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23 MARS 2011
I. INTRODUCTION
La commission des Finances et des Affaires économiques et la commission des Affaires sociales ont eu, le 9 février 2011, un échange de vues sur les résultats du sommet de Cancún sur le climat organisé sous l'égide des Nations unies.
L'exposé introductif du ministre démissionnaire du Climat et de l'Énergie a été suivi d'un échange de vues.
II. EXPOSÉ INTRODUCTIF DU MINISTRE DU CLIMAT ET DE L'ÉNERGIE
Fait exceptionnel dans l'histoire des Nations unies, par trois fois les délégations des 193 pays réunis à la conférence de Cancún sur le changement climatique ont réservé une ovation debout à la présidence mexicaine. Après trois ans de négociations post-Kyoto, passant notamment par Bali, Poznan et Copenhague, et après quinze jours de discussions tendues au point de pouvoir se rompre à tout moment, les nations du monde sont enfin parvenues à s'engager formellement à lutter ensemble contre le réchauffement climatique.
Oubliées l'amertume de Copenhague et la profonde déception de la société civile. Même s'il appelle encore de longs travaux, le système international mis en place il y a près de quinze ans à Kyoto a désormais un avenir.
Au-delà de la légitime satisfaction des négociateurs enfin arrivés à bon port, le triomphe fait à la présidence mexicaine comporte une signification plus profonde: Cancún est un exemple convaincant de ce nouveau multilatéralisme dont on ne voyait, jusqu'ici, que peu de preuves tangibles.
Un mois après l'accord de Nagoya sur la biodiversité, ce nouvel accord démontre que le système des Nations unies, souvent taxé de lenteur, de lourdeur, d'opacité et d'inefficacité, fonctionne bel et bien. Adopté par consensus, en dépit de l'opposition farouche de la Bolivie, l'accord de Cancún est le résultat d'un très gros effort de compréhension et d'ajustement mutuels, dans le plus grand respect de la souveraineté de chaque nation. Bien sûr, un tel processus, dans la mesure où il repose sur la volonté et le sens du compromis plutôt que sur des rapports de force, est condamné à connaître des atermoiements, des crises et des ruptures provisoires. Mais dans le monde post-hégémonique d'aujourd'hui, il a fait la preuve — pour paraphraser Churchill — qu'il est le plus mauvais système à l'exclusion de tous les autres.
Ce nouveau multilatéralisme reflète aussi un rééquilibrage progressif et irréversible des rapports de force internationaux, visible à l'il nu tout au long de ces négociations. Sans doute le profil bas affiché par les États-Unis s'explique-t-il par la gêne que l'administration Obama éprouve pour la grande modestie de ses objectifs de réduction des émissions de CO2, qui lui interdisent de prendre le leadership. Mais les négociateurs états-uniens ont aussi témoigné, tout au long de ces débats, d'une humilité qui s'est traduite par un engagement multilatéral sincère. Consciente de sa puissance démographique et économique, la Chine a su quant à elle ne pas s'enfermer dans une confrontation stérile avec les États-Unis et l'Europe, et accepter un compromis qui ne l'enthousiasmerait pas. Quant aux représentants des pays émergents, tels que l'Inde, l'Afrique du Sud, le Brésil, et les pays d'Amérique latine et centrale, réunis autour d'une présidence mexicaine impeccable dans son souci d'assurer le niveau le plus élevé de transparence et d'ouverture des débats, ils ont été des médiateurs incontournables entre pays en développement et nations industrialisées.
L'Union européenne et sa présidence belge ont manifestement retrouvé leur place dans ce nouveau paysage international. Principale victime du naufrage de Copenhague, l'UE a tiré, depuis lors, les leçons de son échec. Elle a compris que s'ériger en leader moral et en donneur de leçons, refuser de reconnaître sa responsabilité historique dans le changement climatique et exiger un accord contraignant sans parler du fond, ne mène à rien. Dans ce nouveau multilatéralisme, Cancún est un exemple éloquent du rôle de jeteur de ponts que l'UE est appelée à jouer entre toutes les régions du monde, en particulier avec ces pays d'Afrique auxquels elle est si intimement liée. L'Union européenne a également appris à tirer profit de manière optimale de sa diversité: elle n'est jamais aussi forte que lorsque la Commission parle en son nom et lorsque ses États membres sont capables d'exploiter leurs relations privilégiées avec les autres régions du monde (les Britanniques avec les États-Unis et les anciens pays du Commonwealth, les Espagnols en Amérique centrale et latine, la France et la Belgique en Afrique, les pays d'Europe centrale et la Finlande avec la Russie et les anciennes républiques soviétiques ...). Elle est ainsi parvenue à laver l'affront de Copenhague, avec modestie et détermination et en montrant qu'elle était prête à s'intégrer dans ce « nouveau paradigme » que le Mexique, soutenu par beaucoup d'autres nations, a amorcé.
