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5 AVRIL 2011
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 16 octobre 2009 (doc. Sénat, nº 4-1462/1 - 2009/2010).
La crise financière et économique que nous traversons fait ressentir très durement ses effets. On ne compte plus les entreprises au bord de l'asphyxie et les emplois disparaissent par milliers. Depuis quelque temps, la question qui est sur toutes les lèvres est de savoir ce qu'il y a lieu de faire en temps de crise: épargner ou au contraire investir ? Les deux camps s'opposent avant tout sur la question de savoir dans quelle mesure les pouvoirs publics doivent intervenir pour favoriser la relance économique. En outre, cette discussion se distingue souvent par son manque de nuance et de créativité.
Compte tenu de la période que nous traversons, ces problèmes nécessitent de trouver des solutions nouvelles. La piste proposée ici consiste à stimuler des investissements nouveaux et porteurs d'avenir, sans creuser davantage l'endettement de notre pays. Pour ce faire, il faut que les investissements en question répondent à plusieurs critères. Premièrement, ils doivent être porteurs d'avenir. Il faut opter pour des investissements dans des secteurs porteurs d'avenir, qui auront un impact durable sur l'économie et l'emploi, tant à très court terme qu'à plus long terme. Deuxièmement, il s'agit d'opter pour la solution la moins onéreuse. Les investissements à privilégier sont ceux qui n'ont aucun impact direct sur le budget. Dans un pays comme le nôtre, caractérisé par un taux d'endettement important, une politique d'investissement anticyclique doit toujours rechercher la solution la moins onéreuse. Troisièmement, il faut des mesures dont les effets seront rapidement perceptibles. Les investissements doivent donner des résultats tangibles à très bref délai. Sont donc à exclure les mesures dont les résultats ne se feront sentir qu'après la sortie de crise. Quatrièmement, il doit s'agir d'actions efficaces et ciblées. Les investissements doivent créer des emplois durables pour les personnes qui perdent aujourd'hui leur travail. S'il n'y a pas assez de main-d'uvre suffisamment qualifiée et expérimentée pour ces nouveaux emplois, il faut proposer rapidement aux chômeurs des formations qui leur donneront accès à ces emplois porteurs d'avenir.
Pour pouvoir réaliser ces investissements sans grever davantage les budgets des différentes autorités du pays, nous proposons de créer un Fonds d'avenir chargé d'émettre des emprunts populaires. La crise financière a semé le trouble dans l'esprit de beaucoup qui ne savent plus comment bien placer leur argent. Proposer une méthode d'épargne fiable, avec un rendement correct mais sûr, répondrait incontestablement à un besoin de société. L'emprunt populaire est un instrument qui s'inscrit dans ce cadre.
L'emprunt populaire est un vaste emprunt qui est émis non pas par les pouvoirs publics, mais par une société de droit privé (le Fonds d'avenir) au sein de laquelle les pouvoirs publics sont représentés et peuvent exercer certains droits de blocage. Cette société émet l'emprunt à un taux déterminé, légèrement supérieur au taux habituel du marché. Les pouvoirs publics offrent la garantie légale que les intérêts ne seront pas soumis au précompte mobilier pour les particuliers et pour les sociétés actives dans le secteur non marchand. Dans leur cas, le rendement brut sera donc un rendement net. Les emprunts populaires ont une durée minimale de cinq ans et une durée maximale de dix ans. Un plafond est prévu pour chacune de ces deux durées.
De son côté, la société prête les moyens récoltés à un taux d'intérêt qui ne peut dépasser de plus d'un pour cent la rémunération octroyée aux épargnants. Ce différentiel d'un pour cent doit permettre à la société de s'autofinancer totalement. Cela n'est possible que si l'argent est prêté pour des projets sûrs et de grande envergure, qui ne nécessitent donc pas un suivi trop important. L'essentiel pour ces investissements est de ne pas reproduire les problèmes rencontrés l'année dernière. En effet, à cause de la crise, des projets d'intérêt général n'ont pas été financés aux conditions du marché ou l'ont été à des taux beaucoup trop élevés. Cela signifie que la réalisation de projets sociaux indispensables est retardée à cause de l'assèchement des sources de financement provoqué par les responsables de la crise.
