5-70COM

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Commission des Affaires sociales

Annales

MARDI 17 MAI 2011 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Fabienne Winckel à la vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique sur «les allocations familiales et l'égalité de traitement entre assurés sociaux» (nº 5-917)

Mme Fabienne Winckel (PS). - Il arrive qu'une institution de sécurité sociale se trompe dans l'octroi de prestations sociales à un assuré et ne rectifie qu'ultérieurement son erreur. Si l'assuré social ne pouvait se rendre compte de l'erreur commise et qu'en vertu de la nouvelle décision l'allocation due est inférieure à celle initialement accordée, la nouvelle décision ne prend effet qu'à dater du premier jour du mois qui suit sa notification. L'institution de sécurité sociale ne peut donc récupérer les sommes payées à tort. Cette règle figure à l'article 17 de la Charte de l'assuré social et s'applique en principe à toutes les institutions de sécurité sociale.

Cependant, une loi-programme du 20 juillet 2006 avait écarté cette règle en matière d'allocations familiales et les sommes payées indûment pouvaient être récupérées jusqu'à un an après le paiement de la caisse d'allocations familiales.

Récemment, la Cour constitutionnelle a toutefois déclaré l'article 120bis de la loi inconstitutionnel. Pour la cour, une modification législative postérieure à l'adoption de la Charte de l'assuré social qui institue dans un secteur de la sécurité sociale une réglementation moins favorable à l'assuré que celle qui figure de manière générale dans la charte crée une différence de traitement entre les assurés sociaux. Dès lors, cette différence de traitement doit reposer sur une justification spécifique pertinente pour être compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution. Or la cour estime que les situations familiales changeantes ne sont pas une justification pertinente pour traiter plus sévèrement les bénéficiaires d'allocations familiales.

L'article 120bis subsiste néanmoins dans l'ordre juridique et l'Office national d'allocations familiales pour travailleurs salariés (ONAFTS) ainsi que les caisses d'allocations familiales doivent continuer à l'appliquer tant que le législateur ne l'a pas modifié. Seules les juridictions du travail peuvent en écarter l'application dans les cas individuels qui leur sont soumis, en vertu de l'arrêt de la Cour constitutionnelle.

La législation sur les allocations familiales pour travailleurs salariés sera-t-elle être mise en conformité avec le prescrit de la Charte de l'assuré social afin de mettre fin à la discrimination entre assurés sociaux constatée par la Cour constitutionnelle ? Des recours ont-ils déjà été introduits ?

Quelle est la totalité des sommes qui pourraient être réclamées si tous les assurés sociaux concernés introduisaient un recours ?

Mme Laurette Onkelinx, vice-première ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, chargée de l'Intégration sociale. - La Cour constitutionnelle a jugé que l'article 120bis des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés était inconstitutionnel.

Depuis son prononcé, l'ONAFTS travaille sans relâche sur cette problématique, de manière à trouver la solution permettant de concilier le respect de l'arrêt précité, l'intérêt des familles et la viabilité des caisses libres d'allocations familiales.

L'ONAFTS insiste sur le fait que l'exécution pure et simple de l'arrêt aura un impact budgétaire certain si des mesures correctrices ne sont pas mises en place parallèlement. En effet, à défaut de pareilles mesures, les caisses, dépourvues de toute possibilité de recouvrement en cas d'erreur administrative, seront contraintes d'imputer sur leurs fonds de réserve l'intégralité des indus en découlant. Dans la mesure où l'alimentation de ce fonds de réserve est limitée, la stabilité financière des caisses sera, si l'on n'y prend garde, compromise à plus ou moins court terme, affectant la structure même du régime des allocations familiales dans lequel actuellement, le paiement des prestations familiales se fait essentiellement par l'entremise des caisses d'allocations familiales privées.

En termes de montants, on observe que les caisses d'allocations familiales ont réclamé des indus pour 2,5 millions d'euros en 2009 et en 2010, pour 1,6 million d'euros provenant d'erreurs administratives, soit une moyenne annuelle de plus de 2 millions d'euros.

Si les caisses doivent, à l'avenir, imputer ces montants à leur fonds de réserve et compte tenu du fait que le total des fonds de réserve de l'ensemble des caisses d'allocations familiales se monte à 13,6 millions d'euros, on peut prévoir que ces fonds deviendront globalement négatifs au bout de huit ans. Certaines caisses seront déjà confrontées â un fonds de réserve en négatif après quelques années, et d'autres à plus long terme.

L'ONAFTS tente donc aujourd'hui de maintenir l'équilibre délicat entre la stabilité financière pour les familles, la charge pour la gestion financière globale et la santé financière des caisses d'allocations familiales, qui doivent assurer leur subsistance.

Cet équilibre pourra être préservé pour autant que soient prises, d'une part, des mesures tendant à réduire et à maîtriser les causes des paiements indus et, d'autre part, des mesures correctrices pour le financement des fonds de réserve.

L'Office a déjà dégagé des pistes dans le cadre d'une réflexion globale du Comité de gestion qui devraient permettre, à terme, une simplification des conditions d'octroi des allocations familiales et ainsi remédier aux causes les plus importantes de la comptabilisation d'un indu en raison d'une erreur de l'administration.

Cette réforme importante et complexe justifie que l'Office prenne un certain temps pour proposer la réforme législative attendue par le public suite à l'arrêt de la Cour constitutionnelle.

Il y a effectivement eu des recours, que ce soit à l'encontre d'une décision de récupération de l'Office ou de décisions des caisses. L'ONAFTS n'est, cependant, pas en mesure d'en donner le nombre exact. Toutefois sachez que le secteur des allocations familiales, dans ce type de dossiers, a pour attitude générale et convenue de s'en référer à justice et de ne pas interjeter appel.

Mme Fabienne Winckel (PS). - Je remercie la ministre pour sa réponse. Ce sont les familles qui « paient les pots cassés » des erreurs de l'administration. Simplifier l'octroi des allocations familiales, c'est prendre la bonne direction pour éviter le type de problème dont nous venons de parler. Mais je serais intéressée d'en savoir plus sur les propositions de réformes. Je reviendrai donc sur le sujet.