5-663/1

5-663/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

26 JANVIER 2011


Proposition de loi modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive et le Code d'instruction criminelle, afin de conférer des droits à toute personne auditionnée et à toute personne privée de liberté dont le droit de consulter et d'être assistée par un avocat

(Déposée par Mme Christine Defraigne, M. Francis Delpérée, Mmes Inge Faes et Martine Taelman, M. Rik Torfs et Mme Güler Turan)


DÉVELOPPEMENTS


1. CONTEXTE GÉNÉRAL

La problématique de l'assistance d'un avocat dès le premier interrogatoire a déjà fait couler beaucoup d'encre. C'est l'arrêt Salduz contre la Turquie prononcé par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l'homme le 27 novembre 2008 qui a servi de détonateur à cette controverse.

Plus d'une soixantaine d'arrêts ont été rendus depuis lors. Nous citerons, à titre illustratif, les arrêts « Panovits c. Chypre », « Shabelnik c. Ukraine », « Dayanan c. Turquie » et tout récemment « Brusco c. France ». Dans les différents arrêts subséquents, la Cour maintient sa position de base adoptée dans l'arrêt Salduz, tout en affinant les critères et les exigences.

Une liste récapitulative de ces arrêts est jointe en annexe à la présente proposition de loi.

Fondamentalement, la jurisprudence Salduz entraîne un glissement dans la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, en l'occurrence d'une analyse de la nécessité d'une assistance par un avocat dans le cadre de la procédure dans son ensemble vers une disposition spécifique en matière d'assistance d'un avocat lors de la première audition.

La Cour estime que le droit de tout inculpé à avoir un accès effectif à un avocat dès le premier interrogatoire par la police constitue un des éléments fondamentaux d'un procès équitable, conformément à l'article 6 de la CEDH. En conséquence, la Cour européenne des Droits de l'Homme demande à présent aussi aux autorités d'adopter une attitude plus active en matière d'assistance d'un avocat, dans la mesure où le simple fait d'accorder l'assistance à la demande ne suffit pas.

La Cour admet cependant que le « principe Salduz » n'est pas un principe absolu étant donné qu'il peut y avoir des raisons impérieuses inhérentes à l'affaire qui justifient une dérogation. Toutefois, même dans ce cas, il ne peut être porté préjudice au déroulement équitable du procès.

Les discussions sur la portée et l'interprétation des arrêts en question se poursuivent à ce jour au niveau des jurisprudences et doctrines belges et étrangères. Le débat demeure dans la mesure où la Cour européenne des Droits de l'Homme n'est pas habilitée à statuer universellement et législativement. Il revient aux États membres individuels de déterminer de quelle manière les principes consacrés par la Cour peuvent être respectés dans les limites du cadre global de leur propre système juridique.

La majorité des États Parties à la Convention (23 des 27 pays de l'Union européenne) sont déjà en conformité avec le « principe Salduz ».

Seuls les Pays-Bas, la France et le Luxembourg n'ont pas de dispositions qui prévoient une telle assistance dès le premier interrogatoire. Aux Pays-Bas — qui n'ont à ce jour pas encore été condamnés par la Cour européenne des Droits de l'Homme —, une série de projets-pilotes ont été initiés en vue d'une réglementation légale.

En France — qui a été condamnée récemment dans l'arrêt Brusco du 14 octobre 2010 pour cause d'absence de réglementation —, un projet de loi ainsi que plusieurs propositions de loi sont en discussion.

La Belgique elle non plus n'a toujours pas modifié sa législation pour garantir au suspect pareille assistance. Notre pays a d'ailleurs déjà reçu un avertissement de la Cour européenne des Droits de l'Homme le 2 mars 2010 (arrêt Bouglame c. Belgique).

La Cour de cassation a entre-temps été confrontée à la problématique à plusieurs reprises, en l'occurrence chaque fois qu'un moyen basé sur la violation de l'article 6.1 et/ou de l'article 6.3.c. de la CEDH a été soulevé pour cause d'absence de l'assistance d'un avocat pendant l'audition par les services de police et/ou le juge d'instruction. Ce moyen a déjà été soulevé devant la Cour aussi bien dans des affaires de détention préventive que dans des affaires où le juge du fond avait statué au fond sur l'action publique.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour de cassation (1) que celle-ci épouse une approche très prudente de cette problématique et se soucie sans doute de ne pas mettre purement et simplement en péril des enquêtes ou procédures pénales en cours.

