5-666/3

5-666/3

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

7 JUIN 2011


Proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes

Proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique

Proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation

Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes

Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes, en vue d'incriminer la transplantation d'organes prélevés de manière illicite


RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES PAR M. BROTCHI ET MME TEMMERMAN


I. INTRODUCTION

Plusieurs propositions de loi relatives au don et à la transplantation d'organes ont été transmises à la commission des Affaires sociales. Il s'agit des propositions de loi suivantes:

— proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes (doc. Sénat, nº 5-666/1);

— proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique (doc. Sénat, nº 5-667/1);

— proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes (doc. Sénat, nº 5-897/1);

— proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes, en vue d'incriminer la transplantation d'organes prélevés de manière illicite (doc. Sénat, nº 5-922/1).

La proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation (doc. Sénat, nº 5-677/1) a, elle, été transmise à la commission de la Justice, qui a toutefois demandé l'avis de la commission des Affaires sociales le 16 mars 2011, conformément à l'article 24 du règlement du Sénat.

Enfin, la proposition de loi modifiant l'article 6, § 2, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes (doc. Sénat, nº 5-1024/1) a été envoyée aux commissions réunies de la Justice et des Affaires sociales.

La commission des Affaires sociales a examiné les différentes propositions de loi dont elle a été saisie au cours de ses réunions des 22 février, 5 avril et 7 juin 2011. Après l'exposé des propositions et une première discussion, une audition a été organisée le 5 avril 2011 avec les experts suivants:

— dr. Rufy Baeke, vice-président du Syndicaat van Vlaamse Huisartsen (SVH);

— professeur dr. Dirk Van Raemdonck, chef de clinique Chirurgie thoracique, président du Raad voor Transplantatie, chef de service Transplantatiecentrum, UZ Leuven;

— professeur dr. Xavier Rogiers, chef de service Transplantatiecentrum, UZ Gent;

— professeur dr. émérite Jean-Bernard Otte, membre de l'Académie de Médecine, professeur émérite Cliniques Saint-Luc, UCL;

— professeur dr. émérite Marc De Broe, département Pathophysiologie, Universiteit Antwerpen;

— dr. Roland Lemye, représentant de l'Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM);

— professeur Vincent Donckier, Hôpital Erasme, ULB.

Le compte rendu de cette audition est joint en annexe 1 au présent rapport.

Un échange de vues a ensuite été organisé le 7 juin avec les intervenants suivants:

— M. Christiaan De Coster, directeur général de la direction « Organisation des Établissements de Soins » du SPF Santé publique;

— M. Frank Robben, administrateur général de la Banque Carrefour de la Sécurité sociale et de la Plate-forme eHealth.

Le compte rendu de cet échange de vues est joint en annexe 2 au présent rapport.

Le 7 juin 2011, la commission des Affaires sociales a décidé de rédiger un rapport sur les discussions.

II. EXPOSÉS INTRODUCTIFS

A. Proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes (de M. Louis Ide); nº 5-666/1

M. Ide souligne que la Belgique est particulièrement performante sur le plan du nombre de donneurs. Notre pays compte environ 25 donneurs par million d'habitants, soit une proportion relativement élevée par rapport aux autres États membres de l'Union européenne. Seule l'Espagne fait mieux. Cela ne nous autorise cependant pas à nous reposer sur nos lauriers. Une étude néerlandaise a en effet évalué le rapport idéal à 35 donneurs par million d'habitants, ce qui permettrait de supprimer de suite les listes d'attente.

La proposition de loi n'entend nullement remettre en cause la loi en vigueur du 13 juin 1986 « sur le prélèvement et la transplantation d'organes », qui prévoit que toute personne est donneur d'organes tant qu'elle n'a pas formellement manifesté sa volonté de se faire rayer en cette qualité. Il s'agit d'une bonne loi qui contribue au bon fonctionnement du système des dons d'organes. Il convient néanmoins de rechercher d'autres méthodes pour accroître le nombre de donneurs d'organes.

L'une de celles-ci serait d'utiliser la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes. Dans la pratique, le médecin doit en effet demander aux proches parents de pouvoir utiliser les organes de la personne décédée. Il s'avère que lorsque le médecin concerné y consacre vraiment le temps nécessaire et s'entretient de manière approfondie avec la famille, le nombre de refus baisse significativement. Le médecin ne doit même plus poser cette question lorsque le défunt a formellement manifesté de son vivant le souhait d'être considéré comme donneur.

La proposition de loi entend utiliser la plate-forme eHealth, en combinaison avec le médecin généraliste, pour permettre au patient de faire acter explicitement son consentement ou son opposition au don d'organes. Actuellement, cette démarche impose en effet un détour par l'administration communale. Il convient d'associer le médecin de famille à cette démarche parce qu'il pourra confirmer le patient dans son choix d'être retenu explicitement comme donneur, et parce qu'il pourra d'autre part dissiper la méfiance des personnes qui envisagent de manifester leur opposition au don d'organes. Le médecin de famille devra donc veiller à informer correctement son patient; ensuite, le recours à la plate-forme eHealth devra permettre de simplifier la procédure pour l'intéressé sur le plan administratif. Le médecin de famille a en effet la possibilité d'utiliser cette plate-forme en parallèle avec le Registre national.

M. Ide espère que la proposition de loi à l'examen permettra d'accroître le nombre de dons d'organes.

B. Proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique (de Mme Elke Sleurs); nº 5-667/1

Mme Sleurs indique qu'il faut lire cette proposition conjointement avec la proposition de loi nº 5-666. La proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique vise également à atteindre et à exploiter au maximum le potentiel de donneurs.

La proposition de loi vise à créer un réseau de détection des donneurs afin de pouvoir exploiter plus aisément le potentiel existant.

Au sein d'un tel réseau, chaque hôpital dispose de son propre coordinateur de transplantation local, chargé de développer dans l'hôpital une culture incitant tous les prestataires de soins concernés à cultiver les bons réflexes en matière de détection des donneurs et de prélèvement d'organes.

Dans notre pays, les hôpitaux peuvent d'ores et déjà adhérer au réseau de l'un des centres de transplantation existants. Cette collaboration est toutefois facultative et peut être résiliée à tout moment.

Si l'on veut un résultat durable, il faut pérenniser la collaboration entre les centres de transplantation et les hôpitaux régionaux. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'un hôpital ne puisse être agréé que s'il conclut un accord de coopération avec un centre de transplantation.

Les accords de coopération en question définiront, entre autres, le rôle des coordinateurs de transplantation régionaux, la manière dont le centre de transplantation assiste les coordinateurs régionaux, ainsi que les procédures à suivre pour inscrire au centre les donneurs d'organes potentiels.

C. Proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation (de M. Louis Ide); doc. Sénat, nº 5-677/1

Pour M. Ide, il serait inadmissible que le don d'organes entre dans le circuit commercial. Le don de sang, qui est aussi une forme de don d'organes, s'effectue par exemple sur une base volontaire et est organisé d'une manière solidaire. Cela doit rester le cas pour tous les organes. Ce principe ne coule pas de source pour tout le monde. En témoigne l'exemple d'un général de l'armée kosovare qui aurait mis sur pied un circuit de commerce d'organes, et ce n'est pas le seul exemple: des individus issus de groupes socialement vulnérables vendent parfois des organes, un rein par exemple, pour se faire un peu d'argent. Les intéressés s'en tirent souvent impunément. C'est également le cas de personnes qui, bien souvent en désespoir de cause, « achètent » un organe dans ce circuit commercial.

L'intervenant se réfère à la législation relative à la poursuite des Belges qui commettent des actes pédophiles, y compris à l'étranger. Un Belge qui se rend coupable de pratiques pédophiles à l'étranger peut être poursuivi et sanctionné par notre pays. Le cas échéant, les dommages et intérêts auxquels l'intéressé est condamné sont versés soit à la victime elle-même soit, lorsque celle-ci ne peut pas être retrouvée, à une organisation qui s'occupe de victimes de la pédophilie.

À l'instar de la législation précitée, la proposition de loi à l'examen vise à ce que l'on puisse également sanctionner les personnes qui se rendent coupables de trafic d'organes. Il est actuellement déjà possible de le faire mais de manière indirecte, en intentant des poursuites sous la qualification pénale de « coups et blessures ». Selon M. Ide, il serait préférable qu'une mention explicite soit prévue à cet égard dans le droit pénal, non seulement pour des raisons symboliques mais surtout parce que cela permettrait d'opérer une distinction, pour le taux de la peine, entre, d'une part, le patient qui, en désespoir de cause, cherche à tout prix à se procurer un organe dans le circuit commercial et, d'autre part, les intervenants qui le permettent, à savoir les médecins, les infirmiers, etc. Les personnes qui organisent les « filières » concernées doivent être sanctionnées plus sévèrement parce qu'elles abusent de la situation de patients généralement issus de groupes socialement vulnérables. Cela vaut aussi bien en Belgique qu'à l'étranger.

L'adoption rapide de la proposition de loi à l'examen ferait de notre pays un pionnier en la matière. L'intervenant fait référence à l'appel lancé par l'Organisation mondiale de la santé en 2004, dans lequel elle prie instamment les États parties de « prendre des mesures pour protéger les plus pauvres et les groupes vulnérables du « tourisme de la transplantation » et de la vente de tissus et d'organes, en s'intéressant notamment au problème plus vaste du trafic international de tissus et d'organes humains ». C'est à la suite de cet appel de l'OMS que fut approuvée, en 2008, la Déclaration d'Istanbul sur le trafic d'organes et le tourisme de transplantation. Ce texte, qui bénéficie également du soutien de la Société belge de transplantation, appelle les différentes autorités concernées à prendre les initiatives qui s'imposent en vue de mettre un terme aux transplantations d'organes à des fins commerciales.

D. Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes (de Mme Nele Lijnen); doc. Sénat, nº 5-897/1

Mme Lijnen renvoie aux développements écrits de sa proposition de loi.

E. Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes, en vue d'incriminer la transplantation d'organes prélevés de manière illicite (de M. Philippe Mahoux); nº 5-922/1

Mme Saïdi explique que, en matière de prélèvement et de transplantation d'organes, toute avancée législative visant à protéger les libertés individuelles doit évidemment être favorisée.

On ne peut promouvoir le prélèvement et la transplantation d'organes qu'en les concevant comme un acte de solidarité désintéressé dans un cadre éthique très strict.

À cet égard, la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes est explicite et cette proposition de loi s'appuie sur les deux principes fondamentaux de la loi précitée:

1. les cessions d'organes, tissus ou cellules ne peuvent être consenties dans un but lucratif;

2. le consentement à un prélèvement d'organes, de tissus ou de cellules, sur une personne vivante doit être donné librement et sciemment. Il peut être révoqué à tout moment.

Cependant, la loi du 13 juin 1986 n'aborde le problème qu'à travers la phase de prélèvement. À plusieurs reprises, les médias ont évoqué le problème de transplantation d'organes sans que la garantie d'origine soit assurée.

Sur le plan international, des prélèvements seraient effectués sans respecter les règles prévues dans notre législation nationale. Des prélèvements sur les condamnés à mort avant l'exécution en sont un exemple particulièrement scandaleux.

L'objet de la présente proposition de loi est de garantir le respect de ces règles en obligeant les médecins qui greffent et les hôpitaux où ces greffes ont lieu de s'assurer des conditions de prélèvement prévues par la loi.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

A. Proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes (de M. Louis Ide); nº 5-666/1

1. Discussion

Mme Franssen est favorable à la proposition de loi mais elle entend néanmoins formuler quelques observations. Elle se dit préoccupée par la structure générale du système. Ne pourrait-on pas en quelque sorte fusionner les données disponibles dans le Registre national et dans la plate-forme eHealth, afin de ne pas devoir consulter deux banques de données à chaque fois ?

Elle estime qu'il est également important que le patient donne son consentement au don par écrit, ce qui implique qu'un document signé soit conservé dans le dossier chez le médecin concerné. Il ne peut en aucun cas s'agir d'un enregistrement unilatéral.

Mme Franssen s'interroge également sur l'abrogation intégrale de l'article 6, § 2, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes, qui règle la problématique du consentement d'une personne qui a atteint l'âge de 18 ans mais qui n'est pas en mesure de manifester sa volonté en raison de son état mental. L'abrogation de ce paragraphe va peut-être trop loin et doit être considérée à la lumière de la réglementation qui s'applique lorsque le prélèvement sur des personnes vivantes ne risque normalement pas d'avoir de graves conséquences pour le donneur, lorsqu'il concerne des organes qui peuvent se régénérer et lorsqu'il est destiné à la transplantation chez un frère ou une sœur. Dans ce cas, le prélèvement peut être effectué sur les personnes qui n'ont pas atteint l'âge de 18 ans, conformément à l'article 7 de la même loi. Selon l'intervenante, il convient d'examiner ces éléments simultanément.

Mme Lijnen suggère de soumettre un questionnaire écrit aux syndicats de médecins. Elle craint en effet que les médecins généralistes soient une fois de plus victimes d'une surcharge administrative et elle souhaite connaître leur avis en la matière. À l'heure actuelle, les médecins ne disposent pas tous d'un équipement informatique suffisant pour intégrer le système prévu par la proposition de loi à l'examen.

L'intervenante souhaiterait également examiner ce qu'il en est pour le groupe des personnes de plus de 18 ans, pour lesquelles le prélèvement ne présente en principe aucun inconvénient.

M. Brotchi se rallie aux interventions faites par les orateurs précédents et est d'accord avec la portée de la proposition de loi. Il voudrait savoir si les médecins généralistes souhaitent jouer un tel rôle, proposé par le texte de M. Ide. Auprès de combien de médecins généralistes sont actuellement ouverts des dossiers médicaux globaux ? Quid pour les patients qui n'ont pas de dossier médical global ? Est-ce techniquement possible de mettre en place ce système via eHealth ? N'est ce pas une charge administrative encore supplémentaire que l'on met sur le dos des médecins traitants ?

Mme Saïdi estime que, au cours de ces vingt dernières années, la transplantation d'organes est un des domaines de la médecine qui a connu un développement significatif. Des vies ont été sauvées et bon nombre de patients transplantés ont aujourd'hui une qualité d'existence appréciable. C'est la raison pour laquelle le groupe PS soutient toutes les initatives législatives qui visent à protéger les libertés individuelles.

Elle renvoit à la proposition de loi déposé par le sénateur Mahoux (doc. Sénat, nº 5-922) et insiste pour que cette proposition soit traitée avec les autres propositions de loi relatives aux dons et transplantations d'organes. Mme Saïdi suggère de tenir une audition avec les organisations des médecins généralistes à lesquelles on pourrait poser des questions précises.

M. Ide précise qu'il n'existe qu'une seule banque de données à l'heure actuelle, à savoir le Registre national. La plate-forme eHealth n'est pas une banque de données, mais sert à établir une connexion entre le serveur du médecin généraliste et le numéro de Registre national et ce, avec un respect de la vie privée garanti à 100 %. Les tâches qui, aujourd'hui, sont effectuées par l'administration communale seraient, d'après ce que prévoit la proposition de loi, réalisées à l'avenir par le biais de la plate-forme e-Health après intervention du médecin généraliste. Il n'y aurait plus de formalités administratives ni de documents papier: par l'introduction de la carte d'identité électronique dans le lecteur, le patient est identifié et le médecin généraliste peut établir la connexion avec le Registre national et, par exemple, enregistrer celui-ci expressément comme donneur. Toute cette procédure prend moins d'une minute !

L'intervenant souligne que l'article 6 de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes concerne le prélèvement sur des personnes vivantes alors que la proposition de loi à l'examen porte uniquement sur les organes de personnes décédées. Il reste, bien entendu, beaucoup de travail à accomplir en ce qui concerne les prélèvements d'organes sur des personnes vivantes, mais cela sort du cadre de la problématique qui nous occupe aujourd'hui.

Il ressort d'informations recueillies auprès des fonctionnaires dirigeants de la plate-forme eHealth que la procédure préconisée par la proposition de loi est parfaitement réalisable sur le plan technique. L'intervenant déclare toutefois n'avoir aucune objection à ce qu'une audition soit organisée de manière que des questions plus précises puissent être posées à des experts issus aussi bien des syndicats de médecins que des services publics concernés.

M. Ide indique que les médecins accordent une très grande importance à la problématique des dons d'organes dans le secteur des soins de santé dans son ensemble. Le fait que le médecin généraliste soit associé à ce processus n'a dès lors rien à voir avec les formalités administratives inutiles de toutes sortes dont il a si souvent à se plaindre; il s'agit au contraire de lui permettre d'accomplir une tâche majeure sur le plan social. Les réactions que l'intervenant a reçues jusqu'à présent en provenance des milieux médicaux sont donc extrêmement positives. Le rôle du médecin généraliste en tant qu'acteur central du secteur des soins de santé et personne de confiance du patient s'en trouvera ainsi renforcé. La proposition de loi entend resserrer le lien entre le patient et le médecin généraliste en les invitant à mener ensemble une réflexion médicale. Le nombre de personnes qui disposent d'un dossier médical global ne cesse d'augmenter.

M. Brotchi approuve totalement la suppression proposée de l'article 6, § 2, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes. Il estime en effet qu'il faut suivre la logique de la loi du 28 mai 2002 relative à l'euthanasie, qui fait référence à un patient majeur ou mineur émancipé, capable. Il n'y a aucune raison qu'il en soit autrement pour le don d'organes. L'intervenant estime également qu'il faut supprimer la disposition de la loi du 25 février 2007 modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes, qui prévoit que les personnes incapables de manifester leur volonté en raison de leur état mental peuvent elles aussi faire un don d'organes moyennant le consentement de leur mandataire légal.

M. Ide se rallie à ce point de vue et suggère de limiter la portée de la proposition de loi examinée aux prélèvements d'organes sur des personnes décédées.

Mme Temmerman précise qu'il existe déjà à l'heure actuelle une organisation qui coordonne les dons d'organes et demande dans quelle mesure le fonctionnement de celle-ci est compatible avec l'intégration de la plate-forme eHealth dans le processus.

M. Ide suppose que cette organisation fait également appel aux administrations communales puisque la possibilité de se connecter chez le médecin généraliste par le biais de la carte d'identité électronique et de se faire enregistrer comme donneur dans le Registre national n'existe pas encore à ce jour. La seule chose que peuvent faire les organisations concernées est d'encourager le citoyen à se faire enregistrer comme donneur. Si la proposition de loi à l'examen trouve son aboutissement, ces enregistrements s'effectueront par le biais de la plate-forme eHealth.

Mme Temmerman aimerait savoir si les médecins généralistes recevront une formation spécifique ou une indemnité supplémentaire s'ils endossent la tâche qui était réalisée jusqu'à présent par les administrations communales. L'accomplissement de la nouvelle procédure proposée exige en effet des connaissances particulières que tous les prestataires de soins ne possèdent pas a priori. L'expérience en matière de cellules souches a montré en effet qu'il est impératif de dispenser en permanence de nouvelles formations aux acteurs concernés par le changement, en l'occurrence les médecins, et que c'est un aspect à ne pas négliger.

