5-1367/1

5-1367/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

28 NOVEMBRE 2011


Proposition de résolution relative à l'instauration d'une liaison systématique entre, d'une part, les données concernant la possession d'un véhicule de la classe de prix supérieure et, d'autre part, les revenus déclarés

(Déposée par M. Filip Dewinter et Mme Anke Van dermeersch)


DÉVELOPPEMENTS


Lancé en 2004, le projet de Banque-Carrefour des véhicules a débouché sur l'adoption de la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules (publiée au Moniteur belge du 28 juin 2010). Cette base de données, qui doit répertorier non seulement toutes les données relatives au véhicule mais aussi des informations sur le propriétaire du véhicule, poursuit un double objectif. Elle doit, d'une part, garantir la traçabilité des véhicules depuis leur importation jusqu'à leur destruction et, d'autre part, permettre d'identifier à tout moment leur propriétaire. La loi mentionne vingt-neuf objectifs visés, notamment en matière pénale et fiscale, par l'enregistrement des données en question: faciliter la recherche et la poursuite pénale des infractions; faciliter la perception des taxes liées à l'acquisition, l'immatriculation et la mise en circulation d'un véhicule; faciliter l'exécution des missions de la police de la circulation routière et de la sécurité routière.

Il est donc évident qu'un certain nombre de services peuvent avoir accès aux informations de cette Banque-Carrefour à constituer, moyennant ou non une autorisation préalable de la Commission de la protection de la vie privée. En outre, l'échange de données entre les différents services sera dès lors non seulement simplifié, mais aussi plus fiable et plus efficace. Actuellement, les autorités ne sont toujours pas en mesure de fournir des données sur les véhicules non assurés. La Banque-Carrefour des véhicules devrait donc permettre de faire un énorme pas en avant, en particulier si l'on tient compte des bénéfices plus larges mentionnés dans l'exposé des motifs du projet de loi, à savoir, entre autres, la lutte contre la fraude kilométrique, contre la criminalité automobile et contre la fraude fiscale.

Sur le plan fiscal, la Banque-Carrefour permettra notamment à l'administration fiscale d'obtenir et de recouper beaucoup plus facilement des données relatives aux spécifications techniques du véhicule du contribuable, dans le cadre, par exemple, de la fiscalité relative aux émissions de CO2, des voitures de société, etc.

Cependant, on attend toujours l'arrêté royal qui doit porter exécution de la loi du 19 mai 2010 et rendre la Banque-Carrefour opérationnelle. Il serait bon que cette base de données, en étant couplée aux données de l'administration fiscale, permette aussi de sonder un phénomène de société, à savoir le fait que bon nombre de jeunes veulent conduire une voiture chère pour impressionner leur entourage. Pour pouvoir accéder à un tel symbole de statut social, que leurs revenus ne leur permettent pas de s'offrir, certains n'hésitent pas à se lancer dans la criminalité. Afin de décourager ces comportements, il devrait également être possible de repérer plus facilement les personnes pour lesquelles il est pratiquement impossible, vu leur âge, leur histoire personnelle ou leurs conditions de vie, de s'offrir une telle voiture. Cela n'est pas du tout irréaliste, puisque l'administration fiscale dispose déjà, à l'heure actuelle, de la possibilité d'agir en ce sens: si certains comportements ou activités d'un contribuable indiquent une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, l'administration des contributions peut déduire de cette présomption (basée sur des signes et indices) que le contribuable ne déclare pas tous ses revenus. Si ces présomptions sont ensuite confirmées, le fisc pourra appliquer une taxation indiciaire, calculée sur la base de la différence entre les revenus et les dépenses exposées. Dans la pratique, cette taxation est principalement appliquée aux indépendants. Si elle épargne les particuliers, c'est généralement parce que l'administration ne dispose pas, pour ces derniers, de suffisamment de données pour pouvoir vérifier les dépenses anormalement élevées.

