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31 MARS 2011
En Belgique, plus de 100 000 personnes suivent une anticoagulothérapie orale à base d'antagonistes de la vitamine K, en raison le plus souvent du port d'une prothèse valvulaire cardiaque, de problèmes de fibrillation auriculaire ou de risques de thrombose veineuse profonde, d'embolie pulmonaire ou de congestion cérébrale.
Nombreux sont les patients qui suivent ce traitement durant de très longues périodes, voire durant toute leur vie. Celui-ci augmente l'espérance de vie et atténue les risques d'accidents thromboemboliques, mais il nécessite un suivi rigoureux. Étant donné que divers facteurs, comme l'alimentation et la prise concomitante d'autres médicaments, peuvent modifier l'action de l'anticoagulant, la posologie doit être adaptée régulièrement afin de prévenir la formation de caillots de sang ou la survenue d'une hémorragie.
Un contrôle régulier du traitement, qui s'opère le plus souvent par le dosage de l'International Normalised Ratio (INR), est essentiel. En effet, un niveau élevé d'anticoagulation peut entraîner des hémorragies et, à l'inverse, un niveau bas risque de provoquer la formation de caillots de sang. C'est pourquoi il faut procéder régulièrement à une prise de sang chez les patients en traitement, c'est-à-dire au moins une fois par mois, de manière à pouvoir adapter la posologie en conséquence.
Dans la pratique courante, un échantillon de sang est prélevé par ponction veineuse, le plus souvent par le médecin généraliste, et est ensuite transmis à un laboratoire qui va mesurer l'INR grâce à un appareil de laboratoire étalonné. Par la suite, le laboratoire communique le résultat de l'INR au médecin généraliste qui, à son tour, prend contact avec le patient et adapte, si nécessaire, la posologie.
Ce suivi prend du temps et coûte de l'argent; de plus, il oblige les patients à se soumettre régulièrement à une prise de sang, ce que peu de gens apprécient.
La mise à disposition de coagulomètres portables, c'est-à-dire d'appareils de mesure point of care (POC), utilisables où que le patient se trouve, permettrait de rendre ce suivi beaucoup moins contraignant. Grâce à ces appareils, les patients peuvent doser instantanément l'INR à l'aide d'une goutte de sang.
Il ressort d'une étude du 12 novembre 2009 du Centre fédéral d'expertise des soins de santé, intitulée « Utilisation des coagulomètres portables chez les patients sous anticoagulants oraux: Health technology Assessment », que les tests point of care ont généralement un impact positif sur les résultats des patients, surtout dans le cadre du modèle d'autogestion par le patient (« patient self-management » ou PSM) et aussi, dans une certaine mesure, dans le cadre du modèle d'automesure par le patient (« patient self-testing » ou PST).
Le modèle PSM (le patient procède lui-même au contrôle et adapte la posologie en conséquence) est le premier choix non seulement en raison des résultats cliniques qu'il engendre (diminution du nombre d'accidents thromboemboliques et de la mortalité totale) mais aussi en raison des économies qu'il représente par rapport au coût du suivi ordinaire. Ce système ne peut toutefois être appliqué que par un petit nombre de patients.
Le modèle PST (le patient procède lui-même au contrôle, mais la posologie est adaptée par un professionnel de la santé) est la seconde option. Il réduit le nombre d'accidents thromboemboliques mais pas la mortalité totale. Du point de vue financier, le modèle PST peut représenter une économie par rapport au coût du suivi ordinaire et ce, en fonction du nombre de tests INR et du nombre de consultations maintenues chez le médecin généraliste.
La mesure dans laquelle les tests POC sont remboursés par le système public de soins de santé diffère d'un pays à l'autre. Cela va de l'absence de remboursement (Belgique) jusqu'au remboursement complet (Pays-Bas).
Les conditions de remboursement sont, entre autres, le fait d'avoir suivi avec fruit une formation obligatoire dispensée par une organisation officielle et la réalisation de contrôles de qualité réguliers. Dans le cadre des modèles PSM et PST, des conditions supplémentaires sont imposées au patient, comme le fait de disposer de capacités physiques et cognitives suffisantes pour utiliser l'appareil POC et gérer (à long terme) l'anticoagulothérapie.
Wouter BEKE. Cindy FRANSSEN. Rik TORFS. |
Le Sénat,
A. constatant que 100 000 patients suivent une anticoagulothérapie orale en Belgique, dans la mesure où leur sang requiert un traitement visant à prévenir la formation de caillots pour différentes raisons (valves mécaniques, arythmies cardiaques, artériosclérose, troubles congénitaux de la coagulation, etc.) et que la grande majorité d'entre eux doit suivre cette thérapie à vie;
B. constatant qu'au fil des années, en plus de la démarche traditionnelle que représente la collaboration entre le médecin généraliste et le laboratoire, sont apparues sur le marché des solutions permettant un suivi décentralisé de l'INR des patients sous anticoagulants oraux;
C. constatant que, pour le patient, ce mode de suivi a pour conséquence qu'il connaît plus rapidement son INR, qu'il est en mesure de mieux adapter sa médication en fonction des résultats, que les délais d'attente et le stress qu'implique la mesure de l'INR sont réduits, que le nombre de thromboses et d'hémorragies diminue;
D. constatant qu'il existe déjà, dans de nombreux pays européens, un système de remboursement qui rend le matériel plus accessible pour les patients concernés;
E. constatant que beaucoup d'études européennes montrent que l'autocontrôle et l'utilisation d'appareils INR point of care sont des procédés sûrs permettant l'application du traitement anticoagulant;
F. constatant que le fait d'inclure l'appareil dans l'offre de soins pourra renforcer le rôle du médecin généraliste et, par conséquent, celui des soins de première ligne;
G. constatant que les anticoagulants oraux et un traitement par antivitamines K soulèvent de nombreuses questions tant chez le médecin généraliste que chez les patients et qu'il y a un besoin de formation et d'éducation;
H. constatant que, selon les biologistes cliniques eux-mêmes, la demande de tests INR augmentera encore au cours des prochaines années, qu'il y a par contre un manque de recrutement de personnel qualifié et que, de surcroît, les patients exigent davantage de mesures pour améliorer leur qualité de vie;
I. Constatant que le fait d'inclure des appareils INR point of care dans notre offre de soins de santé permet de réaliser des économies considérables,
Demande au gouvernement:
1. d'orienter l'organisation de l'anticoagulothérapie orale vers la surveillance à long terme, l'autogestion et l'automesure par le patient;
2. de prévoir le remboursement de la formation du patient, de l'appareil POC, des bandelettes réactives, du contrôle de qualité et de l'avis d'un professionnel de la santé;
3. de prévoir une formation obligatoire et standardisée du patient;
4. d'élaborer des directives et une formation à l'intention des professionnels de la santé impliqués dans le contrôle de l'anticoagulothérapie orale;
5. de prévoir un contrôle de qualité externe des appareils POC;
6. de prévoir une évaluation régulière sur la base du rapport coût/efficacité, entre autres dans le cadre de la standardisation de l'utilisation de nouveaux anticoagulants pour les patients qui suivent une anticoagulothérapie orale à long terme.
23 février 2011.
Wouter BEKE. Cindy FRANSSEN. Rik TORFS. |