L'on peut trouver dans le secteur de l'énergie quelques exemples d'investissements susceptibles d'être financés par un emprunt populaire. L'on pourrait ainsi aider les entreprises belges du bâtiment qui, aujourd'hui, ne brillent pas particulièrement par leur savoir-faire en matière de constructions peu énergivores, à investir dans des lotissements ou immeubles à appartements de taille moyenne, dont les logements respectent les normes des maisons passives ou sont en tout cas très peu gourmands en énergie. Le lancement de projets de ce type permettrait d'améliorer les connaissances tant des promoteurs que des corps de métiers, de mieux informer les particuliers qui envisagent de faire construire et de préparer le secteur de la construction au futur.
Cela permettrait aussi d'investir dans la mise au point d'un réseau énergétique intelligent (« smart grid »). Il s'agit d'un réseau électrique intelligent qui s'apparente en fait davantage à l'Internet qu'à des câbles passifs. Un tel réseau est capable de sélectionner automatiquement les procédés les plus économes en énergie. En tout cas, le développement d'un réseau de ce type donnera naissance à une multitude de nouvelles applications industrielles. Si nous sommes les premiers à nous lancer dans cette voie de manière ordonnée, nous créerons incontestablement des nouvelles possibilités d'exportation et, dans la foulée, des nouvelles opportunités d'emploi.
Il est fondamental que les projets soient mûrement réfléchis sur le plan stratégique et résolument tournés vers l'avenir, ils doivent offrir une stabilité et des garanties suffisantes et être limités en nombre.
Nous tenons toutefois à subordonner l'emprunt populaire à une condition supplémentaire, à savoir celle de bénéficier aux jeunes peu ou moyennement qualifiés. Car ce sont eux qui sont aujourd'hui doublement frappés par la crise. Il est donc essentiel que les promoteurs d'un projet susceptible de bénéficier d'un emprunt populaire prennent le ferme engagement de recruter prioritairement des jeunes et de les former avec ou sans la collaboration des services régionaux de placement.
En lançant l'emprunt populaire, nous offrons la sécurité aux épargnants, nous mettons à disposition des fonds pour financer des projets de grande envergure, solides et innovants, et nous veillons à ce que les jeunes puissent bénéficier, justement dans ces secteurs d'avenir, d'une formation et de perspectives d'emploi. L'opposition entre partisans et adversaires des investissements publics est en fait un débat assez stérile. L'emprunt populaire apporte la preuve qu'il est réellement possible de mener une politique incitative sans grever inutilement le budget.
Article 2
Il paraît indiqué à divers niveaux d'offrir aux investissements d'importance stratégique une formule de financement stable et à un coût raisonnable. En effet, lorsque le monde économique et financier connaît des chocs importants, cela a pour effet concret de réduire les marges budgétaires, de renchérir les financements par des tiers et de réduire les taux d'intérêt des produits d'épargne proposés aux particuliers, sans compter toute l'incertitude qui en résulte.
Article 3
La distinction entre institutionnels et particuliers est précisée pour définir les droits de chaque catégorie d'investisseurs dans le cadre de l'emprunt populaire. Tout d'abord, il est un fait qu'une tranche minimale de l'emprunt populaire doit être réservée aux ménages et aux associations du secteur non marchand. Le solde pourra être souscrit par des autorités institutionnelles, définies comme étant les acteurs financiers institutionnels traditionnels, à savoir les fonds de pension, les banques et les assureurs, auxquels il faut ajouter les sociétés actives dans un secteur autre que le non-marchand. De plus, seule la tranche des particuliers pourra bénéficier de l'avantage brut-net du fait que seule cette catégorie sera exonérée du précompte mobilier.
L'article 3 prévoit qu'au moins un quart de chaque émission devra être exclusivement réservé aux ménages. Il s'ensuit que le seul cas de figure où un quart au moins de l'émission ne sera pas réservé aux ménages est celui où ceux-ci souscriront moins de 25 % du montant total de l'emprunt. D'autre part, l'arrêté royal visé à l'article 2, 2º, devra préciser le nombre d'émissions ainsi que le montant total par émission, qui sera plafonné compte tenu de la profondeur et de la liquidité de telles émissions. Il va de soi que ce plafond pourra être revu si la profondeur du marché est plus importante au moment où un projet plus important et utile se présente dans ce cadre. Il sera demandé aux grandes institutions financières de placer ce montant gratuitement et à ces conditions.