M. Ide répond que la procédure qu'il propose ne présentera, sur le plan purement technique, aucune difficulté insurmontable pour le médecin généraliste moyen. Peut-être sera-t-il nécessaire d'effectuer un travail de sensibilisation supplémentaire afin d'informer les médecins généralistes ainsi que la population. L'intervenant renvoie à l'exemple de la ville de Turnhout où le nombre de donneurs a augmenté de manière substantielle grâce à la collaboration mise en place entre les organisations concernées, l'administration communale et d'autres acteurs encore. Cela dépasse toutefois le cadre de la proposition de loi à l'examen.

Il faut d'ailleurs signaler qu'à l'heure actuelle, l'enregistrement des donneurs est effectué par un employé de l'administration communale dont on peut raisonnablement présumer qu'il a de la problématique des dons d'organes une connaissance moindre que celle de la plupart des médecins. Le médecin généraliste devra, tout comme il le fait déjà aujourd'hui, examiner le patient afin de voir si celui-ci entre en ligne de compte pour un don d'organe déterminé.

2. Point de vue de la vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale, signale que le Comité consultatif de bioéthique a été saisi d'une demande d'avis concernant le prélèvement d'organes sur des personnes incapables d'exprimer leur volonté et sur des mineurs. Un projet d'avis est déjà disponible et a été soumis à une première lecture. Il peut être utile pour la suite de la discussion de la proposition de loi à l'examen.

Un autre volet de la proposition de loi concerne l'enregistrement des dons d'organe et ses modalités pratiques. Il existe déjà un système d'enregistrement au SPF Santé publique, appelé « Orgadon ». Les déclarations d'« opting out » et d'« opting in » y sont enregistrées gratuitement par l'intermédiaire des administrations de l'état civil des communes. La proposition d'organiser cet enregistrement par l'intermédiaire des médecins généralistes aura peut-être pour effet de leur imposer un surcroît de travail administratif. En outre, le médecin généraliste devra de toute manière informer correctement le patient sur les conséquences de ses actes et pouvoir vérifier son identité et garantir l'authenticité de ses déclarations. L'intervenante propose de demander l'avis du secteur avant de prendre des décisions lourdes de conséquences.

Enfin, la ministre insiste sur le fait qu'une éventuelle nouvelle approche de l'enregistrement doit être compatible avec le système « Orgadon » qui existe actuellement au SPF Santé publique. Il est donc nécessaire de clarifier les choses également sur le plan technique.

3. Répliques

M. Ide juge que l'on ne peut pas présenter les choses comme si la proposition de loi imposait d'emblée une lourde responsabilité au médecin généraliste. La proposition de loi prévoit seulement de transférer les compétences de l'administration communale au médecin généraliste en envisageant une approche différente et plus efficace sur les plans technique et procédural, sans apporter de modification en matière de responsabilité. Quoi qu'il en soit, l'intervenant ne s'oppose pas à l'idée de demander l'avis des médecins généralistes.

B. Proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique (de Mme Elke Sleurs); nº 5-667/1

1. Discussion

Mme Lijnen voudrait savoir si la proposition de loi en question entraînera un surcoût pour les hôpitaux. Elle estime que le renforcement des normes d'agrément pour les hôpitaux va trop loin. L'on pourrait subordonner cet agrément à d'autres conditions, telles que l'application de la législation relative à l'euthanasie.

Mme Franssen voudrait savoir quelle est la position du secteur hospitalier par rapport à la collaboration obligatoire qui est prévue par le texte proposé. L'intervenante juge d'ailleurs que la question de la collaboration entre les hôpitaux et de l'agrément doit plutôt faire l'objet d'un débat distinct. Quels accords de coopération existent déjà entre les hôpitaux et les centres de transplantation ?

Actuellement, il n'existe pas encore de coordinateurs de transplantation régionaux. La création et la mise en œuvre de cette fonction pourront avoir un impact financier important. L'auteur de la proposition de loi a-t-elle une idée du coût ?

Mme Temmerman souligne les conséquences qu'aura la modification proposée de l'article 69, § 1er, de la loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins, coordonnée le 10 juillet 2008. Le but est-il de prendre un nouvel arrêté d'exécution ?

Par ailleurs, elle se demande s'il ne serait pas préférable de régler cette question au niveau européen.

Plutôt que de modifier l'article 69, § 1er, de la loi relative aux hôpitaux et à d'autres établissements de soins, coordonnée le 10 juillet 2008, M. Torfs suggère de modifier directement l'arrêté royal d'exécution de cet article.

M. Brotchi estime que la proposition de loi contient de bonnes idées, mais qu'il faut lever l'incertitude quant au coût des mesures proposées. Il fait référence au « Fonds Carine Vyghen » pour le don d'organes, de tissus, de sang et de moelle osseuse, qui porte le nom d'une ancienne députée décédée en 2007. M. Brotchi préside le Comité scientifique de cette ASBL. Les organes dont Carine Vyghen a fait don à son décès ont permis de sauver la vie de pas moins de six personnes. Cela démontre une nouvelle fois l'importance du don et de la transplantation d'organes. En 2010, l'ASBL a décerné son prix au Centre Hospitalier Universitaire de Charleroi qui a créé un réseau de transplantation associant tous les prestataires de soins. S'il est effectivement important de soutenir financièrement ce genre d'initiatives, l'attribution d'un prix ne suffit pas. Il convient donc de trouver une solution plus structurelle, et la proposition de loi à l'examen y contribue sans aucun doute. Il faut toutefois faire la clarté sur le coût de sa mise en œuvre.

Mme Sleurs répond que le coût est évalué à près de 2 millions d'euros. C'est une somme considérable, mais elle est persuadée que cet investissement entraînera aussi des économies, par exemple en matière de prévention. Par conséquent, le surcoût net est minime. L'intervenante cite l'exemple du coût global des dialyses rénales qui diminuera au fur et à mesure que le nombre de reins disponibles augmentera.

Il est certain que la mise en œuvre juridique de la proposition de loi donne matière à discussion. Le fait est que les accords de coopération actuels, qu'il faut absolument encourager, ne sont toutefois pas suffisamment contraignants. Il est également nécessaire d'adopter une approche plus coordonnée en vue d'augmenter le nombre de donneurs. De plus, la création d'un réseau de transplantation impliquera des changements dans la formation des infirmiers, des ambulanciers, etc. Une sensibilisation permanente s'avère également indispensable dans ce domaine.

M. Ide souligne également que l'investissement dans un réseau de transplantation a de nombreux effets de retour. On estime que l'investissement nécessaire de 2 millions d'euros permettra d'économiser par ailleurs 48 millions d'euros, rien que pour les transplantations rénales. Les personnes qui ne devront plus subir de dialyse rénale pourront, par exemple, être de nouveau actives sur le marché du travail, ce qui fera économiser d'importants moyens financiers à la sécurité sociale. Même si les effets de retour n'atteignaient que la moitié du montant précité, l'investissement en vaudrait toujours la peine.

Il est important que les coordinateurs régionaux soient présents à des fins de sensibilisation et de formation. En effet, on arrête trop souvent une réanimation lorsqu'un patient est emmené en ambulance, alors que des organes pourraient éventuellement encore être prélevés sur le corps. La pratique montre que, lorsqu'un collaborateur d'un hôpital s'occupe vraiment de cette mission, le nombre de donneurs augmente à vue d'œil.

En ce qui concerne l'aspect juridique du dossier, l'intervenant souligne qu'un sénateur n'a pas le pouvoir de modifier un arrêté royal mais ne peut prendre qu'une initiative législative. Ce point donne bien entendu matière à discussion. Ce qui est important, c'est que la politique menée soutienne l'activation des donneurs d'organes. Les précédents ministres en charge de la Santé publique l'ont fait pleinement et l'intervenant espère que ce sera toujours le cas à présent.

2. Point de vue de la vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale, partage la remarque de la sénatrice Temmerman en ce qui concerne la mise en œuvre juridique de la proposition de loi. Elle plaide pour que l'on règle certains points dans l'arrêté d'exécution de l'article 66 de la loi sur les hôpitaux afin d'adapter les normes d'agrément des hôpitaux sur le plan de la coopération avec les centres de transplantation et de la désignation de coordinateurs hospitaliers.

La ministre fait référence à des projets pilotes en cours en ce qui concerne la sélection de donneurs d'organes potentiels. Ces projets se déroulent relativement bien et mettent en œuvre sur le terrain la proposition qui est actuellement examinée.

En outre, une nouvelle réglementation en la matière doit tenir compte des exigences de la directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation.

3. Répliques

M. Ide souligne qu'un sénateur n'a pas le pouvoir d'adapter un arrêté royal mais ne peut que déposer des propositions de loi. En outre, la proposition de loi à l'examen n'est pas neutre sur le plan budgétaire et le Parlement, qui est de plein exercice, contrairement au gouvernement fédéral dont la compétence est actuellement limitée aux affaires courantes, peut prendre une initiative importante en la matière. Cela aurait également pour conséquence que seul le Parlement pourrait éventuellement décider de revenir par la suite sur les dispositions concernées.

C. Proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation (de M. Louis Ide, doc. nº 5-677/1)

1. Discussion

M. Torfs demande s'il est possible, en application de la proposition de loi, qu'un Belge qui se livre au commerce d'organes dans un pays déterminé puisse être sanctionné par les autorités belges alors qu'un étranger qui agirait de manière identique dans le même pays ne serait pas sanctionné.

M. Ide répond par l'affirmative. C'est la raison pour laquelle la déclaration d'Istanbul appelle tous les pays à élaborer une telle réglementation.

Mme Lijnen annonce qu'une proposition de loi sera déposée en vue d'incriminer également le tourisme de transplantation. Elle estime qu'il est important à cet égard de faire une nette distinction entre le donneur et le receveur. Il y a des cas en effet où le receveur ne connaît pas l'origine de l'organe en question. Il ne serait donc pas raisonnable de le tenir systématiquement pour responsable de l'activité commerciale qui se développe autour d'un don d'organe.

En ce qui concerne l'aspect international, l'intervenante pense qu'il faut se montrer plus prudent que dans la proposition de loi à l'examen. En effet, certains pays comme les États-Unis sont coutumiers de la pratique consistant à payer pour bénéficier d'un organe. Si un Belge se rend aux États-Unis et paye pour recevoir un organe, ainsi que le veut la procédure, il ne doit donc absolument pas être sanctionné puisqu'il n'a pas nécessairement commis un acte illégal dans ce pays. Mme Lijnen plaide dès lors pour que l'on établisse par arrêté royal la liste des établissements dans lesquels il est possible de se procurer un organe contre paiement. On aura alors la certitude que l'organe en question ne provient pas, par exemple, d'un enfant, d'un détenu qui a été exécuté ou encore d'un vagabond.

L'intervenante évoque ensuite le consensus scientifique selon lequel le don d'un rein n'entraîne aucune séquelle pour le donneur sur le plan médical. On ne peut donc pas « sanctionner » celui-ci en jouant sur son assurabilité et sur le montant de ses primes. Or, c'est une pratique qui a cours actuellement. L'intervenante annonce qu'une initiative sera prise en la matière.

Mme Temmerman renvoie aux développements de la proposition de loi, où il est dit qu'à l'heure actuelle déjà, la législation belge dispose que nul ne peut consentir à la cession d'un organe dans un but de lucre. L'objectif est-il simplement de réaffirmer ce principe dans le droit pénal, ou s'agit-il aussi d'adapter le degré de la peine ? On peut également se demander comment un receveur peut savoir si un organe a été cédé contre paiement ou non.

L'Académie royale de médecine de Belgique a récemment organisé un symposium sur le thème du don d'organes. L'intervenante pense qu'il serait intéressant d'inviter un ou plusieurs experts au Sénat afin qu'ils présentent leur vision de cette problématique.

M. Torfs indique qu'à l'heure actuelle, la législation prévoit déjà un dédommagement pour les personnes qui cèdent un organe. Plusieurs études sont en cours dans le but d'en déterminer les modalités concrètes. L'intervenant renvoie aux déclarations faites à ce sujet par M. Christiaan Decoster, directeur général du SPF Santé publique, qui a annoncé en 2009 que la question du coût réel de la cession d'un organe ferait l'objet d'une étude dans le but de faire en sorte que les donneurs reçoivent un « prix correct » et d'empêcher l'émergence d'un commerce lucratif dans ce secteur. Cette notion de « prix correct » ne peut se comprendre autrement qu'au sens d'un dédommagement, étant entendu à cet égard que la recherche du profit est expressément exclue. Selon M. Torfs, c'est une nuance qui n'apparaît pas dans la proposition de loi.

M. Brotchi indique que l'objectif de cette proposition de loi est louable et une grande force morale s'en dégage. Il est clair que les pratiques dénoncées en Chine ou ailleurs sont éthiquement inacceptables et doivent être condamnées par tous les moyens disponibles.

M. Brotchi rappelle qu'un millier de patients sont décédés en dix ans en Belgique car ils n'ont pas bénéficié d'une transplantation. En effet, 10 à 20 % des patients figurant sur les listes belges de personnes en attente d'une transplantation — majoritairement un foie et des poumons- ne peuvent bénéficier d'une transplantation à temps. En Belgique, un candidat receveur attend dix-huit mois en moyenne avant de pouvoir recevoir l'organe.

Malheureusement, cette année encore, 1 361 personnes restent en attente d'une greffe: d'un rein (921), d'un foie (243), du pancréas (40), du cœur (67) ou des poumons (90). Ce sont 105 patients de plus que l'an dernier.

820 transplantations n'ont pas pu être réalisées durant ces dix dernières années à cause d'un manque de donneurs. On comprend que les personnes qui sont en attente cherchent. Aujourd'hui, avec l'existence de l'Internet, il y a d'énormes problèmes. Les gens surfent sur l'Internet pour trouver une solution pour leur malheur, et espèrent trouver cette solution par exemple par un greffe de cellules souches en Chine en payant des sommes immenses pour des traitements qui ne marchent pas du tout.

Il est évident de légiférer dans cette matière extrèmement délicat. En Belgique, la situation est claire: il n'y a pas de transplantations à partir d'organes provenant de l'étranger. Il n'existent pas d'infractions sur ce principe, raison pour laquelle on a des listes d'attente. À l'étranger, c'est différent. Mais comment prouver le dédommagement financier s'il est fait sans trace ?

L'on peut poursuivre ce type d'infraction même commise hors de la Belgique, c'est donc un cas de compétence universelle comme c'est le cas pour le génocide et crime contre l'humanité, mais est ce que l'on ne crée pas ici un précédent ? Pourquoi ne pas établir ce type de compétence pour les couples qui ont recours à une mère porteuse alors ? Où va-t-on s'arrêter ? Notre justice ne fonctionne déjà pas bien actuellement. L'arriéré judiciaire est important. La justice dispose de trop peu de moyens humains et financiers, comment assurer pleinement cette nouvelle mission ?

M. Brotchi condamne très clairement le commerce des organes et veut le combattre. Il estime qu'il faut mener une politique proactive en faveur du don d'organes. Il importe plutôt de sensibiliser les gens à la nécessité de faire don de leurs organes, pour justement éviter que les patients n'aient besoin d'aller chercher un organe au bout du monde. Les médias devraient relayer la joie de personnes sauvées par une transplantation d'organe que le donneur soit anonyme ou non.

L'on pourrait aussi désigner dans chaque hôpital un coordinateur des transplantations, c'est-à-dire un médecin qui vérifie la présence de donneurs potentiels. Une autre solution serait de davantage dédommager les soins et incapacités de travail pour les donneurs d'organes. Pourquoi ne pas profiter des élections pour distribuer aux électeurs des brochures sur le don d'organes ? c'est l'occasion rêvée de toucher un maximum de monde !

M. Ide souligne que généralement, la personne qui acquiert un organe moyennant paiement est aussi au courant de sa provenance. Il suffit de surfer sur Internet pour trouver des donneurs — y compris dans notre pays — disposés à céder un organe moyennant paiement. Les personnes qui répondent à de telles offres savent pertinemment bien qu'elles participent à un commerce.

L'intervenant souscrit à l'idée d'octroyer aux donneurs d'organes une indemnité permettant de couvrir les frais. Il va de soi que les membres de la famille ou les amis qui souhaitent aider un proche en lui cédant un organe doivent pouvoir percevoir une indemnité leur permettant de couvrir leurs frais. L'on vise ici les journées d'incapacité de travail, les frais d'hospitalisation, etc. Cela n'a toutefois rien à voir avec la mise en place d'un commerce d'organes, qui est l'objet de la proposition aujourd'hui à l'examen. M. Ide ne connaît d'ailleurs pas de pratiques légales permettant la cession rémunérée d'organes, ni dans notre pays, ni à l'étranger, pas même aux États-Unis.

Les questions des primes d'assurances appliquées aux personnes qui ont par exemple cédé un rein, alors que cela n'altère pas leur état de santé, sort du cadre de la proposition de loi à l'examen.

M. Ide ne nie pas que notre droit pénal actuel interdit déjà la rétribution du don d'organes, mais il constate qu'on n'y donne pas suite dans la pratique. En effet, il faut toujours emprunter en l'espèce le détour juridique de la qualification pénale « coups et blessures ». D'où la proposition d'incriminer séparément la commercialisation d'organes.

Il est exact que le manque d'organes est à la base du texte de la proposition de loi. Si nous disposions d'organes en suffisance, certaines personnes n'auraient sans doute pas à recourir à une acquisition moyennant paiement, qui induira à son tour des pratiques abusives chez d'autres personnes. M. Ide renvoie toutefois aux autres propositions de loi qui entendent stimuler le don d'organes, et qui doivent être considérées comme formant un tout. Il convient néanmoins de s'insurger clairement contre le côté mercantile d'un commerce d'organes.

L'intervenant ne se fait pas d'illusions, il sait que la proposition de loi à l'examen n'éradiquera pas tous les trafics d'organes. La Belgique ne parvient pas non plus à intercepter toutes les personnes qui ont commis des faits de pédophilie mais si sa législation permet déjà d'en poursuivre quelques-uns, c'est déjà un acquis précieux et l'on peut parler d'un succès.

Enfin, M. Ide ne s'oppose pas à l'idée d'organiser une audition sur ces questions.

2. Point de vue de la vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale, renvoie aux sanctions pénales figurant à l'article 17, § 3, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes. Dans cette disposition, il est question d'un emprisonnement de trois mois à un an et d'une amende.

La ministre renvoie également à l'article 433quinquies, § 1er, 4º, du Code pénal, qui fait partie du chapitre intitulé « De la traite des êtres humains », et dans lequel il est explicitement fait référence à la violation de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes.

Enfin, il y a l'article 10ter du Code d'instruction criminelle qui traite de l'effet extraterritorial du droit pénal, et qui forme une base juridique pour la répression de la traite des êtres humains. L'achat d'organes à l'étranger en vue d'une transplantation en Belgique peut faire l'objet de poursuites et être puni sur cette base.

Pour réaliser les objectifs de la proposition de loi, il importe de ne pas inscrire de dispositions redondantes dans notre ordre juridique et qu'il ne soit pas question de double incrimination.

3. Répliques

Mme Lijnen s'informe au sujet de l'état d'avancement de la transposition de la directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation.

