5-1344/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2011-2012

22 NOVEMBRE 2011


Proposition de résolution relative au désarmement et à la non-prolifération nucléaires et à la revue de posture de défense et de dissuation (« Defence and Deterrence Posture Review ») au sein de l'OTAN

(Déposée par Mme Marleen Temmerman et M. Bert Anciaux)


DÉVELOPPEMENTS


L'année 2010 a été une année importante pour le désarmement nucléaire en raison, notamment, de la tenue de la conférence d'évaluation du traité de non-prolifération (TNP). Il semble aujourd'hui opportun d'évaluer les avancées réalisées et d'examiner de quelle manière il sera possible d'engranger d'autres résultats. En outre, après l'adoption du nouveau concept stratégique de l'OTAN en novembre 2010, la revue de posture de défense et de dissuasion (Deterrence and Defense Posture Review — D&DPR) a été lancée. Au prochain sommet de l'OTAN en mai 2012, le résultat de celle-ci devra être approuvé. L'OTAN est donc, elle aussi, placée devant des choix fondamentaux. Nous entendons également formuler une série de propositions en la matière.

A. La perspective politique d'un monde dénucléarisé

En publiant leur éditorial dans le Wall Street Journal du 4 janvier 2007, les anciens hommes d'État Kissinger, Shultz, Nunn et Perry ont relancé la discussion sur le désarmement nucléaire. Ces anciens architectes de la Guerre froide et de la dissuasion nucléaire ont pris conscience que dans un monde où la technologie nucléaire était devenue beaucoup plus accessible, leur doctrine de la dissuasion nucléaire ne fonctionne plus et que les armes nucléaires n'apportent plus aucune stabilité. Au contraire, la prolifération des armes nucléaires génère précisément une plus grande instabilité et la meilleure solution pour lutter contre cette prolifération consiste à démanteler de manière contrôlée les arsenaux nucléaires, plutôt que de continuer à compter sur la dissuasion nucléaire.

Avec l'élection du président Obama, ce thème est également devenu une option politique. La perspective réalisable d'un monde dénucléarisé est dès lors devenue un sujet de débat. Depuis lors, d'autres éditoriaux soutenant cette vision, signés par d'anciens chefs de gouvernement et ministres comme Willy Claes, Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt et Louis Michel en Belgique, ont été publiés dans différents pays européens.

Tous les signataires du traité de non-prolifération (TNP) se sont déjà engagés, dans l'article 6 dudit traité, à mener des négociations à cet effet et à les faire aboutir. À titre d'objectif final éventuel, le Costa Rica a déjà déposé une projet de traité sur les armes nucléaires interdisant l'utilisation, la possession, le développement et les essais d'armes nucléaires.

L'International Commission on Nuclear Non-Proliferation and Disarmament (ICNND), sous la présidence des anciens ministres des Affaires étrangères d'Australie, Gareth Evans, et du Japon, Yoriko Kawaguchi, a établi un calendrier réaliste en vue de parvenir à un monde dénucléarisé en plusieurs étapes. Elle propose de travailler en deux phases.

Dans une première phase de limitation, le but est de réduire le rôle des armes nucléaires et de les faire passer au second plan, et ce, en poursuivant les objectifs suivants d'ici 2025:

— réduire l'arsenal nucléaire total dans le monde à 2 000 et celui des États-Unis et de la Russie à 500 chacun. Cette mesure doit concerner toutes les armes nucléaires, tant les armes opérationnelles que les armes mises en réserve;

— les États dotés de l'arme nucléaire doivent adopter une politique de no first use. À court terme, le rôle des armes nucléaires doit se limiter à dissuader d'autres États d'utiliser des armes nucléaires, et il convient de fournir des garanties négatives claires en matière de sécurité aux États non dotés de l'arme nucléaire;

— le déploiement effectif des armes nucléaires doit refléter cette politique de no first use et la rendre transparente. Le temps de réaction pour le lancement d'armes nucléaires doit être augmenté, afin d'éviter une escalade rapide et un lancement accidentel.

Dans une deuxième phase d'élimination, tous les États dotés de l'arme nucléaire doivent être associés à un processus de négociation multilatéral en vue de parvenir à un désarmement nucléaire complet et vérifié.