L'accord de Cancún consiste en un ensemble équilibré de décisions qui ouvre la voie à l'élaboration d'un accord global sur le climat pour la période postérieure à 2012. Si cet accord s'inscrit dans la ligne des fondements posés à Copenhague il y a un an, son approbation amène aussi les Nations unies à déplacer des balises par la consolidation des fondements mais aussi par le lancement, l'année prochaine, d'un processus de négociations à deux voies.
Concrètement, l'accord de Cancún prévoit les éléments définis ci-après.
Pour la première fois, l'objectif des 2 degrés est inscrit dans le processus des Nations unies. Les émissions globales devront atteindre leur pic aussi rapidement que possible. Dans le cadre de la première révision, qui débutera en 2013 et devra être terminée pour 2015, il faudra examiner si le renforcement de l'objectif global de réduction, en ce compris la limitation de la hausse de la température mondiale à 1,5º C, pourra être pris en considération.
L'accord vise aussi à faire en sorte que les engagements pris (les « pledges ») par les pays développés ainsi que par les pays en développement en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre soient ancrés dans les deux voies de négociations, à savoir la « voie Kyoto » et la « voie de la Convention ».
L'accord reconnaît que les pays développés ont une responsabilité historique et qu'ils devront aussi de ce fait prendre l'initiative dans la lutte contre les changements climatiques. Une « juste transition » doit être assurée.
Un appel explicite est lancé aux parties signataires de l'accord de Kyoto afin que celles-ci revoient leurs ambitions à la hausse de manière que l'objectif des 2º C demeure réalisable. Pour ce faire, elles devront tenir compte des recommandations scientifiques figurant dans le quatrième rapport d'évaluation du GIEC, qui a été approuvé. Ce rapport précise que d'ici à 2020, les pays développés devront réduire leurs émissions de manière que celles-ci soient inférieures de 25 à 40 % à celles de 1990.
Une percée majeure pour les pays en développement est l'approbation du « Cadre de Cancún sur l'adaptation » qui permettra enfin de mettre pleinement en valeur cette composante de la politique climatique. En raison de leur vulnérabilité, les pays les moins avancés bénéficient d'une attention spécifique. Non seulement on lance un processus en vue de promouvoir l'élaboration et la mise en uvre de plans nationaux d'adaptation sur la base de Programmes d'action nationaux d'adaptation (les PANA), mais on consacre aussi le droit de tous les pays en développement de bénéficier de nouveaux moyens financiers additionnels prévisibles tout en accordant une attention toute particulière à ceux d'entre eux qui sont les vulnérables face aux conséquences négatives des changements climatiques. Il a également été décidé de créer un Comité sur l'adaptation. Un programme de travail distinct est prévu pour les pays exposés à des conditions climatiques extrêmes.
Les règles de transparence ont été consolidées en ce qui concerne la réalisation des objectifs des pays en développement et les actions que ceux-ci entreprennent volontairement en vue de contrôler les progrès réalisés en matière de réductions des émissions. Pour les pays développés, les règles doivent garantir la comparabilité des efforts et l'exactitude des données. Si les pays en développement sont soumis à des règles de transparence différentes de celles des pays développés, c'est parce qu'ils ont des obligations de rapportage moins strictes en termes de fréquence. Ce rapportage vise uniquement à faciliter le suivi, étant donné qu'aucune sanction ne peut être imposée. Les actions entreprises seront contrôlées et analysées par une équipe internationale.
Le secrétariat de la CCNUCC tiendra à jour un registre de leurs actions de manière à s'assurer que celles-ci correspondent bien aux besoins financiers spécifiques ou autres.
