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Mme Caroline Désir (PS). - À deux reprises, et notamment dans l'affaire Tabitha en 2006, la Belgique a été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme pour avoir détenu des enfants mineurs dans des centres fermés pour illégaux. À la suite de ces condamnations, notre gouvernement a décidé de sortir les familles avec des enfants mineurs de ces centres pour les placer dans des structures « ouvertes » au sein desquelles elles font l'objet d'un coaching, ce qui permet également aux enfants de suivre une scolarité normale en dehors du centre.
J'apprends cependant, monsieur le secrétaire d'État, que vous souhaitez, grâce à la construction de logements spécifiques pour les familles avec enfants dans l'enceinte du 127bis, le retour de certains enfants mineurs dans les centres fermés. Comment un tel retour en arrière permet-il de répondre aux condamnations de Strasbourg alors que, selon la Cour, la détention d'enfants mineurs « cause de graves conséquences psychologiques » à ces derniers et s'apparente dès lors à un traitement inhumain et dégradant ? Ne pourrait-on davantage travailler sur une amélioration de la prise en charge de ces familles dans les centres ouverts actuels et veiller à un meilleur encadrement en renforçant le coaching ?
M. Melchior Wathelet, secrétaire d'État au Budget, à la Politique de migration et d'asile, à la Politique des familles et aux Institutions culturelles fédérales. - Il convient d'abord de préciser que le dossier Tabitha concernait des mineurs non accompagnés alors que, dans le cas présent, il s'agit de familles. Le champ d'application de l'arrêt n'est dès lors pas tout à fait le même.
À l'heure actuelle, conformément à l'arrêté royal du 14 mai 2009, les familles sont logées dans des lieux d'hébergement ouverts et cela ne changera pas. Toutefois, on ne peut fermer les yeux sur le nombre d'évasions. En effet, le nombre de familles qui s'évadent des lieux d'hébergement est malheureusement en augmentation. En 2010, les lieux d'hébergement ont accueilli 66 familles dont 17 se sont évadées, 25 ont été éloignées et 24 ont été libérées pour des motifs divers - reconnaissance en tant que réfugiées, octroi de la protection subsidiaire, demande d'asile, décision judiciaire, problème d'identification, etc. En 2011, les lieux d'hébergement ont accueilli jusqu'à ce jour 42 familles dont 32 ont déjà quitté les hébergements : 12 se sont évadées, 11 ont été éloignées et 9 ont été libérées pour les divers motifs précités.
Il a dès lors été décidé d'aménager en première instance cinq unités unifamiliales dans l'enceinte du centre 127bis afin d'accueillir les familles qui ne respectent pas les obligations liées à leur hébergement, comme prévu à l'article 48 de l'arrêté royal du 14 mai 2009 qui fixe le régime et les règles de fonctionnement applicables aux lieux d'hébergement : « En cas de non-coopération au retour effectif, la famille peut faire l'objet d'un maintien en détention dans un centre fermé dont les règles de fonctionnement sont déterminées par l'arrêté royal du 2 août 2002 ». C'est le cas des familles qui s'évadent et qui seraient à nouveau interceptées par la police.
Ces nouvelles unités unifamiliales garantiront toutefois aux familles une indépendance et une intimité plus grande en respectant la structure unifamiliale. Par ailleurs, les familles bénéficieront des mêmes conditions d'accompagnement par les coaches que dans les maisons « ouvertes ».
Cette mesure n'entre pas du tout en contradiction avec les arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme. En effet, dans son arrêt du 19 janvier 2010 relatif à une famille tchétchène et condamnant la Belgique, la Cour avait stipulé que les quatre mineurs accompagnés étaient maintenus dans le centre 127bis « dont l'infrastructure était inadaptée à l'accueil d'enfants ». Comme je viens de vous l'expliquer, cet accueil sera adapté, même s'il est assuré dans l'enceinte du centre 127bis. Il sera spécifique pour les familles.
L'aménagement des unités unifamiliales prévu à Steenokkerzeel demeure donc conforme à cet arrêt. L'occupation de ces installations constitue une malheureuse mais ultime étape. D'autres solutions auront été offertes aux parents dans une autre phase. Cette mesure constitue un signal adressé aux familles qui sont dans des lieux d'hébergement et qui seraient tentées de s'évader et de ne pas respecter les conditions.
Mme Caroline Désir (PS). - Je comprends qu'il est difficile de s'occuper de situations dans lesquelles les familles ne respectent pas les règles relatives aux retours. Les enfants ne doivent toutefois pas faire les frais de la situation administrative de leurs parents. Les arrêts citent plusieurs rapports démontrant les conséquences extrêmement néfastes de l'enfermement sur la santé mentale et physique des enfants.
Vous nous dites que des unités particulières seront aménagées pour ces familles. On peut toutefois s'interroger sur la compatibilité de ce type d'unité au sein d'un centre fermé avec les arrêts de la Cour européenne.