5-805/1

5-805/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

24 FÉVRIER 2011


Proposition de loi instaurant une assurance automobile d'un prix accessible pour les jeunes et les personnes âgées

(Déposée par M. Wouter Beke)


DÉVELOPPEMENTS


Cela fait déjà quelques années que le marché de l'assurance automobile a été libéralisé sous l'impulsion de la Commission européenne. Si elle a eu des effets positifs (prix inférieurs pour les bons risques), cette libéralisation a également eu des répercussions négatives sur certains pans du marché. L'une de ces répercussions négatives est la segmentation débridée, qui empêche désormais certaines catégories de preneurs d'assurance de souscrire (à un prix abordable) à une assurance de la responsabilité pour leur véhicule, alors que cette assurance est obligatoire en vertu de la loi. Cette segmentation débridée incite les conducteurs à rouler sans assurance ou sans couverture correcte. Il est dès lors nécessaire de corriger cet effet de la libéralisation du marché.

À l'heure actuelle, ou bien les jeunes conducteurs et les conducteurs âgés essuient un refus de la part des assureurs, ou bien ils doivent payer une surprime élevée. Ce refus ou cette surprime élevée ne résulte pas d'antécédents en matière de sinistres (parce que ces conducteurs seraient des chauffards) mais tient uniquement au fait que ces conducteurs appartiennent à une catégorie statistique spécifique. L'ensemble des jeunes conducteurs (en tant que groupe) et l'ensemble des conducteurs âgés (en tant que groupe) auraient une sinistralité supérieure à la moyenne. Les jeunes conducteurs et les conducteurs âgés en font les frais à titre individuel.

Lorsqu'ils n'essuient pas un refus, ils doivent payer une surprime élevée, qui s'élève parfois à 100 % de la prime que paie un preneur d'assurance n'appartenant pas à ces catégories. Un jeune de vingt et un ans paie parfois deux fois plus qu'une personne âgée de trente ans pour sa police RC, et ce, uniquement parce qu'il appartient à un groupe d'âge spécifique.

Dans la pratique, ce problème est souvent contourné, en ce qui concerne les jeunes, en contractant une assurance automobile au nom de l'un des parents. La prime est alors beaucoup moins élevée. Mais en ayant recours à ce subterfuge, les jeunes et leurs parents prennent des risques considérables, puisqu'ils font une fausse déclaration et que cette pratique est frauduleuse. Cela peut avoir de graves conséquences en cas de sinistre (grave). La convention est en effet nulle et l'assureur a contre le preneur d'assurance un droit de recours qui n'est pas assorti de limites financières.

Il est socialement inacceptable que les jeunes et les personnes âgées soient de facto empêchés de conclure une police d'assurance. Le droit à l'assurance, qui, à la suite d'une récente modification législative, a été récemment inscrit dans la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs, n'apporte aucune solution à ce problème.

La présente proposition vise à réduire le coût de l'assurance RC de trois manières différentes.

En premier lieu, l'augmentation de la prime engendrée par le paramètre « âge » est limitée à 25 %. Les assureurs qui ne souhaitent pas offrir de contrat aux jeunes et aux personnes âgées à de telles conditions sont tenus d'orienter les intéressés vers le Bureau de tarification. Par l'entremise de celui-ci, les jeunes et les personnes âgées doivent pouvoir souscrire une police dans laquelle le paramètre de l'âge intervient tout au plus à hauteur de 25 %.

La mission du Bureau de tarification est financée au moyen d'une dotation accordée par le pouvoir fédéral au bureau de tarification. Cette dotation peut être considérée comme un prélèvement sur la taxe fiscale appliquée aux polices d'assurance. Pour l'instant, la taxe globale appliquée à la police d'assurance responsabilité civile en Belgique figure parmi les plus élevées d'Europe et se chiffre à 27,1 %. Seule la France connaît une taxe plus élevée, à savoir 33 %. Dans les autres pays limitrophes et dans les autres pays d'Europe, la taxe est nettement inférieure. En Allemagne, elle s'élève à 15 %, aux Pays-Bas, à 7 % et au Luxembourg, à 4 %. La taxe appliquée dans les pays voisins se monte donc en moyenne à quelque 15 %. La taxe globale de 27,1 % est une taxe proportionnelle composée d'une taxe fiscale de 9,25 %, d'une taxe de 10 % destinée à l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (INAMI), d'une taxe de 7,5 % au profit du Fonds des handicapés et d'une taxe de 0,35 % au profit de la Croix-Rouge.

La taxe étant proportionnelle, les personnes dont la prime d'assurance est élevée (par exemple, les jeunes) paieront donc également une taxe relativement élevée (effet pervers). Cette taxe proportionnelle a par ailleurs encore fait croître les recettes de l'État à la suite des récentes augmentations des primes d'assurance.

Les raisons de réorienter et de dynamiser la taxe fiscale (de 9,25 %) appliquée à la police d'assurance responsabilité civile ne manquent dès lors pas. La réorientation de la taxe fiscale permet de rétablir progressivement la solidarité entre les assurés et de réduire la segmentation sauvage.

Deuxièmement, la durée du contrat d'assurance pour les jeunes est portée à cinq ans maximum. Les assureurs pourront ainsi compenser, au cours des années suivantes, la sursinistralité des jeunes chauffeurs pendant leurs premières années de conduite. Le Roi peut déterminer les modalités d'adaptations tarifaires intermédiaires. Plus particulièrement, le Roi fixera les maxima qui pourront être appliqués par l'assureur à l'occasion d'une adaptation tarifaire intermédiaire. Les assureurs ne pourront pas résilier ces polices après un sinistre, contrairement aux polices d'une durée maximale d'un an.