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre démissionnaire des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration, répond que le SPF Santé publique est en train d'analyser cette directive et qu'il formulera une proposition relative à sa transposition dans l'ordre juridique interne belge. À cet égard, il est notamment vérifié dans quelle mesure il faudra adapter la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes ainsi que la législation sur les hôpitaux. Comme la transposition de la directive doit avoir lieu pour la mi-2012 au plus tard, le Conseil national des établissements hospitaliers a déjà été invité à remettre un avis.

M. Ide croit savoir qu'à ce jour, aucun pays n'a déterminé quel serait le taux de la peine pour le commerce d'organes. Il faut à chaque fois recourir au subterfuge juridique des « coups et blessures » pour la qualification pénale. En outre, l'inscription formelle d'une interdiction du trafic d'organes dans le droit pénal belge satisferait à la Déclaration d'Istanbul qui s'adresse à tous les pays. Notre pays pourrait jouer un rôle de pionnier en la matière, en étant le premier à transposer cette déclaration.

Confiance a été faite aux rapporteurs pour la rédaction du présent rapport.

Les rapporteurs, Le président,
Jacques BROTCHI. Marleen TEMMERMAN. Rik TORFS.

IV. ANNEXE 1: AUDITIONS DU 5 AVRIL 2011

Auditions du 5 avril 2011:

— docteur Rufy Baeke, vice-président du Syndicaat van Vlaamse Huisartsen (SVH);

— professeur Dirk Van Raemdonck, chef de clinique Chirurgie thoracique, président du Raad voor Transplantatie, chef de service Transplantatiecentrum, UZ Leuven;

— professeur Xavier Rogiers, chef de service Transplantatiecentrum (UZ Gent);

— professeur Jean-Bernard Otte, membre de l'Académie de Médecine, professeur émérite Cliniques Saint-Luc, UCL;

— professeur Marc De Broe, laboratoire de Pathophysiologie, professeur émérite à l'Universiteit Antwerpen;

— docteur Roland Lemye, représentant de l'Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM);

— professeur Vincent Donckier, Hôpital Erasme, ULB.

A. Exposés

1. Exposé du professeur Dirk Van Raemdonck, chef de clinique Chirurgie thoracique, président du Raad voor Transplantatie, chef de service Transplantatiecentrum, UZ Leuven

Le professeur Van Raemdonck a apporté des données préparées par les coordinateurs de transplantation belges qui travaillent dans les différents centres de transplantation de notre pays. Il remercie donc ces personnes pour leur aide précieuse.

Il brosse tout d'abord un aperçu du nombre de patients qui se sont fait enregistrer activement au Registre national. Il s'agit des personnes qui se sont fait enregistrer activement soit en faveur du don d'organes soit contre celui-ci. Au fil des ans, l'on a pu constater que les enregistrements contre le don d'organes diminuent et que ceux en sa faveur augmentent. Au total, un peu moins de 200 000 citoyens ont fait acter leur opposition au don d'organes.

Les statistiques sur les donneurs belges donnent un aperçu du nombre de donneurs potentiels pour 2010. Il s'agit de patients décédés proposés aux centres de transplantation comme donneurs potentiels. Ils ne deviendront pas tous donneurs effectifs. Il en ressort que le nombre de donneurs potentiels augmente légèrement chaque année, puisqu'il est passé de 289 en 1990 à 521 en 2010.

Le professeur Van Raemdonck examine ensuite le rapport entre le nombre de donneurs potentiels et le nombre de donneurs effectifs pour l'an 2010. L'évolution du pourcentage du nombre de donneurs effectifs sur les 20 dernières années (période 1990-2010) montre qu'en 1990, environ 70 % des donneurs potentiels étaient devenus des donneurs effectifs. Cette proportion est retombée à environ 50 % en 2010. Cette baisse du nombre de donneurs effectifs est surtout liée aux contre-indications médicales. Celles-ci augmentent à leur tour parce que les donneurs sont de plus en plus âgés et qu'il y a moins de jeunes donneurs disponibles.

Le refus des familles constitue une autre explication. Même lorsqu'un donneur potentiel ne s'est pas fait enregistrer activement contre le don d'organes, sa famille peut parfois encore opposer un refus au dernier moment. Heureusement, ce pourcentage diminue: entre 1991 et 2010, le pourcentage de refus opposé par la famille est passé progressivement de 15 % à environ 12 %.

La baisse du nombre de donneurs effectifs trouve également son origine dans les objections formulées par le procureur du Roi, qui refuse de libérer le corps en cas de mort violente. Heureusement, ce pourcentage est très limité et les procureurs du Roi sont disposés à collaborer avec les centres de transplantation.

Enfin, environ 2 % des donneurs potentiels se sont fait enregistrer activement de leur vivant contre le don d'organes.

La répartition par âge des donneurs effectifs pour la période 1990-2010 révèle que la proportion de donneurs âgés de plus de 60 ans augmente au fil des ans. Il y a heureusement de moins en moins de jeunes donneurs issus d'accidents de la route. En revanche, il y a de plus en plus de donneurs âgés qui meurent par exemple d'une hémorragie cérébrale. En ce qui concerne la répartition des donneurs par sexe en 2010, l'on a dénombré 54 % d'hommes contre 46 % de femmes. Chez les donneurs effectifs, la première cause de décès est l'hémorragie intracrânienne (hémorragie cérébrale), dont le nombre de cas a augmenté entre 2008 et 2010. La deuxième cause de décès est le traumatisme crânien, dont le nombre de cas a heureusement baissé au cours de la même période.

La proportion d'organes d'un donneur effectif qui peuvent être utilisés fluctue entre 80 et 85 % pour le foie et les reins. Ce pourcentage est bien plus faible pour d'autres organes, comme les poumons et le cœur, parce que ces organes sont beaucoup plus sujets à détérioration après le décès.

Parmi les organes abdominaux proposés en 2010, l'on dénombrait 408 reins, 228 foies et 40 pancréas. Parmi les organes thoraciques, 197 poumons et 67 coeurs ont été proposés en 2010. Ces organes ont été proposés, mais cela ne veut pas forcément dire qu'ils ont été utilisés.

Le professeur Van Raemdonck mentionne ensuite la catégorie des « non heart beating donors » ou donneurs à cœur arrêté (NHBD). Un donneur à cœur battant est une personne qui est morte d'une hémorragie cérébrale, mais dont la circulation sanguine est encore intacte, si bien que tous les organes sont encore irrigués. Un donneur NHBD est une personne qui meurt d'abord d'un arrêt cardiaque et qui se trouve en état de mort cérébrale quelques minutes plus tard. Ses organes ne seront donc plus irrigués pendant un certain temps, ce qui peut les endommager. Les organes d'un donneur NHBD sont de moins bonne qualité, mais peuvent encore être utilisés en vue d'une transplantation. L'on constate que la catégorie des donneurs NHBD grossit au fil des ans.

Enfin, il y a la catégorie des donneurs qui cèdent des organes de leur vivant. Il s'agit principalement de reins, mais aussi de foies. Théoriquement, un donneur vivant peut également céder un poumon, mais cela ne s'est pas encore fait en Belgique. Une augmentation du nombre d'organes cédés par des donneurs vivants peut également être observée entre 2000 et 2010.

Le nombre de transplantations réalisées par année en Belgique oscille entre 350 et 400 pour les reins et la combinaison rein/pancréas, et atteint près de 190 pour les foies et environ 70 pour les cœurs. Les transplantations de poumons ont connu une croissance exponentielle entre 2000 et 2010 pour atteindre aujourd'hui plus de 100 opérations par an.

Le professeur Van Raemdonck donne ensuite un aperçu du nombre de patients qui se trouvent sur des listes d'attente en Belgique. En 2010, la liste d'attente pour un rein comptait environ 900 patients, environ 200 patients étaient en attente d'un foie et près de 20 patients attendaient une combinaison rein/pancréas ou un pancréas. Enfin, les listes d'attente pour un cœur et des poumons comprennent respectivement environ 70 et 90 patients.

Combien de patients figurant sur une liste d'attente meurent chaque année en Belgique ? Ce nombre est bien évidemment fluctuant, mais les statistiques de 2003 à 2010 révèlent que près de 100 patients décèdent chaque année parce qu'ils n'ont pas reçu un organe à temps. Si l'on ventile ce nombre par organe, l'on constate que la mortalité la plus élevée concerne les patients qui sont en attente d'un foie (environ 50 patients). Ce nombre est légèrement inférieur pour les patients en attente d'un rein, car ceux-ci peuvent bénéficier d'une dialyse rénale. Par ailleurs, 18 personnes en attente d'un cœur et 6 patients en attente d'un poumon sont décédés en 2010. Ces chiffres ne sont pas très élevés, mais ils représentent tout de même de 5 à 10 % des patients qui se trouvent sur une liste d'attente.

2. Exposé du professeur Xavier Rogiers, chef de service Transplantatiecentrum (UZ Gent)

Le professeur Rogiers estime qu'il est convient de remercier le monde politique belge pour l'intérêt permanent qu'il accorde au thème du don d'organes. Il sait, de par l'expérience qu'il a acquise dans d'autres pays, qu'il n'en va pas de même partout et il connaît les conséquences que cela peut avoir pour les personnes professionnellement actives dans ce domaine, et pour les patients en particulier.

L'intervenant a analysé toutes les propositions de loi à l'examen et formulé plusieurs idées pour chacune d'elles.

En ce qui concerne la matière abordée dans la proposition de loi nº 5-666/1 instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes, le professeur Rogiers constate que de nombreuses actions sont entreprises actuellement en vue de convaincre les citoyens de se faire enregistrer comme donneur. Il faut toutefois veiller à ce que ces efforts n'affaiblissent pas l'idée fondamentale qui sous-tend la très bonne loi belge relative à la transplantation. Il importe de souligner que le principe du consentement présumé reste d'application et constitue la base de notre législation. Selon le professeur Rogiers, l'objectif premier des efforts déployés en faveur de l'enregistrement actif n'est pas tant d'accroître le phénomène du don d'organes que de décharger les familles du poids d'une décision difficile à prendre lorsqu'elles sont confrontées au décès d'un des leurs. Telle était d'ailleurs, au départ, l'une des raisons pour lesquelles on avait opté pour le principe du consentement présumé.

Une deuxième observation concerne la question de savoir dans quelle mesure le médecin généraliste est préparé au rôle que lui attribue la proposition. Quelle est sa motivation, quelle est actuellement la qualité des formations ou recyclages dont il bénéficie dans ce domaine, quel est son niveau de connaissance et dans quelle mesure est-il préparé à de tels entretiens ? Une étude est menée actuellement à Gand, en collaboration avec les médecins généralistes. Elle vise à déterminer comment le médecin généraliste se positionne à l'égard de cette problématique, quel est son niveau de connaissance et comment il perçoit son propre rôle dans le cadre du don d'organes. En effet, il peut aussi être amené à jouer un rôle dans l'entretien consistant à annoncer une mauvaise nouvelle. Les familles de donneurs disent régulièrement que la présence du médecin généraliste leur a été d'un grand soutien, notamment parce qu'elles le considèrent comme une personne de confiance. La question relative au rôle du médecin généraliste et aux formations continues éventuellement nécessaires sera également posée aux coordinateurs de transplantation locaux et aux personnes qui travaillent aux soins intensifs.

Le dernier point relatif à la proposition de loi à l'examen concerne les informations disponibles sur la plate-forme eHealth. Le professeur Rogiers considère qu'il faut éviter une diffusion trop large des informations. Le coordinateur de transplantation doit avoir la possibilité de disposer de manière relativement simple des bonnes informations concernant la déclaration de volonté du donneur. Il faut aussi régler la question de savoir qui aura accès aux informations en question. Il est généralement admis que seules les personnes concernées par la transplantation peuvent y accéder, et ce uniquement après le décès de la personne concernée.

Le professeur Rogiers est entièrement d'accord, quant au fond, avec la proposition de loi nº 5-667/1 créant un réseau de transplantation en Belgique. Il pensait d'ailleurs que les mesures proposées découlaient naturellement de la directive européenne et que ce serait une obligation.

L'intervenant formule deux observations au sujet de la proposition nº 5-667/1. Pour lui, l'objectif doit être d'augmenter le nombre de donneurs effectifs. Il convient d'éviter à tout prix l'agressivité que l'on retrouve dans le système espagnol, où l'on voit les coordinateurs locaux se lancer dans une véritable chasse aux donneurs en raison du bénéfice financier qu'ils peuvent en retirer. L'intervenant signale en outre que certains hôpitaux collaborent actuellement avec plusieurs centres de transplantation. Il faudrait laisser cette possibilité ouverte.

Enfin, la proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation (doc. Sénat, nº 5-677/1) est d'une très grande importance.

Pour qu'il puisse être question de commerce d'organes, trois acteurs doivent être présents: un donneur, un intermédiaire (un médecin, par exemple) et un receveur. Le professeur Rogiers estime que tous les trois doivent pouvoir être sanctionnés. Le candidat donneur qui met son rein en vente sur Internet en Belgique doit pouvoir être sanctionné, car cette pratique nuit à l'image des transplantations et est potentiellement nocive pour les receveurs. Du point de vue du receveur, on ne pourra jamais imaginer une sanction suffisamment dissuasive. Des personnes qui voient la mort en face n'ont plus toutes leurs facultés de discernement. Néanmoins, on peut éventuellement obtenir un effet dissuasif d'une autre manière. En Allemagne, par exemple, il avait été proposé qu'en pareils cas, les mutualités ne remboursent plus les frais post-transplantation.

L'intervenant en vient à présent à la notion de « dédommagement ». Selon le professeur Rogiers, un donneur vivant est parfaitement en droit de bénéficier d'un dédommagement. Tout l'art consistera évidemment à définir très exactement ce qu'il faut entendre par « rémunérations inappropriées », ce qui ne sera pas aisé. L'on pourra se référer à cet égard à la déclaration d'Istanbul, dans laquelle figure un essai de définition du commerce de transplantation.

En ce qui concerne la notion de consentement informé, le professeur Rogiers fait remarquer qu'elle figure dans les développements mais pas dans le dispositif. Pourquoi l'a-t-on omise ? Selon certains principes généralement admis et connus en médecine, le consentement informé comprend trois éléments, à savoir l'information, la compréhension et le consentement. Voilà peut-être la meilleure manière de définir cette notion.

Pour conclure, il pourrait être intéressant de décrire non seulement les cas dans lesquels un don d'organe ne peut pas être fait par une personne en vie à l'étranger, mais aussi la manière de procéder lorsqu'on veut recourir à une transplantation d'organe. Supposons qu'un patient veuille se faire transplanter le rein de son frère qui vit à Paris. Il serait bon qu'existe une procédure expliquant à ce patient et à son frère comment procéder et leur assurant que, s'ils suivent cette procédure, ils ne seront nulle part poursuivis en justice ni ne devront subir d'autres conséquences désagréables.

Enfin, le professeur Rogiers est heureux de constater que le monde politique poursuit sa réflexion sur le don d'organes et qu'il est motivé à prendre d'autres mesures. C'est une nécessité, car même si notre pays a atteint un niveau élevé en la matière, nous commençons tout doucement à stagner.

3. Exposé du docteur Rufy Baeke, vice-président du « Syndicaat van Vlaamse Huisartsen » (SVH)

Le docteur Baeke remercie la commission au nom du conseil d'administration du SVH, d'avoir invité également un médecin généraliste à participer à la discussion. Son confrère qui représente les médecins généralistes francophones est présent lui aussi.

La proposition de loi nº 5-666/1 est celle qui accorde le plus d'attention au rôle du médecin généraliste. Selon le docteur Baeke, il est logique que l'on veuille confier au médecin généraliste le rôle qui est assumé aujourd'hui par l'administration communale car il sait comment les choses se passent dans la pratique: la personne se présente à la commune, exprime sa volonté, reçoit un papier à signer, et c'est tout.

Le docteur Baeke sait, de par ses trente-sept années de pratique, que les gens s'interrogent au sujet du don d'organes. De plus en plus, les médecins deviennent des « coachs santé »: ils doivent traiter toutes sortes de questions et sont censés tout savoir. On peut légitimement se demander si cette situation est encore tenable. Cela étant, le docteur Beake indique que les médecins généralistes ont encore la fierté de penser qu'ils en savent plus que l'employé communal dans ce domaine. Il estime aussi que les médecins généralistes peuvent contribuer à augmenter le nombre de donneurs en aiguillant correctement les patients. Ainsi, certains patients sont convaincus qu'ils ne céderont jamais un organe. À ceux-là, le médecin généraliste peut dire qu'eux-mêmes pourraient bien avoir besoin d'un organe un jour. Il y a aussi des personnes qui craignent qu'on les déclare mortes — alors qu'elles ne le sont pas — pour pouvoir prélever leurs organes. Ici aussi, le médecin peut jouer un rôle important en rassurant ces personnes et en leur certifiant que ce type de pratique n'a heureusement pas cours dans notre pays. L'intervenant se dit convaincu que le médecin généraliste peut se rendre très utile à cet égard, surtout au vu de l'égoïsme grandissant qui règne dans notre société.

Il partage l'avis du professeur Rogiers selon lequel la participation du médecin généraliste doit être organisée de manière optimale. Tous les médecins généralistes ne se sentiront pas appelés à assumer la tâche proposée, de même que tous les médecins ne sont pas favorables à l'idée de poser des actes d'euthanasie. Pour cela aussi, il existe des formations spécifiques.

Le docteur Baeke croit comprendre que le médecin généraliste concerné serait celui qui gère le DMG du patient. Or, ce dossier a subi de nombreuses modifications ces dernières semaines. Depuis le 1er avril 2011, il existe une nouvelle variante de ce dossier, à savoir le DMG+, pour lequel un numéro de nomenclature a été créé, et qui cessera déjà d'exister à la fin de l'année 2012. C'est surprenant. En outre, il est précisé que le médecin ayant clôturé le DMG en dernier lieu est aussi celui qui gère le DMG. Cela n'a pas de sens. Qu'en sera-t-il, par exemple, si un médecin part plusieurs semaines en vacances et que ses patients s'adressent à son remplaçant ? Le docteur Baeke précise qu'il arrive parfois, par certains concours de circonstances, qu'un médecin autre que le médecin généraliste habituel soit considéré comme le gestionnaire du DMG, ce qui n'est pas sans poser des problèmes. On demande que, dans ce cas, les mutuelles vérifient avec quel médecin le patient a eu le plus de contacts au cours de l'année écoulée, mais les mutuelles estiment que c'est une tâche impossible.

Il existe un système mixte de prolongation du DMG, de nombreux médecins optant pour la solution de facilité. Les pouvoirs publics peuvent prolonger le système tant que l'argent rentre. Le SVH estime que le DMG doit être géré et qu'il doit donc pouvoir être complété en concertation avec le patient. Les pouvoirs publics investissent plusieurs millions par an dans ce système et il faut que la collectivité puisse en retirer un bénéfice. Il est capital dans ce contexte de consacrer un débat approfondi au dossier médical global.

Vu les problèmes qui se posent déjà actuellement, le docteur Baeke se demande comment le système suggéré dans la proposition de loi fonctionnera dans la pratique. Si le confrère qui gère le DMG est le médecin qui se trouve être le gestionnaire du dossier cette année-là, est-ce à dire qu'il sera le seul à pourvoir participer au système ? Selon le docteur Baeke, il serait préférable d'opter pour le médecin généraliste habituel qui peut aussi, mais pas toujours, être le gestionnaire du dossier.

