5-753/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

3 FÉVRIER 2011


Proposition de loi modifiant la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages

(Déposée par MM. Dirk Claes et Wouter Beke)


DÉVELOPPEMENTS


Introduction

Il est certain que les voyageurs qui font appel à un agent de voyages ou à un intermédiaire de voyages pour l'achat et/ou l'organisation d'un voyage, d'un transport ou d'un séjour, ont besoin d'une protection spécifique.

Ce besoin de protection spécifique découle de l'usage, dans le secteur, qui consiste à payer d'avance le montant total du voyage, ainsi que du manque d'expérience des voyageurs sur les destinations lointaines (problèmes de langue, manque d'autonomie, etc.) et, enfin, de la force de négociation et des connaissances particulières que peuvent faire valoir l'organisateur de voyages et le transporteur aérien.

Il arrive de plus en plus souvent que le voyageur réserve son transport directement auprès d'une compagnie aérienne, sans passer par un organisateur de voyages. Il est de plus en plus fréquent aussi qu'il réserve son logement directement. La plupart des nouvelles compagnies aériennes, surtout celles connues sous le nom de « compagnies à bas prix », fonctionnent presque exclusivement par réservation directe sur leur site Internet. La loi de 1994 sur les contrats de voyage n'est plus adaptée à cette évolution récente du secteur des voyages.

Lorsqu'un voyageur a réservé son voyage en avion auprès d'un organisateur de voyages, ce dernier est tenu, en vertu de la loi actuelle sur les contrats de voyage, de prendre immédiatement les mesures nécessaires et de contacter une autre compagnie aérienne au cas où la compagnie initiale fait faillite. L'agence de voyages veille à ce que le voyageur puisse poursuivre son voyage sans frais, et fait en sorte que les surcoûts éventuels lui soient remboursés.

Si le client a réservé son billet directement auprès de la compagnie aérienne qui fait faillite, il est contraint de rechercher lui-même une solution dont il devra par ailleurs assumer les frais. La grande majorité des voyageurs ne savent absolument pas que la compagnie aérienne n'assume aucune responsabilité en vertu de la loi sur les contrats de voyage.

Au total, septante-sept faillites de compagnies aériennes auraient été enregistrées au sein de l'Union européenne depuis 2000 (1) , ce qui a entraîné des conséquences désastreuses pour les milliers de voyageurs concernés.

La loi belge sur les contrats de voyage date du 16 février 1994 et doit être adaptée d'urgence aux dernières évolutions du secteur.

Cadre juridique

La directive 90/314/CEE du Conseil du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait instaure une harmonisation des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres nationaux concernant les voyages, vacances et circuits à forfait vendus ou offerts à la vente (2) .

La directive européenne précitée a été transposée dans l'ordre juridique belge par la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages (3) . Cette loi comporte de nombreuses dispositions relatives à la protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne la promotion des voyages, le contrat d'organisation et d'intermédiaire de voyages, le prix, etc. En outre, elle fixe clairement les obligations respectives du voyageur, de l'organisateur de voyages et de l'intermédiaire de voyages.

La loi de 1994 fixe également des exigences relatives à la capacité financière de l'organisateur/intermédiaire de voyages. Elle dispose, dans son article 36, que « l'organisateur et/ou l'intermédiaire de voyages partie au contrat de voyage justifient des garanties suffisantes propres à assurer le respect de leurs obligations envers le voyageur en cas d'insolvabilité financière. Ils veilleront à ce que les montants déjà payés puissent être remboursés au voyageur et, si le voyage a déjà commencé, au rapatriement de celui-ci. ». La preuve des garanties suffisantes ne peut être fournie que par un contrat d'assurance souscrit auprès d'une compagnie d'assurances (4) . L'assureur se charge également du rapatriement du voyageur si le voyage a déjà commencé et si le retour du voyageur est incertain ou compromis en raison de l'insolvabilité financière de l'organisateur ou de l'intermédiaire de voyages.

La protection offerte par la loi du 16 février 1994 est exclusivement applicable aux contrats d'organisation et d'intermédiaire de voyages vendus ou offerts en vente en Belgique (5) (6) . La loi en question ne s'applique pas aux contrats que le voyageur conclut directement avec une compagnie aérienne. Certains voyageurs, en l'occurrence ceux qui réservent directement auprès de la compagnie aérienne, ne bénéficient donc pas de la même protection que les voyageurs qui réservent par le biais d'un organisateur de voyages.

Un autre règlement européen, le règlement nº 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) nº 295/91, instaure une réglementation européenne harmonisée dans certains cas de refus d'embarquement, d'annulation ou de retard important d'un vol. Un système de compensation est prévu pour les passagers. Ce règlement ne contient toutefois aucune disposition traitant du sort des passagers en cas de faillite d'une compagnie aérienne.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article modifie l'intitulé de la loi de manière à étendre son champ d'application aux contrats de transport aérien.

