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Mme Marie Arena (PS). - Le 26 juin dernier a eu lieu la quatorzième Journée internationale des Nations unies pour le soutien aux victimes de la torture. La question que je vous avais adressée alors n'a pu être traitée, mais ce sujet reste malheureusement d'actualité.
Selon la définition donnée par la Convention des Nations unies contre la torture, on appelle « torture » tout acte par lequel une douleur ou des souffrances aiguës, physiques ou mentales, sont intentionnellement infligées à une personne aux fins notamment d'obtenir des renseignements ou des « aveux », de la punir d'un acte, de l'intimider ou de faire pression sur elle. Ce terme s'applique dès lors aux formes de mauvais traitements particulièrement graves et intentionnels.
Plus de 140 pays ont signé la Convention des Nations unies contre la torture. Cependant, d'après les textes, celle-ci s'applique à tous les États, qu'ils soient ou non partie aux traités internationaux formulant l'interdiction. Par ailleurs, cette interdiction s'impose en toutes circonstances, sans aucune exception, et ne peut en aucun cas être suspendue, même en temps de guerre ou de danger public exceptionnel. Cette prohibition est clairement définie dans l'ensemble du droit relatif aux droits humains. Le droit international humanitaire, applicable lors des conflits armés, interdit également en toutes circonstances la torture et les autres mauvais traitements. Les États ont donc reconnu que de tels agissements devaient être proscrits, même en temps de guerre, et même si un avantage militaire pouvait en être tiré. Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, dont les dispositions s'appliquent aux crimes les plus graves relevant du droit international, interdit totalement la torture et les autres mauvais traitements, en tant que crimes contre l'humanité et crimes de guerre.
La torture et les autres mauvais traitements étant toujours et partout condamnables, tous les États doivent dénoncer publiquement ces actes dans les termes les plus fermes et prendre des mesures concrètes afin qu'ils ne surviennent jamais sur leur territoire ou dans d'autres pays. En outre, les autorités doivent traduire en justice, dans le cadre de procès équitables, ceux qui sont soupçonnés d'avoir perpétré des actes de torture.
Pour lutter contre ce fléau, la Communauté internationale dispose notamment de textes légaux comme la Convention des Nations unies, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
En outre, ces dernières années, Amnesty International mais aussi d'autres ONG défendant les droits de l'homme ont dénoncé le fait que les autorités américaines, comme celles de différents États ayant eu recours à la torture et à d'autres mauvais traitements, ont cherché à se soustraire à cette interdiction en proposant des définitions très restrictives de la torture. Les autorités précitées ont ainsi décrit certaines formes de mauvais traitements comme étant des techniques de « pression et de contrainte » et ont affirmé que certains types de traitement n'étaient pas forcément illégaux et pouvaient se justifier par la nécessité militaire ou la légitime défense. Or, pour Amnesty, ni l'un ni l'autre de ces principes juridiques ne saurait justifier l'utilisation de la torture ou d'autres mauvais traitements, quelle que soit la situation.
Monsieur le ministre, quels sont les États qui n'ont pas encore ratifié la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et la Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées ?
Que peut faire notre pays pour inciter ces pays à ratifier ces textes ? Nous avons voté tout à l'heure des accords de partenariat et nous concluons régulièrement des accords de libre-échange. Ne pourrions-nous pas, à cette occasion, inciter les pays partenaires à lutter contre la torture ?
Quelle est la contribution de la Belgique au Fonds de contributions volontaires des Nations unies pour les victimes de la torture ? Quel type de projets sont soutenus par ce fonds ?
Faut-il craindre que la redéfinition de la torture voulue par certains dirigeants, notamment aux États-Unis, puisse aboutir ?
Enfin, Amnesty dénonce la fabrication en Europe de matériel de torture, notamment des « poucettes » - ce sont des chaînettes qui attachent les pouces de certains prisonniers - ou de produits servant, aux États-Unis, aux exécutions capitales par injection létale. Avez-vous des informations à ce sujet ? Quels sont les pays concernés par la fabrication de ces produits ? La Belgique en fait-elle partie ?
M. Steven Vanackere, vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles. - Ce sujet est important pour la diplomatie belge.
Je tiens à votre disposition une liste des pays qui ont souscrit aux conventions concernées.
La Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a été ratifiée par 149 États ; elle a été signée par 78 pays.
Le Protocole facultatif à la Convention contre la torture a été ratifié par 61 pays et signé par 71 États. Dans certains cas, en effet, seule la signature a eu lieu.
La Convention pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées a été ratifiée par 30 États et signée par 90 pays.
Nous incitons régulièrement les pays qui ne l'ont pas encore fait à signer ou ratifier ces conventions, tant lors de nos contacts bilatéraux que lors du passage de leur examen périodique universel au Conseil des droits de l'homme à Genève.
Cette question est également une priorité pour l'Union européenne dont les États membres co-parrainent traditionnellement tant la Résolution sur la torture adoptée à l'Assemblée générale de l'ONU que celle prise au Conseil des droits de l'homme.
En réponse à votre question, je signale que la Belgique verse annuellement une somme au Fonds de contribution volontaire des Nations unies pour les victimes de la torture. Pour la période 2010-2011, cette contribution s'élève à 200 000 euros. Le fonds apporte une aide financière à des organisations non gouvernementales qui offrent une assistance humanitaire, psychologique, médicale, sociale, juridique et économique aux victimes de la torture et aux membres de leur famille.
Le recours à la torture et aux traitements inhumains ou dégradants viole l'essence même de la dignité humaine. Il s'agit d'une des violations les plus sévères des droits de l'homme. L'interdiction de la torture est dès lors un droit de l'homme absolu. La Belgique est attachée à la définition stricte de la torture comme édictée à l'article 1er de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Nous resterons attentifs à ce qu'il ne soit pas dérogé à cette définition.
Je ne dispose pas d'informations spécifiques sur la fabrication en Europe de matériel de torture. Pour ce qui relève spécifiquement de l'exportation de produits pour réaliser les injections létales, je fais référence à une réponse précédente portant sur le même sujet. Depuis l'année dernière, plusieurs États des États-Unis font face à une pénurie de thiopental sodique, un produit anesthésiant utilisé dans un mélange de trois médicaments pour l'exécution capitale par injection.
Dans le cadre de la lutte contre la peine capitale et la torture, il existe un Règlement de l'Union Européenne de 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d'être utilisés pour la peine capitale, la torture ou autres traitements cruels, inhumains ou dégradants. En raison de la pénurie évoquée, plusieurs pays de l'Union Européenne, dont la Belgique, ont demandé à la Commission européenne d'adapter le Règlement. La procédure d'adaptation est en cours.