Ces propositions vont dans le même sens que le plan en cinq points du secrétaire général des Nations unies Ban Ki Moon, qui propose aussi d'entamer des négociations en vue de la conclusion d'un traité sur les armes nucléaires, éventuellement scindé en plusieurs instruments conventionnels se renforçant mutuellement. La déclaration finale de la conférence d'évaluation du traité de non-prolifération qui s'est tenue en 2010 soutient l'exercice d'un rôle actif par le secrétaire général des Nations unies afin de prendre des initiatives promouvant le désarmement nucléaire.

Pour les États dotés de l'arme nucléaire, le désarmement nucléaire constitue une mission importante. En vue de parvenir, in fine, à un monde dénucléarisé, ils doivent réduire leur arsenal nucléaire et limiter le rôle des armes nucléaires dans leurs stratégies militaires.

Mais ce n'est pas seulement leur tâche. La Belgique peut, elle aussi, jouer un rôle en donnant forme, dans la pratique, au processus de désarmement et en en créant les conditions. En tant que membre d'une alliance militaire qui attribue un rôle aux armes nucléaires dans sa stratégie militaire et assume des tâches nucléaires au sein de cette alliance, elle la responsabilité d'inscrire le désarmement nucléaire à l'ordre du jour au sein de l'OTAN. La Belgique peut également contribuer à donner forme au débat et prendre des initiatives en vue du désarmement nucléaire au sein de l'Union européenne, qui compte deux États dotés de l'arme nucléaire parmi ses membres, ainsi qu'au sein de l'ONU. Dans le passé, la Belgique a soutenu plusieurs initiatives en la matière. Nous plaidons toutefois pour que notre pays joue un rôle plus actif sur la scène internationale.

B. 2010: un résultat mitigé

L'année écoulée a connu quelques réalisations importantes en matière de désarmement nucléaire, mais des résistances qui freinent le désarmement nucléaire sont également apparues.

La conférence d'évaluation du TNP qui s'est déroulée en mai 2010 a enregistré des résultats, certes modestes, et a approuvé un document consensuel. Ainsi:

— le secrétaire général des Nations unies s'est vu accorder une plus grande marge de manœuvre pour prendre des initiatives en matière de désarmement nucléaire;

— l'intérêt légitime des pays non dotés de l'arme nucléaire a été également reconnu dans le cadre de la limitation de la modernisation des armes nucléaires par les pays dotés de l'arme nucléaire;

— les pays dotés de l'arme nucléaire ont promis de consentir des efforts supplémentaires afin de limiter et, finalement, d'éliminer tous les types d'armes nucléaires, déployés ou non, par le biais de mesures unilatérales, bilatérales, régionales et multilatérales;

— tous les États membres ont été invités à conclure des conventions portant sur des contrôles approfondis de leurs installations nucléaires par l'AIEA.

Le nouveau traité START conclu entre les États-Unis et la Russie constitue une étape positive et remet le contrôle des armements assorti de la nécessaire vérification sur la bonne voie après les années Bush. Ce n'est cependant qu'une étape sur le long chemin qui reste à parcourir pour parvenir au désarmement nucléaire. Tout d'abord, même s'ils respectent les dispositions du traité, aussi bien les USA que la Fédération russe posséderont toujours un arsenal important d'armes nucléaires. START porte aussi exclusivement sur les armes nucléaires stratégiques. Les armes nucléaires tactiques, qui sont notamment stationnées à Kleine Brogel, ne font jusqu'ici l'objet d'aucune négociation bilatérale sur le désarmement nucléaire. Surtout parce que les États membres européens ne donnent pas vraiment un signal clair à cet égard, bien que cette étude (1) montre qu'une majorité est partisane d'un retrait des armes nucléaires tactiques du sol européen.

Le nouveau concept stratégique de l'OTAN a été adopté en novembre 2010. Le gouvernement allemand a déjà pris précédemment l'initiative de remettre en cause au sein de l'OTAN le maintien du stationnement des armes nucléaires tactiques. Dans le cadre du Concept stratégique, cela a abouti à une réduction de l'importance des armes nucléaires tactiques, mais c'est l'arsenal nucléaire russe qui sert d'élément d'appréciation en vue de futures réductions. Et ce, alors que le Concept stratégique qualifie d'extrêmement éloignées les circonstances dans lesquelles l'utilisation d'armes nucléaires serait envisagée. Même si notre pays a souscrit à un certain nombre de propositions visant à inscrire le désarmement à l'ordre du jour, on ne peut parler d'un véritable rôle de pionnier. Or nous avons prouvé dans le cadre de dossiers internationaux précédents que nous pouvions engranger des résultats effectifs en assumant un tel rôle.