La Cour de cassation estime que l'absence d'assistance d'un avocat lors d'un interrogatoire par la police ne porte pas automatiquement un préjudice irrémédiable au droit à un procès équitable, mais que le fait que cette assistance ne soit pas prévue dans la législation belge doit être apprécié à la lumière de l'ensemble des garanties légales tandis qu'il appartient au juge de déterminer sur la base des éléments concrets de l'affaire si le droit de l'inculpé à un procès équitable ou à se défendre a été enfreint de façon irrémédiable.

Dans un arrêt récent du 15 décembre 2010, la Cour de cassation a conclu à une violation de l'article 6 de la CEDH:

« Des déclarations auto-accusatrices faites à la police dans les vingt-quatre heures de la privation de liberté par un suspect qui, en l'absence de conseil, a pu, selon les juges d'appel, ne pas appréhender les conséquences juridiques de ses dires, ont dès lors été prises en compte par eux pour conclure à la crédibilité de la plainte et, de là, au bien-fondé de la poursuite. »

Sur le terrain, les initiatives au sein des divers arrondissements judiciaires du pays se multiplient.

En effet, l'absence de cadre législatif a eu pour conséquence que chaque groupe professionnel tente d'élaborer au sein de sa propre organisation une réglementation qui réponde à la jurisprudence européenne en tenant compte de ses propres perspectives mais cela a débouché sur diverses initiatives pas toujours concordantes et convergentes entre elles.

Le Collège des Procureurs généraux a élaboré des directives provisoires (circulaire du 4 mai 2010 (7/2010), complétées par un addendum le 14 juillet 2010 (15/2010)), tout en faisant remarquer explicitement qu'il ne peut se substituer au législateur. Aussi le Collège essaie-t-il de mieux cerner les droits de la défense dans les limites du cadre légal existant sans cependant réaliser la transposition effective de la jurisprudence européenne.

La circulaire prévoit notamment l'instauration du droit au silence (toute personne entendue est explicitement informée du fait qu'elle n'est pas tenue de répondre à chaque question) et par ailleurs demande également d'informer la personne entendue qu'elle a la possibilité de demander une nouvelle audition après concertation avec son conseil et que son avocat puisse assister à un interrogatoire récapitulatif. En outre, la circulaire souligne l'importance des constatations sur place et de la sécurisation des indices et des preuves matérielles et elle impose l'enregistrement audiovisuel de la première audition d'un suspect privé de liberté dans le cadre d'infractions graves (homicides et crimes non correctionnalisables).

Le 25 juin 2010, l'Association des Juges d'instruction a elle aussi formulé par écrit une proposition personnelle quant à la manière de procéder, qui se veut être une expérience provisoire et n'est nullement contraignante pour les juges d'instructions individuels eu égard à l'indépendance de ceux-ci.

Cette proposition est uniquement valable pour les dossiers dont le juge d'instruction est saisi, dès lors uniquement pour les infractions pour lesquelles un mandat d'arrêt est susceptible d'être délivré, et prévoit notamment la communication du droit de se taire et du droit à une consultation préalable d'un avocat (délai d'attente: maximum 2 heures, temps de consultation: 30 minutes). La présence de l'avocat lors de l'interrogatoire chez le juge d'instruction est laissée à l'appréciation individuelle de chaque juge d'instruction.

La proposition n'est cependant pas appliquée de façon généralisée dans la pratique, dans la mesure où un certain nombre de juges d'instruction n'appliquent pas les éléments qui la constituent ou les appliquent différemment.

Enfin, des offres de service ininterrompues sont organisées dans certains barreaux d'avocats, mais ne le sont pas dans d'autres barreaux.

Force est donc de constater que même là où il est mis en place, ce système génère des inégalités entre arrondissements judiciaires ou au sein même de certains de ceux-ci et que les expériences diverses mises en place donnent l'impression d'un chaos juridique.

Il est dès lors urgent d'agir au plan législatif dans l'intérêt de la sécurité juridique.

À cette fin, plusieurs propositions de loi ont été déposées et la commission Justice du Sénat a organisé une série d'auditions, mais la dissolution des chambres législatives a engendré la suspension des travaux.

Sous cette nouvelle législature, le point a été réinscrit à l'ordre du jour de la commission Justice du Sénat. À cette occasion, le ministre de la Justice a présenté un exposé introductif accompagnant une épreuve de modification de loi et de nouvelles auditions ont été organisées.

Par ailleurs, plusieurs propositions de loi ont été à nouveau déposées au Sénat, poursuivant toutes le même objectif, mais élaborées d'une manière différente.

Il convient cependant de souligner que le Sénat avait fait preuve d'avant-gardisme dès avant cette jurisprudence européenne en adoptant le 30 novembre 2005 une proposition de loi contenant le code de procédure pénale (doc. Sénat, nº 3-450/1).

