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24 MARS 2011
Quelque 100 à 140 millions de femmes et de jeunes filles vivent actuellement dans le monde en supportant les conséquences de mutilations génitales féminines (MGF). Rien qu'en Afrique, près de 90 millions de filles âgées de neuf ans et plus en ont été victimes. Par ailleurs, on estime que chaque année, 3 millions de filles risquent de subir cette pratique préjudiciable (1) . Dans la plupart des cas, les mutilations génitales féminines sont une forme d'abus qui cause des dommages irréversibles et constitue une violation flagrante des droits des femmes et des filles. Le problème se pose avec acuité dans plusieurs pays africains et dans quelques pays asiatiques, mais il est aussi de plus en plus fréquent en Europe au sein de la diaspora des pays concernés.
Parallèlement aux différentes conventions et résolutions internationales qui condamnent et interdisent les mutilations génitales féminines, plusieurs actions concrètes sont entreprises pour tenter de mettre un terme à ces pratiques.
En 2008, plusieurs institutions des Nations unies ont publié une déclaration conjointe sur les MGF. Peu après, l'UNICEF et le FNUAP (Fonds des Nations unies pour la population) ont lancé un programme commun dénommé « Mutilation génitale féminine/excision: Accélérer le changement », pour contribuer à accélérer l'éradication des MGF, dans l'espoir d'y parvenir en l'espace d'une génération. Au terme du programme, en 2012, les avancées réalisées dans dix-sept pays africains feront l'objet d'une évaluation (2) . Concrètement, on a prévu de débloquer à cet effet un budget de 44 millions de dollars. À ce jour, 19 millions de dollars à peine ont été injectés dans ce fonds. Les pays qui y ont déjà contribué sont la Norvège, l'Italie, la Suisse, le Luxembourg, l'Irlande et l'Autriche. Étant donné ce sous-financement, il n'est possible de soutenir des actions que dans douze des dix-sept pays prioritaires, et l'objectif fixé ne pourra pas être atteint pour 2012.
Dès lors que les mutilations génitales féminines causent un traumatisme irréversible, la prévention revêt une importance capitale. À cet égard, il est essentiel de conscientiser les populations en adoptant une approche de type communautaire. Si l'on veut obtenir des résultats, il faut impérativement associer la société civile, les chefs traditionnels et religieux, les organisations féminines, les mouvements de jeunesse, les enseignants, le personnel de santé ainsi que les autorités locales à l'élaboration et à la mise en uvre des différents programmes et actions de lutte.
On sait comment mettre fin à la pratique préjudiciable que constituent les MGF, mais la volonté politique et les moyens financiers font actuellement défaut pour joindre le geste à la parole. Dans ses conclusions présentées lors du séminaire sur la violence à l'encontre des femmes en Afrique, organisé le 22 mars 2010 à Bruxelles, l'AWEPA (Association des parlementaires européens pour l'Afrique) a exhorté les gouvernements et les parlements des pays donateurs à intensifier leurs efforts pour la cessation des mutilations génitales féminines dans le monde.
À l'occasion de la Journée internationale de lutte contre les mutilations génitales féminines, organisée le 6 février, nous souhaitons appeler tous les pays donateurs, et tout particulièrement le gouvernement belge, à rassembler les moyens nécessaires pour faire cesser cette terrible forme de violence faite aux femmes et aux filles.
Sabine de BETHUNE. Elke SLEURS. Olga ZRIHEN. Richard MILLER. Marleen TEMMERMAN. Nele LIJNEN. Vanessa MATZ. |
Le Sénat,
A. vu les différentes conventions internationales qui condamnent les mutilations génitales féminines et constituent le fondement juridique de l'abandon de ces pratiques, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, la Convention internationale des droits de l'enfant, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples, et la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant;
B. vu le Protocole de Maputo, qui a été signé le 11 juillet 2003 par cinquante-trois chefs d'État de l'Union africaine et dont l'article 3 dispose que les mutilations génitales féminines doivent être interdites et sanctionnées, et vu le Plan d'action de Maputo sur la santé et les droits sexuels et reproductifs (22 septembre 2006);
C. vu les résolutions des Nations unies 56/128 du 19 décembre 2001, 58/156 du 22 décembre 2003 et 60/141 du 16 décembre 2005 qui interdisent les mutilations génitales féminines;
D. vu la résolution 2003/28 du 22 avril 2003 de la Commission des Nations unies pour les droits de l'homme, qui a proclamé le 6 février « Journée internationale de la tolérance zéro à l'égard des mutilations génitales féminines »;
E. vu la résolution (2008/2071(INI)) du Parlement européen, qui plaide en faveur de l'élaboration d'une stratégie européenne globale et de plans d'action en vue d'éliminer la pratique des mutilations génitales féminines au sein de l'Union européenne et dans les pays partenaires;
F. vu la résolution 1765 (2010)1 du Conseil de l'Europe, qui demande une attention particulière pour les demandes d'asile liées au genre, et vu le projet de Convention du Comité ad hoc du Conseil de l'Europe pour prévenir et combattre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (CAHVIO);
G. vu le nombre croissant de pays européens ayant adopté des dispositions de droit pénal spécifiques relatives aux mutilations génitales féminines;
