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26 MAI 2011
Les auteurs de la présente proposition de loi estiment que l'attribution d'une dotation annuelle à certains membres de la Famille royale n'a pas sa place dans un État de droit démocratique. Ils ont d'ailleurs déposé précédemment une proposition de loi visant à supprimer complètement de telles dotations (doc. Sénat, nº 5-780, 2010-2011).
Entre-temps, le débat relatif à l'octroi d'une dotation à un membre spécifique de la Famille royale a cependant été ravivé par la controverse déclenchée par un voyage du Prince Laurent au Congo. En effet, il s'est avéré que ce voyage avait été effectué contre la volonté expresse du Palais royal et du gouvernement, alors même que le premier ministre avait adressé à l'intéressé un courrier à ce sujet. D'autres révélations ont suivi, étalant au grand jour une série d'activités non autorisées du prince. Il est par conséquent urgent de revoir spécifiquement le système de dotation de ce prince, en attendant une révision du système global.
En effet, cet incident et les remous qu'il a provoqués nous rappellent douloureusement la contradiction insoluble que constitue l'octroi d'une dotation aux enfants du Roi autres que le successeur direct au trône. D'une part, le premier ministre a expliqué le 24 février 2011, en réponse à une question du député Bert Schoofs, que le gouvernement n'était pas responsable des actes et des déclarations du Prince Laurent. D'autre part, ce prince bénéficie d'une dotation royale payée par le contribuable, en contrepartie de laquelle il est supposé coordonner ses activités en concertation avec le Palais royal et le gouvernement. Lorsqu'il agit dans le cadre de la dotation que lui octroie l'État, on estime en effet qu'il peut être considéré jusqu'à un certain point comme un représentant officiel du pays, de sorte que son action a ou peut avoir, en tout état de cause, une signification politique et des conséquences politiques. Or, l'incident précité a également montré que l'intéressé, en tant que membre de la Cour, ne peut pas être appelé à rendre des comptes et qu'il n'est d'ailleurs pas tenu de le faire.
L'examen de l'historique des dotations permet de se rendre compte que l'octroi d'une dotation aux enfants du Roi est en fait une anomalie.
Tant la Liste civile que les dotations aux membres de la Famille royale sont considérées stricto sensu par la doctrine comme des dotations, si bien qu'elles figurent dans le budget sous le poste « dotations ». Pourtant, d'un point de vue juridique, une nette distinction peut être établie entre la Liste civile et les dotations.
La Liste civile trouve son fondement dans l'article 89 de la Constitution, qui dispose qu'elle est fixée par la loi pour la durée de chaque règne. Elle constitue l'ensemble des moyens que l'État met à la disposition du chef de l'État pour lui permettre d'exercer sa fonction royale et constitutionnelle en toute indépendance morale et matérielle. La Liste civile comprend une dotation fixée une fois pour toutes par la loi ainsi qu'un droit d'usage des immeubles royaux. Elle peut servir à couvrir les dépenses de personnel et les frais de fonctionnement (administration, chauffage, mobilier, entretien des habitations, parc automobile, frais de voyage) (1) .
Si la Constitution contient des dispositions relatives à la Liste civile, elle reste muette en revanche quant à l'attribution de dotations aux autres membres de la Famille royale.
La doctrine estime qu'il est effectivement possible d'octroyer une dotation à des membres de la Famille royale par le biais d'une loi spéciale car la Constitution ne l'interdit pas (2) . De toute évidence, il est également possible de le faire par le biais de la loi budgétaire annuelle (3) . On peut toutefois se demander pourquoi une dotation devrait être attribuée aux personnes concernées étant donné qu'elles n'assument aucun rôle constitutionnel ni politique.
Par le passé, de telles dotations étaient en général octroyées à certains membres de la Famille royale qui se trouvaient dans une situation spécifique, en l'occurrence aux veuves d'un souverain décédé, aux rois et reines chefs d'État ayant abdiqué et enfin aux enfants royaux successeurs directs au trône afin qu'ils puissent se préparer à leur futur règne (4) .