Ce texte, plus connu sous le nom « Grand Franchimont », avait pour but d'actualiser le Code d'instruction criminelle ainsi que les diverses lois particulières afin de rendre la procédure pénale plus rapide, plus efficace et plus transparente aux yeux du citoyen. Une des principales avancées de cette proposition de grande ampleur fut d'accorder une place prépondérante aux victimes ainsi qu'aux auteurs d'infractions.

Parmi les nouvelles dispositions qui figuraient dans ce texte, se trouvait le droit, pour la personne privée de sa liberté pendant plus de huit heures, de demander que son avocat ou un avocat commis d'office lui rende visite.

Ces nouveaux droits venaient s'ajouter à une liste d'autres droits, déjà reconnus en faveur de la personne arrêtée, et contenus, jusqu'alors dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive. En effet, la réforme « Grand Franchimont » a eu pour conséquence que la procédure touchant à la détention préventive ne devait plus figurer dans une loi particulière mais bien dans le nouveau Code de procédure pénale.

Dans ce même esprit progressiste, plusieurs sénateurs se sont engagés à préparer, tout en procédant à une évaluation avec le ministre de la Justice, une proposition de loi en vue d'apporter une solution à cette problématique pressante.

Le présent texte est donc le fruit d'un travail collectif mené par les membres de la Commission justice du Sénat. Celui-ci tente de faire une synthèse largement représentative des discussions menées et des positions.

Pour être complet, il convient de signaler encore que la reconnaissance de droits aux personnes privées de liberté répond aussi aux exigences formulées à la fois par le CPT [Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (du Conseil de l'Europe)] et par le CAT (Comité contre la torture des Nations unies).

Ces différents comités ont, à maintes reprises ces dernières années, recommandé à la Belgique de garantir explicitement aux personnes faisant l'objet d'une arrestation le droit d'accéder à un avocat, d'informer leurs proches de leur détention et d'être clairement informées de leurs droits (cf. les points 52 à 56 du rapport du CPT au gouvernement belge, relatif à la visite qu'il a effectuée du 25 novembre au 7 décembre 2001, les points 18 à 24 du rapport du CPT, relatif à la visite qu'il a effectuée du 18 au 27 avril 2005 ainsi que les points 5-h. et 7-j. des conclusions et recommandations adoptées par le CAT le 14 mai 2003).

Depuis sa toute première visite en Belgique, en 1993, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants n'a cessé de souligner l'importance qu'il convient d'accorder au respect des garanties fondamentales contre les mauvais traitements de personnes détenues par les forces de l'ordre. À l'issue de sa troisième visite périodique, huit ans plus tard, le CPT en avait appelé aux autorités belges afin qu'elles prennent les mesures nécessaires pour combler les sérieuses lacunes identifiées dans ce domaine.

Outre le droit à l'assistance d'un avocat, le présent texte aborde dès lors aussi le droit d'informer une personne de confiance ainsi que le droit à une assistance médicale.

Pour ce qui concerne l'assistance d'un avocat, la proposition recherche un mécanisme opérationnel et efficace qui réponde aux principes défendus par la Cour européenne des Droits de l'Homme.

Parallèlement, il convient d'observer aussi scrupuleusement les évolutions au niveau de l'Union européenne. Référence est faite en particulier à la résolution du Conseil de l'Union européenne du 30 novembre 2009 relative à la feuille de route visant à renforcer les droits procéduraux des suspects ou des personnes poursuivies dans le cadre des procédures pénales. Cette feuille de route a donné un nouvel élan à l'adoption d'une approche graduelle au niveau de l'Union européenne en vue de dégager un certain nombre de garanties procédurales minimales, ce avec l'objectif de promouvoir la confiance réciproque, bénéfique pour la collaboration dans les procédures pénales.

La feuille de route énumère 5 mesures portant sur des droits procéduraux pour lesquels le Conseil souhaite aboutir à un instrument législatif européen. Les discussions sur la mesure A, le droit à la traduction et à l'interprétation dans les procédures pénales, ont déjà débouché sur une première directive, qui porte la date du 20 octobre 2010. Les discussions sur la mesure B, le droit aux informations relatives aux droits dans le cadre de la procédure pénale et relatives à l'accusation, ont été initiées avec succès sous la présidence belge de l'Union européenne et ont permis d'obtenir déjà un accord sur une approche générale lors du Conseil des ministres du 3 décembre 2010 si bien que les négociations avec le parlement européen pourront être entamées sous la présidence hongroise. Une nouvelle directive sera dès lors mise sur la table dans un avenir très proche.

