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22 FÉVRIER 2011
Le 1er mars 2002, le Conseil des ministres a pris la décision de fermer la première centrale nucléaire dès 2015 afin d'imposer l'idée de la fin de l'ère nucléaire. Nous estimons que cette décision ainsi que sa justification ne reposent sur aucun fait rationnel. Les motifs qui ont présidé à la décision de fermer les centrales nucléaires après quarante années de service n'étaient ni d'ordre économique ou technique, ni de nature scientifique ou écologique. Au contraire, nous estimons que cette décision a été prise plutôt pour des raisons idéologiques.
Le 5 décembre 2002, à la Chambre des représentants, et le 16 janvier 2003, au Sénat, la majorité arc-en-ciel a décidé qu'après quarante années de service, les sept centrales nucléaires de notre pays ne pouvaient plus être exploitées et qu'elles devaient être démantelées. On a donc pris, en 2002, une décision, qui ne sera mise en uvre que dans treize ans. En outre, la loi prévoit quelles installations ne pourront plus produire d'électricité, mais ne dit pas comment pallier le déficit de production. Eu égard aux développements technologiques actuels, il serait utopique de penser que le recours aux sources d'énergie renouvelables (telles que les énergies éolienne, hydraulique et solaire) pourrait compenser le déficit énergétique qu'entraînera la fermeture des centrales nucléaires. Au demeurant, vu la variabilité des éléments naturels (le vent, l'eau, le soleil, ...), il sera toujours nécessaire, dans notre pays, de maintenir une capacité de production conventionnelle afin de compenser les variations de la production d'électricité à partir des sources d'énergie renouvelables.
À titre d'illustration, trois des sept réacteurs nucléaires devront être définitivement fermés en 2015. Cette mesure concerne les centrales Doel 1, Doel 2 et Tihange 1. Fin 2001, ces trois centrales généraient 1 747 MW, soit 11,25 % de la capacité de toutes les centrales électriques, y compris les éoliennes. Entre 2015 et 2025, les réacteurs nucléaires restants (à savoir Doel 3, Doel 4, Tihange 2 et Tihange 3) seront fermés, ce qui induira une réduction supplémentaire de la capacité de production de 3 991 MW d'ici à 2025. La fermeture des centrales entraînera par conséquent un déficit énergétique considérable. Qui plus est, les éoliennes ne fournissent pas de l'électricité vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En moyenne, une éolienne terrestre ne fournit de l'électricité que six heures par jour, contre huit heures pour une éolienne marine.
La Commission pour l'analyse des modes de production de l'électricité et le redéploiement des énergies (AMPERE) a eu le mérite de formuler, dans son rapport d'octobre 2000, des recommandations concernant la production d'électricité à l'horizon 2020. Dans ses recommandations relatives à la production d'électricité nucléaire, la Commission estime qu'« il convient de maintenir l'option électronucléaire ouverte pour le futur dans un contexte de renchérissement des hydrocarbures (dont le gaz naturel) et eu égard à l'absence d'émissions de gaz à effet de serre par l'exploitation du nucléaire. Pour ce faire, il y a lieu de conserver le savoir-faire national, privé et public, dans le secteur de l'électronucléaire, ainsi que de participer à la recherche et au développement, essentiellement privé, des filières du futur. »
Au cours de l'examen, à la Chambre et au Sénat, du projet de loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité, il s'est également avéré qu'à l'heure actuelle, il n'existait pas de plan national d'équipement déterminant le nombre de centrales nécessaires à l'avenir, le type de ces centrales, la capacité qu'elles devraient avoir et les formes d'énergie nécessaires pour couvrir nos besoins énergétiques à l'avenir. Les pouvoirs publics ne disposent actuellement d'aucun plan définissant la politique énergétique à l'avenir et n'ont pas non plus élaboré de scénarios en ce qui concerne les alternatives telles que les centrales TGV, les initiatives en matière d'utilisation rationnelle de l'énergie (URE), les applications de cogénération et les parcs sources d'énergie renouvelables (SER). La manière dont il faudra assurer l'approvisionnement en électricité au cours de la prochaine décennie demeure par conséquent un grand point d'interrogation.
L'obligation de réduire les émissions de gaz à effet de serre constitue un autre élément important du débat sur la sortie progressive du nucléaire. En fermant les centrales nucléaires, on renonce à une forme d'énergie qui n'a pas d'incidence sur l'effet de serre. Toute centrale au gaz ou au pétrole supplémentaire — ces combustibles étant ou non combinés — entraînera inévitablement une augmentation des émissions de gaz à effet de serre. On ne peut tout de même pas perdre de vue que c'est grâce à la part importante de l'énergie nucléaire dans la production électricité que notre pays n'émet que 307 grammes de dioxyde de carbone par kilowattheure (kWh) produit. Ce chiffre est inférieur à la moyenne européenne. Le Danemark, qui compte quatre mille éoliennes et où la part de l'énergie éolienne est la plus grande de toute l'Europe, émet 791 grammes de CO2 par kWh. L'Allemagne — où l'énergie éolienne intervient aussi pour une part importante dans la production d'électricité — rejette 588 grammes de CO2 par kWh. Force est en outre de constater que les sources d'énergie alternatives au nucléaire n'émettant pas de CO2 sont sensiblement plus coûteuses tant en ce qui concerne le prix de revient qu'à l'exploitation et que le potentiel est en outre plutôt limité en Belgique eu égard au manque d'espace disponible et à la faible étendue de la côte.