Le « Fonds vert sur le climat » est créé et doté d'une architecture institutionnelle propre. Le financement à long terme à concurrence de 100 milliards de dollars sur une base annuelle d'ici à 2020 a également été inscrit dans le processus des Nations unies. Le rapport de Ban Ki Moon sur le financement à long terme sera une base importante pour la fixation des sources alternatives de financement publiques et privées.
L'accord pose explicitement comme objectif de lutter contre la déforestation et la dégradation des forêts à l'échelon mondial en veillant, dans une première phase, à ralentir la perte du couvert forestier puis à la stopper définitivement. Cet objectif général ne préfigure en rien la discussion relative aux différentes sources de financement. Pour éviter le risque de « fuite de carbone » (carbon leakage), le niveau de référence sera défini au niveau national mais, dans une phase de lancement, des références sous-nationales pourront être utilisées.
La création de nouveaux mécanismes de marché est prise en considération et le fonctionnement des mécanismes existants est amélioré.
Un mécanisme sur la technologie est créé et doté de la structure institutionnelle nécessaire. Celle-ci sera totalement opérationnelle en 2012. Ici aussi, cela ne préfigure en rien les sources de financement possibles. La question relative aux droits de propriété intellectuelle n'est pas prise en compte, ce qui est parfaitement conforme à la position adoptée par l'UE en la matière. Celle-ci estime en effet que cette question ne doit pas être traitée par la CCNUCC.
Par ailleurs, dans le cadre de la « voie Kyoto », plusieurs paramètres ont été définis pour l'ouverture de la seconde période d'engagements sous Kyoto et un processus a été lancé en vue de la fixation d'un plafond pour les émissions générées par l'utilisation des terres et la sylviculture.
L'accord ne préfigure en rien la forme juridique du régime climatique à venir mais ne ferme pas pour autant la porte à l'adoption d'un instrument juridiquement contraignant. En effet, il prévoit la possibilité de faire approuver un nouveau protocole qui soit, par essence, juridiquement contraignant.
L'accord de Cancún constitue une avancée majeure car il pose les fondements d'un régime climatique futur et confirme le rôle du multilatéralisme.
À Durban (Afrique du Sud), il faudra poursuivre les négociations sur un certain nombre de sujets, à commencer par la forme juridique.
Par ailleurs, il faudra:
— définir l'objectif global de réduction à l'horizon 2050;
— et fixer la date du « pic » des émissions globales.
Sur la table des négociations, il faudra mettre aussi la composition et les modalités du Comité sur l'adaptation ainsi que l'élaboration concrète du programme de travail destiné à aider les pays confrontés à des conditions climatiques extrêmes.
Il faudra définir une série de directives au sujet de l'application des règles de transparence tant pour les pays développés que pour les pays en développement. Ainsi, il faudra fixer, par exemple, les modalités de consultation, au niveau international, des actions volontaires des pays en développement.
À Durban, des recommandations seront formulées au sujet des sources de financement alternatives dans la cadre de la lutte contre la déforestation. Les nouveaux mécanismes de marché seront effectivement mis en place.
Chaque année, les pays développés devront remettre un rapport sur la concrétisation du financement « fast-start ».
La poursuite de l'opérationnalisation de l'architecture institutionnelle relative à la technologie sera également à l'ordre du jour, en plus de la fixation de la portée et des modalités de la première révision.
La solide équipe mise en place par la présidence belge de l'UE s'est énormément investie à Cancún, ce qui a eu indéniablement un impact positif au sein de l'UE. L'équipe a fait en sorte que l'Union parle toujours d'une seule voix.
À la suite du dernier Conseil Environnement qui a eu lieu le 20 décembre durant la présidence belge, notre pays a passé le flambeau à la Hongrie. Celle-ci aura déjà, dès le début de l'année 2011, plusieurs missions importantes à remplir dans le cadre de la préparation des thèmes qui seront abordés lors de la prochaine Conférence sur le Climat qui se tiendra à Durban en Afrique du Sud (du 29 novembre au 9 décembre 2011).