La présente proposition de loi tente dès lors aussi d'anticiper sur la future législation européenne concernant le droit aux informations relatives aux droits dans le cadre de procédure pénale. Elle prévoit en particulier que l'inculpé recevra avant la première audition une déclaration écrite qui énonce ses droits.

Il est important de préciser que le projet de directive en la matière ne confèrera aucun contenu aux droits en question. La définition de leur contenu sera encore confiée au législateur national ou fera l'objet de l'exécution d'autres mesures prévues dans la feuille de route, comme la mesure C, relative à l'assistance d'un conseiller juridique et à une aide juridictionnelle.

La proposition de texte de loi formulée ci-après concrétise l'ensemble des exercices d'équilibre, tant au niveau international qu'au niveau national, évoqués ci-avant.

2. LIGNES DE FORCE

Chaque disposition législative future a été évaluée sur la base de trois objectifs.

1. La proposition doit apporter une réponse aux exigences qui découlent de la « jurisprudence Salduz », pas plus mais également pas moins que cela.

Il est en effet important pour la pratique judiciaire que cette législation soit intégrée et implémentée le plus rapidement possible dans le droit belge de la procédure pénale.

D'autres réformes fondamentales qui ne découlent pas directement de la jurisprudence Salduz, par exemple le débat contradictoire devant le juge d'instruction, la discussion relative à la procédure inquisitoire face à la procédure accusatoire, la modification de la Constitution, etc., requièrent un débat approfondi et ralentiraient la mise en œuvre de la jurisprudence Salduz.

2. La proposition partant des exigences Salduz doit apporter une solution opérationnelle pour tous les acteurs sur le terrain et qui permette un exercice effectif des droits proposés par le texte.

Lors de la rédaction des textes législatifs, il convient par conséquent de prendre dûment en compte tous les problèmes et besoins pratiques et organisationnels possibles qui pourraient se poser, par exemple en matière d'infrastructure et de moyens. Partant de cette approche anticipative, l'on pourra alors rechercher parmi les différentes options possibles la solution la plus praticable, ce pour l'ensemble des acteurs concernés.

En effet, cela n'a aucun sens de prévoir des droits qu'il est impossible de mettre en œuvre (ou d'exécuter convenablement) dans la pratique. Cette évaluation de faisabilité constitue d'ailleurs une exigence issue de la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme, qui considère que les droits conférés doivent être « practical and effective » et pas purement « theoretical and illusory ».

3. Il va de soi qu'il faut, ce faisant, également tenir compte des possibilités et restrictions budgétaires. Il convient de prendre en considération l'analyse des coûts et avantages (Sénat, Annales, nº 1-238).

En d'autres termes, cette problématique ne sera pas résolue en actant simplement sur papier l'octroi des droits les plus étendus. Les possibilités organisationnelles et le dispositif budgétaire sont certainement tout aussi importants.

En outre, tout est étroitement lié et une modification au niveau d'un des aspects aura inévitablement une répercussion sur d'autres aspects.

En effet, l'assistance d'un avocat dans le délai des premières 24 heures de privation de liberté représente une réforme fondamentale de notre procédure pénale et un bouleversement fondamental au niveau du fonctionnement au quotidien de la justice à tous ses niveaux.

Compte tenu de tout ce qui précède, il semble indiqué que l'exécution de la loi soit assortie d'un vaste suivi scientifique de manière à pouvoir, si la nécessité se pose, intervenir rapidement lorsqu'il s'avère que certains aspects ne fonctionnent pas convenablement. Ce suivi scientifique pourrait comporter à la fois un volet quantitatif (programmes informatiques pour les données à conserver, par exemple) et un volet qualitatif (expérience des différents acteurs, points qui posent problème, propositions d'amélioration, par exemple).

Un tel suivi pourrait par exemple être assuré par le service de la Politique criminelle, éventuellement en collaboration avec le Collège des Procureurs généraux.

Il pourrait également être exigé de soumettre les résultats d'une telle étude au parlement dans l'année qui suit l'entrée en vigueur de la loi.

En effet, de nombreuses suppositions et prémisses sur l'attitude des avocats, policiers, inculpés, etc. dans leurs relations mutuelles interviennent dans le cadre du débat sur la problématique Salduz.

Ainsi, certains considèrent que l'accès à un avocat entrave la recherche de la vérité ou, inversement, que la police cherchera systématiquement des échappatoires pour ne pas appliquer la jurisprudence Salduz.

Une étude subséquente pourra permettre d'opérer des choix et des corrections stratégiques en la matière sur la base de données empiriques.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Chapitre 1er — Disposition générale

Article 1er

Cet article détermine le fondement de compétence constitutionnel.