Ces règles non écrites n'ont souffert par le passé que quelques exceptions, qu'il convient de considérer comme des anomalies. En 1856, le Prince Philippe, alors qu'il n'était pas successeur au trône, s'est vu octroyer une dotation qui, à son décès, bénéficia à son épouse. En 2000, lors de l'adaptation de la dotation du Prince Philippe à l'occasion de son mariage, une dotation a été instaurée en faveur de la Princesse Astrid (5) . En 2001, une dotation a également été accordée au Prince Laurent (6) . L'argument avancé pour justifier cette décision était qu'elle permettrait de « mettre fin à la situation actuelle qui consistait jusqu'ici à faire octroyer une rémunération au Prince Laurent par l'Institut royal pour la gestion durable des ressources naturelles et la promotion des technologies propres, également subsidié pour une part par les communautés » (7) .
Toutes ces dotations n'étaient en principe assorties d'aucune condition en matière d'affectation ou de contrôle. L'exercice d'activités commerciales est néanmoins jugé incompatible avec la perception d'une dotation (8) .
Les incidents précités concernant le Prince Laurent démontrent toutefois clairement qu'il n'est pas à même de respecter les conditions imposées. Il existe une tension insoluble entre, d'une part, l'attribution d'une dotation à ce prince et son corollaire, le fait qu'il puisse de facto être considéré comme un représentant officiel du pays dans ses faits et ses déclarations, et, d'autre part, le fait que le gouvernement ne soit pas responsable des actes de ce prince et qu'il ne puisse pas non plus être appelé à rendre des comptes à cet égard. La situation est surtout problématique en ce que l'intéressé lui-même n'entend pas pouvoir être appelé à rendre des comptes, pas plus qu'il n'a envie de soumettre ses actes et ses déclarations à une concertation préalable ou à une coordination avec la politique du gouvernement légitimé démocratiquement. Une telle situation est clairement intenable et la seule manière d'y remédier est de supprimer la dotation du prince.
L'incident déclenché par le voyage du Prince Laurent au Congo a relancé le débat sur l'opportunité d'octroyer une dotation à charge du contribuable aux enfants du Roi autres que le successeur au trône. Il y a deux ans et demi, une majorité parlementaire était déjà parvenue à la conclusion que les enfants du Roi non successeurs au trône ne devaient, à l'avenir, plus bénéficier d'une dotation, mais il avait été décidé de maintenir le statu quo en ce qui concerne les dotations du Prince Laurent et de la Princesse Astrid. Cependant, l'incident survenu avec le Prince Laurent montre clairement que sa situation spécifique doit être normalisée au plus vite. Ainsi que le ministre des Affaires étrangères, M. Steven Vanackere, l'a très justement souligné à l'occasion de cet incident, le temps est venu de libérer le Prince Laurent de sa dotation s'il veut être libéré de l'aspect officiel de sa vie. Les auteurs proposent par conséquent que la dotation de ce prince soit supprimée à partir du 1er janvier 2012.
Bart LAEREMANS. Yves BUYSSE. Jurgen CEDER. Filip DEWINTER. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'intitulé de la loi du 7 mai 2000 attribuant une dotation annuelle à Son Altesse Royale le Prince Philippe, une dotation annuelle à Son Altesse Royale la Princesse Astrid et une dotation annuelle à Son Altesse Royale le Prince Laurent, modifié par la loi du 13 novembre 2001, est remplacé par ce qui suit:
« Loi du 7 mai 2000 attribuant une dotation annuelle à Son Altesse Royale le Prince Philippe et une dotation annuelle à Son Altesse Royale la Princesse Astrid ».
Art. 3
L'article 3bis de la même loi, inséré par la loi du 13 novembre 2001, est abrogé.
Art. 4
Dans l'article 5 de la même loi, remplacé par la loi du 22 décembre 2008, les mots « , 3 et 3bis » sont remplacés par les mots « et 3 ».
Art. 5
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2012.
12 avril 2011.
Bart LAEREMANS. Yves BUYSSE. Jurgen CEDER. Filip DEWINTER. |
(1) Doc. Chambre, no 1155/1 - 1992-1993, pp. 1-2.
(2) Senelle Robert et Clement Emiel, Dotaties, Die Keure, 1990, p. 8.
(3) Chambre, Questions et Réponses no 49-23, p. 2537.
(4) Doc. Sénat, no 2-1054.
(5) Doc. Chambre, no 353 (1999-2000).
(6) Doc. Chambre, no 1274 (2000-2001).
(7) Doc. Chambre, no 1274/2 (2000-2001), p. 3.
(8) Chambre, Annales du 17 avril 2008, p. 5.