à la création d'un espace renforcé d'échange et de contact notamment entre étudiants des deux rives de la Méditerranée. Un dialogue pour la mobilité, la sécurité et la migration vient d'être ouvert en septembre entre l'UE, le Maroc, la Tunisie, l'Égypte et la Jordanie pour renforcer ces liens.
L'Office méditerranéen de la Jeunesse ne fait pas partie de l'UPM, ni de la politique européenne de voisinage, il s'agit d'une initiative de seize pays méditerranéens. Sans juger la pertinence de ses objectifs ni la qualité de son fonctionnement, je plaide pour que la coopération dans cette région, quel que soit le domaine envisagé, tende à la cohérence et à l'efficacité. Le risque de doublet avec d'autres programmes, notamment européens, doit être évité.
Mme Marie Arena (PS). - Je suis particulièrement inquiète parce que, dans votre réponse, vous ne me semblez pas prendre en considération les changements qui ont eu lieu dans le pourtour de la Méditerranée. L'UPM, qui fait déjà partie du processus de Lisbonne et qui existe donc depuis plusieurs années, a montré son incapacité à fonctionner correctement. Il n'y a pas eu d'évaluation et il n'y a pas de nouvelles perspectives pour l'UPM. Je pense qu'il faut examiner attentivement le fonctionnement de l'UPM et veiller à le transformer.
Par ailleurs, il était important non pas d'imposer quelqu'un d'autre à la tête de l'UPM, ce n'est du reste pas du ressort des pays du Nord mais, dans le contexte des révolutions arabes, d'apporter du changement à la direction de l'UPM. Je ne pense pas que le choix d'un Marocain comme secrétaire général soit la bonne solution. Peut-être que la Belgique et surtout la France, qui est davantage investie politiquement dans l'UPM puisque celle-ci a été fondée à l'initiative de M. Sarkozy, n'ont pas vraiment insisté pour qu'il en soit autrement.
M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Le « pourquoi l'Union pour la Méditerranée n'a pas fonctionné jusqu'à présent » est un excellent sujet de débat. Il y a un certain nombre de raisons politiques et géopolitiques qui ont joué de manière bien plus importante que l'identité du secrétaire général. J'ai répondu à vos questions. Vous me reprochez de ne pas toucher aux problèmes de fonctionnement de cette organisation, fonctionnement qui n'a pas correspondu à nos ambitions. Nous pourrions y consacrer un échange de vues qui irait au-delà de la désignation des secrétaire général et présidents de l'UPM.
Mme Marie Arena (PS). - Je suis cent pour cent d'accord avec vous. La question ne se limitait pas à la présidence. Le choix d'une présidence est un geste symbolique. Une évaluation du fonctionnement aurait été une action intéressante surtout dans le contexte géopolitique actuel, y compris par rapport au conflit israélo-palestinien.
M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Pour vous rassurer, madame, sachez qu'au niveau politique, dans nos échanges bilatéraux, l'amélioration du fonctionnement de l'Union pour la Méditerranée fait partie de manière renforcée de notre agenda depuis le printemps arabe. Ne croyez pas que nous ne prenions pas au sérieux le besoin de transformer cette organisation en instrument efficace.