III. ÉCHANGE DE VUES
A. Questions et remarques des membres
Mme Thibaut rappelle que le ministre était à Cancún durant le segment ministériel, en compagnie des ministres régionaux. La qualité du travail de la délégation belge a été unanimement reconnue, avec une belle « union » entre les négociateurs issus des diverses administrations belges. Néanmoins, les séances de négociations préliminaires à la Conférence de Cancún ont mis en évidence des conflits de compétences entre la ministre flamande de l'Environnement, Mme Schauvliege, qui avait la responsabilité d'occuper le siège de la présidence du Conseil, et le ministre Magnette qui aurait dû assurer la coordination nationale dans le cadre multilatéral. Ce conflit aurait eu des effets négatifs sur la proactivité de la présidence belge. Quel est l'analyse a posteriori du ministre du manque de clarté de la répartition des compétences ? A-t-il des pistes pour améliorer cet état de fait ?
Comme le ministre a souligné, la Conférence de Cancún a permis d'obtenir des accords importants sur la « machinerie » visant à rendre concret un futur accord mondial. Néanmoins, il reste à solutionner deux problèmes importants: une entente sur les objectifs contraignants et chiffrés et surtout, un accord sur la manière de financer la lutte contre les changements climatiques (taxes carbone, taxes sur les transports aériens, prélévement sur les transactions des droits d'émission, etc ...). Comment le ministre compte-il convaincre ses colègues du gouvernement fédéral pour s'engager financièrement dans le long terme en vertu de l'accord de Cancún ? Cette discussion a-t-elle lieu au sein du gouvernement ? Quel est selon le ministre les pistes les plus crédibles pour le financement ?
Il y a maintenant deux ans déjà, la Cour des Comptes dans son rapport sur la politique fédérale climatique mettait en évidence le manque de coordination des politiques avec les entités fédérées. Hors, inscrire la Belgique dans ses objectifs contraignants européens pour 2020 (le paquet énergie climat) est essentiel, pour respecter également le futur accord mondial. Le ministre a-t-il progressé sur cette coordination défaillante ? A-t-il des résultats sur l'analyse du plan national climat ?
Mme Van dermeersch estime que l'empreinte écologique du ministre a été énormément accrue par le nombre exubérant de personnes qui l'ont accompagné dans le cadre de la délégation belge. On peut s'imaginer ce que cela aurait donné si la délégation chinoise avait envoyé proportionnellement autant de personnes ! Cette boutade témoigne du scepticisme climatique de l'intervenante. Bien que celle-ci soit, elle aussi, partisane de limiter à moins de 2 % le réchauffement climatique et qu'elle plaide en faveur d'un équilibre entre l'homme et l'environnement, elle refuse de céder à l'engouement climatique effréné actuel et à tout frein que l'on voudrait imposer à l'économie et à la science. En particulier en ce qui concerne ce dernier point, elle souligne que l'on ne dispose pas encore de preuves suffisantes quant à l'impact de l'activité humaine sur le réchauffement climatique. Tout cela la rend sceptique. Elle plaide néanmoins pour une réduction des émissions sur la base des progrès scientifiques et des évolutions technologiques, mais elle constate que l'accord conclu à l'issue de la Conférence de Cancún sur le climat est pratiquement muet à ce sujet.
Après le fiasco de la Conférence de Copenhague, il faut néanmoins reconnaître qu'un souffle nouveau a pu être insufflé au multilatéralisme. C'est une bonne chose, car l'approche multilatérale est la seule possible selon Mme Van dermeersch. Jusqu'à présent, le protocole de Kyoto est cependant le seul document juridiquement contraignant qui existe. Que pense le ministre d'un « Kyoto bis » ? Est-ce à ses yeux une chose souhaitable ? L'élaboration d'un tel accord est-elle en vue ? Si ce projet devait se concrétiser, estime-t-il que notre pays devrait y adhérer ? La traduction juridique des résultats de la Conférence sur le climat est inscrite à l'ordre du jour d'une prochaine réunion, mais, selon l'intervenante, on est encore à mille lieux d'un accord équitable, ambitieux et juridiquement contraignant. Elle souligne qu'actuellement, les pays signataires du protocole de Kyoto ne sont plus responsables que de 15 % des émissions mondiales de CO2. Les gros pollueurs sont les grands pays tels que la Russie, le Canada, les États-Unis et la Chine, mais le grand point d'interrogation est de savoir dans quelle mesure ils accepteront de s'engager effectivement sur la voie de résultats juridiquement contraignants.
