5-115/2

5-115/2

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

23 MARS 2011


Proposition de loi modifiant diverses dispositions relatives au droit des mineurs d'être entendus par le juge


AMENDEMENTS


Nº 1 DE M. DELPÉRÉE

Art. 2

Remplacer cet article par ce qui suit:

« L'article 931 du Code judiciaire, modifié par la loi du 30 juin 1994, est remplacé par ce qui suit:

« Art. 931. Le mineur d'âge de moins de quinze ans révolus n'est pas entendu sous serment. Ses déclarations sont recueillies à titre de simple renseignement.

Sans préjudice de l'article 1004bis, les descendants ne sont pas entendus dans les causes où leurs ascendants ont des intérêts opposés. ». »

Justification

La question de l'audition des enfants est actuellement insérée dans l'article 931 du Code judiciaire qui est lui-même inscrit dans la section consacrée à l'enquête par témoins.

Cette place est inopportune. Il est suggéré de modifier l'article 931 du Code judiciaire pour retirer l'audition de l'enfant de la section consacrée à l'enquête par témoins et de créer une nouvelle section visant spécifiquement cette audition.

Nº 2 DE M. DELPÉRÉE

Art. 2/1 (nouveau)

Insérer un article 2/1 rédigé comme suit:

« Art. 2/1. Dans la quatrième partie, livre II, titre III, chapitre VIII, du même Code, il est inséré une section 7/1 intitulée « L'audition des mineurs ».

Justification

Afin de donner à l'audition du mineur l'importance qui lui est due sur le plan constitutionnel et eu égard à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, une nouvelle section est créée au sein du Code judiciaire.

Nº 3 DE M. DELPÉRÉE

Art. 2/2 (nouveau)

Insérer un article 2/2 rédigé comme suit:

« Art. 2/2. Dans la section 7/1 insérée par l'article 2/1, il est inséré un article 1004/1 rédigé comme suit:

« Art. 1004/1. § 1er. Le présent article s'applique à toute procédure civile concernant un mineur, sans préjudice de dispositions légales particulières.

§ 2. Le mineur qui n'a pas atteint l'âge de douze ans a le droit d'être entendu, à sa demande. Si le mineur a déjà été entendu au cours de la procédure ou dans une instance précédente, même devant un autre tribunal, et qu'aucun élément nouveau ne justifie l'audition, le juge n'est pas tenu d'accéder à sa demande.

Lorsque le mineur qui n'a pas atteint l'âge de douze ans en fait la demande soit au juge saisi soit au procureur du Roi, l'audition ne peut être écartée. Si au cours de l'audition, le juge estime que le mineur manque de discernement, il l'indique dans le compte rendu de l'audition.

§ 3. Le mineur qui a atteint l'âge de douze ans est invité par le juge à être entendu. Il peut refuser de donner suite à l'invitation. Si le mineur a déjà été entendu au cours de la procédure ou dans une instance précédente, même devant un autre tribunal, et qu'aucun élément nouveau ne justifie l'audition, le juge n'est pas tenu de le convoquer.

Lorsque le mineur a émis le souhait d'être assisté par un avocat de son choix, une copie du courrier d'invitation est également envoyée à celui-ci.

À défaut d'expression du souhait visé à l'alinéa 2, une copie du courrier est envoyée au bâtonnier en vue de la désignation d'un avocat conformément à l'article 508/26.

§ 4. Le mineur est entendu par le juge ou par la personne que celui-ci désigne en un lieu qu'il considère approprié. À moins que le juge n'en décide autrement par une décision motivée, l'entretien a lieu hors la présence de quiconque sauf, le cas échéant, l'avocat du mineur.

Un compte rendu de l'audition est joint au dossier de la procédure. Il reproduit les dires du mineur. Le mineur est informé que les parties pourront prendre connaissance du compte rendu. Il lui en est fait lecture.

Le compte rendu n'est signé ni par le mineur, ni par son avocat. Il contient une déclaration signée par le juge concernant la date à laquelle le compte rendu a été lu au mineur.

Les frais occasionnés par l'audition sont, le cas échéant, partagés entre les parties.

§ 5. L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure.

Les opinions du mineur sont prises en considération compte tenu de son âge et de son degré de maturité. »

Justification

La question de l'audition des enfants est réglée par la proposition de loi portant création d'un tribunal de la famille et de la jeunesse, dont l'auteur du présent amendement est le premier signataire. L'amendement reprend la solution inscrite dans cette proposition, en l'adaptant légèrement de manière à ce qu'elle corresponde à la réalité judiciaire actuelle.

Le but de l'audition du mineur est de permettre à ce dernier d'exercer son droit à être entendu dans les causes qui le concernent (articles 22bis de la Constitution et 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant) et par ailleurs de permettre au magistrat de cerner au mieux l'intérêt de l'enfant, au vu des réponses que celui-ci donnera aux questions relatives à son mode de vie, son vécu et la qualité de ses relations avec l'un et l'autre de ses parents. A aucun moment, le mineur ne doit avoir l'impression d'être partie prenante au processus décisionnel, « sous peine de faire naître en lui un sentiment à la fois de culpabilité à l'égard du parent fragilisé par une décision judiciaire qui rejette sa demande, et de solidarité avec l'autre parent qui en quelque sorte devrait lui être redevable d'avoir pris son parti (1)  ».

Aujourd'hui, deux systèmes coexistent selon que la procédure civile se déroule devant le tribunal de la jeunesse ou devant le Président du tribunal de première instance statuant en référé. Dans le premier cas, l'audition du mineur de plus de douze ans est systématique. Dans le second cas, elle ne l'est pas.