Les défenseurs et les adversaires du nucléaire sont peu à peu convaincus de la nécessité de ne pas exclure l'énergie nucléaire du débat énergétique. Un nombre sans cesse croissant de personnes, spécialistes ou non, de politiques et de décideurs estiment que l'option nucléaire doit rester ouverte, surtout dans le cadre du débat sur l'approvisionnement énergétique et les moyens de le garantir à l'avenir. C'est ainsi que le gouvernement finlandais a pris, en janvier 2002, la décision de principe de construire une cinquième centrale nucléaire. La réalisation des normes climatiques fixées, le coût, la sécurité de l'approvisionnement en électricité ainsi que la volonté de ne pas dépendre de l'étranger pour son approvisionnement en énergie ont constitué des éléments décisifs dans la prise de cette décision.
Sur le plan européen, l'énergie nucléaire représente, avec ses cent quarante-cinq réacteurs, 35 % de la production d'électricité. Elle constitue ainsi la plus grande source d'énergie primaire d'Europe, avant le charbon, le gaz et le pétrole. La Commission européenne a publié, le 26 juin 2002, un Livre vert intitulé « Vers une stratégie européenne de sécurité d'approvisionnement énergétique ». Dans ce Livre vert, la Commission plaide en faveur d'une large diversification des sources d'énergie. Étant donné que l'énergie nucléaire est indispensable à la sécurité d'approvisionnement énergétique de l'Europe, l'option nucléaire doit rester ouverte.
L'abandon de l'énergie nucléaire signifierait que l'Europe devrait tirer 35 % de sa production d'énergie des sources d'énergie conventionnelles et renouvelables. Sur la base de la situation actuelle, cet objectif est irréalisable. Si on veut parvenir à une diversification des sources d'énergie qui soit réaliste et de nature à garantir une sécurité d'approvisionnement, il faut garder l'option nucléaire ouverte. Ce n'est qu'ainsi que la production d'énergie pourra contribuer, par le biais d'un parc de production différencié, performant et flexible, à réduire la dépendance à l'égard des combustibles fossiles.
Nous considérons que l'option nucléaire n'est en aucun cas une option illusoire.
La discussion relative au risque de réchauffement climatique dû aux émissions de CO2 plaide en faveur de l'énergie nucléaire, étant donné que la production d'énergie à partir d'uranium émet relativement moins de CO2 qu'un certain nombre d'énergies classiques et alternatives. Mais ce n'est pas le seul argument. La situation géopolitique joue également un rôle. La question est à cet égard: pendant combien de temps encore souhaitons-nous rester tributaires, pour nos combustibles fossiles, de régions politiquement instables ?
En outre, nous ne pouvons ignorer que le cluster nucléaire campinois a accumulé, au cours des dernières décennies, des connaissances et une expertise considérables, tant en ce qui concerne le développement de nouvelles technologies nucléaires et de dispositifs de sécurité qu'en matière de retraitement des déchets faiblement et hautement radioactifs. Ce qui ne dispense pas le gouvernement de prendre des initiatives pour inciter les jeunes à se former aux systèmes énergétiques modernes.
Il est donc non seulement nécessaire de prolonger la durée de vie des centrales nucléaires actuelles, mais il convient aussi absolument d'investir dans les technologies applicables aux réacteurs de demain. Nous ne nous opposons pas pour autant à l'essor et au développement d'énergies renouvelables. Le développement de l'un ne doit pas se faire au détriment de l'autre. Une politique énergétique nationale doit en effet se composer d'un mix équilibré de sources énergétiques, de manière à ce que la continuité de l'approvisionnement soit et reste une priorité majeure. Tant l'énergie nucléaire que d'autres sources d'énergie participeront, dans les prochaines années, à la couverture de nos besoins énergétiques.
Nous estimons par conséquent que l'adoption de la loi sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité était une décision irréfléchie et injustifiable. La présente proposition de loi vise à abroger cette loi.
Article 2
Cet article vise à abroger la loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité sur la base des motifs invoqués dans les développements.
Anke VAN DERMEERSCH. Yves BUYSSE. Filip DEWINTER. Bart LAEREMANS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
La loi du 31 janvier 2003 sur la sortie progressive de l'énergie nucléaire à des fins de production industrielle d'électricité est abrogée.
22 février 2011.
Anke VAN DERMEERSCH. Yves BUYSSE. Filip DEWINTER. Bart LAEREMANS. |