Chapitre 2 — Dispositions modifiant le Code d'Instruction criminelle

Article 2 (article 47bis du CIC)

1. Législation actuelle

D'une manière générale, il convient d'observer que la possibilité de contact avec l'avocat au cours de la phase préparatoire est très limitée dans notre droit belge.

Cela résulte de la règle générale selon laquelle le secret et le caractère non-contradictoire constituent les particularités de la phase de l'instruction préparatoire.

Ainsi, le droit au contact ou à une assistance est inexistant durant la phase de l'information.

Depuis la loi du 12 mars 1998, l'article 28quinquies du Code d'Instruction criminelle dispose que « sauf les exceptions prévues par la loi, l'information est secrète. »

Lors des travaux parlementaires préparatoires, le caractère secret a été justifié par rapport à l'efficacité de la recherche de la vérité, d'une part, et au respect de la présomption d'innocence, d'autre part (2) .

En revanche, un certain nombre de dispositions régissent les contacts avec l'avocat au cours de l'instruction (voir plus loin).

L'article 47bis du Code d'Instruction criminelle prescrit un certain nombre de règles qu'il convient de respecter lors de l'audition d'une personne. Ces obligations s'appliquent aux auditions de personnes entendues en quelque qualité que ce soit, lesquelles peuvent donc aussi être des victimes, des témoins, des dénonciateurs ou des suspects.

Toute audition doit débuter par une série de communications à la personne interrogée.

En outre, l'article 28quinquies du Code d'Instruction criminelle dispose qu'il faut aussi toujours informer la personne interrogée qu'elle peut obtenir gratuitement une copie du texte de son audition. Ce droit s'applique lui aussi à l'égard des personnes entendues en quelque qualité que ce soit et indépendamment de la nature du délit en cause.

2. Modifications apportées par la proposition de loi

Avant d'en détailler le contenu, une remarque doit être formulée concernant la structure de l'article 47bis.

Pour des raisons d'ordre pragmatique, les dispositions de l'actuel article sont maintenues dans toute la mesure du possible. À cette fin, elles sont regroupées dans un nouveau paragraphe numéroté, qui devient le § 1er.

Le paragraphe 1er a dès lors trait aux communications qui doivent être faites au début de l'audition, c'est-à-dire au moment où l'audition a déjà commencé, à toutes les personnes entendues.

Deux nouveaux droits ont été ajoutés dans ce nouveau paragraphe 1er numéroté, à savoir la communication succincte des faits sur lesquels la personne sera entendue et la communication de son droit de ne pas s'accuser elle-même.

Le paragraphe 2 qui est inséré énumère les nouveaux droits qui doivent être communiqués à toutes les personnes qui sont entendues sur des infractions qui peuvent leur être imputées, que ces personnes aient été arrêtées ou non.

Eu égard à la nature de ces communications, elles doivent être faites préalablement à l'audition.

Les communications qui doivent être faites au début de l'audition conformément au § 1er demeurent quant à elles aussi intégralement applicables.

Le nouveau troisième paragraphe a trait à la communication à l'égard de personnes qui ont été privées de leur liberté. Elles sont elles aussi informées conformément aux §§ 1er et 2, mais leur état de privation de liberté leur confère des droits supplémentaires, dont elles doivent être informées. Pour des raisons de transparence et de clarté, l'organisation concrète est insérée dans la loi du 20 juillet 2009 relative à la détention préventive et suit sa structure « chronologique ».

Enfin, un nouveau paragraphe 4 (relatif à la déclaration des droits envers toutes les personnes suspectes) ainsi qu'un nouveau paragraphe 5 (relatif aux conséquences du non-respect des dispositions qui le précèdent) sont insérés.

Concernant les modifications ou ajouts apportés par cet article sur le fond, nous aborderons successivement les droits suivants:

1) le droit de se taire et le droit de ne pas s'accuser soi-même;

2) le droit d'être informé des faits sur lesquels on sera entendu;

3) le droit de se concerter préalablement et confidentiellement avec un avocat;

4) la déclaration des droits;

5) la sanction.

1. Le droit de se taire et le droit de ne pas s'accuser soi-même

Le droit de se taire et le droit de ne pas s'accuser soi-même ne sont pas inscrits littéralement à l'article 6 de la CEDH, mais bien à l'article 14.3. g) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques:

« 3. Toute personne accusée d'une infraction pénale a droit, en pleine égalité, au moins aux garanties suivantes: (...)

g) à ne pas être forcée de témoigner contre elle-même ou de s'avouer coupable. »

Le droit de se taire a trait à la liberté de déclaration du suspect mais n'exclut pas que l'inculpé soit contraint à collaborer avec la justice et que des mesures contraignantes soient prises, comme le prélèvement d'un échantillon d'ADN.