4. Exposé du professeur dr. émérite Jean-Bernard Otte, membre de l'Académie de médecine, professeur émérite aux cliniques Saint-Luc (UCL)

Avant d'accéder à l'éméritat, le professeur Otte était responsable, aux cliniques Saint Luc, du programme de transplantation hépatique, notamment avec donneurs vivants. Il est en outre second vice-président de l'Académie royale de médecine de Belgique.

En collaboration avec la « Koninklijke Académie voor Geneeskunde van België », l'Académie a organisé en décembre 2010 un symposium consacré à la transplantation d'organes.

Trois questions se sont dégagées.

La première question a trait aux donneurs vivants et en particulier à une juste compensation des frais à charge de ceux-ci. À la demande du SPF Santé publique, une étude a été réalisée par Mme Kesteloot à la KULeuven. Cette étude, de grande valeur, est malheureusement limitée aux reins et porte sur deux ans de suivi, mais elle mériterait d'être étendue à d'autres organes, dans d'autres centres.

Le deuxième point concerne la tenue d'un registre des donneurs vivants. Il faut être extrêmement prudent dans la sélection des patients, dans la réalisation de l'acte opératoire et dans le suivi. Cependant, en Belgique, nous ne disposons pas de données sur le suivi au très long cours. Il faut se baser sur des études étrangères pour chiffrer le risque d'hypertension artérielle après don d'un rein. Or, l'information du donneur vivant, nécessaire à l'obtention de son consentement, doit comporter des informations sur le suivi au très long cours, notamment sur les risques qu'il encourt. Des données belges devraient donc être recueillies.

La troisième question abordée au cours du symposium est celle du don d'organes par des handicapés mentaux, de leur vivant.

M. Otte formule ensuite quelques remarques sur les propositions de loi.

Sur la proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme e-Health, le fait de remettre le médecin généraliste dans le circuit est certainement un choix approprié, mais une formation est nécessaire. Les facultés de médecine, depuis plusieurs années, abordent la question du don d'organes dans des cours ex cathedra ou des cours cliniques, mais cette formation mérite d'être renforcée.

Permettre au médecin généraliste d'intervenir dans le cadre d'un colloque singulier avec un patient est positif, sans toutefois supprimer la démarche à la commune. Cependant, il faut éviter un effet pervers. En principe, le médecin va plaider pour le don d'organes et on peut présumer que cette démarche va aboutir à enregistrer des candidats donneurs positifs. Il ne faudrait pas que cela mène à remplacer l' « opting out » par l' « opting in ».

Dans les développements de la proposition de loi, il est aussi question de « saisir cette opportunité pour abroger également l'article 6, § 2, de cette loi », à savoir la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes. Cet article a été remplacé par l'article 3 de la loi du 25 février 2007, selon lequel « Si une personne qui a atteint l'âge de 18 ans n'est pas en mesure de manifester sa volonté en raison de son état mental, le prélèvement visé au § 1er est subordonné au consentement du mandataire légal ou désigné par le patient, ou, si une telle personne fait défaut ou ne souhaite pas intervenir, par une personne désignée en application des dispositions de l'article 14, § 2, alinéas 1er et 2, de la loi du 22 août 2002 relative aux droits des patients. »

Cette disposition est choquante sur le plan bioéthique car elle viole tout à fait le droit à l'autonomie de chaque personne. Les deux académies de médecine soutiennent, sinon l'abrogation, du moins la modification de cet article. La présente proposition entend le supprimer, mais ne faudrait-il pas prévoir des dérogations, par exemple pour le don de cellules hématopoïeutiques ? Chez nous, un enfant à partir de l'âge de 6 mois peut donner de la moëlle osseuse à un frère ou une soeur.

Le professeur Otte propose de supprimer cet élément de la proposition de loi et de prendre en considération une proposition de loi qui va être déposée sous peu par le sénateur Brotchi. Celle -ci comporte deux volets: d'une part, l'interdiction de prélèvement d'un organe chez une personne vivante qui est un handicapé mental profond, incapable de donner son consentement, et, d'autre part, des dérogations possibles, notamment le prélèvement de tissus régénérables ou de cellules.

La deuxième proposition de loi prévoit la création d'un réseau de transplantation en Belgique. L'orateur signale qu'il existe déjà un réseau de fait entre tous les centres universitaires de transplantation. Cette situation de fait gagnerait certes à être développée. Cependant, à la fin du mois de mars, le SPF Santé publique a pris une initiative en application d'une directive européenne du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation. Celle-ci impose aux États membres d'intégrer dans les objectifs de leur programme national d'action prioritaire la mise en place progressive des fonctions de coordination locale comprenant tous les hôpitaux. Un courrier a été envoyé à tous les hôpitaux ayant un potentiel de donneurs afin de proposer le financement d'un réseau de coordination. C'est une initiative très positive mais le professeur se demande si elle ne vide pas de sa substance la proposition de loi à l'examen.

Enfin, la troisième proposition aborde le tourisme de transplantation. Situation type, un citoyen belge se rend en Turquie, au Kosovo ou ailleurs, afin de se faire greffer un rein donné par un pauvre diable. Il est évident que le tourisme de transplantation ainsi défini mérite d'être condamné formellement et aucune disposition belge ne le prévoit.

Cependant, il faut être attentif au vocabulaire utilisé. La transaction financière dans l'exemple donné comporte évidemment un dédommagement du donneur mais il ne faut pas le confondre avec la juste compensation des frais supportés par le donneur vivant en Belgique, dans des conditions strictement légales. Le terme « dédommagement » devrait donc être banni de la proposition relative au tourisme de transplantation.

Cette réserve formulée, le professeur se dit tout à fait d'accord avec le contenu de la proposition de loi. Par contre, il faut éviter de répandre dans le public l'idée qu'il pourrait y avoir des pratiques suspectes en Belgique. La situation chez nous est parfaitement saine, les activités de transplantation étant tout à fait exemptes de tout élément de commerce.

5. Exposé du professeur Dr. Marc De Broe, laboratoire de Pathophysiologie, professeur émérite Universiteit Antwerpen

Le professeur De Broe a surtout des observations à formuler en ce qui concerne la proposition 5-666/1 instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes. Il tient à s'associer aux propos du professeur Rogiers. L'intervenant estime qu'il faut se garder à tout prix d'abandonner le système du consentement présumé (opting out). Il a participé à la rédaction de la proposition de loi de 1985, qui a été à la base de la loi du 13 juillet 1986, et qui s'est dans un premier temps heurtée à de fortes résistances. 25 ans plus tard, cette opposition s'est sensiblement atténuée et l'on assiste à un recul du nombre de refus, comme l'a montré le professeur Van Raemdonck. Grâce au consentement présumé, la population belge a acquis une très grande maturité en matière de transplantations.

Dans le texte français des développements de la proposition de loi 5-666/1, on lit que « le prélèvement d'organes requiert l'accord de la famille proche ». Cette affirmation est inexacte. Dans la pratique, il est d'usage de tenir compte de l'avis de la famille, mais cela se fait pour des raisons humanitaires et ne constitue nullement une obligation légale. Le système du consentement présumé fonctionne parfaitement et le professeur De Broe trouverait particulièrement regrettable qu'on fasse le moindre pas en arrière.

Deuxièmement, l'intervenant trouve aussi qu'il serait en principe judicieux de confier un rôle au médecin traitant, qui sera bien mieux informé que le fonctionnaire actuellement responsable. Il tient toutefois à souligner que jusqu'ici, le fonctionnaire a fait du bon travail. De plus, sa mission n'est pas de donner des informations, mais seulement de procéder à des enregistrements. Si l'on venait à confier cette mission à des médecins traitants, il serait important de bien les former car les concepts à promouvoir ne sont pas simples. L'intervenant estime par ailleurs que l'on risque de semer la confusion dans l'esprit de la population. Instaurer un consentement formel (opting in) est une matière complexe qui n'est pas à sous-estimer. De plus, le professeur De Broe est convaincu que l'introduction d'un consentement formel entraînera une augmentation dramatique du nombre de refus dans le cadre du système d'opting out. Il faut veiller à ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il ne fait aucun doute que laisser le choix au citoyen serait catastrophique pour les services de transplantation car avec le seul consentement formel, le nombre de donneurs serait insuffisant. Il faudrait donc que le texte précise clairement que le système du consentement présumé n'est nullement remis en cause.

L'observation suivante de l'intervenant porte sur la proposition de loi 5-667/1 créant un réseau de transplantation en Belgique. Un intervenant précédent a affirmé qu'il faudrait prévoir la possibilité, pour les centres, de coopérer avec non pas un seul mais plusieurs centres de transplantation. Le professeur De Broe partage cette vision.

Ses dernières observations concernent la proposition 5-677/1 visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation. L'intervenant abonde dans le sens du professeur Otte. Il pense qu'il faut prévoir d'urgence une indemnité équitable pour les personnes effectuant un don d'organe de leur vivant. Cette possibilité n'existe pas encore chez nous. La déclaration d'Istanbul se prononce très clairement en faveur d'une possibilité d'indemnisation. Le professeur De Broe souligne que le montant qui peut être considéré comme une indemnité équitable sera quand même conséquent.

Il est vrai qu'il faut être très prudent avec la terminologie utilisée. Une indemnité de frais n'a rien à voir avec un paiement d'organes. L'indemnité n'a rien de commercial, elle cherche seulement à éviter que le donneur ait à subir des conséquences financières négatives. Il est regrettable que cette proposition de loi ne prévoie pas l'instauration d'une indemnité équitable pour un don d'organe.

6. Exposé de M. Roland Lemye, docteur, représentant de l'Association belge des Syndicats Médicaux (ABSyM)

M. Lemye partage, dans l'ensemble, les réflexions faites par les orateurs précédents. À l'étranger, la Belgique est considérée comme étant à la pointe dans les transplantations d'organes, non seulement par la qualité des équipes mais aussi par la disponibilité des donneurs que le système d'« opting out » a introduite.

En général, le corps médical préfère à l' « opting out » le consentement éclairé pour chaque individu, mais en l'occurence, le système ne lèse personne, permet de sauver des vies et préserve le droit de marquer son opposition.

L'Association médicale mondiale est souvent le porte-parole de l'éthique médicale au niveau mondial. Lors de la dernière assemblée générale, en octobre 2010, le problème a été abordé, un groupe de travail a été créé, et il semble que le système belge soit considéré d'un oeil très favorable.

L'orateur est par conséquent d'avis qu'il faut maintenir le système d'« opting out » et que les dangers d'un effet pervers de l'enregistrement auprès du médecin généraliste sont réels.

La possibilité de don d'organes est peut-être encore mal connue du public et pourrait être favorisée par un rôle plus important du médecin généraliste mais aussi par des campagnes. Il est en effet malaisé pour un médecin de parler à l'improviste au patient de la possibilité de faire don de ses organes. On peut surtout répondre à des questions qui seraient suscitées par une campagne.

L'Association médicale mondiale est préoccupée par le trafic international d'organes, lié à l'écart grandissant entre l'offre et la demande. Il est essentiel que l'allocation d'organes et de tissus soit juste et transparente, et d'origine légitime. Certains pays sont connus pour le trafic d'organes, tels que le Kosovo mais aussi la Chine où les organes des condamnés à mort sont destinés à être greffés, avec le consentement des personnes, mais peut-on dans ces conditions parler de consentement ?

L'Association médicale mondiale défend le principe de non commercialisation du corps humain. C'est souvent dans les pays du tiers-monde que le problème se pose. Même si les personnes ont donné leur consentement, le don d'organes a souvent pour conséquence de leur faire perdre toute potentialité sur le marché du travail. Cela contribue donc à appauvrir les personnes concernées, et c'est éthiquement inacceptable.

L'ABSyM juge qu'une initiative législative est nécessaire et accueille favorablement la proposition de loi en ce sens.

Le donneur vivant doit être indemnisé correctement, non seulement pour les frais liés à l'intervention, pour le chômage qui en découle, mais aussi pour les pertes éventuelles sur le marché du travail et pour les conséquences sur sa santé, même si elles apparaissent plus tardivement.

En ce qui concerne les sanctions, M. Lemye est assez réticent quant à la criminalisation d'une greffe qui ne serait pas légitime. C'est certes inacceptable mais n'oublions pas que les patients sont condamnés à mort en l'absence de greffe: dans de telles conditions, on commet parfois des actes répréhensibles. Faut-il pour autant aller jusqu'à y voir un crime ? En réalité, les vrais responsables sont les gouvernements qui permettent que des prélèvements illégitimes d'organes aient lieu sur leur territoire. Il faut faire pression politique sur ces gouvernements.

Si l'on veut conserver l'information concernant les patients qui acceptent de s'enregistrer comme donneurs potentiels, le dossier médical global du généraliste semble l'instrument approprié, même avec les réserves formulées par le dr. Backe.

Par contre, l'enregistrement sous e-Health pose question. D'abord, un enregistrement des cas d'« optning in » existe déjà, pourquoi modifier le système ? Il suffit au médecin généraliste de transmettre l'information. Ensuite, le système e-Health n'est pas conçu pour conserver des données. En outre, à l'heure actuelle, la protection de la vie privée n'est pas encore suffisamment garantie par e-Health.

Enfin, si la détection des donneurs dans les services hospitaliers pourrait en augmenter le nombre, il est préférable d'éviter que ces services soient considérés comme des fournisseurs de donneurs d'organes. Cela risque de créer une méfiance dans l'esprit du public. Les soins sont prodigués pour guérir les patients, non pour en faire des donneurs d'organes.

Quant aux accords de coopération, M. Lemye souhaiterait des éclaircissements sur ceux-ci avant d'exprimer son opinion.

7. Exposé du professeur Vincent Donckier, Hôpital Erasme, ULB

Le professeur Donckier est ancien président de la société belge de transplantation et président du conseil de transplantation à l'ULB.

Sur le tourisme de transplantation, plusieurs remarques ont déjà été formulées. Lui-même s'interroge sur la façon dont cela pourrait fonctionner en pratique. Imaginons qu'un patient se fasse transplanter à l'étranger. Le médecin a-t-il une obligation de dénonciation, en dépit du secret professionnel auquel il est en principe tenu ? Il est face à un dilemme de conscience. En outre, la criminalisation de cet acte lui semble extrêmement sévère car, comme l'orateur précédent, il souligne la détresse du patient en attente d'une greffe.

Comme d'autres l'ont déjà souligné, le système belge est très performant. Notre pays est l'un de ceux qui connaît le plus de donneurs et le plus d'organes prélevés par million d'habitants. Il n'y a que 12 % de refus familiaux, soit une trentaine d'organes par an. Ce n'est évidemment pas à négliger mais le professeur craint néanmoins que les efforts à faire pour améliorer encore la situation soient considérables pour des bénéfices assez limités. D'autres domaines de la transplantation justifieraient peut-être plus particulièrement des efforts.

B. Échange de vues

M. Ide indique que les trois propositions de loi à l'examen trouvent leur origine dans le fait qu'en Belgique, les procédures en matière de dons d'organes fonctionnent bien et qu'un nombre de 25 donneurs par million d'habitants est un beau résultat. Mais il faut être plus ambitieux et essayer d'atteindre le seuil de 35 donneurs par million d'habitants.

C'est dans cette perspective que les trois propositions de loi à l'examen ont été déposées. On pourrait aussi évidemment prendre d'autres initiatives, par exemple prévoir des mesures de compensation des coûts pour les donneurs vivants. Il s'agit toutefois d'une matière particulièrement complexe non seulement parce qu'à l'INAMI, toutes les données doivent être saisies dans le cadre de l'assurance maladie, mais aussi parce qu'il faut réfléchir au rôle de l'assurance hospitalisation et d'autres assurances, aux conséquences que le don d'organes pourrait avoir pour le donneur dans le cadre du marché du travail et aux maladies éventuelles que celui-ci pourrait développer. La mise au point d'une proposition de loi relative aux dons d'organes par des donneurs vivants nécessite des analyses approfondies avant que l'on puisse aboutir à une solution globale. C'est pourquoi M. Ide a décidé de se limiter aux trois propositions en discussion. Il espère qu'elles pourront contribuer à faire augmenter le nombre de donneurs.

Pour que les choses soient bien claires, il souligne que le principe relatif au consentement tacite et le système d'« opting out » restent entièrement d'application. Si les auteurs n'ont pas précisé ces points explicitement dans les développements, c'est parce qu'il s'agissait pour eux d'une évidence. C'est aussi dans cette optique qu'il faut considérer l'association du médecin généraliste au processus: un « opting out » par ignorance sera « géré » plus efficacement par le médecin généraliste que par un fonctionnaire. Là où le fonctionnaire traitera le dossier correctement sur le plan administratif, le médecin généraliste s'efforcera plutôt, grâce à son expertise, d'aiguiller le patient dans la bonne direction. De plus, le contact avec le médecin généraliste permet de renforcer la relation de confiance entre le patient et le médecin.

M. Ide prend également acte de la remarque formulée par le docteur Baeke au sujet du dossier médical global (DMG). Les représentants de la ministre de la Santé publique, ici présents, n'auront pas omis de noter cette remarque, eu égard à son importance.

Pour M. Ide, il est clair que des campagnes pour le don d'organes continueront à être organisées, que ce soit par l'autorité fédérale ou par les administrations locales, par exemple. Il estime que pour réduire le nombre de personnes qui refusent le don d'organes, il serait judicieux d'associer le médecin généraliste au processus.

Dans la proposition, il est également précisé que le système doit être organisé par le biais de la plate-forme E-Health, de manière à intégrer la Banque-Carrefour dans le processus. À l'heure actuelle, l'employé communal utilise la Banque-Carrefour pour mentionner les opting out. On pourrait, en quelques étapes, passer facilement du patient à la plate-forme E-Health via le médecin généraliste et aboutir ensuite dans la Banque-Carrefour.

M. Ide convient entièrement que des sessions de formation et de perfectionnement sont nécessaires pour les médecins. La proposition 5-667/1 prévoit la désignation dans chaque hôpital de coordinateurs de transplantation locaux. L'une de leurs tâches sera de mettre au point un système de cours de perfectionnement pour les médecins. Il faut en effet éviter d'en arriver à un système à l'espagnole qui risque d'ouvrir la voie à une « chasse » aux organes. En ce qui concerne le financement, l'intervenant estime qu'il faut privilégier un système à caractère forfaitaire. L'idée serait de vérifier que les conditions à remplir pour être un centre de transplantation local sont bien réunies et d'octroyer un montant forfaitaire chaque année. Il n'y aurait pas un versement unique par organe car ce serait alors la porte ouverte à tous les abus.

Le professeur Otte a mentionné la problématique des cellules hématopoïétiques. Les organes régénérateurs ont été expressément exclus du cadre des textes à l'examen. M. Ide a estimé que la problématique des organes régénérateurs n'avait pas sa place ici. Il est néanmoins intéressant de s'interroger sur l'opportunité de la prendre en compte. Il ne saurait être question d'aborder cette problématique dans le contexte des personnes incapables, ce qui rendrait toute transplantation de cellules souches impossible.

