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22 FÉVRIER 2011
Le Sénat,
A. considérant le renversement du régime tunisien et l'incertitude générée à la suite de la révolution tunisienne;
B. considérant le non-respect sous le précédent régime:
— de la Déclaration universelle des droits de l'homme;
— du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966;
— des principes de droits humains, de libertés fondamentales et de démocratie sur lesquels repose le partenariat euro-méditerranéen;
— de l'article 2 de l'accord d'association UE-Tunisie qui stipule que les principes démocratiques et les droits fondamentaux doivent inspirer les politiques internes;
C. considérant les nombreux rapports d'organisations non gouvernementales, nationales et internationales, de protection des droits humains dénonçant les atteintes aux libertés individuelles, la répression des défenseurs des droits humains, ainsi que la situation du système judiciaire tunisien, la recrudescence de l'usage de la torture,
I. Demande au gouvernement belge:
1. de soutenir le pouvoir provisoire mis en place après que le peuple a fait entendre sa voix par une protestation claire et massive;
2. de soutenir l'élaboration d'un processus électoral démocratique;
3. de soutenir l'organisation de missions d'observation parlementaires et associatives durant la préparation des élections et durant les élections;
4. de dégager des fonds sur les crédits de « diplomatie préventive et de prévention des conflits » afin de permettre à la société civile d'élaborer des projets relatifs à la démocratie;
5. de soutenir la création de trois commissions, présidées chacune par une personnalité indépendante et estimée, et chargées respectivement de la réforme des institutions et des lois sur les institutions, de la lutte contre la corruption et des événements postérieurs au 17 décembre 2010;
II. Demande au gouvernement belge d'inviter le pouvoir provisoire:
1. à mettre en uvre concrètement le projet de loi d'amnistie générale concernant la libération des prisonniers politiques, le retour des opposants au régime, la reconnaissance de tous les partis d'opposition et la possibilité pour les organisations non gouvernementales de se faire enregistrer;
2. à abroger les nouvelles dispositions amendant l'article 61bis du Code pénal, dans la mesure où de telles dispositions sont manifestement contraires au droit international relatif à la protection des droits de l'homme;
3. à veiller à ce que toutes les mesures prises pour lutter contre le terrorisme soient conformes aux obligations des droits de l'homme, et de leur rappeler que le droit à la vie et le droit de ne subir ni actes de torture ni traitements inhumains ou dégradants ne souffrent aucune dérogation quelles que soient les circonstances comme le rappelle la résolution 60/158 de l'Assemblée générale (16 décembre 2005) qui met en place le cadre fondamental pour la « Protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste » (§ 3);
4. à laisser les commissions visées au point I. 5. travailler en toute indépendance et à leur permettre de disposer d'un pouvoir d'enquête effectif;
5. à autoriser les organisations indépendantes de droits de l'homme à agir librement, conformément à la Déclaration des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies (9 décembre 1998);
6. à renforcer l'indépendance de la justice et le droit à la défense, d'améliorer les conditions de détention et de vie carcérale et de poursuivre la réforme du système judiciaire notamment en matière d'accès à la justice;
7. à faciliter la présence et les travaux en Tunisie de la représentante spéciale des Nations unies sur les défenseurs des droits de l'homme, du rapporteur spécial sur la torture, du rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats;
8 à reconnaître, pour tous les citoyens, la liberté d'expression, incluant la liberté de créer, publier et diffuser des journaux sur tous supports et d'émettre librement sur des radios et des télévisions et mettre en uvre les recommandations du rapporteur des Nations unies sur la liberté d'expression qui s'était rendu en Tunisie en 1999;
9. à lever toute forme de censure sur l'Internet;
10. à garantir la liberté d'association pour les ONG, les syndicats et les organisations professionnelles, notamment les magistrats et les journalistes, en permettant entre autres l'organisation des congrès de ces organisations, en levant le siège devant les locaux des organisations indépendantes de la société civile et en garantissant la liberté de réunion;
11. à cesser les mesures arbitraires de gel et d'interdiction des virements au profit des ONG indépendantes dans le cadre de programmes d'appui légaux et transparents;
12. à libérer les défenseurs des droits de l'homme, les syndicalistes, les étudiants et prisonniers politiques emprisonnés suite à des procès inéquitables, ainsi que de rendre intégralement les droits à ces militants;
13. à associer les associations des droits des femmes à toutes ces procédures;
14. à procéder à une meilleure répartition des richesses du pays et à donner ainsi de réelles opportunités à tous les habitants;
III. Demande au gouvernement belge d'inviter le Conseil de l'Union européenne et la Commission européenne:
1. à veiller à conditionner tout accord de coopération avec des pays tiers au respect effectif des droits de l'homme et de geler les négociations concernant le statut de rehaussement aussi longtemps que des garanties n'auront pas été obtenues à cet égard;
2. à mettre en uvre les procédures utiles pour un gel des avoirs de la famille de l'ancien dictateur et de son entourage, selon les dispositifs européens;
3. à renforcer ses liens avec la société civile libre afin d'éviter d'avoir une vision tronquée de la situation des droits de l'homme;
IV. Demande au gouvernement belge de transmettre la présente résolution au gouvernement tunisien.