Il ressort de la réponse donnée par le vice-premier ministre et ministre des Finances Didier Reynders à une question écrite posée au Sénat (question nº 5-2877 du 27 juillet 2011) qu'il n'existe pas de liaison automatique entre les données de l'impôt des personnes physiques et l'actuelle base de données de la direction pour l'immatriculation des véhicules (DIV). Les agents responsables de l'impôt des personnes physiques peuvent certes consulter les données chargées mensuellement dans la base de données relative à la taxe de circulation, mais aucune liaison directe n'existe à ce jour. Seul un traitement au cas par cas est dès lors possible.

C'est pourquoi les auteurs de la présente proposition souhaitent que la liaison entre la base de données de la DIV et les données de l'impôt des personnes physiques soit automatisée, de sorte que le système informatique puisse détecter et signaler les anomalies qui ressortent du croisement des données (en l'occurrence, la possession d'une voiture hors de prix combinée à la perception d'un faible revenu).

Concrètement, les données relatives aux revenus déclarés inférieurs à un certain seuil devraient être liées aux données de la Banque-Carrefour des véhicules qui doit être créée. L'article 8 de la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules dispose en effet que cette base de données tient à jour le répertoire matricule des véhicules. Ce fichier informatisé est actuellement géré par la direction générale de la Mobilité et de la Sécurité routière du Service public fédéral Mobilité et Transports, et contient de nombreuses données sur le véhicule: la catégorie du véhicule, le type et la couleur de la carrosserie, le nombre d'essieux, l'empattement, le type de carburant, la vitesse maximale, la cylindrée, la puissance nette maximale (en kW), etc. En outre, il mentionne le nom, l'adresse ou, dans le cas d'une procédure en cours en vue de l'obtention d'un permis de séjour, la résidence provisoire du demandeur de l'immatriculation. En d'autres termes, il est parfaitement possible de croiser systématiquement les données d'un véhicule immatriculé de la classe de prix supérieure (sur la base de paramètres tels que la puissance nette maximale, le nombre de chevaux, la cylindrée et/ou le prix) avec les données relatives aux revenus déclarés du propriétaire dans le cadre de l'impôt des personnes physiques. S'il en ressort que les revenus déclarés ne sont pas en phase avec le prix d'achat effectif de la voiture, un indicateur sera activé (selon le principe du « data mining » — ou exploration des données — du SPF Finances) afin que l'anomalie détectée puisse par la suite être examinée par l'administration.

Filip DEWINTER.
Anke VAN DERMEERSCH.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. vu la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules;

B. vu l'arrêté royal, encore à paraître, d'exécution de la loi du 19 mai 2010 portant création de la Banque-Carrefour des véhicules;

C. vu les données qui figurent déjà dans le répertoire matricule des véhicules, défini dans l'arrêté royal du 20 juillet 2001 relatif à l'immatriculation des véhicules;

D. vu l'article 341 du Code des impôts sur les revenus, qui permet à l'administration fiscale de procéder, sauf preuve contraire, à l'évaluation de la base imposable d'après des signes ou indices d'où résulte une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés;

E. vu le système actuel de « data mining » du SPF Finances, qui utilise des modèles mathématiques afin d'explorer toutes les données disponibles concernant le contribuable, d'établir des liens entre elles et de les examiner;

F. vu le fait qu'il n'existe actuellement pas de liaison automatique entre les données de l'impôt des personnes physiques et la base de données de la direction de l'immatriculation des véhicules (DIV);

G. étant donné que bon nombre de personnes sont étonnamment, vu leur âge et leur patrimoine limité, propriétaires d'une voiture haut de gamme,

Demande au gouvernement:

de prévoir la possibilité d'instaurer une liaison systématique entre, d'une part, les données relatives aux revenus déclarés à l'impôt des personnes physiques et, d'autre part, les spécifications des véhicules immatriculés présentant une puissance nette maximale, une cylindrée et/ou un prix qui se démarquent de ceux des autres véhicules.

9 novembre 2011.

Filip DEWINTER.
Anke VAN DERMEERSCH.