5-1297/1

5-1297/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

9 NOVEMBRE 2011


Proposition de loi modifiant la loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires en vue d'interdire clairement la publicité relative aux interventions dentaires à visée esthétique et en vue d'adapter les peines aux normes actuelles

(Déposée par Mme Elke Sleurs et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Il convient d'actualiser la loi du 15 avril 1958 qui interdit la publicité en matière de soins dentaires. Plusieurs actions en justice intentées contre des dentistes et des non-dentistes ayant fait de la publicité pour des soins dentaires montrent clairement que la législation actuelle ne permet pas de régler et de réprimer efficacement certaines pratiques inacceptables. Des dentistes mais aussi des non-dentistes font parfois la promotion de soins dentaires à visée esthétique, allant même jusqu'à mener des actions publicitaires, ce qui n'est pas permis en principe.

Le Sénat (dossier législatif nº 5-61) et la Chambre (dossier législatif nº 53-1487) ont déjà adopté une proposition de loi relative aux actes à visée esthétique. Le législateur a choisi de limiter l'interdiction aux médecins puisqu'il existait déjà une loi interdisant la publicité en matière de soins dentaires. Il est cependant urgent de revoir cette législation car il n'est pas illusoire de penser que certains actes médicaux à visée esthétique dans la région buccale (par exemple au niveau des lèvres) pourraient être réalisés par des dentistes afin de contourner la nouvelle loi qui interdit aux médecins de faire de la publicité pour des interventions à visée esthétique. Il est vrai que pour certains traitements à visée esthétique, la ligne de démarcation entre les compétences des médecins et celles des dentistes n'est pas claire.

De plus, il n'y a actuellement pas d'ordre des dentistes. C'est pourquoi les commissions d'éthique des associations professionnelles se chargent elles-mêmes de poursuivre devant les tribunaux les auteurs d'infractions relatives à l'exercice illégal de l'art dentaire (arrêté royal du 1er juin 1934, arrêté royal du 9 novembre 1951 et arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967) et à la publicité en matière de soins dentaires (loi du 15 avril 1958).

La loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires ne mentionne pas les actes à visée esthétique (comme la pose de facettes dentaires, le blanchiment des dents, etc.) pour la bonne et simple raison que ces actes n'existaient pas encore à l'époque. Durant les procédures judiciaires, les associations professionnelles sont régulièrement confrontées à des interprétations visant à exclure du champ d'application de la législation en vigueur les infractions en matière de publicité pour des actes à visée esthétique. En énumérant ces traitements dentaires, la proposition de loi ambitionne de remédier au flou qui subsiste dans la législation actuelle. Il s'agit aussi d'éviter que certains dentistes et/ou établissements de soins dentaires à caractère commercial ne soient tentés de compenser les amendes limitées qui leur sont actuellement infligées en cas de non-respect de la loi interdisant la publicité par le bénéfice qu'ils peuvent en escompter.

Toutefois, les points déjà cités dans la législation en vigueur gardent toute leur importance. En effet, il est essentiel d'interdire à tous les intéressés, dentistes praticiens ou non, d'attirer le client. Il faut aussi que le législateur érige en permanence des barrières pour que les dentistes ne puissent plus échapper à l'application rigoureuse de la loi au prétexte qu'ils ne pratiquent pas eux-mêmes les activités illicites.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article remplace l'article 1er de la loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires. L'article contient notamment les diverses définitions de la notion de publicité. Il s'inspire pour ce faire de la définition formulée dans une proposition de loi déjà adoptée en ce qui concerne les médecins (cf.supra) et ajoute à la présente loi les actes dentaires à visée esthétique. L'article précise également quel type d'information peut être communiqué et quel type ne peut pas l'être (information personnelle, trompeuse ou comparative).

Article 3

Il est inséré dans la même loi un article 1er/1 qui consacre le principe de l'interdiction de la publicité en matière de soins dentaires, sous quelque forme que ce soit. L'énumération n'est pas limitative mais simplement explicative. L'ancien article 1er de la loi est intégré à cet article.

L'interdiction de la publicité relative aux actes dentaires à visée esthétique est aussi mentionnée explicitement. Cet ajout vise à interdire la publicité pour des actes dentaires à visée esthétique et à préciser clairement ce qui est permis et ce qui ne l'est pas. La proposition de loi adoptée pour les médecins (cf.supra) a servi de texte de base.