Aucun des deux systèmes n'est satisfaisant dès lors qu'une audition automatique n'est pas toujours justifiée, mais que l'absence d'automaticité au civil a parfois pour effet de rendre impossible en pratique une audition qui se révèlerait utile (absence d'information, non connaissance de cette possibilité par le mineur, ...).

L'auteur du présent amendement souhaite adopter un système intermédiaire permettant de bénéficier des avantages de chaque système, sans en subir les inconvénients. À cet effet, l'amendement prévoit que, dans les litiges familiaux civils, tout enfant mineur de plus de douze ans sera automatiquement informé de la possibilité d'être entendu par le juge, qu'il y sera invité mais pourra toujours refuser d'y répondre s'il ne le souhaite pas. Le mineur de moins de douze ans, quant à lui, sera entendu à sa demande. Cette demande ne pourra être écartée. Le cas échéant, le juge pourra indiquer dans le compte rendu de l'audition qu'il estime que le mineur n'a pas le discernement nécessaire.

Le nouvel article décrit la manière dont l'audition doit se dérouler: l'entretien a lieu en présence du seul mineur et éventuellement de son avocat.

Un compte rendu est rédigé par le magistrat et lu au mineur, qui est informé du caractère contradictoire de ce compte rendu.

Bien entendu, le juge ne devra prendre en considération les éléments de l'audition du mineur qu'en fonction de son âge et de ses capacités de discernement, ainsi que des autres éléments du dossier (rapports d'expertise, enquête sociale, ...).

En aucun cas, le mineur ne peut être considéré comme partie à la cause.

Nº 4 DE M. DELPÉRÉE

Art. 2/3 (nouveau)

Insérer un article 2/3 rédigé comme suit:

« Art. 2/3. Dans la même section 7/1, insérée par l'article 2/1, il est inséré un article 1004/2 rédigé comme suit:

« Art. 1004/2. Le Roi établit un modèle de courrier d'invitation qui explique au mineur, de manière claire et adaptée à son âge, qu'il est convoqué devant le tribunal, qu'il peut consulter un avocat, conformément à l'article 508/26, et qu'il peut refuser de comparaître, conformément à l'article 1004/1, § 3. »

Justification

Le modèle d'invitation est établi par le Roi. Il est nécessaire que le mineur puisse comprendre les objectifs de l'audition et la manière dont il peut ou non y répondre. Ceux-ci doivent lui être exposés dans un langage clair.

Un formulaire de réponse sera joint à l'information, de manière à permettre au mineur de se manifester.

Nº 5 DE M. DELPÉRÉE

Art. 2/4 (nouveau)

Insérer un article 2/4 rédigé comme suit:

« Art. 2/4. Dans la même section 7/1, insérée par l'article 2/1, il est inséré un article 1004/3 rédigé comme suit:

« Art. 1004/3. Le Roi détermine la formation particulière que doivent acquérir les juges qui statuent sur des litiges concernant les mineurs. ».

Justification

Dans l'attente d'un tribunal de la famille et de la jeunesse, dans le cadre duquel les magistrats tant du siège que du parquet seront spécialement formés, il est primordial que les magistrats amenés à auditionner des mineurs reçoivent une formation adéquate en ce sens.

Nº 6 DE M. DELPÉRÉE

Art. 3

Supprimer cet article.

Justification

Le contenu de l'article 3 est repris dans l'article 1004/3 du Code judiciaire dont l'insertion est proposée à l'amendement nº 5.

Nº 7 DE M. DELPÉRÉE

Art. 4

Supprimer cet article.

Justification

L'article 51 de la loi du 8 avril 1965 ne peut être abrogé car il s'applique aussi aux aspects protectionnels de la loi.

Nº 8 DE M. DELPÉRÉE

Art. 5

Supprimer cet article.

Justification

L'article 56bis de la loi du 8 avril 1965 ne peut être abrogé car il s'applique aussi aux aspects protectionnels de la loi.

Nº 9 DE M. DELPÉRÉE

Art. 6 (nouveau)

Insérer un article 6 rédigé comme suit:

« Art. 6. Dans la deuxième partie, Livre IIIbis, du même Code, il est inséré un Chapitre IX intitulé « De l'aide juridique apportée aux mineurs par les avocats ».

Justification

Cet article insère dans le Code judiciaire une nouvelle subdivision relative à l'aide juridique apportée aux mineurs par les avocats.

Nº 10 DE M. DELPÉRÉE

Art. 7 (nouveau)

Insérer un article 7 rédigé comme suit:

« Art. 7. Dans le chapitre IX, inséré par l'article 6, il est inséré un article 508/26 rédigé comme suit:

« Art. 508/26. Sur simple requête, dans le cadre de l'aide juridique de première et de deuxième ligne visée aux articles 508/5 à 508/18, le mineur peut dans toute procédure judiciaire ou administrative le concernant demander à être assisté par un avocat qui est désigné par le bâtonnier du barreau ou par le bureau d'aide juridique.

Il en est de même à la requête des personnes qui exercent l'autorité parentale, du ministère public ou du juge saisi du litige, sauf si le mineur renonce expressément à l'assistance d'un avocat ou s'il choisit un autre avocat. »

Justification

Le mineur aura la possibilité de se faire assister par un avocat de son choix ou qui sera désigné par le bâtonnier. L'assistance d'un conseil permettra au mineur de connaître les enjeux de l'audition, d'être rassuré par rapport à celle-ci et de poser toutes les questions qui le préoccupent.

Francis DELPÉRÉE.

(1) N. Massager, « Chronique de jurisprudence: droit des personnes et des familles (1999-2004) », Les dossiers du JT, Larcier, Bruxelles, 2005, p. 583.