Le ministre a-t-il une idée du coût social et financier que tout cela représente ? Quels sont les changements concrets pour l'Europe ? Quels sont les objectifs concrets à atteindre ? Mme Van dermeersch reconnaît que le processus de négociations multilatérales a été sauvé à Cancún, mais on peut se demander si le climat l'a été pour autant. Une chose est sûre: le sauvetage des relations entre les pays industriels et les pays plus pauvres aura un coût très élevé. On parle de 100 milliards de dollars qui seront mis à la disposition des pays vulnérables par le biais du fonds pour le climat. Concrètement, quels sont les pays qui alimenteront ce fonds ? Et quels sont ceux qui en bénéficieront ?
Mme Van dermeersch souhaite en outre savoir combien de compatriotes ont effectivement pris la parole au nom des Régions, de l'autorité fédérale et de l'Union européenne. Quel a été le temps de parole accordé à notre pays ?
Par ailleurs, qu'en est-il du contrôle de la réduction des émissions ? C'est un élément qui était inscrit à l'ordre du jour, mais dont on rediscutera manifestement plus tard. Qui contrôle ce point pour notre pays ? Des mesures sont-elles réalisées en la matière ? Qui tient à jour les données statistiques ? Comment notre pays est-il contrôlé par la communauté internationale ?
Enfin, Mme Van dermeersch souhaite connaître la répartition interrégionale des efforts à consentir. Il est trop facile de dire que la vieille industrie polluante de Wallonie sera démantelée tandis que d'importants efforts sont fournis du côté flamand pour diminuer les émissions de CO2. L'intervenante estime que ces efforts ne peuvent être consentis que dans la mesure où cela se justifie d'un point de vue technologique et scientifique.
Mme Arena remercie la délégation belge pour le travail accompli à Cancún. Se référant à la campagne orchestrée contre le GIEC, elle se demande comment cette institution a, depuis lors, pu retrouver sa crédibilité en termes de qualité et de fiabilité scientifique.
En ce qui concerne le fonds pour le climat et le « Fast Start », Mme Arena estime qu'il s'agit d'instruments à moyen terme. Le mode d'alimentation de ce fonds n'est pas clair à l'heure actuelle. Une décision sera sans doute prise à ce sujet dans le courant de l'année, en Afrique du Sud. La question qui se pose est toutefois de savoir comment faire face aux problèmes les plus urgents, comme les nombreuses inondations qui résultent du réchauffement climatique. Cela se fera-t-il également par le biais dudit fonds ou des moyens spécifiques seront-ils mobilisés à cet égard ? Ce point n'est pas clair.
De quelle manière les décisions seront-elles prises en ce qui concerne l'affectation des moyens du fonds pour le climat ? A-t-on déjà pris des décisions à ce sujet à Cancún ou la question sera-t-elle prochainement tranchée en Afrique du Sud ?
Enfin, Mme Arena souligne le lien explicite entre la lutte contre la déforestation et la politique de coopération au développement. En effet, les décisions du FMI, de la Banque européenne d'investissement et de la Banque mondiale destinées à soutenir un certain type d'agriculture portent leurs fruits en matière de préservation forestière dans certains pays.
B. Réponses du ministre
M. Magnette, ministre démissionant du Climat et de l'Énergie, tient à préciser que les relations entre les quatre ministres présents ont été bonnes avant, pendant et après le sommet de Cancún. Il y a eu une petite discussion mise en épingle par la presse sur la manière dont les responsabilités des uns et des autres seraient précisées. Le ministre admet qu'il y a un relatif vide juridique à cet égard. La solution qui a été trouvée en 2010 par la présidence belge n'était pas tout à fait la même que celle qui avait été trouvée en 2001, mais tous les problèmes avaient bien été tranchés avant le sommet de Cancún. La Région flamande était en charge du conseil « Environnement » et c'était donc la ministre flamande de l'Environnement, Mme Joke Schauvliege, qui coordonnait l'action des 27 États membres.
