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Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - La Commission des Affaires sociales de la Chambre a voté mardi à l'unanimité une proposition de loi visant à mieux protéger les pères contre le licenciement en cas d'hospitalisation ou de décès de la mère durant son congé de maternité. Ainsi, en cas d'hospitalisation de plus de sept jours de la mère ou lorsque celle-ci décède durant le congé de maternité, le père peut enfin bénéficier d'un congé équivalent pour s'occuper à temps plein du nouveau-né. Le congé de maternité est alors converti en congé de paternité.
Si d'aucuns applaudissent à cette disposition - mon groupe l'a soutenue -, je ne peux m'empêcher de voir le verre à moitié vide et de m'interroger sur le message donné quant à l'implication des pères dans l'éducation et les soins prodigués à leurs enfants. Ils apparaissent ici comme de simples supplétifs de mères défaillantes. Le pernicieux sous-entendu est qu'il revient à la mère de s'occuper de l'enfant et que si elle ne peut le faire parce qu'elle est décédée ou hospitalisée, le père a un rôle à jouer ; il convient alors de lui permettre de jouer ce rôle et de le protéger.
Ne faudrait-il pas, madame la ministre, défendre l'idée d'un congé de paternité prolongé et obligatoire, avec bien sûr une protection contre les pressions ou le licenciement, et ce même lorsque la mère est disponible et en bonne santé ?
Ne pensez-vous pas que l'on aurait assisté à une réelle avancée en matière d'égalité si on avait examiné un allongement du congé de paternité, voire - et là je me prends à rêver - son caractère obligatoire, avec une protection contre le licenciement ?
Par un heureux hasard du calendrier, la présidente du MEDEF a plaidé, hier, en faveur du caractère obligatoire de ce congé au journal de la plus grande chaîne publique française, précisément pour protéger les pères contre le licenciement.
Pouvons-nous espérer des avancées dans ce domaine ?
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances, chargée de la Politique de migration et d'asile. - Je remercie Mme Khattabi pour sa question. Nous avons souvent évoqué le sujet tant à la Chambre qu'au Sénat.
Notre législation actuelle autorise un congé de paternité mais ne l'impose pas. Les pratiques ont en tout cas évolué dans ce domaine puisque les derniers chiffres provenant de l'Institut pour l'égalité des chances entre les hommes et les femmes révèlent que huit travailleurs belges sur dix ont pris leur congé de paternité sans rencontrer de difficultés de la part de leur employeur et que la majorité d'entre eux ont pris dix jours de congé, parfois douze, après la naissance de l'enfant.
Un seul travailleur a fait état des difficultés qu'il aurait rencontrées avec son employeur pour prendre ce congé de paternité. On a également constaté, entre 2006 et 2008, une augmentation de dix pour cent de prise de ce congé, preuve que les mentalités évoluent.
À titre personnel, je suis évidemment tout à fait favorable à l'organisation obligatoire d'un congé de paternité. J'avais d'ailleurs l'intention de déposer un projet en ce sens au gouvernement si nous n'avions pas été en affaires courantes. C'est une position que j'ai également défendue pendant la présidence belge de l'Union européenne. Dans le cadre de la discussion de la directive sur le congé de maternité, le parlement européen a proposé qu'il y ait une prise obligatoire de congé de paternité de quinze jours dans les vingt-sept États membres afin de répartir plus équitablement les charges entre le père et la mère.
Au moment de tirer les conclusions de ce débat au niveau du Conseil EPSCO, je dois bien avouer que la majorité des États membres préféraient se limiter à la directive relative au congé de maternité sans y impliquer le débat sur le congé de paternité. Le débat n'est donc pas encore clos sur ce point et n'évolue pas de la manière la plus favorable possible, en tout cas au niveau du Conseil.
À titre personnel, je peux tout à fait soutenir cette proposition qui me semble devoir s'inscrire dans les discussions intéressant le prochain gouvernement. Il s'agit en effet davantage d'une réforme structurelle qui doit être négociée lors de la discussion sur les congés, le temps de travail et l'harmonisation de la vie familiale et de la vie professionnelle dans le cadre d'un nouveau gouvernement que nous continuons désespérément à appeler de nos voeux.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je me réjouis des chiffres que vous avancez, madame la ministre, et de la position que vous avez adoptée quant à l'obligation de la prise de ce congé de paternité.
Je me réjouis évidemment de l'évolution des mentalités. Il faut maintenant que notre législation suive la même évolution et que nous y travaillions le plus rapidement possible.
J'ai un peu plus de mal à vous suivre lorsque vous dites que nous sommes en affaires courantes. Ces dernières semaines, le gouvernement a pris quelques libertés avec cette notion. On pourrait dès lors avancer sur cette question puisque des décisions ont été prises dans des domaines hautement stratégiques. Je ne manquerai pas de revenir sur ce point en commission et de faire en sorte que nous ouvrions le débat, même en affaires courantes.