Article 3

Une nouvelle définition est insérée pour le « contrat de transport aérien ». Le contrat de transport aérien est défini comme étant « tout contrat par lequel un transporteur aérien s'engage envers un voyageur, moyennant un prix global, à organiser le transport aérien ».

Cet article reprend la définition du transporteur aérien figurant dans le règlement (CE) nº 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, et abrogeant le règlement (CEE) nº 295/91; un transporteur aérien y est défini comme « une entreprise de transport aérien possédant une licence d'exploitation en cours de validité ».

Article 4

Cet article vise tout d'abord à préciser explicitement que les contrats d'organisation de voyages et les contrats d'intermédiaire de voyages relèvent de la loi sur les contrats de voyages quel que soit le mode de communication, et ce également lorsque la promotion est effectuée en Belgique de manière organisée. L'on répond ainsi à l'attente légitime du voyageur en faisant en sorte que la loi belge sur les contrats de voyages s'applique au contrat quel que soit le mode de réservation et, en particulier, lorsque l'organisateur ou l'intermédiaire de voyages axe sa politique commerciale sur le marché belge.

L'article prévoit en outre que les dispositions de la loi régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages ne s'appliquent aux contrats de transport aérien que si elles l'indiquent expressément. Pour le reste, les contrats de transport aérien sont soumis au droit commun des obligations et, le cas échéant, à une autre législation particulière, comme la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.

Article 5

L'article 9, alinéa 2, de la loi régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages dispose que le contrat d'organisation de voyages prend cours au moment où le voyageur reçoit la confirmation écrite de la réservation délivrée par l'organisateur de voyages, par l'entremise ou non de l'intermédiaire de voyages qui agit au nom de ce dernier. Si le contenu du bon de commande diffère de celui de la confirmation du voyage ou si la confirmation n'a pas lieu au plus tard dans les vingt-et-un jours de la signature du bon de commande, le voyageur peut supposer que le voyage n'a pas été réservé et a droit au remboursement immédiat de tous les montants déjà payés.

Après la réservation du voyage et la délivrance d'un bon de commande au voyageur, l'organisateur de voyages dispose de facto d'un délai de vingt-et-un jours pour procéder aux vérifications nécessaires et pour confirmer ou infirmer la réservation. Ce délai (trois semaines) peut sembler très long au vu de la rapidité des moyens de communication modernes et du professionnalisme que l'on est en droit d'attendre d'un organisateur de voyages. La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur ne prévoit qu'un droit de rétractation d'au moins quatorze jours calendrier pour le consommateur en cas de vente à distance. L'article 5 de la présente proposition aligne le délai de confirmation de l'organisateur de voyages sur le délai du droit de rétractation prévu à l'article 47, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marché et à la protection du consommateur.

Un délai de quatorze jours calendrier semble suffisamment équilibré pour permettre à l'organisateur/intermédiaire de voyages de procéder aux vérifications nécessaires en vue de confirmer la réservation, tout en laissant au voyageur le temps de rechercher une alternative en cas de non-confirmation.

Article 6

Le champ d'application de la loi belge du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages et de la directive européenne du 13 juin 1990 concernant les voyages, vacances et circuits à forfait est essentiellement limité à la « combinaison préalable organisée » d'« au moins deux (...) services (de voyages) ».

Il convient toutefois de tenir compte de l'arrivée d'un acteur important sur le marché du voyage, à savoir les compagnies aérienn qui offrent au voyageur la possibilité de conclure un contrat de transport aérien directement sur leur site web.

Or, en matière de protection des consommateurs, elles sont soumises à des règles moins strictes et font l'objet de moins de contrôles que les voyagistes et les agences de voyages.

Tous les voyageurs-consommateurs qui concluent directement en toute confiance un contrat de transport aérien auprès d'une compagnie aérienne sont néanmoins en droit d'attendre que celle-ci soit soumise aux mêmes règles que les voyagistes et agences de voyages pour ce qui est des garanties financières en cas de faillite.

Il est dès lors indiqué d'étendre le champ d'application de la loi régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages aux contrats de transport aérien pour ce qui concerne la garantie financière du voyageur prévue par l'article 36 de la même loi.