Troisièmement, l'offre conjointe est explicitement autorisée. Les assureurs pourront ainsi faire une proposition conjointe aux parents et à leurs adolescents. Regrouper les bons et les moins bons risques peut contribuer à comprimer le coût total de la police. Cette solution est couramment pratiquée de manière informelle aujourd'hui, mais elle est interdite par la loi sur les pratiques du commerce.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article vise à permettre aux jeunes et aux personnes âgées de conclure la police d'assurance responsabilité civile automobile obligatoire à un prix raisonnable, ce que ne permet plus la segmentation actuelle.

Il permet aux preneurs d'assurance de s'adresser au Bureau de tarification lorsque la prime qui leur est proposée a été majorée d'au moins 25 % en raison du paramètre de l'âge.

Le Bureau de tarification leur proposera une prime calculée en tenant compte de l'augmentation maximale de 25 % pour le paramètre de l'âge, ainsi que de l'ensemble des autres éléments inhérents aux techniques d'assurance.

Le calcul de la majoration de 25 % est effectué indépendamment d'autres paramètres. D'autres éléments, tels que le sexe, le domicile ou les moyens financiers, peuvent, dès lors, déjà avoir été pris en compte.

Article 3

Lorsque le Bureau de tarification doit intervenir pour des jeunes ou des personnes âgées visées à l'article 2, il doit fixer une prime en tenant compte de deux facteurs:

— le risque que présente le preneur d'assurance (ses particularités individuelles);

— la limite maximale de 25 % pour le paramètre de l'âge.

Au cas où le Bureau de tarification ne serait pas en mesure d'accomplir sa mission sociale sans essuyer de perte financière, le déficit pourrait être compensé par une dotation du pouvoir fédéral à charge du Trésor public. Cette dotation, dont le montant serait fixé par le Roi, servirait à subsidier la prime des intéressés si nécessaire.

Article 4

Il est prévu dans la loi sur le contrat d'assurance terrestre une dérogation à l'article fixant la durée maximale des contrats d'assurance. Cette durée maximale est actuellement fixée à un an. La durée maximale de tout contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs est portée à cinq ans. Cette prolongation doit inciter les assureurs à proposer aux jeunes un contrat d'assurance dont le prix est abordable. Usage peut être fait de cette dérogation si le conducteur principal est âgé de moins de vingt-cinq ans. Lorsque le contrat couvre plusieurs véhicules et qu'au moins un des conducteurs principaux d'un de ces véhicules est âgé de moins de vingt-cinq ans, le contrat global peut être conclu pour une durée maximale de cinq ans.

Le Roi fixe les règles régissant les adaptations tarifaires intermédiaires. Après un sinistre, les tarifs ou les franchises peuvent faire l'objet de certaines adaptations, conformément aux règles fixées par le Roi, et ce, dans le respect de la réglementation européenne en la matière.

Le contrat peut être prorogé tacitement, mais est résiliable chaque année à dater de sa prorogation.

Article 5

Lorsqu'un contrat RC est conclu pour une longue durée, l'assureur ne peut plus avoir recours à la résiliation anticipée après sinistre.

Article 6

Il est prévu dans la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur une dérogation en matière d'offre conjointe. L'assureur peut faire une offre conjointe visant à couvrir, pour un seul prix global, la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs pour plusieurs véhicules pour autant que le conducteur principal d'un des véhicules concernés par cette offre soit âgé de moins de vingt-cinq ans. Cette dérogation doit permettre aux assureurs d'assurer de jeunes conducteurs et leurs parents à un prix abordable.

Wouter BEKE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 9ter de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, il est inséré un § 4bis, libellé comme suit:

« § 4bis. — Est assimilée à un refus, la proposition d'une prime majorée de plus de 25 % en raison du paramètre de l'âge. »

Art. 3

L'article 9quater, § 2, de la même loi est complété par l'alinéa suivant:

« Dans les cas visés à l'article 9ter, § 4bis, le Bureau de tarification fixe la prime en tenant compte du risque que le preneur d'assurance présente, sauf en ce qui concerne le paramètre de l'âge, pour lequel une majoration maximum de 25 % est appliquée. Si cette modalité de fixation de la prime entraîne des pertes, le Roi arrête une dotation spéciale à charge du Trésor pour couvrir ces pertes. »

Art. 4

Dans l'article 30, § 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2:

« Par dérogation à l'alinéa 1er, la durée d'un contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile obligatoire en matière de véhicules automoteurs ne peut excéder cinq ans, et ce, pour autant qu'il s'agisse d'un contrat couvrant un véhicule dont le conducteur principal ou un des conducteurs principaux n'a pas atteint l'âge de vingt-cinq ans. Le Roi fixe les modalités des adaptations tarifaires intermédiaires. Sauf si l'une des parties s'y oppose, dans les formes prescrites à l'article 29, au moins trois mois avant l'arrivée du terme du contrat, celui-ci est reconduit tacitement pour des périodes consécutives d'un an. »

Art. 5

Dans l'article 31 de la même loi, il est inséré un § 2ter, libellé comme suit:

« § 2ter. — En assurance couvrant la responsabilité civile obligatoire en matière de véhicules automoteurs, lorsque le contrat a été conclu pour une durée excédant un an en application de l'article 30, § 1er, alinéa 3, l'assureur ne peut se réserver le droit de résilier le contrat après sinistre. »

Art. 6

L'article 72, § 2, de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur est complété par un 7º, libellé comme suit:

« 7º un contrat responsabilité civile obligatoire en matière de véhicules automoteurs couvrant un véhicule dont le conducteur principal n'a pas atteint l'âge de vingt-cinq ans. »

16 décembre 2010.

Wouter BEKE.