Article 4
L'autorité compétente garantit le principal et les paiements d'intérêts. Cette garantie permet de créer un produit d'épargne sûr destiné aux ménages. En ces temps d'incertitude, proposer un produit d'épargne offrant une telle sécurité, avec un intérêt raisonnable, peut s'avérer utile à de multiples égards. Cela résout notamment le problème auquel sont confrontés les ménages qui, en période d'insécurité, ont tendance à épargner davantage, alors que leur épargne placée dans les banques traditionnelles offre un rendement moindre, du fait de cette même insécurité. L'attractivité des produits à plus haut risque s'en trouve d'autant plus renforcée, ce qui accroît en retour la vulnérabilité de l'épargne des particuliers. Autrement dit, à cause de la crise créée par les banques, les particuliers ont perdu une partie de leur épargne après l'avoir investie dans des produits à risque. Et après la crise, l'incertitude générale augmente à nouveau l'attractivité et le poids de ces placements à risque pour l'épargne, générant une situation dans laquelle les banques sont les seules à profiter de la garantie d'État. La présente proposition de loi permettra à tout le moins d'endiguer en grande partie ce phénomène.
Les durées proposées de cinq et dix ans permettent de maintenir une offre suffisante et continue de ces emprunts et de ce produit d'épargne, tout en donnant aux particuliers la possibilité d'y souscrire à divers moments, selon la disponibilité individuelle de leur épargne. Cela permet aussi de générer un roulement suffisant de manière à toujours dégager des moyens supplémentaires pour financer de nouveaux projets.
L'exonération du précompte mobilier pour les particuliers est une mesure censée inciter les particuliers et les ménages à opter pour cette forme d'épargne sans risque. Grâce à cette incitation, la grande volatilité et l'insécurité, surtout en périodes de crise, n'affecteront pas leurs économies. Il serait superflu d'offrir un tel incitant aux investisseurs institutionnels parce qu'ils n'éprouvent aucune difficulté à s'adapter aux conditions du marché en ce qui concerne le niveau des taux d'intérêt et qu'ils peuvent en outre bénéficier de la garantie d'État.
Grâce à la fixation du différentiel d'intérêts, la collecte de capitaux en vue de réaliser des investissements stratégiques ne sera pas inaccessible financièrement, même en période d'incertitude.
Johan VANDE LANOTTE. Frank VANDENBROUCKE. Ludo SANNEN. Marleen TEMMERMAN. Güler TURAN. Guy SWENNEN. Bert ANCIAUX. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Pour l'application de la présente loi, il y a lieu d'entendre par:
1º autorité compétente: les ministres qui ont les Finances et l'Économie dans leurs attributions;
2º Fonds d'avenir: l'entité qui émet des emprunts et participe au financement d'investissements stratégiques;
3º emprunts populaires: des emprunts garantis par l'autorité compétente et émis par le Fonds d'avenir par appel public à l'épargne, conformément à un modèle de conditions d'émission établi par le ministre des Finances, et dont le produit servira à financer des investissements stratégiques de grande envergure.
Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les conditions auxquelles le Fonds d'avenir doit satisfaire. Le Roi fixe, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, les modalités concernant la nature et l'ampleur des investissements du Fonds d'avenir.
Art. 3
Chaque émission est soumise à l'approbation préalable de l'autorité compétente.
Au moins un quart de chaque émission sera souscrit par des particuliers, sauf lorsque la demande émanant des particuliers est inférieure au quart de l'émission en question.
Art. 4
Les intérêts produits par les emprunts populaires sont fixes pendant toute la durée des emprunts.
L'autorité compétente garantit le paiement des intérêts et du principal.
Les emprunts populaires ont une durée minimale de cinq ans et une durée maximale de dix ans et sont remboursables à leur échéance finale.
Les intérêts produits sont exonérés du précompte mobilier, mais uniquement pour les émissions souscrites par des particuliers.
Le différentiel d'intérêts appliqué par le Fonds d'avenir entre les sommes prêtées et empruntées ne peut dépasser un pour cent.
31 mars 2011.
Johan VANDE LANOTTE. Frank VANDENBROUCKE. Ludo SANNEN. Marleen TEMMERMAN. Güler TURAN. Guy SWENNEN. Bert ANCIAUX. |