Dans l'arrêt Brusco c. la France, du 14 octobre 2010, la Cour européenne des Droits de l'Homme dispose ce qui suit:

« § 44. La Cour rappelle que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable. »

Il ressort des auditions organisées ainsi que des documents existants et des pratiques en cours (circulaire du Collège des Procureurs généraux et manière de procéder proposée par les juges d'instruction) qu'il ne souffre aucune discussion non seulement que ces principes doivent être inscrits littéralement dans les textes de loi, mais également que la personne concernée a le droit d'en être informée (ce qu'on appelle l'obligation d'information).

Cependant, cela a peu de sens de prévoir le droit de ne pas faire de déclaration ou de ne pas répondre à des questions à l'égard de plaignants, de victimes, de déclarants ou de témoins (3) . Cela peut d'ailleurs parfois s'avérer contradictoire, par exemple vis-à-vis des personnes qui sont légalement tenues de faire une déposition, comme le témoin, que ce soit sous serment ou non. Le témoin est tenu de répondre aux questions du juge d'instruction. Si le témoin comparaît, prête serment, mais refuse ensuite de faire une déclaration, il est assimilé à une personne qui a refusé de comparaître et il encourt dès lors la sanction pénale définie à l'article 80 du Code d'Instruction criminelle (4) .

En revanche, il est jugé judicieux de communiquer le droit de ne pas s'accuser soi-même aux victimes, déclarants et témoins, de façon à ce qu'ils connaissent leurs droits en la matière, en particulier dans le cas où leur propre intervention pourrait contenir quelque chose de pénal.

C'est la raison pour laquelle ce droit a été inscrit au paragraphe 1er, qui s'applique à l'audition de toute personne entendue en quelque qualité que ce soit.

Pour des raisons de transparence, le fait de la communication de ce droit doit être consigné avec précision dans le procès-verbal d'audition.

Le nouveau paragraphe 2 définit quant à lui l'information qui doit être communiquée avant le début de l'audition à une personne qui sera entendue sur des infractions qui peuvent lui être imputées.

La disposition indique clairement que cela concerne une audition portant sur des infractions qui peuvent être imputées. Cela ne concerne donc pas l'audition relative à l'identité, à des renseignements ou à la restitution de pièces à conviction par exemple mais bien une audition sur le fond à propos d'une infraction imputée en vue de rassembler des éléments de preuve.

L'inculpé doit être informé avant le début de l'audition qu'il a le droit à ne pas s'accuser lui-même et le droit de se taire. Ce dernier droit est défini de façon plus positive et plus active par le biais des différentes actions qui s'offrent à lui: il peut choisir de faire une déclaration, il peut choisir de répondre aux questions qui lui seront posées ou il peut également choisir de se taire.

Ce dispositif s'inspire d'un projet de loi déposé le 13 octobre 2010 en France (5) , qui concrétise le droit de se taire comme suit:

« La personne placée en garde à vue est informée au début de son audition qu'elle a le choix, après avoir décliné son identité, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. »

2. Le droit d'être informé des faits sur lesquels on sera entendu

Un autre nouvel élément de fond parallèlement applicable aux §§ 1er et 2 concerne la communication, à la personne interrogée, de la nature des faits sur lesquels elle sera interrogée.

L'objectif n'est évidemment pas d'obliger les services de police à fournir, préalablement à la première audition, des explications détaillées sur la matérialité des faits. En outre, ce ne serait souvent pas encore possible dans la mesure où les faits ne sont généralement pas encore établis à ce stade de la procédure et où la première audition a précisément pour but de reconstituer les faits, d'assembler les pièces du puzzle et de faire apparaître la vérité.

La communication d'explications succinctes sur la nature des faits vise uniquement à informer la personne entendue quant au type de dossier sur lequel elle sera interrogée (p. ex. vol, coups et blessures, viol, ...), la définition/qualification juridique étant naturellement provisoire.

3. Le droit de se concerter confidentiellement avec un avocat avant la première audition

Une autre modification de fond importante apportée par cet article concerne l'instauration de la possibilité de se concerter confidentiellement avec un avocat préalablement à la première audition.

L'examen du champ d'application du droit à l'assistance d'un avocat conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l'Homme soulève la question des limites de ce droit.