M. Ide a appris que les pouvoirs publics auraient pris une initiative au mois de mars et lui-même a déposé sa proposition en décembre 2010. Il faudra voir si les deux propositions n'interfèrent pas. L'intervenant se dit convaincu qu'une initiative législative qui est adoptée et qui devient loi, a plus de poids qu'une initiative de l'administration, mais l'une ne doit pas nécessairement exclure l'autre.

De la proposition de loi nº 5-677 relative au commerce d'organes et au tourisme de transplantation, M. Ide retient qu'il faut tenir compte de trois éléments. Premièrement, il y a le donneur. Il précise être parti du principe que dans le contexte du trafic d'organes, le donneur est souvent la victime. Au fil des auditions, l'intervenant a pris conscience qu'il est possible en théorie qu'un Belge se rende dans un hôpital à l'étranger et qu'il s'y passe certaines choses. Cela ne correspond pas à l'image que l'on a traditionnellement du donneur dans ce genre de situations, à savoir une personne que l'on appréhende quelque part et que l'on embarque en vue de lui prélever un organe contre son gré à des fins commerciales. Il pourrait être utile d'amender et de clarifier le texte.

Il n'est nullement question de supprimer le secret professionnel. Il s'agit surtout de donner un signal. M. Ide ignore si le dépistage de ces pratiques constitue une priorité pour les parquets. Il est également possible d'aider les parquets, par exemple en leur signalant qu'une personne présente sur une liste de transplantation en a subitement disparu. M. Ide souligne encore que la communauté internationale insiste pour que l'on s'attaque au commerce d'organes et au tourisme de transplantation.

L'intervenant espère avoir clarifié quelque peu ses intentions. Il souhaite rappeler une fois encore que le but n'est pas de toucher au système actuel mais de le compléter par plusieurs ajouts en vue d'augmenter le nombre de dons d'organes, ce qui aura pour effet de réduire les listes d'attente, d'améliorer la qualité de vie des patients et de mettre en place un système solidaire.

M. Brotchi voudrait profiter de l'occasion pour poser quelques questions aux experts. La première question concerne la proposition de loi nº 5-666/1 de M. Ide et l'intérêt qu'y portent les médecins généralistes. Bien entendu, il est toujours bon de valoriser autant que possible le médecin généraliste et de lui donner la possibilité de poser certains actes. Mais est-ce que les médecins généralistes souhaitent jouer ce rôle ? Combien d'entre eux utilisent le dossier médical global (DMG) et qu'en est-il des patients qui n'en ont pas ? Et quid de la charge administrative que supposera cette mesure ? Le médecin généraliste ne sera-t-il pas confronté à une charge administrative supplémentaire ?

Sa deuxième série de questions porte sur la problématique du commerce d'organes. En tant que neurochirurgien, M. Brotchi a souvent eu l'occasion de constater qu'un patient se trouvait en état de mort cérébrale, de participer à une prise de décision sur un don d'organes et de parler avec la famille du patient. Il a donc une expérience pratique en la matière. L'on a évoqué aujourd'hui le désespoir des patients qui sentaient leur fin approcher. Leur état d'esprit est similaire au désespoir du patient paraplégique qui ferait n'importe quoi pour pouvoir remarcher et qui apprend en surfant sur internet qu'il peut subir, dans certains pays, une transplantation de cellules souches qui lui permettrait de remarcher. Un patient qui sait qu'il a besoin d'un organe pour rester en vie ne reculera évidemment devant rien pour obtenir cet organe. Il n'y a pas de commerce d'organes en Belgique, où toute la procédure est transparente, mais ce n'est pas le cas partout. Les patients le savent eux aussi et choisiront peut-être d'emprunter cette autre voie. Naturellement, ce sont d'abord les autorités des pays concernés par le problème du commerce d'organes qui doivent agir. Néanmoins, la situation est délicate pour le médecin qui constate qu'un patient figurant auparavant sur une liste de transplantation ne s'y trouve plus. Il est très difficile pour ce médecin de dénoncer le patient et de lancer une procédure. M. Brotchi est particulièrement mal à l'aise avec cette idée et, à titre personnel, il ne ferait pas une telle dénonciation.

Sa question suivante s'adresse aux experts. Y a-t-il, à leur connaissance, des malades qui, ne pouvant pas bénéficier d'une transplantation dans leur pays, se rendent en Belgique à cet effet ? Ils ne pourront certes pas bénéficier d'une transplantation chez nous si leur pays n'est pas situé dans la zone Eurotransplant, mais qu'en est-il s'ils se domicilient en Belgique ? Entrent-ils alors en ligne de compte ? Cette démarche ne relève pas vraiment du commerce d'organes, mais il s'agit tout de même d'une forme de fraude au détriment d'autres patients de la liste.

Enfin, M. Brotchi évoque les possibilités d'augmenter le nombre d'organes disponibles. Il est persuadé qu'un grand nombre d'organes ont perdus parce que les hôpitaux ne sont pas suffisamment attentifs aux possibilités de don d'organes. Sans vouloir aller jusqu'au système espagnol, il estime qu'il est capital d'encourager la présence de coordinateurs de transplantation locaux. L'intervenant a pu voir comment l'hôpital de Charleroi était organisé. Toute une équipe, comprenant notamment un infirmier coordinateur, y assure le suivi des cas dignes d'intérêt, sans toutefois tomber dans une course aux donneurs potentiels. Cependant, cela n'empêche pas les membres de l'équipe de lancer une procédure et de discuter avec la famille lorsqu'une personne est déclarée en état de mort cérébrale. Il est important de disposer de telles équipes pour pouvoir prélever un maximum d'organes. M. Brotchi juge qu'il n'y a pas suffisamment d'équipes de coordination de ce type en Belgique et qu'en les renforçant, on augmenterait incontestablement le nombre de dons d'organes, ce qui est l'objectif de la proposition de M. Ide.

Le docteur Baeke indique que le temps est révolu où quelqu'un pouvait parler au nom de tous les médecins généralistes. Il y a plusieurs générations de médecins généralistes qui sont en activité actuellement et chacune exerce sa profession de manière différente. D'une part, les médecins d'aujourd'hui sont moins ambitieux et moins disposés à travailler autant d'heures que leurs prédécesseurs. D'autre part, les pouvoirs publics doivent s'efforcer de rendre la profession plus attrayante. Par exemple, les médecins généralistes ont des charges administratives qui sont devenues très lourdes et qui continuent de s'alourdir.

La génération de médecins qui pratiquent aujourd'hui la médecine générale est toujours composée en majorité de médecins travaillant seuls qui sont discriminés du fait que les autorités se concentrent excessivement sur les cabinets en groupe ou en duo. Les médecins travaillant seuls qui représentent encore plus de la moitié des cotisations INAMI, restent quelque peu sur le carreau. Les pouvoirs publics ont pour mission importante de rendre la profession plus attrayante.

Si la profession devenait effectivement plus attrayante, une partie des médecins prendrait certainement les nouvelles tâches en charge. Les médecins généralistes sont tenus complètement à l'écart du processus d'euthanasie. En réalité, l'État a exclu la décision en la matière et le colloque singulier du champ d'action du médecin généraliste. Le docteur Baeke invite la commission à examiner quel pourrait être le rôle du médecin généraliste. Elle a clairement le temps de le faire tant qu'il n'y a pas de gouvernement.

Puisqu'il y a actuellement plusieurs générations de médecins généralistes en activité, il n'est plus possible de parler au nom de tous les médecins. Le docteur Baeke ne peut pas dire si tous les médecins seront intéressés de participer à la procédure du don d'organes; selon lui, cela ne sera très vraisemblablement pas le cas. La question est même de savoir si cela a lieu d'être, mais c'est une décision que les nombreuses organisations de médecins généralistes doivent prendre en interne.

En ce qui concerne le DMG, le docteur Baeke précise qu'il y en a beaucoup plus en Flandre qu'en Wallonie, Bruxelles se classant bon dernier dans ce domaine. La situation serait probablement meilleure si l'on simplifiait le système de paiement. Les patients ne peuvent pas toujours payer les 50 euros demandés, ce qui les empêche d'ouvrir un DMG. Il faut dès lors étendre le régime du tiers payant de manière à permettre à tous les patients d'avoir un gestionnaire de dossier, lequel doit être rémunéré en conséquence.

En ce qui concerne la charge administrative éventuelle, le docteur Baeke implore de la limiter au maximum. Il considère que cela doit être possible sans trop de paperasse en utilisant la plateforme e-Health.

M. Torfs indique que la commission examine en ce moment la problématique du tiers payant. Il ne manquera pas d'inviter encore à l'avenir les médecins généralistes pour qu'ils donnent leur point de vue dans les dossiers qui les concernent.

Selon le professeur De Broe, le docteur Baeke a parfaitement exprimé qu'il sera difficile d'intégrer le médecin généraliste dans ce système. Ce sont les fonctionnaires qui doivent le faire et ils doivent le faire correctement. Le professeur De Broe est cependant persuadé que la proposition de recourir au médecin généraliste est tout bonnement dangereuse et assez difficile à mettre en œuvre.

L'intervenant a discuté avec deux coordinateurs de transplantation avant la présente audition. Imaginons que le système de l'opting in (l'enregistrement positif des donneurs d'organes) soit instauré, qu'une personne décède dans un certain hôpital et que la famille soit confrontée au choix positif du défunt. Le professeur De Broe ne peut pas concevoir que la famille n'ait plus la possibilité de s'opposer à ce choix, même en pareil cas. Il est illusoire de croire qu'une déclaration d'opting in aura pour effet que la famille devra toujours respecter le choix du défunt.

Pour ce qui est de la remarque de M. Brotchi, le professeur De Broe est entièrement d'accord qu'il est tout à fait inconcevable que le médecin soit obligé de devenir un informateur et de transmettre à la justice des renseignements qui pourraient avoir des conséquences très fâcheuses pour un patient.

Il signale qu'il y a déjà eu dans le passé des cas de patients qui étaient amenés en Belgique en provenance de pays qui ne faisaient pas partie de la zone Eurotransplant. Ce ne sont heureusement pas des cas récents, mais rien ne dit que ce phénomène ne pourrait pas se reproduire. Il est donc nécessaire d'établir des règles claires en la matière.

M. Ide souligne que la proposition n'entend rien modifier au système du consentement formel et du consentement présumé. Il s'agit seulement de permettre à un médecin de famille d'accomplir des tâches aujourd'hui accomplies par un fonctionnaire. La proposition à l'examen ne va pas plus loin.

M. De Broe affirme qu'il est impossible que le fonctionnaire et le médecin de famille encodent un même enregistrement chacun de leur côté. Le médecin de famille ne va-t-il pas se substituer au fonctionnaire ? Il émet des réserves quant à l'efficacité de la procédure.

M. Ide précise que chaque enregistrement n'apparaît que sur une seule et même liste. La plateforme e-Health permet d'accéder en un seul clic à la liste existante. Le médecin de famille se substitue effectivement au fonctionnaire.

M. Baeke trouve que ces tâches sont fort éloignées du contenu de la profession, qui est devenu très maigre pour certains de ses confrères, dont le travail n'a plus grand-chose à voir avec le titre de docteur en médecine, chirurgie et accouchements. Il convient de rendre la profession attrayante.

La sénatrice Temmerman se rallie à la question posée par le sénateur Brotchi à propos du rôle du médecin généraliste. L'accent est mis sur les avantages du système du opting out, qui oblige celui qui y adhère à se présenter à un fonctionnaire. Dans le nouveau contexte de la proposition, l'on devrait pouvoir s'adresser à son médecin de famille. Il s'agit de patients avec ou sans DMG. Dans ce nouveau contexte, est-il demandé au médecin traitant d'en parler avec ses patients de façon proactive ? Ou faut-il attendre que le patient demande des informations à ce sujet ? Et pour les personnes qui n'ont pas de DMG, est-ce bien le rôle du médecin traitant de leur demander de façon proactive s'ils préfèrent un consentement présumé ou un consentement formel ? Actuellement, la plateforme e-Health permet de vérifier qui ne souhaite pas faire don de ses organes. Si l'on passe à deux systèmes de consentement, cela va compliquer les choses. Mme Temmerman partage l'opinion de M. Ide, qui estime qu'il vaut mieux confier à un médecin toutes les explications sur le don d'organes, ce qui permettra de tordre le cou à de nombreux malentendus et peut-être de convaincre les indécis. Le médecin de famille aura-t-il alors le droit ou le devoir d'informer son patient ? Dans ce cas, devra-t-il faire payer la consultation ? L'intervenante trouve que les implications sur le terrain ne sont pas très claires. Bien entendu, il est possible que les médecins de famille décident collectivement de leur approche, mais il est évident qu'ils devront encore en débattre.

M. Torfs demande si le rôle proactif du médecin de famille doit être interprété en ce sens que lorsqu'un patient se présente à lui pour une grippe bénigne, il doit lui demander ce qu'il compte faire de ses organes.

La sénatrice Temmerman confirme que c'est une possibilité. D'ailleurs, les patients posent souvent les questions les plus diverses lors des consultations.

Le docteur Lemye pense que les médecins généralistes sont disposés à prêter leur concours. Ils ne joueront probablement pas un rôle central parce qu'ils seront rarement présents lorsque la question du don d'organes se posera. Ils pourront surtout se rendre utiles en donnant des informations générales au patient, par exemple dans le cadre d'une campagne sur le don d'organes. Il est en effet difficilement imaginable que les médecins généralistes se mettent à interroger systématiquement leurs patients sur leur attitude par rapport au don de leurs organes.

Le docteur Lemye est également partisan de la règle actuelle du consentement présumé, mais il estime que si l'on devait assigner un rôle plus actif au médecin de famille, il faudrait mettre en place un enregistrement central.

L'on peut certes assigner un nouveau rôle aux médecins de famille pour faciliter les choses, mais leur implication ne devrait pas aller plus loin.

Le professeur Otte estime que l'objectif de M. Ide, qui est de porter le nombre de donneurs à 35 par million d'habitants, est très louable, mais qu'il faut bien réfléchir à toutes les initiatives proposées et ne pas agir dans la précipitation. Il renvoie à cet égard à la loi modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes (Moniteur belge du 13 avril 2007), qui concerne la situation des personnes présentant un handicap mental. L'intervenant déclare que d'après ses informations, cette modification de la loi avait aussi pour finalité d'accroître le nombre de donneurs d'organes. L'objectif était louable, mais les mesures concrètes prises dans le cadre de la loi de 2007 ne firent pas l'objet à l'époque d'une réflexion suffisante.

En ce qui concerne les médecins généralistes, le professeur Otte croit comprendre que l'objectif n'est pas de remplacer un système par un autre. À l'heure actuelle, il existe un système d'enregistrement central qui est alimenté par l'intermédiaire de l'employé communal. Le sénateur Ide souhaite que désormais, les médecins généralistes aient également accès à ce registre. L'intervenant pense qu'il s'agit d'une bonne mesure.

Le professeur Otte propose de prendre contact avec les centres universitaires de médecine générale, qui existent aujourd'hui dans chaque université, afin d'essayer d'obtenir des données objectives, par exemple au sujet du nombre de patients possédant un DMG.

En ce qui concerne le commerce d'organes, le professeur Otte précise que tous les médecins ici présents comprennent le désespoir des patients. À titre personnel, il estime qu'il n'y a pas de compromis possible dans ce domaine. Un patient qui ressent l'imminence de la mort est évidemment prêt à tout. S'il subsiste des moyens de contourner la loi, il sera très difficile d'empêcher les abus. Il se rallie toutefois entièrement à la remarque formulée par d'autres intervenants, selon laquelle on ne peut pas obliger un médecin généraliste à dénoncer son patient. Cela entre dans le cadre du secret professionnel. D'ailleurs, aux États-Unis, on s'est déjà longuement interrogé sur les implications de celui-ci et on s'est penché sur la question de savoir si un médecin peut s'occuper d'un patient alors qu'un dossier a déjà été ouvert à son nom à l'étranger. Il arrive en effet que des étrangers se fassent domicilier en Belgique afin de pouvoir ainsi figurer sur les listes d'Eurotransplant. Mais de combien de cas s'agit-il en réalité ?

Enfin, le professeur Otte souhaite encore dire quelques mots aussi au sujet des coordinateurs de transplantation. Si le système espagnol est très performant, il est aussi quelque peu choquant, de sorte que le coordinateur est assez souvent perçu comme un « charognard ». L'intervenant estime dès lors que l'intérêt de la proposition réside essentiellement dans le fait qu'elle met l'accent sur les soins intensifs, ce qui veut dire que le coordinateur doit collaborer étroitement avec l'équipe des soins intensifs ou faire partie de celle-ci.

M. Torfs demande au professeur Otte si, d'après lui, un médecin a le droit de dénoncer un patient.

Le professeur Otte répond qu'un médecin n'a pas ce droit.

Mme Lijnen estime qu'il se montrer prudent en ce qui concerne la modification éventuelle du système « d'opting out » ou « d'opting in », car on risque de créer la confusion. À l'heure actuelle, il existe un système « d'opting out », mais il y a aussi des campagnes qui sont organisées dans le but d'encourager les gens à devenir des donneurs potentiels si bien que ceux-ci sont persuadés qu'ils doivent se manifester pour devenir donneurs, alors que c'est exactement l'inverse. L'ajout éventuel d'une nouvelle option — impliquant soit l'intervention de l'employé communal, soit celle du médecin généraliste — ne contribuera pas à clarifier le système.

En ce qui concerne l'aspect international et le trafic d'organes, Mme Lijnen déclare qu'elle déposera une proposition de loi dans laquelle elle suggèrera de faire la distinction entre, d'une part, le tourisme de transplantation douteux et, d'autre part, la création d'un cadre légal fixant les conditions relatives aux transplantations d'organes en dehors de l'Union européenne. Il y a en effet des pays où il n'existe pas de système de sécurité sociale, contrairement à ce qui est le cas chez nous, et où la règle est de payer pour obtenir un organe. En outre, il est faux de croire que tous les patients qui cherchent à se procurer un organe en dehors des frontières de l'Union européenne sont prêts à se livrer à des agissements douteux. L'intervenante déclare qu'elle proposera que le Roi dresse la liste de tous les établissements dans le monde qui respectent notre législation de manière à permettre aux patients — que ce soit dans le cadre des contacts avec le médecin ou lors de recherches sur Internet — de savoir vers quel pays ils peuvent éventuellement orienter leurs recherches.

Le professeur Van Raemdonck souhaite revenir un instant à une remarque formulée par le sénateur Brotchi au sujet du tourisme de transplantation en Europe. Ce dernier a indiqué à juste titre qu'un patient originaire d'un autre pays peut venir en Belgique, s'y faire enregistrer et être inscrit sur une liste d'attente belge. Toutefois, dans le cadre d'Eurotransplant aussi, le tourisme de transplantation risque de prendre de l'ampleur. Tant qu'il y aura un déséquilibre entre les différents pays d'Eurotransplant en ce qui concerne le nombre de donneurs d'organes, le tourisme de transplantation subsistera. À l'heure actuelle, tout cela est parfaitement légal et on ne peut rien faire contre. De plus, on peut comprendre que des ressortissants néerlandais qui ont essuyé un refus aux Pays-Bas ou qui y ont été inscrits sur une très longue liste d'attente veuillent venir chez nous afin de figurer sur une liste d'attente belge. Le professeur Van Raemdonck pense que l'initiative du sénateur Ide doit être envisagée dans un cadre plus large. Il faudrait voir par exemple s'il ne serait pas possible de prévoir une mesure ou une autre en vue de décourager les ressortissants d'autres pays de venir en Belgique parce que le nombre de donneurs y est plus élevé, sans que cela ne soit contraire à la directive européenne relative à la libre circulation des personnes.