L'article 36 de la loi précitée dispose que l'organisateur et/ou l'intermédiaire de voyages partie au contrat de voyage justifient des garanties suffisantes propres à assurer le respect de leurs obligations envers le voyageur en cas d'insolvabilité financière. Ils veilleront à ce que les montants déjà payés puissent être remboursés au voyageur et, si le voyage a déjà commencé, au rapatriement de celui-ci. La preuve des garanties suffisantes ne peut être fournie que par un contrat d'assurance souscrit auprès d'une compagnie d'assurances (7) . L'assureur se charge également du rapatriement du voyageur si le voyage a déjà commencé et si le retour du voyageur est incertain ou compromis en raison de l'insolvabilité financière de l'organisateur ou de l'intermédiaire de voyages.

Une même obligation d'assurance peut être imposée aux compagnies aériennes. Il convient d'adapter aux nouvelles dispositions légales l'arrêté royal du 25 avril 1997 portant exécution de l'article 36 de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages.

Article 7

Cet article règle l'entrée en vigueur de la loi en prévoyant une période transitoire de six mois qui est suffisamment longue pour que toutes les parties concernées puissent se conformer aux nouvelles dispositions légales.

Dirk CLAES.
Wouter BEKE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'intitulé de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages est remplacé par ce qui suit:

« Loi régissant le contrat d'organisation de voyages, le contrat d'intermédiaire de voyages et le contrat de transport aérien. »

Art. 3

Dans l'article 1er de la même loi, il est inséré un 3º/1 et un 3º/2 rédigés comme suit:

« 3º/1 Contrat de transport aérien: tout contrat par lequel un transporteur aérien s'engage envers un voyageur, moyennant un prix global, à organiser le transport aérien;

3º/2 Transporteur aérien: toute entreprise de transport aérien possédant une licence d'exploitation en cours de validité; ».

Art. 4

Dans l'article 2 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées:

1º le paragraphe 1er est complété par le membre de phrase suivant:

« , par quelque mode de communication que ce soit, ainsi qu'aux contrats d'organisation ou d'intermédiaire de voyages dont la promotion est effectuée en Belgique de manière organisée. »;

2º le paragraphe 2 est complété par un alinéa 2 rédigé comme suit:

« Les contrats de transport aérien vendus ou offerts en vente en Belgique, ainsi que les contrats de transport aérien dont la promotion est effectuée en Belgique de manière organisée, par quelque mode de communication que ce soit, relèvent du champ d'application des dispositions de la présente loi qui le précisent explicitement. »

Art. 5

Dans l'article 9, alinéa 2, de la même loi, les mots « 21 jours » sont remplacés par les mots « quatorze jours calendrier ».

Art. 6

Dans l'article 36 de la même loi, les mots « ou le transporteur aérien partie au contrat de transport aérien » sont insérés entre les mots « au contrat » et le mot « justifient ».

Art. 7

La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

13 janvier 2011.

Dirk CLAES.
Wouter BEKE.

(1) Question orale (avec débat) posée le 8 septembre 2009 par Brian Simpson à la Commission européenne; objet: indemnisation des passagers en cas de faillite d'une compagnie aérienne, O-0089/09.

(2) Journal officiel no L 158 du 23 juin 1990, pp. 59-64.

(3) Moniteur belge du 1er avril 1994.

(4) Arrêté royal du 25 avril 1997 portant exécution de l'article 36 de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages. Cet arrêté royal prévoit en outre toute une série d'obligations financières auxquelles les organisateurs/intermédiaires de voyages doivent satisfaire pour pouvoir être assurés.

(5) L'article 1er, 1o, de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages entend par « contrat d'organisation de voyages »: « tout contrat par lequel une personne s'engage, en son nom, à procurer à une autre, moyennant un prix global, au moins deux des trois services suivants: a) transport, b) logement, c) autres services touristiques, non liés au transport ou au logement, qui ne sont pas accessoires au transport ou au logement, dans une combinaison préalable organisée par ladite personne et/ou par un tiers, pour autant que les prestations incluent une nuitée ou dépassent une durée de vingt-quatre heures. La facturation séparée de divers éléments d'un même forfait ne soustrait pas l'organisateur de voyages ou l'intermédiaire de voyages aux obligations de la présente loi. »

(6) L'article 1er, 2o, de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages entend par « contrat d'intermédiaire de voyages »: « tout contrat par lequel une personne s'engage à procurer à une autre, moyennant le paiement d'un prix, soit un contrat d'organisation de voyages, soit une ou plusieurs prestations isolées permettant d'accomplir un voyage ou un séjour quelconque. »

(7) Arrêté royal du 25 avril 1997 portant exécution de l'article 36 de la loi du 16 février 1994 régissant le contrat d'organisation de voyages et le contrat d'intermédiaire de voyages. Cet arrêté royal prévoit en outre toute une série d'obligations financières auxquelles les organisateurs/intermédiaires de voyages doivent satisfaire pour pouvoir être assurés.