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28 MARS 2011
Selon un rapport publié par Eurostat (1) , 21 645 demandeurs d'asile (2) ont été enregistrés en Belgique pour l'année 2009. La moyenne par million d'habitants est de 2 015 demandeurs d'asile pour la Belgique. Ce qui représente plus de quatre fois la moyenne européenne qui est de 520 demandeurs d'asile par million d'habitants et place la Belgique en quatrième position des vingt-sept pays de l'Union européenne. En valeur absolue, la Belgique occupe la cinquième position.
À titre de comparaison, le nombre de demandeurs d'asile par million d'habitants en France est de 740. Par rapport à 2008, la Belgique a enregistré une augmentation de 35 % de demandes d'asile (15 940 en 2008), alors que la France n'enregistre qu'une augmentation de 13 %.
Selon les derniers chiffres publiés par Eurostat qui compare le deuxième trimestre 2010 avec le deuxième trimestre 2009, le nombre de demandeurs d'asile diminue dans la majorité des pays membres de l'Union européenne, sauf quelques-uns dont la Belgique qui connait une forte augmentation: plus de 30 % pour la Belgique, là où d'autres États membres enregistrent une diminution de 40 % par rapport à la même période en 2009 (deuxième trimestre 2009) (3) .
Ces chiffres démontrent l'attractivité de la Belgique par rapport à ses partenaires européens en matière de demandes d'asile. Or, sur le total des demandes d'asiles traitées par le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, seulement 24,3 % ont abouti en 2009 à une décision de reconnaissance du statut de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire.
Les raisons pour lesquelles certains étrangers sont enclins à introduire une demande d'asile pour d'autres raisons que des craintes de persécution ou un risque réel de subir des atteintes graves sont connues. Il s'agit notamment de la saturation du réseau d'accueil entraînant la location de chambres d'hôtel ou la condamnation de l'État belge au paiement d'astreintes pouvant atteindre les 500 euros par jour.
Les solutions à apporter à la crise de l'asile et de l'accueil sont multiples et complémentaires. Il est indispensable de prendre des mesures susceptibles d'avoir une influence sur le nombre de demandes introduites et sur le traitement rapide de ces demandes. Il s'agit également d'exécuter le plus rapidement possible les ordres de quitter le territoire lorsque le traitement de la demande n'a pas abouti à une reconnaissance de statut de réfugié ou à l'octroi de la protection subsidiaire.
Les auteurs de la présente proposition de loi estiment que l'établissement d'une liste de pays d'origine sûrs permettrait de lancer un signal clair aux ressortissants des dits pays qui verraient leurs demandes traitées prioritairement et dans des délais plus courts. Bien entendu, cette proposition ne constitue pas une solution susceptible de régler à elle seule la crise de l'asile et de l'accueil. Cette proposition est à intégrer aux solutions multiples et complémentaires à mettre en place.
La directive 2005/85/CE du Conseil du 1er décembre 2005 relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres prévoit la possibilité d'une procédure d'examen prioritaire ou accélérée lorsque la demande d'asile est considérée comme infondée parce que le demandeur provient d'un pays d'origine sûr.
Le considérant 17 de la directive dispose qu'un aspect essentiel pour l'appréciation du bien-fondé d'une demande d'asile est la sécurité du demandeur dans son pays d'origine. Lorsqu'un pays tiers peut être considéré comme un pays d'origine sûr, les États membres devraient pouvoir le désigner comme tel et présumer qu'un demandeur donné y est en sécurité, sauf si celui-ci présente des éléments sérieux en sens contraire.
Le considérant 21 précise toutefois que le fait qu'un pays tiers soit désigné comme pays d'origine sûr ne saurait donner aux ressortissants de ce pays une garantie absolue de sécurité. De par sa nature, l'évaluation aboutissant à cette désignation ne peut prendre en compte que la situation générale du pays aux plans civil, juridique et politique, ainsi que la question de savoir si les personnes qui commettent des actes de persécution ou de torture ou infligent des traitements ou des peines inhumains ou dégradants font effectivement l'objet de sanctions lorsqu'elles sont jugées responsables de ces faits dans ce pays. Pour cette raison, il importe que, lorsqu'un demandeur fait valoir des motifs sérieux portant à croire que le pays concerné n'est pas sûr dans son cas particulier, la désignation de ce pays comme pays sûr ne puisse plus être considérée comme étant pertinente à son égard.
Les États membres peuvent désigner des pays d'origine sûrs et ce conformément à l'annexe II de la directive. Cette annexe est rédigée comme suit:
« Un pays est considéré comme un pays d'origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l'application du droit dans le cadre d'un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d'une manière générale et uniformément, il n'y est jamais recouru à la persécution telle que définie à l'article 9 de la directive 2004/83/CE, ni à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu'il n'y a pas de menace en raison de violences indiscriminées dans des situations de conflit armé international ou interne.