M. Ide pense que cela pourrait faire l'objet d'une initiative législative, mais les systèmes de score d'Eurotransplant pour l'attribution et la répartition des organes ne permettent visiblement pas de pallier toutes les lacunes. Ne pourrait-on pas affiner ces systèmes au sein d'Eurotransplant ?

Le professeur Van Raemdonck pense que la presse exagère quelque peu le problème et que le nombre de cas problématiques a été gonflé. Seul un petit nombre de patients est en réalité concerné, même s'il est vrai qu'il existe un déséquilibre entre la Belgique et les Pays-Bas. Il incombe au premier chef aux autorités néerlandaises de légiférer en la matière pour décourager le recours à de telles pratiques. La Belgique ne peut pas faire grand-chose sur ce plan.

Selon le professeur De Broe, ce phénomène résulte entre autres du fait qu'aux Pays-Bas, le nombre de donneurs par million d'habitants est beaucoup moins élevé qu'en Belgique, si bien que les listes d'attente y sont automatiquement plus longues que chez nous. Et vu la distance relativement courte entre les deux pays, les conséquences sont prévisibles.

M. Ide ajoute qu'il a pris une initiative à ce sujet. Ayant appris avec étonnement que Mme Schippers, la nouvelle ministre néerlandaise de la Santé publique, ne souhaitait nullement modifier le système de transplantation d'organes, il lui a adressé un courrier, auquel il a reçu une réponse, mais malheureusement pas sur le fond du problème. L'intervenant est convaincu de la nécessité d'une concertation, car un système solidaire inclut nécessairement un certain rééquilibrage de la solidarité entre les participants au système. M. Ide ne manquera pas de tenir compte de la suggestion qui lui a été faite d'envisager une initiative législative en la matière.

Il insiste une fois encore sur le fait que le seul objectif de la proposition de loi nº 5-666/1 relative à la plate-forme e-Health est de faire en sorte que le fonctionnaire ne soit pas le seul à pouvoir procéder à l'enregistrement, mais que le médecin généraliste puisse également le faire. La proposition ne poursuit pas d'autre objetcif. L'avantage est que cela permet d'établir un lien entre la Banque Carrefour et la plate-forme eHealth. Certains syndicats de médecins ont quelques craintes, car ce sera physiquement la même personne qui lancera ce processus, mais il s'agit en réalité d'un avantage car les deux banques de données pourront parfaitement communiquer. À la suite de la remarque de M. Brotchi, M. Ide se dit prêt à envisager de retirer la partie relative aux patients incapables d'exprimer leur volonté et de la traiter dans le cadre d'une autre proposition.

Enfin, M. Ide indique qu'il ressort d'une étude scientifique qu'un patient pose en moyenne trois questions lors d'une consultation chez son médecin traitant. Ces questions peuvent effectivement concerner une simple grippe, mais s'il se fait que le patient a reçu une lettre de la commune concernant les dons d'organes, il ne manquera pas de saisir l'occasion pour interroger son médecin à ce sujet.

Le professeur De Broe se réfère aux développements de la proposition de loi nº 5-666/1, où l'on peut lire, dans le texte français, que « [...] l'auteur entrevoit ici un rôle déterminant à confier au médecin généraliste. ». Il en résulte, selon l'intervenant, que le fonctionnaire ne jouerait plus qu'un rôle marginal dans ce domaine. Or, M. Ide affirme aujourd'hui que les deux systèmes coexisteront, le fonctionnaire continuant à procéder aux enregistrements et le médecin généraliste pouvant lui aussi enregistrer. Cette affirmation est toute de même différente de ce qu'on lit dans les développements.

M. Ide fait référence au texte de l'article 2 proposé, qui dispose clairement ce qui suit: « a) sur demande de l'intéressé, de faire acter son consentement ou son opposition via les services du Registre national ou via la plate-forme eHealth par l'intermédiaire du médecin qui gère le dossier médical global de l'intéressé; ». Tant le fonctionnaire que le médecin généraliste ont donc un rôle à jouer.

Mme Thibaut aimerait savoir ce que les experts pensent de la plate-forme eHealth. Quel est le degré de confiance du monde médical et du public à cet égard ? Qu'en est-il de la protection de la vie privée et, donc, des données de cette plate-forme ?

Selon le docteur Baeke, on observait au départ une assez forte résistance, notamment en raison du manque de clarté de la position de M. Robben en la matière. Mais les choses ont évolué, en tout cas en ce qui concerne la Flandre, et l'on peut aujourd'hui constater que même les plus pessimistes se sont départis de la grande méfiance dont ils faisaient preuve au début. M. Robben n'a d'ailleurs pas ménagé ses efforts pour expliquer clairement ses intentions, et on a pu se rendre compte qu'il était un homme de parole. Selon le docteur Baeke, les médecins généralistes n'ont aucune raison d'être méfiants aussi longtemps qu'ils continueront à recevoir des explications comme aujourd'hui. La réaction spontanée qu'a eue l'intervenant après avoir pris connaissance de la proposition de loi a été de se dire que si tout le processus pouvait se dérouler via eHealth, les choses seraient simples et il ne faudrait pas s'attendre à trop de formalités administratives.

M. Torfs aime autant éviter un trop grand nombre de sanctions lorsque cela n'est pas nécessaire. N'existe-t-il pas d'autres moyens ou d'autres dispositifs que des sanctions pour dissuader les gens de recourir au tourisme de transplantation ? Une autre question concerne le dédommagement équitable évoqué par le professeur De Broe. Sur la base de quels critères peut-on en fixer le montant et sous quelle forme se présenterait-il ? La réponse à ces questions est également importante si l'on veut établir une distinction entre des activités commerciales et des activités qui ne le sont pas.

Le professeur Van Raemdonck répond à la première question. Selon lui, le système le plus correct serait de prévoir qu'une personne étrangère qui vient en Belgique pour bénéficier de l'expertise chirurgicale et médicale de notre pays amène avec elle l'organe qu'elle souhaite se faire transplanter. Malheureusement, la Belgique ne peut imposer cela à d'autres pays. C'est pourquoi il existe au sein d'Eurotransplant une autre proposition qui prévoit d'intégrer, dans l'algorithme d'attribution d'un organe à un patient d'un pays d'Eurotransplant autre que la Belgique, un facteur qui fait en sorte que ce patient sera situé après les Belges sur la liste. Cette possibilité permet d'accorder le même avantage ou le même inconvénient qu'aux autres patients du pays de l'intéressé, sans qu'il faille appliquer des sanctions.

Le professeur De Broe tient à souligner une fois encore que les développements de la proposition de loi nº 5-666/1 de M. Ide présentent quelques faiblesses et imperfections.

La question du dédommagement est un sujet délicat. L'académie s'est déjà penchée sur cette question et les pouvoirs publics, par l'intermédiaire de M. De Coster, ont, il y a un an, appelé tous les centres belges à réaliser une étude visant à estimer le coût qu'un tel dédommagement représenterait; la seule étude dont on dispose à ce jour est celle de M. Kesteloot. Malheureusement, elle est un peu trop restreinte et il serait bon de l'affiner pour pouvoir aboutir à un calcul correct, ce qui n'est pas encore possible actuellement.

Selon toute vraisemblance, ce coût ne sera pas négligeable. Il est possible que d'aucuns soient effrayés par le montant qui sera évoqué dans le cadre d'un dédommagement équitable. Ce montant tiendra compte du coût réel des actes médicaux, ainsi que de la perte de rémunération, de la perte de temps, des indemnités de déplacement, etc. Mais il faudra également veiller à ce que le terme « dédommagement » figure au bon endroit dans la terminologie de la législation pénale, si l'on veut éviter de sérieux problèmes.

M. Ide suppose que la confusion relevée dans les développements de la proposition de loi nº 5-666/1 est due à une erreur d'interprétation lors de la traduction. La version originale est le néerlandais, où l'on peut lire: « een belangrijke rol weggelegd voor de huisarts ». Cette partie de phrase a été traduite en français par « un rôle déterminant à confier au médecin généraliste », ce qui n'est pas exact.

Mme Winckel remercie tous les experts pour leurs exposés détaillés. En ce qui concerne la proposition nº 5-666/1 instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes, elle suggère que la commission procède à l'audition du responsable d'eHealth. S'agissant de la proposition de loi nº 5-667/1, le professeur Otte a parlé d'un projet-pilote dont la réalisation rendrait la proposition de Mme Sleurs sans objet. Serait-il possible d'entendre à ce propos le SPF Santé publique et la ministre de la Santé publique ? Si le professeur Otte en sait plus à ce sujet, elle aimerait également en être informée.

En ce qui concerne la proposition 5-677/1, elle indique que le sénateur Mahoux a déposé une proposition de loi sur le même sujet, qui sera prise en considération dès jeudi. Par rapport à la proposition du sénateur Ide, l'intervenante est surtout préoccupée par le principe du dédommagement équitable. Un élément essentiel de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes est que le don doit se faire sans esprit de lucre. Où se situe la limite entre un dédommagement équitable et un profit ? Il faudra prévoir des définitions précises, par exemple pour les remboursements de frais dont nous venons de parler. Les experts présents pourraient-ils nous expliquer ce qu'il en est aujourd'hui ? La notion de dédommagement équitable existe-t-elle déjà ou pas du tout ?

Les experts présents déclarent qu'à l'heure actuelle, aucun dédommagement n'est prévu.

En ce qui concerne le premier point soulevé par le sénateur Winckel, le professeur Otte déclare être en possession d'une copie d'une lettre que M. De Coster, directeur général du SPF Santé publique, a adressée au directeur des Cliniques Saint-Luc. Cette lettre propose une convention concernant l'implantation d'un cadre de coordinateurs locaux, ainsi qu'un financement. C'est à cette convention que l'intervenant a précédemment fait référence.

En ce qui concerne le second point abordé par le sénateur Winckel, à savoir le dédommagement, il sera effectivement très important de retenir la bonne définition et de choisir les termes les plus appropriés dans les deux langues. En français, on peut parler de compensation, d'indemnité ou de dédommagement, mais ces termes n'ont pas toujours le même sens. Le professeur Otte pense que le terme qui convient le mieux est la compensation. Il ne s'agit pas de récompenser un don mais de compenser les frais qui en découlent. Une interruption de travail entraîne en effet une perte de salaire qui se calcule différemment selon que l'on est ouvrier, employé ou indépendant. Il sera difficile d'aboutir à un calcul uniformisé. Dès lors, ne vaudrait-il pas mieux prévoir une somme forfaitaire ? Celle-ci doit être basée sur le principe d'une compensation équitable et non sur celui d'une récompense financière.

Au fond, comment procède-t-on concrètement, et quelle est la structure de coûts retenue, au vu de l'étude Kesteloot ? Avant l'hospitalisation, il y a une phase d'évaluation. Pendant l'hospitalisation, un acte technique est réalisé, qui a des conséquences postopératoires. Un suivi médical est effectué durant les semaines ou les mois qui suivent, ou parfois même durant des années. Certains des frais exposés sont couverts par la sécurité sociale. Dans la pratique, ils sont mis à charge de la mutuelle du bénéficiaire de la transplantation. Ce système fonctionne parfaitement.

Là où le bât blesse, c'est pour certains frais non couverts par la sécurité sociale. Dans certains hôpitaux, par exemple à la KULeuven, ils sont pris en charge par l'hôpital lui-même. Mais cela dépend entièrement de la bonne volonté et des possibilités budgétaires de l'hôpital en question. Dans d'autres hôpitaux, le bénéficiaire devra y aller de sa poche.

Le professeur De Broe souligne que le texte de l'OMS et la déclaration d'Istanbul indiquent clairement qu'il faut prévoir un remboursement des frais. Cette définition est très simple dans sa formulation, mais très compliquée à quantifier. L'on s'efforce actuellement d'acquérir une idée globale du coût réel d'un don d'organe, notamment grâce à l'étude de Mme Kesteloot, dont on espère qu'elle poursuivra ses travaux. Il convient d'ajouter que le seul remboursement des frais ne suffira pas car il faudra aussi tenir compte d'un suivi médical du donneur, éventuellement à vie. Enfin, il faut également prévoir que les personnes qui donnent un organe deviennent prioritaires sur la liste des transplantations dans le cas où, par exemple, leur unique rein se mettrait à dysfonctionner. Tout cela figure dans la déclaration d'Istanbul (consultable sur le site www.declarationofistanbul.org).

M. Torfs est d'avis que si tous les remboursements ne sont pas clairement définis, il sera inutile d'adopter des dispositions pénales car elles seront inapplicables.

M. Ide explique que la proposition de loi 5-677/1 avait d'abord été attribuée à la commission des Affaires sociales, où elle n'avait pas vraiment sa place, et qu'elle a ensuite été transférée à la commission de la Justice. Celle-ci a, à son tour, demandé un avis à la commission des Affaires sociales avant d'en reprendre la discussion. C'est donc bien la commission de la Justice qui examinera comment régler la question du quantum des peines sanctionnant les infractions.

M. Torfs affirme que le problème n'est pas tant le quantum des peines, mais la qualification des infractions. Comment qualifier cet élément de manière appropriée si la compensation équitable n'est pas clairement définie. Tant que la loi restera trop vague sur ce point, ses dispositions pénales seront inapplicables d'un point de vue juridique.

M. Ide déclare que dans certaines situations, il n'y a aucune ambiguïté possible. Des cas comme celui d'un général kosovar, qui a organisé des filières de trafic d'organes, sautent aux yeux.

D'après M. Torfs, il est impératif de qualifier clairement l'infraction. C'est indispensable pour ne pas violer le principe de légalité, qui est un fondement de l'État de droit. C'est d'ailleurs la teneur d'un avis que la commission des Affaires sociales doit transmettre à la commission de la Justice: actuellement, il est clair qu'il faudra payer une certaine somme et qu'il s'agira d'un montant conséquent, mais il est clair aussi qu'il conviendra d'appliquer des techniques éprouvées pour établir une nette distinction entre une compensation équitable et une commercialisation.

D'après le professeur De Broe, il doit être possible de définir en quoi consiste la compensation équitable, à savoir les frais liés à l'acte technique, au suivi et, le cas échéant, à une transplantation ultérieure.

Le professeur Rogiers ajoute que, dans les cas de véritables trafics d'organes, une personne sert souvent d'intermédiaire et qu'elle est rémunérée en conséquence. La pire situation est celle dans laquelle le donneur ne perçoit aucune indemnité, alors que l'intermédiaire est rémunéré. La proposition à l'examen, interprétée littéralement, ne permettrait pas d'incriminer une telle situation.

Le sénateur Torfs trouve qu'il devrait quand même être possible de définir facilement un tel phénomène et de le juguler.

Le professeur De Broe souhaite ajouter qu'il n'utiliserait en aucun cas l'expression « compensation équitable ». Il lui préfère l'expression « indemnité couvrant les frais exposés », dans le cadre de l'acte de don, du suivi à long terme et d'une éventuelle transplantation prioritaire ultérieure. Il s'agit de « frais engendrés » et non d'une « compensation équitable ».

M. Torfs pense que l'expression « compensation équitable » donne en effet à penser qu'en dehors des frais réellement exposés, d'autres éléments pourraient également entrer en ligne de compte.

V. ANNEXE 2: AUDITION DU 7 JUIN 2011

A. Généralités

1. Exposé de M. Christiaan Decoster, directeur général de la direction générale « Organisation des établissements de soins », SPF Santé publique

M. Decoster présentera brièvement la politique menée par le SPF Santé publique en matière de don et de transplantation d'organes. En guise d'introduction, il tentera de décrire la tendance actuelle, à l'appui de données récentes. Il présentera ensuite la campagne menée, le projet GIFT, la récente directive européenne et la question du don par un donneur en vie. Après avoir donné ces informations sur la politique, il se penchera plus en détail sur chacune des propositions de loi à l'examen.

La politique actuelle comprend quatre volets. Le premier concerne la sensibilisation de la population et des prestataires de soins, le but étant évidemment de prélever le maximum d'organes, compte tenu des longues listes d'attente. Le deuxième volet porte sur la détection des donneurs potentiels. Le troisième volet a trait à la professionnalisation et à la qualité des soins, et le quatrième se rapporte au financement et à la législation.

La Belgique est dotée d'une bonne législation. Grâce au système du consentement implicite, notre pays présente un nombre de donneurs plutôt élevé. Au niveau européen, nous nous situons juste après l'Espagne dans ce domaine. Selon M. Decoster, il est cependant possible de faire encore mieux, à condition de s'y atteler suffisamment.

En ce qui concerne le nombre de donneurs, l'on peut constater que nous sommes partis d'un creux au début des années 2000, pour connaître ensuite une forte remontée. Cependant, l'on observe à nouveau un léger tassement ces derniers temps, voire une diminution. Les listes d'attente sont les plus longues pour les reins, ainsi que pour le cœur et le foie. Selon les derniers chiffres d'Eurotransplant, il y a de nouveau une petite amélioration depuis le début de l'année 2011, et le nombre de donneurs et de transplantations est reparti quelque peu à la hausse.

Le SPF Santé publique attache beaucoup d'importance à la sensibilisation; celle-ci est assurée par le biais de campagnes pour le don d'organes. Outre le principe du consentement implicite qu'il faut absolument conserver, M. Decoster est convaincu de la nécessité de mener des campagnes qui s'adressent à la population et aux prestataires de soins. En effet, la loi ne donne pas encore un « rendement » suffisant, et il est tout à fait possible d'augmenter encore le nombre de donneurs. Les campagnes s'adressent non seulement à la population, aux écoles et aux administrations communales, mais aussi, par exemple, au parquet. Ces différents acteurs peuvent en effet tous jouer un rôle positif dans la sensibilisation. Les campagnes ne visent pas à remplacer le consentement implicite, mais plutôt à renforcer le système. C'est la raison pour laquelle on a choisi de mener des campagnes intensives depuis 2005, ce qui a eu un effet perceptible dans les chiffres, malgré la baisse constatée ces dernières années.

Le nombre de refus n'a plus augmenté mais il a au contraire diminué, ce qui montre que les campagnes ont un effet positif. Alors que l'on dénombrait un nombre assez élevé de refus durant les premières années qui ont suivi l'entrée en vigueur de la législation, ce nombre baisse progressivement depuis que l'on mène des campagnes, ce qui prouve leur utilité.

Par ailleurs, les campagnes ont pour but d'inciter les gens à se rendre auprès de leur administration communale pour signer une déclaration par laquelle ils s'enregistrent comme donneurs. Depuis le début des campagnes, le nombre de ces déclarations est passé de 33 000 à 118 000. M. Decoster est persuadé que les campagnes ont eu un effet très positif à cet égard.

Le point suivant concerne la détection des donneurs potentiels. Une étude sur cet aspect a été réalisée au sein des hôpitaux sur la base de l'enregistrement médical. L'analyse des unités de soins intensifs a révélé que la proportion de prélèvement d'organes par rapport au nombre de décès variait fortement selon les hôpitaux. En d'autres termes, certains hôpitaux font des efforts pour prélever des organes et d'autres pas. Dans ce contexte, l'on se trouve pourtant au cœur de la loi relative au consentement implicite. Il faut donc faire en sorte de passer du consentement implicite au prélèvement effectif.