Il est également frappant de constater qu'alors que la Nuclear Posture Review américaine garantit aux États non dotés d'armes nucléaires ayant signé et respectant le traité de non-prolifération que des armes nucléaire ne seront jamais utilisées contre eux, l'OTAN ne fait pas de même. L'OTAN dans son ensemble reste donc davantage fidèle aux recettes de défense nucléaire de la Guerre froide que les États-Unis. La discussion au sein de l'OTAN a montré que les réticences à l'égard d'un retrait des armes nucléaires tactiques ne se rencontraient pas tant aux États-Unis qu'en Europe même, en particulier en France, dans les (certains) États baltes et au sein de l'administration de l'OTAN.

Le déploiement des armes nucléaires tactiques n'a plus grand-chose à voir avec leur utilité militaire ou leur utilisation dans le cadre de la défense. En aucun cas, elles ne contribuent à la sécurité, mais elles poursuivent un but politique: elles servent de monnaie échange dans les négociations avec la Russie, mais aussi dans la politique interne de l'OTAN, en tant que symbole de l'engagement de l'OTAN vis-à-vis des États baltes, en tant que soutien symbolique de la politique nucléaire française ou en tant que garantie du prestige d'une partie de la bureaucratie de l'OTAN.

La question se pose de savoir si ces objectifs politiques ne seraient pas mieux servis d'une autre manière, et si ces intérêts constituent bien une bonne raison pour confier à la Belgique des tâches nucléaires au sein de l'OTAN. Enfin, on entretient de la sorte une impasse perverse: le nouveau Concept Stratégique de l'OTAN indique que « pour toute réduction future, notre objectif devrait être de tenter d'obtenir de la Russie qu'elle accepte d'accroître la transparence sur ses armes nucléaires en Europe [...] Toute nouvelle mesure devra tenir compte de la disparité entre les stocks d'armes nucléaires de courte portée, plus importants du côté russe. » Cependant, la Russie refuse d'aborder ce sujet avant que les États-Unis aient retiré toutes leurs armes nucléaires tactiques du sol européen.

La déclaration finale évoque bien une révision de la politique de défense et de dissuasion qui a donné lieu au lancement du processus D&DPR (« Defence and Deterrence Posture Review »). Le résultat final sera approuvé au cours d'un sommet de l'OTAN à Washington en mai 2012. Normalement, un rapport d'avancement sera soumis aux ministres de la Défense lors de leur rencontre début octobre. La Belgique occupe une position particulière dans ces débats en raison de la présence d'armes nucléaires tactiques américaines sur son territoire. Le processus D&DPR permet d'indiquer clairement que l'OTAN pense sérieusement à mettre en place les conditions nécessaires pour parvenir à un monde dénucléarisé.

C. Un agenda politique pour le désarmement nucléaire

L'ICNND propose dans une première phase de limiter le rôle des armes nucléaires, d'une part en ce qui concerne la doctrine militaire ou l'utilisation prévue, d'autre part au niveau des arsenaux déployés. Cela implique, dans une première phase, de limiter le rôle des armes nucléaires à la dissuasion du recours à l'arme nucléaire et de supprimer son utilisation prévue contre les armes conventionnelles.

— politique de no first use

Au sein de l'OTAN, la Belgique peut plaider en faveur d'une politique de no first use comme celle menée par la Chine, ou d'une promesse aux États non dotés d'armes nucléaires qu'aucune arme nucléaire ne sera utilisée contre eux, comme les États-Unis l'ont promis sous conditions.