Pour réaliser cette évaluation, il est tenu compte, entre autres, de la mesure dans laquelle le pays offre une protection contre la persécution et les mauvais traitements, grâce aux éléments suivants:
a) les dispositions législatives et réglementaires adoptées en la matière et la manière dont elles sont appliquées;
b) la manière dont sont respectés les droits et libertés définis dans la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et/ou dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques et/ou la convention contre la torture, en particulier les droits pour lesquels aucune dérogation ne peut être autorisée conformément à l'article 15, paragraphe 2, de ladite convention européenne;
c) la manière dont est respecté le principe de non-refoulement au sens de la convention de Genève;
d) le fait qu'il dispose d'un système de sanctions efficaces contre les violations de ces droits et libertés. »
Les États membres peuvent également désigner comme sûre une portion du territoire si les conditions prévues à l'annexe II de la directive sont remplies en ce qui concerne cette portion de territoire.
L'article 31 de la directive précise très clairement qu'un pays tiers désigné comme pays d'origine sûr ne peut être considéré comme tel pour un demandeur d'asile déterminé, après examen individuel de la demande introduite par cette personne, que si:
a) ce dernier est ressortissant dudit pays, ou
b) si l'intéressé est apatride et s'il s'agit de son ancien pays de résidence habituelle;
et si le demandeur d'asile n'a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu'il ne s'agit pas d'un pays d'origine sûr en raison de sa situation personnelle, compte tenu des conditions requises pour prétendre au statut de réfugié en vertu de la directive 2004/83/CE.
Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent intégrer dans la loi du 15 décembre 1980 une procédure prioritaire concernant les demandes d'asile formulées par des étrangers provenant de pays d'origine sûrs tels que prévus par la directive.
La portée des modifications proposées peut être synthétisée comme suit:
— le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides peut décider de ne pas reconnaître le statut de réfugié ou de ne pas octroyer le statut de protection subsidiaire à un étranger ressortissant d'un pays d'origine sûr. Si l'étranger est apatride, le commissaire général peut prendre la même décision si le pays d'origine sûr est son ancien pays de résidence habituelle;
— un pays d'origine est considéré comme sûr s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
— sur la proposition du ministre qui a l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers dans ses compétences et du ministre des affaires étrangères et après avis du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, le Roi détermine au minimum une fois par an par arrêté délibéré en Conseil des ministres la liste des pays d'origine sûrs. Afin de permettre une adaptation relativement rapide de cette liste en fonction des évolutions constatées dans certains pays, il est proposé de l'établir par arrêté royal. Toutefois, cette liste devra être actualisée au minimum chaque année;
— conformément à la directive, il est proposé d'inscrire clairement dans la loi le principe selon lequel le demandeur d'asile doit avoir la possibilité de faire valoir des raisons sérieuses permettant de penser qu'il ne s'agit pas d'un pays d'origine sûr en raison de sa situation personnelle;
— le CGRA aurait à prendre sa décision en priorité et dans un délai de quinze jours;
— le Conseil du contentieux aurait un délai d'un mois pour prendre sa décision.
Gérard DEPREZ François BELLOT Alain COURTOIS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
L'article 39/76, § 3, alinéa 2, de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers est complété par la phrase suivante:
« Ce délai est fixé à un mois s'il s'agit d'un recours introduit par un étranger visé à l'article 52, § 5, alinéa 2. »
Art. 3
Dans l'article 52 de la même loi les modifications suivantes sont apportées:
1º le paragraphe 1er est complété par un 8º rédigé comme suit:
« 8º si la demande est manifestement non fondée, parce que l'étranger est ressortissant d'un pays d'origine sûr ou s'il est apatride, y avait sa résidence habituelle et qu'il n'a pas fait valoir de raisons sérieuses permettant de penser qu'il ne s'agit pas d'un pays d'origine sûr en raison de sa situation personnelle. Un pays d'origine est considéré comme sûr s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'état de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Sur la proposition du ministre et du ministre des affaires étrangères et après avis du Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides, le Roi détermine au minimum une fois par an par arrêté délibéré en Conseil des ministres la liste des pays d'origine sûrs. »;
2º le paragraphe 2 est complété par un 6º rédigé comme suit:
« 6º si l'étranger se trouve dans le cas visé au paragraphe 1er, 8º. »;
3º le paragraphe 3 est complété par un 4º rédigé comme suit:
« 4º si l'étranger se trouve dans le cas prévu au paragraphe 1er, 8º. »;
4º le paragraphe 4 est complété par un 4º rédigé comme suit:
« 4º si l'étranger se trouve dans le cas prévue au paragraphe 1er, 8º. »;
5º le paragraphe 5 est complété par un alinéa 2 rédigé comme suit:
« Dans les cas visés au paragraphe 1er, 8º, au paragraphe 2, 6º, au paragraphe 3, 4º et au paragraphe 4, 4º, le délai prévu à l'alinéa 1er est ramené à quinze jours. ».
13 janvier 2011.
Gérard DEPREZ François BELLOT Alain COURTOIS. |
(1) Eurostat, Données en bref, 18/2010, « Asylum applicants and first instance decisions on asylum applications in Q4 2009 ».
(2) « On entend par demandeur d'asile toute personne ayant déposé une demande de protection internationale ou qui a été incluse dans cette demande en tant que membre de la famille au cours de la période de référence. », Ibid.
(3) Eurostat, Données en bref, 42/2010, « Asylum applicants and first instance decisions on asylum applications in Q4 2010 ».