Ainsi, la Cour a formulé, notamment dans l'arrêt Chabelnik c. Ukraine du 19 février 2009, la disposition suivante: « 58. The Court reiterates that in particular where a deprivation of liberty is at stake, the interests of justice in principle call for legal representation (see Benham v. the United Kingdom, no. 19380/92, § 61, 10 June 1996). »

Par ailleurs, il peut encore être référé notamment à l'arrêt Dayanan c. Turquie du 13 octobre 2009:

« 31. Elle estime que l'équité d'une procédure pénale requiert d'une manière générale, aux fins de l'article 6 de la Convention, que le suspect jouisse de la possibilité de se faire assister par un avocat dès le moment de son placement en garde à vue ou en détention provisoire. »

32. Comme le souligne les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir Salduz, précité, §§ 37-44) ..... »

Dans l'arrêt Zaichenko c. Russie du 18 février 2010, la Cour dispose ce qui suit: « 47. Moreover, the Court observes that the present case is different from previous cases concerning the right to legal assistance in pre-trial proceedings (see Salduz [GC], §§ 12-17 and Öcalan [GC], § 131, both cited above; see also Shabelnik, cited above, § 59; Panovits v. Cyprus, no. 4268/04, §§ 7-10, 11 December 2008; Kolu v. Turkey, no. 35811/97, §§ 14-22, 2 August 2005; Brennan v. the United Kingdom, no. 39846/98, § 41, ECHR 2001-X; Quinn v. Ireland, no. 36887/97, §§ 10-13, 21 December 2000; Averill v. the United Kingdom, no. 36408/97, § 55, ECHR 2000-VI; Magee v. the United Kingdom, no. 28135/95, §§ 8-15, ECHR 2000-VI; and Imbrioscia, §§ 9-19, cited above) because the applicant was not formally arrested or interrogated in police custody. He was stopped for a road check. This check and the applicant's self-incriminating statements were both carried out and made in public in the presence of two attesting witnesses. It is true that the trial record contains a statement by the applicant suggesting that the writing down of the inspection record and/or his subsequent statement were started on the spot but were completed in the village of Birofeld. Nevertheless, the Court concludes on the basis of the materials in the case file that the relevant events, namely the drawing of the inspection record and the taking of the applicant's explanation, were carried out in a direct sequence of events.

48. Although the applicant in the present case was not free to leave, the Court considers that the circumstances of the case as presented by the parties, and established by the Court, disclose no significant curtailment of the applicant's freedom of action, which could be sufficient for activating a requirement for legal assistance already at this stage of the proceedings. »

Dans l'arrêt Salduz, la Cour a établi que l'accès à un avocat revêt « une importance particulière dans le cas des infractions graves, car c'est face aux peines les plus lourdes que le droit à un procès équitable doit être assuré au plus haut degré possible par les sociétés démocratiques ».

Il ressort donc de cette jurisprudence que la Cour européenne attache une certaine gradation à la garantie du droit à l'assistance, en l'occurrence la gravité d'une affaire, et qu'elle accepte dès lors le critère de proportionnalité.

Il ne fait aucun doute qu'à la suite de l'arrêt Salduz et de la jurisprudence subséquente, il convient de garantir l'accès effectif à un avocat à partir du début de la privation de liberté, même en dehors de toute forme d'audition.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi prévoit explicitement qu'une personne qui a été privée de sa liberté a le droit de se faire assister par un avocat, sous la forme du droit de se concerter préalablement et confidentiellement avec un avocat ainsi que d'une assistance pendant l'audition elle-même (voir plus loin).

A noter que dans la proposition de loi déposée en France par exemple, le droit à l'assistance d'un avocat est uniquement prévu à l'égard de personnes « en garde à vue ».

En revanche, l'arrêt Salduz et la jurisprudence subséquente sont moins clairs sur ce qu'il convient de garantir à l'égard de personnes qui n'ont pas été arrêtées.

À l'égard des suspects qui n'ont pas été privés de leur liberté, l'option retenue consiste à leur accorder le droit de se concerter confidentiellement avec un avocat avant la première audition, mais uniquement pour des crimes et des délits susceptibles de donner lieu à un mandat d'arrêt conformément aux dispositions de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive.

Vu que d'après la jurisprudence Salduz la concertation avec l'avocat vise en premier lieu à rendre effectif et à garantir le droit de se taire de l'inculpé de manière à ce que celui-ci puisse prendre, en connaissance de cause et sur la base d'informations objectives, la décision de faire ou non une déclaration, le droit de concertation est également inscrit dans la disposition générale que constitue l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle.

Cette concertation prélable peut en outre aborder les éléments suivants: la communication d'informations sur la procédure et les droits de la personne en général, l'examen de l'affaire et la préparation de la défense, la recherche de preuves à décharge, la préparation de l'interrogatoire, et le soutien moral (6) .