H. vu l'article 29 de la loi du 28 novembre 2000, qui insère dans le Code pénal belge un article 405 disposant que « quiconque aura favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d'une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d'un emprisonnement de trois ans à cinq ans », la tentative étant également punissable;
I. vu le travail accompli au Sénat, en particulier les résolutions (3-523/2 - 2003/2004) et (4-533/6 - 2008/2009) visant à lutter contre les mutilations génitales féminines;
J. vu l'étude réalisée par l'Institut de médecine tropicale sur la prévalence et le risque de mutilations génitales féminines en Belgique (2010), qui révèle que 6 260 femmes et filles excisées et 1 975 filles exposées au risque d'excision vivent dans notre pays;
K. vu le Plan d'action national (2010-2014) de lutte contre la violence entre partenaires et d'autres formes de violences intrafamiliales, telles que les mutilations génitales féminines, dans le cadre duquel des engagements concrets ont été pris pour lutter contre les mutilations génitales féminines, tant en Belgique que dans les pays partenaires;
L. compte tenu du fait que la coopération belge au développement ne finance aucune action spécifique de lutte contre les MGF sur le plan opérationnel dans le cadre de la coopération bilatérale directe, même si elle soutient cette lutte en apportant des contributions financières ou un soutien politique à des organisations partenaires de la coopération multilatérale dans le cadre de la politique relative à la santé et aux droits sexuels et reproductifs;
M. vu la campagne « Mutilation génitale féminine/excision: Accélérer le changement » menée par le FNUAP et l'UNICEF pour faire cesser les mutilations génitales féminines dans le monde en une génération. Concrètement, les MGF devront être éradiquées dans dix-sept pays d'ici à 2012. Trois de ces pays, à savoir le Sénégal, le Mali et l'Ouganda, sont des pays partenaires de la coopération belge au développement. Le Trust fund qui a été créé pour soutenir ce programme est sous-financé et n'a, à ce jour, pas encore bénéficié de la contribution de la Belgique;
N. vu la campagne « End FGM » menée en Europe par Amnesty International, qui plaide pour l'élaboration d'une stratégie européenne commune en vue de faire cesser les mutilations génitales féminines;
O. vu les conclusions présentées par l'AWEPA lors du séminaire intitulé « Vers une stratégie parlementaire pour le droit des femmes et l'égalité des genres — Unir les efforts parlementaires pour mettre un terme à la violence à l'encontre des femmes en Afrique », organisé à Bruxelles le 22 octobre 2010 dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne;
P. considérant que selon les chiffres de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), quelque 100 à 140 millions de femmes et de filles vivant à travers le monde doivent supporter les conséquences de mutilations génitales féminines, et que l'on estime que 3 millions de filles risquent chaque année d'être victimes de ces pratiques préjudiciables;
Q. considérant que ces pratiques sont très répandues dans au moins vingt-huit pays africains et dans plusieurs pays asiatiques;
R. considérant qu'en Europe, chaque année, quelque 180 000 femmes immigrées sont victimes ou risquent d'être victimes de mutilations génitales;
S. considérant que toute forme de mutilation génitale féminine constitue une violence grave à l'encontre des femmes et des filles et une violation flagrante de leurs droits fondamentaux, en particulier du droit à la vie, du droit à l'intégrité physique et mentale, du droit à disposer des meilleures conditions possibles de santé, du droit de ne pas être victime de discriminations ou de violences, ainsi que des droits de l'enfant,
Demande au gouvernement:
1. de faire de la lutte contre les mutilations génitales féminines dans le monde une priorité politique dans une perspective de respect des droits de l'homme et de solidarité internationale;
2. de s'associer au programme « Mutilation génitale féminine/excision: Accélerer le changement » mené à l'échelle mondiale par le FNUAP et l'UNICEF en vue de faire cesser les mutilations génitales féminines dans le monde en une génération, notamment en contribuant financièrement, à partir du budget 2011, au Trust fund qui soutient ce programme;
3. de faire de l'élimination des mutilations génitales féminines une priorité dans le cadre de sa coopération bilatérale avec tous les pays partenaires concernés;
4. de plaider au niveau européen en faveur de l'élaboration d'une stratégie européenne et d'un cadre légal visant à mettre fin à toutes les formes de violence à l'égard des femmes, dans le cadre desquels les mutilations génitales féminines seraient expressément citées;
5. de prévoir suffisamment de moyens pour honorer les engagements qu'il a pris dans le cadre du Plan d'action national (2010-2014) de lutte contre la violence entre partenaires et d'autres formes de violences intrafamiliales, dont les mutilations génitales féminines;
6. de soutenir les efforts des organisations non gouvernementales (ONG) et organisations actives aux niveaux local, national, régional et international;
7. d'informer chaque année le Parlement de l'état d'avancement des différents points susmentionnés.
28 janvier 2011.
Sabine de BETHUNE. Elke SLEURS. Olga ZRIHEN. Richard MILLER. Marleen TEMMERMAN. Nele LIJNEN. Vanessa MATZ. |
(1) Nations unies, résolution 52/2 E/CN.6/2008/L.2/Rev.1.
(2) Les pays concernés sont le Burkina Faso, Djibouti, l'Égypte, l'Érythrée, l'Éthiopie, la Gambie, le Ghana, la Guinée, la Guinée Bissau, le Kenya, le Mali, la Mauritanie, le Sénégal, la Somalie, le Soudan, la Tanzanie et l'Ouganda.