Le ministre explique que, en tant que représentant du gouvernement fédéral, il conduisait la délégation belge. À certains moments, il représentait également l'Union européenne lors de quelques réunions où il était le seul représentant européen présent. Tout ceci n'a posé aucun problème selon le ministre. Contrairement à Mme Van dermeersch, il pense que c'est utile que les ministres régionaux soient également présents. Il est vrai que c'est toujours le gouvernement fédéral qui représente la Belgique sur la scène internationale pour les négociations multilatérales, mais les régions doivent concrétiser 80 % des accords.
Pour ce qui est du financement, le ministre rappelle que le « Fast Start » a été décidé l'année dernière à Copenhague. L'Union européenne a pris position très rapidement par rapport à la décision de Copenhague et elle a défini sa part. Chaque État membre a défini sa part dans ce paquet européen. La Belgique a très vite fait savoir qu'elle contribuerait à concurrence de 150 millions d'euros. L'argent était sur la table à Cancún et on avait bien déterminé à quelles fins il serait utilisé, ce qui était important pour renouer la confiance avec les pays en développement. Le « Fast Start » a été conclu pour l'année 2010 et, selon le ministre, on pourra le reproduire pour 2011 et 2012 sans trop de difficultés, nonobstant les circonstances des affaires courantes et du carcan budgétaire. Il va de soi que le financement à long terme sera plus compliqué. Le ministre explique que, dans l'état actuel des choses, il est difficile de donner des réponses précises quant aux aspects multilatéraux et encore moins quant aux implications pour la Belgique.
Le ministre explique qu'au niveau multilatéral, il existe le fonds vert qui doit servir aux politiques « d'adaptation et de mitigation ». La mitigation renvoie aux actions visant à réduire les émissions, l'adaptation renvoie plutôt aux mesures mises en uvre pour remédier aux effets du changement climatique qui existent déjà. Le fonds vert n'est pas un fonds d'urgence avec lequel on intervient après une catastrophe climatique. Il s'agit d'un fonds destiné à prendre des mesures structurelles d'adaptation aux nouvelles conditions climatiques et des mesures de mitigation des contributions respectives au réchauffement. Ces structures de financement existent à côté d'autres mécanismes de financement comme le financement spécifique pour la lutte contre la déforestation. Le ministre répond à la sénatrice Arena que ce financement recourra à des fonds déjà disponibles chez d'autres acteurs internationaux, comme la Banque mondiale et le Fonds mondial de l'Environnement qui les coordonnera à nouveau et qui les complétera par d'autres financements pour avoir un financement spécifique contre la déforestation. Le ministre explique que le budget annuel de 100 milliards de dollars ne provient pas uniquement du financement public et il met l'accent sur le fait que les mécanismes des marchés qui ont joué un rôle doivent être réactivés sans que l'on répète les erreurs du passé comme le marché carbone et les difficultés auxquelles celui-ci a donné lieu.
Quant à l'alimentation du fonds vert, le ministre explique qu'à Cancún, il a été dit que l'on allait s'inspirer des pistes dégagées par le rapport Ban Ki-moon sur le financement alternatif. Il s'agit de la taxation des flux financiers internationaux, la taxation du transport aérien et maritime, ... Selon le ministre, ces flux présentent un potentiel énorme de bases taxables pour dégager 100 milliards de dollars. Par rapport au chiffre d'affaires des secteurs aérien et maritime mondiaux et par rapport aux flux financiers, ce montant n'est pas très important. À partir du moment où la volonté politique le permet, il ne sera pas difficile de trouver la part publique des ces 100 milliards de dollars non pas sur des contributions des États mais au niveau transnational sur lequel on n'a aucune prise jusqu'à présent. Le ministre renvoie à la question de Mme Thibaut sur l'attitude de la Belgique et il répète qu'il faudrait qu'il ne s'agisse pas d'une contribution des gouvernements belges à un fonds international, mais d'une décision internationale visant à prélever des taxes sur certains flux. Ce procédé ne devrait donc pas avoir d'implications budgétaires immédiates pour la Belgique et ses entités fédérées.
