5-683/1

5-683/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

25 JANVIER 2011


Proposition de loi modifiant la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, en ce qui concerne la prescription de l'action publique pour certaines infractions

(Déposée par M. Bart Laeremans et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


Par analogie avec la modification du Code pénal néerlandais intervenue en 2005 (1) , qui a été adoptée à une large majorité par la Tweede Kamer, nous voulons soustraire certains crimes à la prescription.

Aujourd'hui, certaines violations graves du droit international humanitaire (2) ne se prescrivent pas. Vu la gravité des infractions visées, le législateur a jugé nécessaire de ne plus frapper de prescription l'action publique relative à certains crimes (3) .

Nous estimons qu'il s'agissait d'une sage décision, mais déplorons que le législateur n'ait pas osé aller plus loin à l'époque. D'autres crimes, qui ne constituent pas en soi une violation du droit international humanitaire, mais qui ébranlent malgré tout gravement une société, ne devraient pas pouvoir bénéficier de la prescription.

Nous pensons à cet égard à des crimes tels que le meurtre, l'homicide, les coups et blessures portés avec préméditation, la prise d'otages, la torture et le traitement inhumain de personnes, pour autant que ces infractions aient entraîné la mort, même sans l'intention de la donner. En effet, vu la gravité inhérente à ces infractions commises sciemment, il serait inconcevable de pouvoir arguer que l'on ne pouvait pas prévoir que la victime succomberait.

Nous estimons que si la prescription de l'action publique est acceptable en tant que principe, il n'en demeure pas moins que pour certains crimes ayant entraîné la mort, on doit pouvoir rechercher, poursuivre et punir indéfiniment leur auteur. L'« action érosive du temps » est un argument qui ne fait pas le poids face aux infractions susvisées.

Nous sommes en effet intimement convaincus que la société demande que ceux qui se sont rendus coupables de pareilles infractions puissent toujours être punis.

Du point de vue des sciences forensiques, il n'y a plus guère de raisons de supposer qu'il est impossible de trouver le véritable mobile d'un crime commis dans un passé lointain. Les sciences forensiques ont considérablement progressé depuis quelques décennies. La possibilité de recourir à des preuves génétiques en est un exemple éloquent.

Les moyens techniques de recherche se sont eux aussi considérablement perfectionnés au siècle dernier et au début de ce siècle: que l'on songe aux techniques d'enregistrement audiovisuel de plus en plus sophistiquées.

Enfin, on peut difficilement soutenir que le temps efface (par définition) des preuves testimoniales fiables, d'autant que, dans la plupart des cas, elles peuvent être complétées par des preuves scientifiques à l'appui.

Nous estimons en outre que la finalité première du droit pénal et de la procédure pénale est la recherche de la vérité. Pourquoi une infraction a-t-elle été commise, et par qui ? Lorsqu'il est possible de découvrir la vérité, il serait manifestement irresponsable et moralement condamnable, surtout en cas d'homicides, de ne plus permettre que la vérité soit établie formellement au moyen de procédures judiciaires. La société ne comprend pas que l'on applique le principe de la prescription en pareil cas et elle en éprouve un sentiment d'extrême injustice dans la mesure où elle place le principe de la justice au sommet de l'échelle des valeurs morales.

Par ailleurs, par égard pour la victime et ses proches éventuels, il faut se garder de conclure trop vite qu'il est humain, compte tenu du processus d'acceptation de la perte causée par le crime, de finir par tirer un trait sur une affaire non élucidée.

En parfaite conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation (4) , le durcissement de la législation qu'implique la présente proposition de loi aura un effet immédiat sur toutes les actions qui sont nées avant son entrée en vigueur et qui n'étaient pas encore prescrites à cette date. Il est ainsi hors de question que l'on rouvre de très anciens dossiers pénaux définitivement prescrits à la faveur d'une modification du délai de prescription de l'action publique.

En conclusion, l'on peut dire qu'en déposant la présente proposition de loi, nous faisons un choix de principe. Nous estimons que l'auteur de certains homicides doit pouvoir être poursuivi indéfiniment, quel que soit le délai qui s'est écoulé depuis la commission de son forfait. Les autorités doivent imposer comme norme la prééminence de la vie d'un individu sur le poids de la bureaucratie lorsqu'il s'agit de clôturer définitivement une affaire d'homicide.

Bart LAEREMANS.
Jurgen CEDER.
Anke VAN DERMEERSCH.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 21, alinéa 1er, de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du Code de procédure pénale, remplacé en dernier lieu par la loi du 5 août 2003, les mots « les articles 136bis, 136ter et 136quater » sont remplacés par les mots « les articles 136bis, 136ter, 136quater, 347bis, § 4, 1º, 393, 394, 401, alinéa 2, 417ter, alinéa 3, 2º, et 417quater, alinéa 3, 2º ».

13 janvier 2011.

Bart LAEREMANS.
Jurgen CEDER.
Anke VAN DERMEERSCH.

(1) Le mercredi 2 février 2005.

(2) En particulier celles visées aux articles 136bis, 136ter et 136quater.

(3) Tel fut l'objet de la loi du 5 août 2003.

(4) Cass. 5 février 2003 et Cass. 20 septembre 1995: « En vertu de l'effet immédiat de la loi nouvelle relative à la prescription de l'action publique, l'article 25 de la loi du 24 décembre 1993 portant à cinq ans le délai de prescription en matière de délit, s'applique aux actions nées avant son entrée en vigueur et non encore prescrites à cette date. »