Voilà pourquoi on a lancé un deuxième grand projet intitulé GIFT. Ce projet est en réalité le précurseur du coordinateur de prélèvement. M. Decoster veut en effet créer de tels postes de coordinateurs dans le plus grand nombre possible d'hôpitaux disposant d'un service de soins intensifs. Il ose affirmer que la Belgique a été, avec l'Espagne, le promoteur de ce système de coordinateurs. Leur rôle consiste précisément à assurer une sensibilisation à l'intérieur de l'hôpital, afin que l'on cherche à identifier des donneurs potentiels. Un encadrement doit également être mis en place autour du coordinateur. En effet, les membres de la famille du donneur doivent aussi être associés à la procédure, ce qui nécessite un service social bien organisé.

Cela explique pourquoi l'on conclut avec les hôpitaux des contrats qui prévoient la mise à disposition d'une somme permettant de couvrir les frais exposés par ces hôpitaux. Le montant octroyé initialement était certes très limité, mais il a été légèrement revu à la hausse entre-temps. Le système a été récemment affiné par le biais d'une répartition des hôpitaux en trois catégories: ceux qui ont encore beaucoup à faire, ceux qui ont déjà prouvé qu'ils pratiquaient des prélèvements et, enfin, les hôpitaux — principalement universitaires — qui disposent aussi d'unités de transplantation et qui jouent en quelque sorte un rôle de mentor pour les autres hôpitaux en matière de formation, de sensibilisation, etc.

M. Decoster estime que l'on pourrait encore renforcer le projet GIFT.

Le point suivant de son exposé général relatif à la politique du SPF Santé publique concerne la transposition de la directive européenne qui a été adoptée il n'y a pas si longtemps par le Parlement européen (directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation). Cette directive doit être transposée en droit belge pour le mois d'août 2013 au plus tard.

L'administration du SPF Santé publique a transposé le contenu de la directive dans une proposition de projet de loi et dans une série de propositions d'arrêtés royaux visant à y donner exécution. Les thèmes du projet de loi sont évidemment liés à la directive. Il est vrai toutefois qu'une grande partie du contenu des propositions à l'examen est liée d'une manière ou d'une autre, directement ou indirectement, à la proposition de projet de loi.

La proposition de projet de texte est actuellement soumise au Comité fédéral de bioéthique parce qu'un passage en particulier soulève des questions d'ordre éthique, notamment en ce qui concerne les incapables. L'avis du Comité fédéral est absolument nécessaire en la matière. La proposition a aussi été soumise à la Commission de la protection de la vie privée, en raison des données sensibles qui doivent être demandées en vertu de la directive et du texte proposé. M. Decoster espère recevoir assez rapidement l'avis des deux instances, afin que le texte du projet puisse être publié.Il espère que le texte sera disponible au début de la nouvelle année parlementaire, en octobre 2011. Cela permettra d'étudier les propositions à l'examen dans le contexte plus large du projet de loi.

M. Decoster observe que le don par un donneur en vie n'est pas très populaire en Belgique. Cependant, le SPF Santé publique estime qu'il faut examiner s'il ne serait pas possible d'encourager les dons de ce type dans notre pays. Par rapport aux Pays-Bas, la Belgique obtient d'assez bons résultats en termes d'organes prélevés sur des donneurs décédés, mais pas en ce qui concerne les organes de donneurs en vie. La légère tendance à la baisse qui vient d'être évoquée par l'intervenant s'explique probablement aussi par la diminution du nombre de décès dans les accidents de la route, ce dont il faut évidemment se réjouir. Il en résulte naturellement une diminution du nombre d'organes disponibles, d'où la nécessité encore plus grande de mettre davantage l'accent sur le don d'organes par des donneurs en vie.

La législation actuelle dispose que le Roi peut autoriser un dédommagement pour les frais liés au don d'organe par un donneur vivant.Il ne s'agit en aucun cas d'autoriser un commerce en la matière mais uniquement de couvrir les frais réellement exposés. Une étude de ces coûts réalisée dans une université en particulier révèle cependant qu'il s'agit de montants considérables.M. Decoster estime que certains frais doivent pouvoir être remboursés, en tout cas dans le cadre de l'assurance-maladie. Il a été demandé récemment d'étendre cette étude et d'examiner dans plusieurs autres hôpitaux si les premières constatations se confirmaient ou non.

Ainsi se clôture le tableau synoptique de la politique menée actuellement en matière de don d'organes, présenté par M. Decoster.

2. Exposé de M. Frank Robben, administrateur général de la Banque-carrefour de la Sécurité sociale et de la plateforme eHealth

M. Robben s'attardera sur l'aspect technique de la chose.

Actuellement, la déclaration se fait auprès de la commune. Elle est enregistrée dans une banque de données gérée par le Registre national et ensuite copiée dans une banque de données tenue par la Santé publique. C'est cette dernière que consultent les médecins qui ont éventuellement besoin de prélever des organes.

La loi prévoit l'obligation de passer par le Registre national, mais d'après M. Robben, l'utilisation de deux banques contenant des données sensibles entraîne inévitablement des problèmes de coordination. Il recommande d'intégrer la déclaration directement dans la banque de données de la Santé publique, puisque le Registre national doit de toute façon être consulté pour vérifier que les personnes qui font la déclaration existent bel et bien. Ainsi, le Registre national intervient dans la déclaration, mais seulement en tant que banque de données consultée lors d'un processus. Cette manière de procéder est déjà appliquée pour la déclaration relative à l'euthanasie, à la satisfaction générale pour autant qu'il sache. L'intervenant suggère de suivre la même procédure pour le don d'organes.

Il est également possible d'organiser cette procédure en d'autres lieux qu'à la commune. M. Robben a pris contact avec le SPF Fedict pour pouvoir répondre de manière complète à cette question. Vous devez en effet vous assurer que la personne pour laquelle la déclaration est effectuée a bel et bien marqué son accord. La personne peut être authentifiée en lisant sa carte d'identité électronique. Cette vérification peut se faire à plusieurs endroits: à la commune ou par exemple chez le médecin traitant. La carte d'identité électronique inclut un fichier contenant des données d'identification. De plus, elle intègre également 2 clés qui ne sont utilisées que lorsque la personne encode son code PIN. Toutefois, le fichier comprenant les données d'identification peut également être utilisé sans encoder le code PIN. Ce fichier inclut notamment la photo de la personne, qui apparaît lorsque sa carte d'identité est introduite dans le lecteur. Le médecin peut alors contrôler si cette photo correspond à la personne titulaire de la carte. Cependant, il est théoriquement possible que le médecin copie ce fichier sur son disque et choisisse d'introduire la déclaration ultérieurement. Il est donc plus sûr de demander à l'intéressé d'entrer son code PIN, mais il faudra alors bien entendu qu'il le connaisse.

Il serait en tout cas possible, en guise d'alternative, que le médecin déclarant se connecte lui-même, ce qui suppose qu'il lise sa propre carte d'identité électronique. Si l'on s'accorde à reconnaître que la connexion du médecin déclarant offre un degré suffisant de garantie que le patient s'est bien présenté devant lui, il n'est alors pas nécessaire d'exiger du patient qu'il encode son code PIN. Mais si l'on veut avoir la certitude absolue que le patient était bien présent et porteur de sa carte d'identité électronique, il faudra lui demander d'encoder son code PIN. Techniquement, les deux options sont possibles. Il suffit de développer une application Web qui ouvre une fenêtre dans un navigateur, et les deux possibilités sont réalisables pour le printemps 2012. De telles applications Web peuvent être utilisées aussi bien à la commune qu'à un autre endroit, si c'est ce que l'on souhaite.

Cette technologie pourra également être intégrée aux suites logicielles pour médecins généralistes, qui se déclinent actuellement en 17 versions, mais il faudra disposer du temps nécessaire pour le réaliser, vu le nombre important de progiciels. En général, il est convenu avec les sociétés qui développent ces progiciels qu'elles disposent d'un an à partir de la réception de nouvelles spécifications pour les intégrer à leurs programmes.

Il est également possible de vérifier dans une banque de données tenue par les Mutualités que le médecin concerné gère effectivement le DMG du patient. Il y a quand même un bémol: les mutualités n'actualisent cette banque de données qu'une seule fois par an. Lorsqu'un patient change de médecin en cours d'année, son DMG reste donc encore enregistré auprès de son ancien médecin pendant un certain laps de temps.

M. Robben affirme en résumé que si l'on veut s'assurer de la présence effective du patient, sa CIE et son code PIN sont requis. Autre possibilité: le patient se présente avec sa CIE mais sans code PIN; le médecin appose alors sa propre signature électronique. Si l'enregistrement ne peut être effectué que par le médecin qui gère le dossier médical global, comme le prévoit la proposition de loi, c'est également réalisable techniquement. Tout pourrait être fin prêt pour la fin du premier trimestre 2012.

M. Decoster, directeur général du SPF Santé publique, fait observer que son département est donneur d'ordre dans ce dossier. Il se fait qu'à l'heure actuelle, les données transitent par le Registre national avant de parvenir à la Santé publique. Ce processus nécessite effectivement de nombreuses corrections, ce qui requiert — il va sans dire — des moyens humains. Ces corrections sont liées à des erreurs d'encodage à la source, c'est-à-dire à la maison communale. Mais il arrive aussi que des erreurs se produisent lors du transfert des données du Registre national au SPF Santé publique. Les données sont en outre stockées des deux côtés. M. Decoster pense qu'il faut rapprocher au maximum le SPF Santé publique de la source des données et il est n'est pas partisan de stocker des données sensibles à plusieurs endroits.

M. Decoster formule une deuxième observation à propos de la sécurité. Pour lui, l'accès au système peut encore être amélioré. Il insiste, et se réjouit de pouvoir le faire en présence de M. Robben, pour que l'on simplifie au maximum la technique de consultation de la banque de données.

D'autre part, M. Decoster trouve tout à fait judicieux d'impliquer le médecin généraliste dans ces matières. Pour le patient, il représente la personne de confiance et l'interlocuteur idéal à qui faire part de tels problèmes et questions. Il n'en demeure pas moins que c'est l'intéressé lui-même qui doit donner son consentement, et pas le médecin généraliste. Il faut veiller à ce que le médecin généraliste ne trouve pas ces opérations trop lourdes ou à ce qu'il ne risque pas être tenu responsable d'erreurs éventuelles. Pour l'intervenant, il s'agit d'un point délicat au cœur des présents débats.

3. Échange de vues

M. Ide pense qu'il ressort des exposés que l'utilisation de la plate-forme eHealth facilitera la procédure et contribuera à la situer davantage au cœur de la relation entre le médecin et son patient. Le système proposé permettra peut-être aussi de réduire le nombre de cas « d'opting out » et de faire baisser le coût global. M. Robben a-t-il une idée des sommes actuellement versées au Registre national ?

M. Frank Robben, administrateur général de la Banque Carrefour de la Sécurité sociale et de la plate-forme eHealth, répond que l'utilisation du Registre national a effectivement un coût. De surcroît, il y a aussi des problèmes liés à l'utilisation de formats de fichiers différents.

M. Ide trouve curieux qu'il faille recourir au Registre national pour gérer des données relatives à la santé des citoyens. Celles-ci devraient pouvoir être traitées par un autre moyen.

M. Robben partage ce point de vue.

M. Ide se propose d'amender la proposition de loi nº 5-666 afin de mieux tenir compte des idées exprimées par M. Robben.

Ce dernier déclare que le coût budgétaire du développement d'une nouvelle application a été estimé à 300 000 euros en 2008. C'est un montant qu'il faudrait donc budgéter. Toutefois, dans le même temps, le coût relatif à l'utilisation du Registre national pourrait être supprimé. Il faut savoir en effet que, pour chaque demande de données, le Registre national réclame 0,50 euro alors que la Banque Carrefour de la Sécurité sociale — qui est une banque de données analogue — ne demande que 0,01 euro à titre de participation aux frais.

M. Decoster ajoute qu'en 2010, un montant de 31 000 euros environ a été versé au Registre national dans le cadre du transfert de données. Le stockage de celles-ci au SPF Santé publique a également un coût. On estime ainsi qu'au total, les opérations de transfert et de stockage des données coûtent quelque 92 000 euros par an.

L'intervenant tient toutefois à signaler que l'utilisation du Registre national sera de toute façon incontournable. En effet, lors de chaque saisie de données, il faudra vérifier dans le Registre que la personne à laquelle elles se rapportent existe bel et bien. À l'heure actuelle, les données sont stockées aussi bien dans le Registre national qu'au SPF Santé publique, alors qu'elles ne devraient plus l'être qu'au SPF Santé publique.

L'intervenant rappelle également que le projet de loi qui transposera en droit belge la directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation, traitera aussi de la nouvelle procédure. Cela signifie qu'il y sera question de l'enregistrement, de l'opposition, et d'autres éléments du même ordre. C'est pourquoi M. Decoster insiste pour que l'on veille autant que possible à traiter simultanément l'ensemble des éléments concernés et le projet de loi qui sera déposé.

M. Torfs demande ce que l'on entend au juste par « dédommagement ». Couvre-t-il uniquement les coûts directs ou englobe-t-il aussi les coûts indirects, comme le fait pour une personne de rater des opportunités par manque de vitalité parce qu'elle ne dispose pas — ou plus — d'un organe ? Comment calcule-t-on ce facteur ? Où se situe la frontière entre le dédommagement et l'acte commercial ?

M. Decoster reconnaît que le problème est complexe. Le SPF Santé publique a d'ailleurs demandé que l'on élargisse la portée de l'étude en cours sur ce thème. La législation prévoit que le dédommagement peut couvrir les coûts effectifs liés aux soins au moment du don, mais également la perte de revenus qui peut être encourue par le donneur ainsi que les frais qu'il devra exposer tout au long de sa vie afin de préserver sa santé.

M. Ide indique qu'à l'heure actuelle, à la KULeuven, l'âge moyen pour une transplantation de rein est de 56 ans. Pour les patients concernés, la transplantation représente un progrès énorme en termes de qualité de vie. Si l'on investissait 2 millions d'euros afin de développer un réseau de transplantation et de désigner des coordinateurs de transplantation dans chaque hôpital, ainsi que le suggère la proposition de loi nº 5-667, on pourrait, une fois que le système atteindrait sa vitesse de croisière, réaliser une économie de 48 millions d'euros rien que pour les transplantations de reins. Cette économie résulterait non seulement de la disparition de certains coûts, liés par exemple aux médicaments, à la dialyse rénale, etc, mais aussi de la réactivation des patients concernés qui seraient à nouveau capables de participer pleinement à la vie en société, notamment sur le marché du travail. Sur le plan social et financier, le gain serait énorme.

M. Decoster précise que le coût total d'un don de rein s'élève à 13 000 euros: 11 000 euros sont remboursés par l'assurance maladie et un peu moins de 2 000 euros sont à charge du patient. Ce coût comprend les frais de pré-don, les frais de don et le suivi. Pour le don d'un foie, le coût est plus élevé: il s'élève en effet à quelque 17 000 euros, dont 14 000 sont remboursés par l'assurance maladie. Il s'agit donc de montants considérables.

M. Brotchi demande si l'on a une idée de la manière dont la situation des donneurs vivants évolue a posteriori. En effet, il existe des registres qui mentionnent les personnes ayant fait don d'un organe, mais a-t-on des informations quant à la manière dont elles vivent par la suite ? Rencontrent-elles des problèmes de santé consécutifs à leur acte de générosité ?

M. Decoster précise qu'il n'existe pas de registre de ce genre pour les donneurs vivants et que c'est l'un des éléments prévus dans la directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation. C'est un aspect qui sera également pris en considération dans le cadre du projet de loi visant à transposer cette directive. L'intervenant est parfaitement d'accord pour dire qu'il faut garantir la qualité de cet enregistrement, et tel est d'ailleurs le but des dispositions à l'examen.

M. Robben ajoute que cela ne posera aucun problème d'un point de vue purement technique.Les données de base sont en effet disponibles et il importe de bien les sécuriser de manière à ce que seules les institutions qui en ont besoin y aient accès.

Par ailleurs, M. Robben demande si les sénateurs envisagent, à terme, de donner aussi l'occasion à d'autres groupes d'agir au niveau de l'enregistrement en tant que donneur d'organes. Cela est important dans le cadre de la mise au point d'un nouveau concept et d'un logiciel, que l'on veut rendre le plus « génériques » possibles pour pouvoir anticiper les nouvelles évolutions. Qu'en est-il, par exemple, de l'enregistrement par les patients eux-mêmes, au moyen d'une carte d'identité électronique, ou par des hôpitaux ?Il est important d'avoir des banques de données où la qualité de l'utilisateur est clairement indiquée. C'est déjà le cas aujourd'hui pour les hôpitaux, les médecins et les pharmaciens, mais il est aussi important d'anticiper.

Un autre élément concerne la consultation des données par les coordinateurs de transplantation. Cela se fait actuellement au moyen d'un nom d'utilisateur et d'un mot de passe, ainsi que d'une url distincte. M. Robben souhaiterait maintenir les choses telles quelles, afin d'éviter que les coordinateurs de transplantation soient privés d'accès aux données au cas où, fortuitement, ils n'auraient pas leur nom d'utilisateur à portée de main.

M. Ide comprend cette demande. À titre personnel, il voudrait savoir quels seraient les effets au niveau de l'« opting out » si l'enregistrement était effectué par le patient lui-même.Avant de prendre cette décision, il convient de réaliser une étude. L'on pourrait par exemple imaginer que la sortie d'un film catastrophe donne lieu à une vague d'enregistrements. Quoi qu'il en soit, l'intervenant est d'accord avec M. Robben pour prévoir dès à présent la possibilité d'étendre ultérieurement une application web au cas où l'on autoriserait effectivement le patient ou des hôpitaux à procéder aux enregistrements.

M. Decoster est favorable à ce que les données soient au maximum conservées et traitées électroniquement, mais il souligne en même temps le risque qu'un patient qui, par exemple, ne dispose plus de ses facultés mentales, puisse s'enregistrer n'importe où. Il faut offrir des garanties vraiment absolues. Une étude préalable en la matière serait donc la bienvenue.

M. Torfs indique que le mode et la fréquence de consultation des médecins généralistes diffèrent d'une région à l'autre. Est-il possible aujourd'hui de déduire des chiffres disponibles certaines tendances, comme une moindre fréquence de consultation dans les zones urbaines par exemple ?

M. Decoster confirme qu'il y a effectivement de grandes différences régionales.

M. Ide indique que la proposition de loi nº 5-666 fait référence au dossier médical global. Cette référence pourrait être supprimée, à la lumière des fortes différences en la matière entre la Flandre, la Wallonie et Bruxelles. L'on constate, d'autre part, que le nombre de dossiers médicaux globaux augmente fortement en Wallonie et à Bruxelles, sans doute parce qu'on arrive tout doucement au point de saturation en Flandre, où près de 60 % des patients disposent d'un DMG. Une possibilité consisterait à permettre d'abord à tous les médecins généralistes, puis aux hôpitaux, de procéder à des enregistrements par le biais de la plate-forme eHealth.