Traduire une telle démarche au niveau des arsenaux nucléaires revient à supprimer les armes nucléaires tactiques. Nous distinguons plusieurs rôles dans le cadre de la dissuasion nucléaire. Il s'agit, d'une part, de la dissuasion dirigée contre une attaque nucléaire. Dans ce cas, les armes nucléaires ont un rôle de deuxième frappe, en tant que mesure de rétorsion contre cette attaque. Ce rôle s'adresse par définition uniquement aux autres États dotés de l'arme nucléaire. D'autre part, les armes nucléaires ont également un rôle de dissuasion face à une attaque conventionnelle. Dans ce cas, elles ont un rôle de première frappe et sont destinées à être utilisées pour mettre fin à une attaque conventionnelle de grande envergure. Les armes nucléaires tactiques sont des armes de première frappe de ce type. Les armes nucléaires des nouveaux États dotés de l'arme nucléaire remplissent ce rôle et c'est aussi dans l'optique de cette option que des États désirent se doter de l'arme nucléaire. C'est également pour cette raison que la Russie conserve un grand stock d'armes nucléaires tactiques.

— élimination des armes nucléaires tactiques

L'objectif final est de décider l'élimination de ces armes nucléaires tactiques par le biais de conventions sur le contrôle des armes. La question est toutefois de savoir si le déploiement permanent d'armes nucléaires tactiques par l'OTAN est la meilleure manière pour y parvenir. Tant l'OTAN que la Russie tirent prétexte de l'arsenal nucléaire de l'autre camp pour ne rien devoir changer dans leur politique en matière d'armements nucléaires. Au sein de l'OTAN, l'association de ces deux éléments constitue une rationalisation qui doit couvrir d'autres intérêts, comme ceux de la France, par exemple.

Il est difficile de croire que ces armes nucléaires, dont l'utilité militaire est unanimement mise en doute, pourraient servir de contrepoids à l'arsenal bien plus important d'armes nucléaires tactiques que la Russie possède toujours à l'heure actuelle et auquel elle assigne encore un rôle militaire (en cas d'invasion par l'OTAN).

Si l'on souhaite le démantèlement négocié de cet arsenal russe et la conclusion d'une convention sur la maîtrise des armements nucléaires non stratégiques en Europe, les négociations devront porter sur une panoplie beaucoup plus large; par exemple sur une limitation plus importante de l'ensemble des armes nucléaires, qu'elles soient stationnées ou en réserve, stratégiques ou non stratégiques. Pour de telles négociations, il n'est pas non plus nécessaire que ces armes nucléaires tactiques restent stationnées en Europe. Elles peuvent tout aussi bien servir de contrepoids qu'elles soient gardées en réserve dans le stock américain ou qu'elles soient déployées en Europe. L'Europe ne peut pas se prévaloir de l'inertie russe pour rester elle-même passive. Ce n'est pas en continuant à déployer un arsenal nucléaire dépassé que l'on incitera la Russie à négocier. En agissant ainsi, nous offrons plutôt à la Russie une excuse pour conserver le sien.

Ou comme le soulignaient Willy Claes, Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt et Louis Michel dans leur carte blanche du 19 février 2010: « Les armes nucléaires tactiques américaines en Europe ont perdu toute importance militaire. Leur intérêt politique résiduel — comme symbole du lien transatlantique — est largement insuffisant pour justifier leur présence, sachant que cette présence continue de signifier pour le reste du monde que ces armes nucléaires sont une « nécessité ». En poursuivant cette politique, nous stimulons indirectement la prolifération et nous minons la sécurité de notre pays, ce qui est contraire à nos objectifs. Nous appelons notre gouvernement à suivre l'exemple du gouvernement allemand et à plaider au sein de l'Otan pour un retrait rapide des armes nucléaires. L'idéal est que ceci se fasse en négociation avec la Russie, afin de réaliser une réduction proportionnelle des armes russes. Néanmoins, il faut parfois avoir l'audace de montrer l'exemple, dans l'espoir que d'autres s'en inspirent. »

— la multilatéralisation des négociations sur le désarmement nucléaire

En outre, il importe de ne pas limiter le désarmement nucléaire à une affaire entre les deux grandes puissances nucléaires.

La création d'une dynamique positive serait plus efficace pour inciter la Russie à renoncer quand même à ces armes nucléaires par le biais de la multilatéralisation des débats sur le désarmement. Un cadre multilatéral exercera une beaucoup plus grande pression sur la Russie afin qu'elle participe à la négociation. Il élargira les intérêts en jeu dans le cadre de ces négociations.