Pour ce qui est de la coordination des politiques au sein du gouvernement fédéral et de la coordination entre la politique fédérale et les politiques des entités fédérées, le ministre admet qu'il y a encore beaucoup à faire. Le ministre rappelle qu'au niveau fédéral, il avait élaboré un projet de loi « climat » visant à coordonner l'action du gouvernement fédéral et à définir une vision à long terme jusque 2020 et 2050. Le ministre précise que, étant donné que le gouvernement est tombé, le dossier fait partie des archives et pourra éventuellement être repris par son successeur.
Ensuite le ministre répond à la question sur la campagne anti-GIEC. À son avis, cette campagne n'a pas été très longue. Elle est née juste avant le sommet de Copenhague et on a appris par la suite qu'un certain nombre d'entreprises pétrolières avaient contribué au financement des mouvements anti-GIEC. Les deux erreurs dans le rapport du GIEC ont été reconnues et corrigées par le GIEC et le GIEC a encore renforcé ces mécanismes internes de vérification des données qui sont déjà extrêmement stricts. On n'a vraiment plus du tout senti que cette fronde anti-GIEC était présente avant ou pendant le sommet de Copenhague.
Le ministre répond à Mme Van dermeersch que le sommet de Cancún n'a pas donné lieu à des preuves scientifiques mais que ce n'était pas le but. Les preuves scientifiques se trouvent dans les rapports du GIEC. À Cancún, les négociateurs se basent sur les rapports du GIEC. Quant à la question sur les changements concrets, le ministre répond que rien n'a changé concrètement. Le but du sommet de Cancún n'est pas de prendre de mesures concrètes qui doivent être appliquées immédiatement dans les États membres. L'objectif consiste à fixer un régime climatique international à partir duquel des mesures seront élaborées qui devront ensuite être transposées en législation interne. On ne peut donc pas dire à présent ce qui a changé concrètement pour la Belgique. Il faudra attendre les suites de ce régime climatique international.
Enfin, le ministre répond à la question de Mme Arena sur le protocole de Kyoto. Il explique qu'à Cancún, on devait montrer que l'on continuerait sur les pistes de Kyoto mais on ne pouvait pas s'y accrocher tout simplement non plus. Selon le ministre, la force du protocole de Kyoto réside dans le fait qu'il s'agit d'un régime contraignant, même si un régime contraignant a toujours ses limites. Le ministre renvoie aux paroles de son collègue indien Ramesh: « Que je sache, le Canada n'a pas respecté ses engagements et le premier ministre canadien n'est pas en prison ». Le régime de Kyoto est contraignant mais sans moyens de sanctions à la fin. Il s'agit donc d'un régime contraignant un tant soit peu volontaire quand même qui reste néanmoins juridiquement plus solide qu'un régime de simple engagement volontaire de l'ensemble des parties.
Selon le ministre, la faiblesse majeure du protocole de Kyoto est qu'il ne concerne qu'un certain nombre de pays qui ne couvrent qu'un quart des émissions globales. La force d'un accord comme celui de Copenhague et de Cancún réside dans le fait qu'il concerne presque tous les pays du monde: les pays industrialisés, le pays émergents en les pays en développement. Tout ceci ne veut pas dire qu'il faille abandonner Kyoto. Depuis des années on avance sur deux voies parallèles différentes. Les pays qui étaient membres du protocole de Kyoto travaillent sur ses suites. Il s'agit également d'un signal des pays industrialisés à l'égard des pays émergents. Les pays industrialisés reconnaissent leur responsabilité historique et ils admettent qu'ils doivent assumer une grande part des efforts en s'imposant des contraintes à eux-mêmes. En même temps il faut avancer au niveau du régime parallèle des engagements volontaires des pays émergents et des pays en développement. Il faudrait développer un système de vérification de ces engagements pour être sûr qu'ils ont bel et bien été rendus. Les deux voies devraient converger progressivement pour qu'un accord global juridiquement contraignant puisse être déposé au sommet de Durban ou après le sommet de Durban. Cet accord devrait assurer la comparabilité et la cohérence de l'ensemble. Dans ce sens, l'après-Kyoto garde évidemment tout son sens au niveau juridique et en termes d'engagement politique.
IV. VOTES
Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 18 membres présents.
Les rapporteurs, | Les présidents, |
Marie ARENA. Cécile THIBAUT. | Frank VANDENBROUCKE. Rik TORFS. |