M. Robben plaide en faveur de l'utilisation du nom d'utilisateur, associé à un code PIN, étant donné qu'on a dans ce cas la certitude qu'il s'agit du patient concerné, à moins que ce dernier n'ait communiqué son code PIN à quelqu'un d'autre. En outre, le médecin peut également s'assurer de l'identité du patient à l'aide de la photo qui apparaît.

M. Ide réplique que, sur ce point, la carte SIS a fait apparaître quelques imperfections, comme un changement brutal du groupe sanguin parce que certains utilisent la carte SIS d'un tiers.

M. Robben répond que la carte SIS a toujours été conçue comme un instrument d'identification visant à réduire l'utilisation des vignettes, alors que le nom d'utilisateur (e-ID) est lui aussi un instrument d'authentification.

M. Decoster estime qu'à l'avenir, les flux de données de patients seront plus flexibles et plus virtuels, alors qu'ils sont généralement stables à l'heure actuelle. La distinction qui est faite entre les patients qui ont un dossier médical global et les autres patients n'a donc, semble-t-il, pas lieu d'être en l'occurrence.

M. Brotchi souligne que tous les patients n'ont pas un dossier médical global. Quelles en sont les conséquences ? Comment les experts perçoivent-ils cette évolution ? Pensent-ils qu'à l'avenir, tous les patients devront de toute manière disposer d'un dossier médical global ? Tous les médecins disposent-ils actuellement de l'équipement nécessaire pour consulter les données électroniques ?

M. Robben répond que tous les médecins ont déjà reçu un lecteur d'e-ID à l'occasion de l'enregistrement dans le cadre de la « grippe mexicaine ». À l'avenir, il sera de toute manière obligatoire d'utiliser l'e-ID lorsque les médecins feront certaines prescriptions lors de consultations ambulatoires ou lorsqu'ils utiliseront d'autres services. La Banque Carrefour offre de nombreux services pour lesquels il est possible de faire de la publicité ou de formuler des recommandations, mais la responsabilité de la mise en fonction incombe en fin de compte au médecin lui-même. Le coût d'un achat collectif de lecteurs d'e-ID est d'ailleurs particulièrement négligeable, puisqu'il n'est que de 4 à 6 euros. Lorsque l'e-ID est utilisée et couplée à l'introduction d'un code PIN, il ne peut plus y avoir aucun doute quant à l'identité des personnes concernées.

Mme Winckel souhaite savoir quels sont les droits d'un donneur sur le plan de la sécurité sociale en cas de don d'organe à une autre personne vivante. Qu'en est-il du congé de maladie, etc. ?

M. Robben répond que la Banque-Carrefour de la sécurité sociale organise les flux et transferts de données mais ne se préoccupe pas du contenu. Il ne peut donc pas répondre à la question.

M. Decoster explique que l'étude qui est réalisée au sujet des coûts des dons d'organes doit être étendue et qu'elle doit, entre autres, aborder cet élément.

M. Decoster va maintenant examiner séparément chacune des propositions de loi à l'examen.

B. Discussion des propositions de loi

1. Proposition de loi instaurant l'utilisation de la plate-forme eHealth pour l'enregistrement des dons d'organes (nº 5-666/1)

M. Decoster constate que l'article 4 de la proposition prévoit d'abroger l'article 6, § 2, de la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes. Il s'agit de la disposition qui concerne les incapables. M. Decoster signale que cette matière constitue un élément de la proposition de projet de loi sur lequel ses services sont actuellement en train de plancher. La disposition en question a été introduite dans la loi organique du 13 juin 1986 par une modification légale datant de 2007. En la supprimant, on reviendrait donc à la situation qui prévalait avant 2007. M. Decoster est favorable à cette suppression qui est d'ailleurs également prévue dans le texte en projet. Cependant, c'est précisément sur ce point que l'avis du Comité consultatif de bioéthique a été demandé, compte tenu du caractère nature éthique de la problématique.

M. Ide précise qu'il a déposé un amendement visant à supprimer l'article 4 proposé. Il préfère examiner cette question dans le cadre de l'initiative parlementaire de M. Brotchi (doc. Sénat, nº 5-1024/1).

M. Decoster reconnaît le caractère éminemment juridique de cette matière. Il souhaiterait cependant formuler quelques commentaires techniques à l'égard de la proposition nº 5-1024/1 de M. Brotchi.

Il indique d'abord que la proposition élaborée par son département prévoit, elle aussi, de supprimer l'article 6, § 2, de la loi du 13 juin 1986. La proposition de loi nº 5-1024/1 prévoit de remplacer cet article par la disposition suivante:

« § 2. Aucun prélèvement d'organe ne peut être effectué sur une personne qui a atteint l'âge de dix-huit ans et qui n'est pas en mesure de manifester sa volonté en raison de son état mental. »

M. Decoster fait remarquer que l'interdiction de prélever des organes sur des incapables existait déjà avant 2007. L'article 5 de la loi du 13 juin 1986 imposait déjà que tout prélèvement d'organe sur une personne majeure en vie nécessitait un consentement libre et éclairé. Voilà pourquoi l'intervenant estime qu'il est suffisant d'un point de vue juridique de supprimer l'article 6, § 2.

Selon Mme Wilmotte, collaboratrice de M. Decoster, une simple suppression de l'article 6 suffit d'un point de vue légistique. Toutefois, si l'on juge nécessaire de mentionner explicitement une obligation, il est bien entendu possible de le faire. Mme Wilmotte préfère cependant que l'on inscrive une telle interdiction dans l'article 5 qui énonce le principe général. L'article 6 définit uniquement des conditions supplémentaires dans certains cas, par exemple lorsque le prélèvement peut avoir des conséquences graves pour le donneur.

M. Torfs demande quand le projet de texte sera disponible. La discussion des propositions de loi à l'examen serait plus facile si l'on disposait de ce texte.

M. Decoster précise que le projet de texte n'est pas encore définitif. En effet, la procédure est toujours en cours et l'on attend encore de recevoir des avis. Il s'attend à ce que le texte soit publié aussitôt que les avis auront été rendus, que le ministre aura adopté un point de vue définitif et que le projet aura été soumis au Conseil des ministres. Ce n'est qu'alors que le texte pourra être soumis au Parlement.

La volonté de l'intervenant était de présenter dans les grandes lignes les thèmes qui sont abordés dans le projet de texte et qui ont un rapport, d'une manière ou d'une autre, avec les propositions de loi à l'examen.

M. Ide demande si le conseil juridique donné par Mme Wilmotte est bel et bien de supprimer purement et simplement l'article 6, § 2. L'intervenant juge que le mérite de la proposition de M. Brotchi est précisément d'indiquer que le prélèvement de tissus régénérables est, lui, autorisé. Le fait de le préciser explicitement a une valeur ajoutée.

Selon Mme Wilmotte, il suffit de supprimer l'article 6, § 2. L'on reviendrait ainsi à la situation qui prévalait avant 2007, lorsque cette matière était uniquement réglée par l'article 5. Cet article contient une règle positive en ce qu'il précise ce qui est autorisé. En outre, si l'on mentionne qu'un consentement est nécessaire, il est logique implicitement qu'un incapable ne puisse pas donner ce consentement. En fait, c'est donc la modification de 2007 qui a créé le problème. Mme Wilmotte souligne encore qu'une mention explicite n'est pas toujours une bonne chose, car elle donne souvent lieu à une interprétation.

M. Decoster précise qu'il n'est pas opposé à la proposition de loi nº 5-1024/1 de M. Brotchi, dont le contenu correspond d'ailleurs à celui du projet de texte en cours d'élaboration par les services du SPF Santé publique. La proposition de loi nº 5-1024/1 formule de manière plus explicite ce qui n'est pas autorisé. Cela peut être un avantage. Il signale que l'avis demandé du Comité consultatif de bioéthique contiendra peut-être encore d'autres remarques et qu'il conviendra d'en tenir compte.

M. Brotchi constate que sa proposition de loi a été cosignée par plusieurs autres sénateurs, tous partis confondus. Des auditions ont déjà été organisées sur ce sujet le 9 avril, et les experts entendus ont insisté pour qu'il soit possible de prélever des tissus régénérables, tels que des cellules souches, sur des incapables. Il n'est donc pas opportun d'instaurer une interdiction générale. C'est la raison pour laquelle sa proposition de loi interdit de prélever des organes, mais pas des tissus régénérables, sur des personnes incapables de donner leur consentement.

Mme Wilmotte indique que le prélèvement de tissus régénérables ne pose pas de problème et qu'il est réglé par la loi du 19 décembre 2008 relative à l'obtention et à l'utilisation de matériel corporel humain destiné à des applications médicales humaines ou à des fins de recherche scientifique. Depuis que cette loi existe, la loi du 13 juin 1986 ne vise que les organes.

2. Proposition de loi créant un réseau de transplantation en Belgique (nº 5-667/1)

M. Decoster se dit favorable aux mesures préconisées dans cette proposition de loi. Le développement d'une collaboration entre les centres de transplantation, d'une part, et les centres de prélèvement, d'autre part, est un objectif qui est également énoncé dans le projet proposé. En fait, cet objectif fait également partie du concept GIFT soutenu par le SPF Santé publique. D'ailleurs, au cours des auditions qui ont eu lieu au Parlement européen, l'Europe a réagi avec enthousiasme au concept GIFT et au principe de collaboration qu'il énonce.

L'intervenant a toutefois une remarque à formuler sur le plan juridique. Il n'est pas d'usage en effet de faire référence à un arrêté royal dans une loi.

Dans le projet de loi que les services du SPF Santé publique sont occupés à préparer, ce point est également abordé et les mesures d'exécution requises sont aussi prévues.

M. Decoster signale que la directive européenne doit avoir été transposée en droit belge pour le mois d'août 2013 au plus tard. Cela signifie que le projet de loi en question devra être déposé dès l'ouverture de la nouvelle année parlementaire, en octobre 2011. Le texte sera donc disponible au début de l'automne 2011.

M. Torfs indique que l'on pourrait aussi évidemment adapter le texte du projet de loi sur la base des textes qui auraient déjà été votés entre-temps au parlement.

M. Decoster concède que le parlement organise ses travaux comme il l'entend, mais il tient quand même à souligner que ses services ont travaillé assez rapidement malgré que le gouvernement soit en affaires courantes. Le projet est prêt depuis un certain temps déjà, mais il est évident que les procédures doivent être respectées, y compris en période d'affaires courantes. Cela implique entre autres qu'il faut recueillir des avis, par exemple auprès de la Commission de la protection de la vie privée. Si ces procédures n'étaient pas respectées, le Conseil d'État réagirait sur-le-champ. De plus, le texte se trouve encore dans une phase transitoire.

M. Ide pense, lui aussi, qu'il faut laisser au parlement la possibilité de faire pleinement son travail, mais il ne faudrait pas pour autant en oublier la réalité. Il serait judicieux de pouvoir prendre connaissance de tous les travaux en cours et d'adapter, si besoin est, la proposition de loi en conséquence. Il ne saurait être question d'adopter deux textes identiques ou qui se contredisent. L'intervenant dit toutefois attendre du pouvoir exécutif qu'il donne un signal autorisant la poursuite des travaux au Sénat, compte tenu des informations qui doivent être mises à disposition.

Selon M. Torfs, le fait que les textes à l'examen comportent des ajouts et des clarifications et que l'on ignore à quoi ressemblera le projet dans sa forme définitive constitue un problème. Faut-il donc attendre de connaître la version définitive du projet ?

M. Decoster estime que le problème se situe essentiellement du côté de la directive, qui est un ensemble de dispositions cohérentes. Si le ministre procède à une transposition, c'est toute la directive qu'il doit transposer.

M. Ide propose de transmettre le projet au parlement et de laisser à ce dernier l'initiative. Cette procédure est tout à fait envisageable.

M. Decoster déclare que cela relève d'une décision politique et que cela sort du champ de ses compétences.

3. Proposition de loi visant à incriminer le commerce d'organes et le tourisme de transplantation (nº 5-677/1)

M. Decoster constate que le texte traite de dispositions pénales et apporte des modifications au Code pénal, ce qui n'est pas sa spécialité. Il s'agit de l'incrimination du prélèvement d'organes ou de tissus chez un donneur qui obtient un dédommagement en retour. Quiconque prête son concours à une telle pratique est également punissable. Enfin, une amende ou un emprisonnement est prévu pour la personne qui reçoit des tissus ou des organes de donneurs auxquels un dédommagement a été accordé pour la cession de ceux-ci.

Selon le SPF Santé publique, le principe de l'incrimination est déjà prévu dans la loi au stade actuel. La directive européenne rappelle précisément les notions qui figurent actuellement dans la loi et qui seront insérées dans la proposition de projet de loi sous une formulation légèrement différente. Il s'agit des dispositions qui prévoient que le don d'organe est volontaire, qu'il n'est pas rémunéré et qu'il a lieu sans esprit de lucre.

L'article 433quinquies du Code pénal prévoit déjà des sanctions auxquelles s'expose l'auteur de l'infraction de traite des êtres humains ou de faits assimilés, c'est-à-dire le fait de recruter, de transporter, de transférer, d'héberger, d'accueillir une personne, de transférer le contrôle exercé sur elle, afin de prélever sur cette personne ou de permettre le prélèvement sur celle-ci d'organes en violation de la loi de 1986. Bref, une disposition est déjà prévue dans le Code pénal. L'introduction d'une nouvelle disposition requiert une analyse approfondie des deux textes.

M. Decoster renvoie également à l'article 10ter de la loi contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale qui prévoit que pourra être poursuivie en Belgique toute personne qui aura commis hors du territoire du Royaume une des infractions citées ci-dessus. Tant le Code pénal que le titre préliminaire du Code de procédure pénale comprennent déjà des dispositions en la matière. L'intervenant insiste dès lors pour que l'on prenne bien soin d'éviter les doubles emplois et pour que ce point soit d'abord analysé en profondeur par des spécialistes en la matière.

M. Torfs demande si le projet de loi en préparation consacre une attention spécifique aux organes qui ont été achetés à l'étranger.

M. Decoster répond que ce n'est pas le cas. Les principes relatifs au geste désintéressé figurent évidemment dans la loi. L'application combinée de notre loi actuelle, du projet proposé ainsi que des dispositions du Code d'instruction criminelle et du Code pénal permet aujourd'hui déjà d'infliger une sanction.

M. Ide constate qu'en disant cela, M. Decoster met le doigt sur le problème qui a amené l'intervenant à prendre son initiative législative. Si l'application combinée en question ouvre la voie à d'éventuelles poursuites, la proposition de loi que M. Ide a déposée ne laisse subsister aucun doute sur la possibilité d'en engager. En effet, la législation existante comporte des lacunes par le fait même qu'une application combinée est requise. M. Ide est conscient que sa proposition de loi a davantage sa place dans le cadre de la loi sur le prélèvement et la transplantation d'organes et que la loi pénale fait référence à cette loi. Il est toutefois convaincu que sa proposition de loi a le mérite de viser spécifiquement le commerce d'organes, lequel se distingue déjà de la traite des êtres humains par le simple fait qu'il s'appuie sur des réseaux très spécifiques et requiert le soutien spécifique de personnel hautement qualifié, comme des médecins ou des infirmiers.

Le deuxième avantage de sa proposition de loi est qu'elle établit une distinction entre la personne qui accepte un organe, dont on peut supposer qu'elle se trouve dans une situation d'extrême nécessité et qui sera de ce fait sanctionnée moins lourdement, et le médecin qui négocie des organes par pur intérêt commercial.

D'après M. Ide, la proposition de loi de M. Mahoux (doc. Sénat, nº 5-922/1) apporte un complément bienvenu. Elle prévoit en effet l'intervention d'un médecin qui prélève l'organe et d'un médecin qui procède à la transplantation. En établissant cette distinction, la proposition de loi de M. Mahoux complète idéalement celle de M. Ide, car elle permet de sanctionner tous les acteurs de la chaîne qui sont impliqués dans le commerce d'organes.

M. Decoster n'a pas d'objection à l'encontre du travail législatif réalisé en l'espèce, mais il répète qu'il n'est pas un spécialiste du droit pénal. Il est essentiel de bien analyser la proposition à l'examen.

M. Torfs demande si le but est de considérer le commerce d'organes comme relevant de la qualification de traite des êtres humains. Selon lui, c'est absolument impossible. Le droit pénal est d'interprétation stricte et la commercialisation d'un organe ne peut pas être mise sur un pied d'égalité avec la traite d'êtres humains. Une loi pénale ne peut pas être appliquée, par analogie, à des aspects extérieurs à son champ d'application.

M. Decoster indique qu'en l'état actuel de la législation, il y a une référence à la loi sur le prélèvement et la transplantation d'organes, de sorte que le lien est fait entre la traite d'êtres humains et le commerce d'organes. Il est certainement possible selon lui d'améliorer les textes, mais cela devrait se faire de préférence en concertation avec des spécialistes de monde judiciaire.

4. Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 sur le prélèvement et la transplantation d'organes (déposée par Mme Nele Lijnen); nº 5-897/1

M. Decoster estime que le texte de l'article 2 de la proposition de loi part incontestablement d'une bonne intention, mais que sa rédaction soulève de nombreuses questions. Il y est en effet beaucoup question de présomptions, mais encore faut-il savoir si elles peuvent être vérifiées. De plus, la disposition selon laquelle le Roi peut dresser une liste des institutions médicales auxquelles ces présomptions ne s'appliquent pas semble impraticable. En effet, on ne peut pas énumérer de manière exhaustive les institutions qui ne seraient pas visées par les présomptions en question.

5. Proposition de loi modifiant la loi du 13 juin 1986 relative au prélèvement et à la transplantation d'organes, en vue d'incriminer la transplantation d'organes prélevés de manière illicite (déposée par M. Philippe Mahoux); nº 5-922/1

M. Decoster estime que cette proposition est une initiative louable. Il semble évident que toute personne qui réalise une transplantation d'organes doit s'assurer au préalable que toutes les conditions visées dans la loi de 1986 ont bien été respectées. D'autre part, la législation actuelle prévoit déjà ce principe. En outre, le texte du projet de loi qui sera déposé en vue de la transposition de la directive 2010/53/UE du Parlement européen et du Conseil du 7 juillet 2010 relative aux normes de qualité et de sécurité des organes humains destinés à la transplantation indique clairement quelles données doivent être collectées pour avoir la certitude que la transplantation est conforme à la loi.

Il convient toutefois de signaler que la législation existante concerne davantage le prélèvement d'organes que la transplantation proprement dite. Un arrêté royal énonce les normes applicables aux centres de transplantation et dispose explicitement que le responsable de la transplantation est tenu de s'assurer que la loi a bien été respectée et de vérifier si, par exemple, la transplantation n'a pas fait l'objet d'une opposition. Toutes les données relatives au prélèvement et à la transplantation d'organes doivent être collectées. C'est donc déjà le cas aujourd'hui.

L'on ne peut certes pas s'opposer à une législation qui dispose de manière plus explicite qu'il faut s'assurer que toutes les conditions de la loi sont remplies, mais peut-être s'agit-il ici d'un doublon. En effet, telle est déjà la réalité qu'on observe aujourd'hui sur le terrain.