Cela signifie, d'une part, qu'il faut également inciter les deux puissances nucléaires européennes à prendre part aux débats sur la maîtrise des armements. Toutes deux s'accrochent aujourd'hui à leurs armes nucléaires auxquelles elles croient devoir leur statut de grande puissance. La France, surtout, adopte une attitude très conservatrice et est réticente face à la vision d'un monde dénucléarisé mise en avant par Obama. Cela a eu un effet extrêmement négatif lors de la Conférence d'évaluation du TNP, comme lors des débats sur le Concept stratégique de l'OTAN.

Cette divergence de vues ressort notamment des entretiens, dévoilés par Wikileaks, entre les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne en préparation de la Conférence d'évaluation du TNP, dans le cadre desquels la France a adopté une attitude très négative à l'égard des démarches limitées envisagées par les deux autres pays et du discours public d'Obama. Les diplomates français ont alors affirmé que les armes nucléaires faisaient partie de l'identité internationale française, qu'elles lui conféraient son statut de grande puissance et que toute déclaration portant atteinte à la légitimité du caractère dissuasif du nucléaire menaçait les intérêts stratégiques français.

On peut se demander si, au nom de la solidarité au sein de l'Union européenne ou de l'OTAN, la Belgique doit s'incliner devant une attitude aussi peu constructive. Il semble préférable que la Belgique mène une politique active visant à faire intégrer, outre les objectifs de non-prolifération, le désarmement nucléaire dans la politique de l'Union européenne relative aux armes de destruction massive. La Belgique doit par ailleurs susciter le débat au sein de l'Europe avec les deux puissances nucléaires au sujet de leur responsabilité en matière de désarmement nucléaire.

L'on pourrait par ailleurs envisager de nouveaux points de vue et de nouvelles initiatives pour concrétiser le désarmement nucléaire dans un cadre multilatéral. Une possibilité serait de proposer un traité conforme au principe de non-emploi en premier (No First Use).

Un traité conforme au principe de non-emploi en premier (No First Use) implique que tous ses signataires s'engagent à ne pas être les premiers à utiliser l'arme nucléaire. On pourrait le comparer au Protocole concernant la prohibition d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires et de moyens bactériologiques signé à Genève le 17 juin 1925. Ce protocole interdisait l'emploi d'armes chimiques, mais ne s'appliquait que tant que la réciprocité était assurée. En pratique, cette interdiction a été assez efficace, ayant même été respectée pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce protocole a en outre constitué une étape importante sur la voie de l'adoption de la Convention sur les armes chimiques, qui a abouti à une interdiction stricte, assortie du contrôle et de la destruction des stocks existants. Un traité conforme au principe de non-emploi en premier (No First Use) pourrait initier une dynamique identique et constituer une première étape sur la voie d'une convention interdisant totalement les armes nucléaires et réglant leur élimination ou, en ce qui concerne l'Europe, d'un accord de contrôle des armements relatif aux armes nucléaires tactiques. En proposant des négociations relatives à un tel traité, on réfute également les objections éventuelles à l'encontre du caractère unilatéral d'une politique de non-emploi en premier.

Le résultat provisoire relativement positif ne doit pas nous inciter à nous reposer sur nos lauriers mais ne constitue, au contraire, qu'un pas dans la bonne direction. Notre pays peut jouer un rôle de pionnier à cet égard, surtout en raison de notre position particulière dans les débats.

Marleen TEMMERMAN.
Bert ANCIAUX.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat demande au gouvernement fédéral:

1. de consentir tous les efforts pour maintenir le traité sur la non-prolifération et pour en assurer le respect dans tous ses aspects;

2. de jouer un rôle de pionnier dans la mise en œuvre de l'article 6 du traité de non-prolifération, qui vise à parvenir à un monde dénucléarisé;

3. d'établir un plan d'action en faveur du désarmement nucléaire et de la non-prolifération, concernant les efforts à fournir dans les divers forums internationaux;

4. de veiller à ce que les initiatives en faveur de la non-prolifération comprennent également une composante clairement consacrée au désarmement;

5. de se fixer pour objectif à court terme de limiter le rôle des armes nucléaires, en ce sens que ces armes doivent uniquement servir à décourager l'utilisation d'armes nucléaires;