Article 4

Cet article est rendu nécessaire par les modifications apportées à l'article 1er et à l'article 1er/1 de la loi initiale.

Article 5

Les peines encourues en cas d'infraction à la loi sont adaptées. Pour l'amende, le minimum est maintenu et le maximum est adapté conformément à ce qui a été récemment adopté pour les médecins qui enfreignent les dispositions interdisant la publicité relative aux interventions à visée esthétique.

Comme pour les médecins, cet article renforce les sanctions en prévoyant également une possibilité d'emprisonnement (qui n'est actuellement prononcé qu'en cas de récidive).

De même, cet article sanctionne désormais explicitement les contrevenants qui font de la publicité pour des actes dentaires à visée esthétique, puisqu'il fait référence à l'article 1er/1.

En outre, le tribunal peut ordonner la publication du jugement ou de son résumé aux frais du contrevenant par la voie de trois journaux ou de toute autre manière, comme cela a aussi été approuvé récemment pour les médecins. Cette possibilité doit permettre de dissuader davantage les candidats à de telles pratiques. Le but poursuivi est en effet de disposer d'un arsenal juridique plus large pour contrer ces pratiques.

Cet article offre également la possibilité d'infliger une amende administrative, par analogie avec ce que prévoit la loi interdisant aux médecins de faire de la publicité pour des interventions à visée esthétique.

Article 6

Cet article procède à des adaptations techniques qui découlent des modifications apportées aux articles précédents (articles 1er/1 et 3 adaptés de la loi initiale).

De même, il n'est plus fait référence à la loi du 12 mars 1818 réglant tout ce qui est relatif à l'exercice des différentes branches de l'art de guérir, qui a été abrogée, mais à l'article 38, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, qui la remplace et qui énonce les peines applicables. Il est toutefois fait référence aux peines visées à l'article 3, modifié, de la loi initiale pour les personnes qui ne sont pas habilitées à exercer l'art dentaire. Le maximum de la peine est appliqué en raison du caractère doublement illicite du comportement, comme cela était déjà prévu dans la version précédente de la loi.

Elke SLEURS.
Dominique TILMANS.
Marleen TEMMERMAN.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 1er de la loi du 15 avril 1958 relative à la publicité en matière de soins dentaires est remplacé par ce qui suit:

« Art. 1er. Définitions:

1º publicité: toute forme de communication ou action qui vise, directement ou indirectement, à promouvoir les interventions dentaires et les actes d'esthétique dentaire, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés, y compris les émissions de téléréalité.

Sont également assimilés à de la publicité: les étalages ou enseignes, les informations trompeuses sur le caractère légal de l'activité annoncée, les prospectus, circulaires, brochures, tracts, les informations diffusées par la voie de la presse, des ondes, d'internet ou du cinéma, la promesse ou l'octroi d'avantages de toute nature tels que ristournes, transports gratuits de patients, et l'intervention de rabatteurs ou de démarcheurs;

2º information personnelle: toute forme de communication ou action qui vise, directement ou indirectement, quels que soient l'endroit, le support ou les techniques utilisés, à faire connaître le praticien ou à donner une information sur la nature de sa pratique professionnelle. Sont entre autres assimilés à de l'information personnelle: les jours et heures des consultations, le nom et le titre professionnel des dentistes et les modifications qui s'y rapportent;

3º information trompeuse: toute forme de communication ou action qui, d'une manière quelconque, y compris par sa présentation, induit en erreur les personnes auxquelles elle s'adresse ou qu'elle touche et qui, en raison de son caractère trompeur, est susceptible d'affecter leur comportement ou qui, pour ces raisons, porte préjudice ou est susceptible de porter préjudice à un praticien de l'art dentaire ou aux patients;

4º information comparative: toute forme de communication ou action qui, explicitement ou implicitement, identifie un autre praticien de l'art dentaire ou un service offert par un tel praticien;

5º actes d'esthétique dentaire: tout acte posé par un praticien de l'art dentaire visé à l'article 3 de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions de soins de santé, visant à modifier l'apparence corporelle d'une personne, à sa demande, pour des raisons esthétiques, sans but thérapeutique ni reconstructeur;

6º émission de téléréalité: genre télévisuel dont le principe est de suivre, le plus souvent sur le mode du feuilleton, la vie quotidienne d'anonymes ou de célébrités. »

Art. 3

Il est inséré dans la même loi un article 1er/1 rédigé comme suit:

« Art. 1er/1. Nul ne peut se livrer directement ou indirectement à quelque publicité que ce soit en vue de soigner ou de faire soigner par une personne qualifiée ou non, en Belgique ou à l'étranger, les affections, lésions ou anomalies de la bouche et des dents.

