5-13 | 5-13 |
Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - La loi sur le travail du 16 mars 1971 excluait de son champ d'application les médecins, dentistes, vétérinaires, médecins spécialistes en formation et étudiants stagiaires se préparant à l'exercice de ces professions. Depuis, la directive européenne du 4 novembre 2003 a été transposée dans la loi du 12 décembre 2010 et publiée le 22 décembre au Moniteur Belge.
Cette nouvelle législation, en vigueur depuis le 1er février, limite le temps de travail hebdomadaire à quarante-huit heures en moyenne par semaine, gardes comprises, sur une période de référence de treize semaines, avec un pic maximum de soixante heures par semaine.
Afin d'assurer les services de garde dans les hôpitaux, un temps de travail additionnel de maximum douze heures par semaine peut être presté moyennant l'accord du travailleur. Ceci doit faire l'objet d'un document distinct du contrat de base sur lequel est précisée la rémunération complémentaire.
Je ne peux que me réjouir de ces mesures qui vont soulager de nombreux médecins en formation dont la charge de travail pouvait jusqu'ici avoisiner voire dépasser les cent heures semaine et qui a conduit à plusieurs drames que nous ne souhaitons plus connaître.
Je souhaite cependant attirer votre attention sur certains aspects de cette législation. Tout d'abord, certains hôpitaux, étant donné le délai très court entre la publication et l'entrée en vigueur de cette loi, ont du mal à intégrer cette dernière dans leur organisation générale, surtout du fait que la loi s'organise en trimestres et entre en vigueur un 1er février, soit en plein milieu d'un trimestre.
Par ailleurs, l'association professionnelle belge de la médecine d'urgence s'est récemment inquiétée des conséquences pour les patients qui risquent d'être confrontés à des files d'attente. Face aux risques pour la population, le président de cette association a annoncé qu'il envisageait d'aller en appel devant la Cour institutionnelle.
Enfin, les hôpitaux s'interrogent sur la discrimination existant entre les médecins urgentistes et les médecins militaires dans la mesure où des exceptions sont prévues pour ces derniers.
Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur la discrimination dénoncée par les médecins urgentistes dans le cadre de la transposition de la directive européenne ? Quels échos avez-vous eus du terrain quant à l'application de cette loi ? Comment entendez-vous réagir face aux risques de dérives dénoncés par les médecins urgentistes ? Une concertation avec la ministre de la Santé vous paraît-elle indiquée afin d'envisager, le cas échéant, des mesures compensatoires permettant d'assurer la continuité des services médicaux aux citoyens et plus particulièrement de la médecine d'urgence ?
Mme Joëlle Milquet, vice-première ministre et ministre de l'Emploi et de l'Égalité des chances, chargée de la Politique de migration et d'asile. - Comme vous l'avez rappelé, la loi du 12 décembre 2010 qui a été adoptée à l'unanimité par la Chambre, transpose la directive du 4 novembre 2001. Il s'agit d'un sujet très délicat qui a fait l'objet d'énormément de négociations. Celles-ci ont débouché sur un accord unanime entre les différents partenaires. J'ai moi-même participé à nombre de ces négociations et je n'ai entendu aucune demande ou question relative aux urgentistes. Le président de l'association dont vous faites mention ne s'est jamais manifesté, même lorsque la loi a été adoptée.
Certes, cette dernière limite le temps de travail mais de manière raisonnable afin de satisfaire les demandes du secteur des soins de santé. Les médecins peuvent en effet travailler jusqu'à soixante heures par semaine. De plus, des accords individuels peuvent être conclus pour que douze heures complémentaires soient prestées pour les gardes de nuit. Le maximum hebdomadaire est dès lors assez important.
En tant que juriste et légaliste, je ne peux faire, quand j'applique une directive, que ce que celle-ci m'autorise à faire. Nous avons rencontré le président de l'association des urgentistes avant de publier le communiqué, voici quelques jours. Nous lui avons bien expliqué que la seule exception possible prévue par la directive concerne les secteurs policier et militaire. Dans le monde hospitalier, toutes les catégories de médecins entrent dans le champ d'application de la directive. Je ne peux dès lors exclure légalement les urgentistes. En effet, la directive ne le permet pas.
Par ailleurs, dans l'arrêt SIMAP du 3 octobre 2000, qui concernait le cas des médecins des équipes de premiers secours du secteur public, la Cour a souligné que « l'exclusion prévue par la directive de base se réfère à certaines activités spécifiques à la fonction publique, destinées à assurer l'ordre et la sécurité publique indispensables au bon déroulement de la vie en société, mais l'activité du personnel des équipes de premier secours ne peut être assimilée à de tels activités. » Non seulement le texte légal est clair mais la jurisprudence de la Cour de justice l'est également.
Nous ferons une évaluation de cette loi ; c'est une nouvelle loi dont la mise en application a été rapide pour nous mettre en conformité avec la directive. Cela demande une réorganisation dans le secteur hospitalier qui est de la responsabilité des hôpitaux. Ils disposent de marges de manoeuvre assez larges dans l'établissement des horaires grâce aux dérogations doubles qui leur ont été octroyées. Il s'agit d'un problème d'organisation interne des hôpitaux et des partenariats à conclure avec des médecins généralistes.
Nous ferons néanmoins une évaluation pour voir si, au bout de quelques mois, d'aventure ne se pose pas un vrai problème qui ne serait pas la conséquence d'un manque d'anticipation ou de réorganisation des services.
Je suis toute prête à faire cette évaluation avec ma collègue Mme Onkelinx. Mais à ce stade je n'ai pas la capacité légale d'y changer quoi que ce soit.
Mme Cécile Thibaut (Ecolo). - Je remercie la ministre dont la réponse me satisfait.
Je voudrais néanmoins attirer son attention sur un point. Il s'agit certes d'une question de réorganisation interne des différents hôpitaux mais il faudra pourtant faire attention, lors de l'évaluation, à l'articulation de ses compétences et de celles de Mme Onkelinx. Lorsque la question du numerus clausus des études en médecine sera réglée, il y aura moins de médecins et cela risque de rendre le problème encore plus sensible, surtout dans les zones rurales.