5-724/1

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Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

27 JANVIER 2011


Révision de l'article 12, alinéa 3, de la Constitution, afin de respecter la jurisprudence européenne en ce qui concerne l'assistance d'un avocat dès la première audition


(Déclaration du pouvoir législatif, voir le « Moniteur belge » nº 135, Éd. 2 du 7 mai 2010)


(Déposée par Mme Martine Taelman)


DÉVELOPPEMENTS


Nécessité d'adapter le délai de 24 heures en cas d'arrestation

Aux termes de l'article 12 de la Constitution belge, hors le cas de flagrant délit, nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

De nombreuses voix se sont déjà élevées par le passé pour que l'on adapte ce délai en fonction de la complexité de l'instruction et de la réalisation d'une enquête approfondie.

La pratique montre que dans la majorité des instructions judiciaires, le suspect n'est présenté que très tardivement au juge d'instruction, souvent durant la vingt-troisième heure, et que ce dernier dispose d'un laps de temps très court pour décider d'arrêter ou non le suspect.

Outre le fait que le délai de vingt-quatre heures pose problème aux enquêteurs dans de nombreux cas, il arrive aussi que les suspects fassent l'objet d'un mandat d'arrêt délivré (en partie) en raison de l'urgence imposée aux magistrats et aux enquêteurs, qui décident dès lors par précaution de procéder à l'arrestation.

Indépendamment de cette problématique, il est un autre élément plus important qui rend trop court le délai de vingt-quatre heures, à savoir la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, plus connue sous le nom de « jurisprudence Salduz ».

La Cour précise expressément que le suspect a le droit de bénéficier de l'assistance juridique d'un avocat dès la phase de l'instruction, soit avant la délivrance d'un mandat d'arrêt.

L'arrêt rendu le 27 novembre 2008 dans l'affaire Salduz ne constitue pas une jurisprudence isolée. En effet, la Cour européenne a développé cette jurisprudence dans plusieurs arrêts ultérieurs.

Celle-ci prévoit que le suspect doit avoir accès aux conseils juridiques d'un avocat dès la première privation de liberté, c'est-à-dire quand le délai de vingt-quatre heures commence à courir.

L'accès à un avocat devra dès lors être organisé et mis en œuvre dans ce délai.

Cela aura pour conséquence logique et inévitable qu'une partie considérable du délai de vingt-quatre heures sera consacrée à la consultation d'un avocat.

Étant donné qu'à l'heure actuelle déjà, nombre de dossiers ne sont présentés au juge d'instruction qu'en dernière minute, la mise en place d'une assistance juridique de qualité pour le suspect posera inévitablement problème quant au respect du délai de vingt-quatre heures, avec toutes les conséquences que cela implique.

Il convient de noter que dans de nombreux cas, des suspects devront être remis en liberté pour la simple raison que le délai de vingt-quatre heures ne sera pas respecté.

Dans de nombreux dossiers, en matière de crime organisé par exemple, les enquêteurs sont souvent confrontés à plusieurs suspects, qui parlent parfois une langue étrangère. Dans ce cas, il faut prévoir non seulement suffisamment d'avocats mais aussi des interprètes, qui devront tous arriver sur place et pouvoir s'entretenir avec leur client en temps voulu.

La présente proposition de loi vise dès lors à instaurer la possibilité de prolonger le délai de vingt-quatre heures, pour permettre aux magistrats du parquet d'autoriser, le cas échéant, de manière motivée, une prolongation de ce délai, afin que l'instruction puisse être réalisée de manière minutieuse et que les droits de la défense soient garantis.

La mise en œuvre de cette possibilité requiert une adaptation de l'article 12 de la Constitution, qui prévoit expressément un délai de vingt-quatre heures maximum.

Parallèlement à cette adaptation, d'autres propositions de loi seront déposées pour que la prolongation du délai de vingt-quatre heures soit également mise en œuvre dans la loi relative à la détention préventive.

L'intention de l'auteur de la présente proposition est que le délai de vingt-quatre heures puisse, moyennant motivation, être prolongé d'un délai supplémentaire de vingt-quatre heures, la consultation d'un avocat devant dans tous les cas avoir lieu durant les vingt-quatre premières heures.

La mesure de prolongation pourra ainsi être demandée le cas échéant, mais sa mise en œuvre ne sera pas automatique et elle sera superflue dans les dossiers simples.

L'instauration d'une possibilité de prolongation peut, le cas échéant, donner plus de marge aux enquêteurs, ce qui leur permettra de mener une enquête approfondie et prendre une décision fondée sur la suite à réserver à la procédure d'arrestation. De plus, une protection maximale des droits de la défense peut ainsi être assurée, étant donné que le suspect a accès à un avocat dès le début de la procédure.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article unique

L'article 12, alinéa 3 de la Constitution dispose que le mandat d'arrêt doit être signifié dans un délai de quarante-huit heures maximum, sauf si un délai plus court est prévu par la loi. La loi ne portera pas atteinte à un droit fondamental, car un délai plus court peut être considéré comme plus favorable à l'intéressé.

Martine TAELMAN.

PROPOSITION


Article unique

Dans l'article 12, alinéa 3, in fine, de la Constitution, les mots « dans les vingt-quatre heures » sont remplacés par les mots « dans les quarante-huit heures, sauf si un délai plus court est prévu par la loi ».

22 décembre 2010.

Martine TAELMAN.