La publicité relative aux actes d'esthétique dentaire est interdite. L'information personnelle, y compris au sujet d'actes d'esthétique dentaire, est autorisée dans le respect des conditions prévues par le présent article. L'information personnelle doit être conforme à la réalité, objective, pertinente, vérifiable, discrète et claire. Cette information ne peut pas être trompeuse ni comparative, et ne peut pas utiliser d'arguments financiers. Les résultats d'examens et de traitements, tels que notamment les photographies prises antérieurement et postérieurement à un acte d'esthétique dentaire, ainsi que le témoignage de patients, ne peuvent pas être utilisés dans le cadre de l'information personnelle.

L'information personnelle contient toujours la mention du titre professionnel particulier dont dispose le praticien en vertu de l'article 35ter de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé, obtenu conformément aux articles 35quater et 35sexies du même arrêté royal. Lorsque l'information personnelle est réalisée par un établissement qui recourt aux services de praticiens de l'art dentaire, les noms des praticiens ainsi que les titres professionnels particuliers de chacun d'eux doivent être mentionnés.

Les dispositions de la présente loi ne portent pas préjudice à l'application de la loi du 22 août 2002 relative aux droits du patient dans la mesure où elle vise l'information portant sur des actes relevant de la présente loi. »

Art. 4

Dans l'article 2 de la même loi, les mots « à l'article 1er » sont remplacés par les mots « à l'article 1er et à l'article 1er/1 ».

Art. 5

L'article 3 de la même loi, modifié par la loi du 26 juin 2000, est remplacé par ce qui suit:

« Art. 3. Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un mois et d'une amende de 500 euros à 10 000 euros ou d'une de ces peines seulement, celui qui commet une infraction visée aux articles 1er/1 et 2. En outre, le tribunal peut ordonner la publication du jugement ou de son résumé aux frais du contrevenant par la voie de trois journaux et de toute autre manière. En cas de concours de deux ou plusieurs infractions à ces dispositions, les amendes seront cumulées sans qu'elles puissent toutefois excéder le double du maximum prévu ci-dessus.

En cas de récidive dans les deux ans de la dernière condamnation du chef d'infraction aux articles visés, l'amende sera doublée, de même que l'emprisonnement, dont la durée variera de seize jours à deux mois. Si le contrevenant est une personne habilitée à exercer l'art dentaire, le juge prononcera en outre l'interdiction de pratiquer pendant une période d'un mois à deux mois. En cas de récidive dans les deux ans, cette durée sera portée à une période de trois mois à six mois.

Sans préjudice des dispositions pénales prévues par le présent article, le fonctionnaire désigné à cette fin par le Roi au sein du service public fédéral Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement peut infliger une amende administrative à celui qui enfreint l'article 1er/1 de la présente loi. »

Art. 6

Dans l'article 5 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées:

1º les mots « à l'article 1er » sont remplacés par les mots « à l'article 1er/1 »;

2º les mots « les peines fixées par l'article 18e la loi du 12 mars 1818 réglant tout ce qui est relatif à l'exercice des différentes branches de l'art de guérir » sont remplacés par les mots « les peines fixées par l'article 38, § 1er, de l'arrêté royal nº 78 du 10 novembre 1967 relatif à l'exercice des professions des soins de santé ».

Art. 7

Dans l'article 6 de la même loi, les mots « à l'article 1er » sont remplacés par les mots « à l'article 1er/1 ».

Art. 8

La présente loi entre en vigueur à une date à déterminer par le Roi et au plus tard six mois après sa publication au Moniteur belge.

11 octobre 2011.

Elke SLEURS.
Dominique TILMANS.
Marleen TEMMERMAN.