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Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je vous ai dernièrement entendu vous réjouir de ce que le Maroc avait enfin adopté le protocole vous permettant d'envoyer des détenus marocains purger leur peine au Maroc. Avez-vous pris connaissance des derniers rapports sur les conditions de détention dans les prisons marocaines ? Dois-je vous rappeler que les rapports internationaux sur le Maroc font état de conditions de détention et de pratiques autrement plus détestables que ce que nous connaissons en Belgique ? Or la convention internationale contre la torture interdit l'extradition vers des pays où il est question de traitements inhumains et dégradants.
Cela dit, je souhaiterais revenir sur quelques-unes de vos déclarations quant aux détenus marocains susceptibles d'être transférés dans le cadre de ce protocole. Eu égard à de strictes conditions - la loi ne s'applique qu'aux condamnés, les Marocains qui se sont installés en Belgique avant l'âge de 12 ans, qui ont un enfant, un père ou une mère en Belgique, qui y ont séjourné cinq ans de manière ininterrompue, qui sont gravement malades ou qui ont le statut de réfugié ne peuvent être renvoyés vers leur pays d'origine -, il semblerait que le nombre de détenus concernés soit relativement limité, une dizaine tout au plus.
Pouvez-vous nous donner aujourd'hui plus de précisions quant au nombre exact ? Pouvez-vous également nous éclairer sur le profil de ces détenus : sont-ils sans-papiers, illégaux ou étrangers, c'est-à-dire de nationalité exclusivement marocaine mais en ordre de séjour ? Dans quelle proportion pour chacune de ces catégories ?
Qu'en est-il précisément des personnes étrangères mais résidant légalement sur notre territoire : pourront-elles réintégrer le territoire après leur peine, sans quoi elles auront fait l'objet d'une double peine ?
Des femmes sont-elles concernées par cette disposition, dans quelle proportion ?
Je ne vous cache pas mon scepticisme quant au respect strict des conditions énoncées. Dès le moment où vous inscrivez ce protocole dans le cadre de votre politique de lutte contre la surpopulation carcérale, vous conviendrez, monsieur le ministre, que ce ne sont pas dix détenus en moins qui vous permettront de vous targuer de cette diminution.
Cependant, comme je partage votre préoccupation en la matière, je m'en voudrais de critiquer votre action en matière de lutte contre cette surpopulation sans être constructive. J'émets donc deux suggestions qui vous permettront, j'en suis convaincue, d'atteindre votre objectif : nous atteler à revoir tant notre loi sur la détention préventive que celle sur la libération conditionnelle.
Je voudrais terminer sur une note positive. J'apprends aujourd'hui par la presse que vous souhaitez faciliter la procédure du port du bracelet électronique. Mon groupe et moi considérons que de telles initiatives permettront de diminuer la surpopulation carcérale et nous les préférons au renvoi des détenus dans leurs pays d'origine.
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - D'abord, je répète que je me réjouis de la ratification par le Maroc - sur mon insistance et celle de mon collègue des Affaires étrangères - du protocole datant de 2007 qui s'ajoute aux conventions antérieures.
Les modalités de cette convention, en ce qui concerne la situation personnelle et familiale, sont assez précises ; elles permettent de dire qu'il ne s'agira pas de centaines de personnes.
Je ne dispose pas de chiffres précis. Sur les 11 000 personnes détenues en Belgique, environ 10%, soit 1 100, ont la nationalité marocaine ; parmi elles, 507 ont été définitivement condamnées, les autres sont en détention préventive.
Nous travaillons au cas par cas afin de voir si les intéressés répondent aux conditions de renvoi au Maroc.
Il s'agira en tous cas de détenus n'ayant que la nationalité marocaine et ne disposant pas d'un droit de séjour en Belgique. Nous ne pouvons pas communiquer leur nombre pour l'instant.
Mais le principe est correct selon moi. L'Europe l'a aussi adopté afin de pouvoir renvoyer dans leur pays d'origine les détenus condamnés qui n'ont plus de possibilité d'appel. Les établissements situés dans le pays d'origine peuvent effectivement poser problème, mais il faut aussi tenir compte de la réintégration des personnes dans les lieux où la famille est présente. De nombreux éléments doivent donc être pris en considération.
C'est la première application bilatérale que nous ratifions avec un pays extérieur à l'Europe. Je prendrai aussi contact avec la Tunisie, l'Algérie et la Turquie afin de voir dans quelle mesure de telles conventions peuvent être finalisées avec ces pays.
Nous ne faisons pas de distinction entre les détenus masculins ou féminins. Je reviendrai sur l'effet réel de cette mesure.
La surpopulation demande d'autres mesures. Le bracelet électronique doit effectivement être favorisé, et il doit être utilisé de manière plus intensive.
L'exécution des peines demande aussi plus de clarté. Il est inacceptable que de nombreuses peines, jusqu'à six mois et même trois ans, ne connaissent pas de suite. Il faut revoir l'ensemble de la politique en la matière. Mais pour remédier à la surpopulation, il convient bien entendu d'augmenter la capacité spécialisée selon les différentes catégories de détenus dans nos prisons.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je remercie le ministre de sa réponse. J'attendrai donc les chiffres précis.
Le ministre confirme l'une des conditions, à savoir l'absence de droit de séjour.
Je ne suis pas opposée à ce qu'un Français, par exemple, purge sa peine en France où les conditions de détention sont similaires aux nôtres. Mais l'Europe semble découvrir la nature de certains régimes, à l'aune des révolutions arabes. Et je ne voudrais pas que la même chose se produise pour ces détenus, à savoir qu'on les envoie dans ce genre de pays et que, dans quelques années, l'Europe découvre leurs conditions de détention.
Je continuerai à plaider pour que l'on analyse les conditions de détention dans les pays d'origine des détenus avant d'établir ce type de protocole. Mais vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, à la base, ce dernier n'était pas de votre fait.
Je suivrai attentivement ce dossier, et je reviendrai vers vous le cas échéant.