6. de veiller à ce que, conformément aux accords conclus lors de la conférence d'évaluation du traité sur la non-prolifération de 1995, 2000 et 2010, des mesures pratiques soient envisagées en faveur du désarmement nucléaire au sein de l'OTAN et de l'Union européenne;

7. de faire examiner par l'OTAN, dans le cadre de la Deterrence and Defence Posture review, des initiatives concernant:

a) la révision des doctrines stratégiques concernant les armes nucléaires et le souci de faire en sorte que ces armes aient pour seul rôle de décourager l'utilisation d'armes nucléaires;

b) l'intégration, dans la doctrine stratégique, d'une politique conforme au principe de non-emploi en premier (No First Use) ou d'une garantie envers les États non nucléaires qui signent et respectent le TNP qu'aucune arme nucléaire ne sera utilisée contre eux;

c) le retrait d'Europe des armes nucléaires tactiques américaines en vue de la mise en œuvre de l'article 6 du TNP;

d) l'application du principe d'irréversibilité en ce qui concerne l'absence d'armes nucléaires dans les nouveaux États membres de l'OTAN;

e) le lancement d'un processus de négociation en vue de l'élaboration d'un traité No First Use;

f) ces différentes phases doivent donner lieu à la création d'une zone dénucléarisée comprenant tous les États européens non dotés de l'arme nucléaire;

g) l'augmentation de la transparence;

8. de prendre ou de soutenir au sein de l'Union européenne des initiatives liées:

a) à l'intégration dans la stratégie européenne et dans le plan d'action contre les armes de destruction massive d'une politique élaborée en matière de désarmement nucléaire;

b) à l'association des deux États européens dotés de l'arme nucléaire aux négociations sur le désarmement nucléaire;

c) à l'exclusion de cette politique de tout rôle joué par des armes nucléaires dans le cadre de la politique de sécurité et de défense commune;

d) à la proposition de négocier un traité conforme au principe de non-emploi en premier (No First Use) comme élément du plan d'action européen en matière de désarmement;

e) à la création d'une zone dénucléarisée au Moyen-Orient;

f) au soutien de la recherche scientifique en matière de désarmement nucléaire;

9. de soutenir, à la Conférence du désarmement, à l'Assemblée générale des Nations unies et dans le cadre de la préparation de la conférence d'évaluation du traité de non-prolifération de 2015, les initiatives liées:

a) au renforcement du traité d'interdiction des essais nucléaires (Comprehensive Test Ban Treaty (CTBT)) ainsi qu'à sa ratification;

b) à la négociation d'un traité interdisant la poursuite de la production de combustibles atomiques destinés à l'armement nucléaire;

c) à la révision des doctrines stratégiques;

d) à l'adoption de mesures intermédiaires visant à éviter la mise à feu accidentelle d'armes nucléaires;

e) à la vérification, à la transparence et à l'adoption de mesures propres à créer un climat de confiance;

f) à la création de zones dénucléarisées;

g) à l'insertion des garanties négatives en matière de sécurité dans un instrument juridique contraignant;

h) à la négociation d'un traité de no first use;

i) à la lutte contre le trafic illicite de matières nucléaires;

j) à la conclusion d'un parcours de négociations pour aboutir à un traité interdisant l'utilisation, la détention, le développement et la production d'armes nucléaires;

k) à la prévention d'une course à l'armement dans l'espace;

10. si des travaux concrets ne devaient toujours pas être entrepris au sein de la Conférence du désarmement, de soutenir l'ouverture de négociations dans un autre cadre sur l'initiative du secrétaire général des Nations unies ou de l'Assemblée générale des Nations unies;

11. en l'absence de progrès dans la négociation d'un traité interdisant la première utilisation des armes nucléaires ou de garanties négatives en matière de sécurité dans un instrument juridique contraignant de la part des pays dotés de l'arme nucléaire, de négocier lui-même des garanties négatives en matière de sécurité avec les pays dotés d'armes nucléaires en ce qui concerne l'interdiction d'armes nucléaires sur le territoire belge;

12. de soutenir la recherche scientifique en matière de désarmement nucléaire.

27 octobre 2011.

Marleen TEMMERMAN.
Bert ANCIAUX.

(1) IKV Pax Christi, « Withdrawel issues. What NATO countries say about the future of tactical nuclear weapons in Europe », Snyder S. et van der Zeijden W., mars 2011.