La concertation confidentielle avec un avocat doit être considérée comme une exigence prioritaire (cf. l'avis du Conseil supérieur de la Justice du 25/11/2010).

Le droit de se faire assister par un avocat à l'audience même ne s'applique pas nécessairement à l'égard d'un suspect qui n'a pas été arrêté.

La différence essentielle entre un suspect qui a été arrêté et un suspect qui n'a pas été arrêté réside dans le fait que le second jouit de la liberté d'aller et venir.

Cela signifie qu'il peut à tout moment mettre un terme à l'audition et s'en aller, le cas échéant pour consulter une nouvelle fois un avocat.

En outre, vu la possibilité d'une concertation confidentielle préalable avec un avocat, au cours de laquelle l'avocat a l'opportunité de donner des précisions à propos de ce principe de « liberté d'aller et venir », les droits de la personne concernée sont suffisamment garantis.

Les deux catégories de personnes se retrouvent dès lors dans une position fondamentalement différente, si bien qu'il est justifié de les traiter différemment.

De même, l'établissement du lien entre la possibilité de concertation préalable et les crimes et délits susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt est lui aussi rationnel, adéquat et conforme à la jurisprudence européenne.

Compte tenu des critères de faisabilité, de praticabilité et d'efficacité qui doivent constituer le fil rouge, l'organisation d'une telle concertation confidentielle préalable pour toutes les infractions (y compris les infractions en matière de roulage, les contrôles routiers, ...) serait totalement impossible à réaliser, à la fois au plan budgétaire et au plan organisationnel.

À cet égard, il peut être référé aux auditions organisées avec les services de police.

Par ailleurs, il a été tenu compte du fait qu'en raison de législations spécifiques, de nombreuses instances en Belgique sont habilitées à procéder à des auditions, dans la très grande majorité des cas sans privation de liberté, ainsi que du fait que le principe du secret de l'instruction constitue une caractéristique de notre système juridique.

L'opportunité de mettre la barre au niveau des infractions entrant en ligne de compte pour une détention préventive (punissables d'un emprisonnement d'un an) trouve son explication dans le fait que les infractions les plus graves en matière de roulage (p.ex accident mortel, délit de fuite avec blessé, conduite sous alcool en état de récidive, ...) en font également partie et que la liste des délits du Code pénal qui sont punissables d'un emprisonnement de moins d'un an est plutôt limitée (7) . Cela est, par ailleurs, aussi conséquent par rapport à l'autre « seuil » qui a été intégré dans le texte, en l'occurrence la privation de liberté.

Modalités pratiques:

— Comme déjà indiqué, l'inculpé qui n'a pas été arrêté dispose de sa liberté d'aller et venir, si bien que ce droit de consultation préalable peut être appliqué avec souplesse dans la pratique.

Dans le cas d'une audition sur convocation, le droit de se concerter préalablement avec un avocat peut déjà être évoqué dans la convocation. L'intéressé devra donc normalement avoir entrepris lui-même les démarches nécessaires avant de se présenter à l'audition. La convocation sera jointe en copie au procès-verbal d'audition.

Lorsque l'audition n'a pas lieu sur convocation, le texte prévoit la possibilité de reporter l'audition à la demande du suspect qui n'a pas été arrêté de manière à lui donner la possibilité de se concerter préalablement avec son avocat.

Une application souple est également possible à cet égard: soit l'audition est reportée à une date ultérieure, soit on attend tout simplement la venue de l'avocat ou la possibilité est donnée de s'entretenir confidentiellement par téléphone avec l'avocat.

Les modalités d'organisation de la concertation dans ce dernier cas sont sciemment laissées libres pour permettre à la pratique de les définir de la façon la plus efficace possible.

Dans la mesure où le suspect jouit de sa liberté d'aller et venir, il n'est également pas nécessaire de prévoir des dispositions contraigantes en matière de temps d'attente.

— La concertation confidentielle doit principalement être garantie à l'occasion de la première audition, compte tenu de la situation précaire dans laquelle se trouve alors la personne entendue puisque c'est la première fois qu'elle entre en contact avec les autorités policières et judiciaires.

La situation est quelque peut différente lors d'une audition subséquente. Il appartient à l'intéressé d'entretenir régulièrement des contacts avec son avocat.

Si l'intéressé n'a pas été arrêté, il jouit de la liberté d'aller et venir et peut prendre toutes les dispositions pour voir son avocat.

L'objectif ne peut être que les services de police doivent garantir un droit de consultation préalable pour chaque audition subséquente.

L'inculpé a toutefois le droit de demander à être réentendu après s'être concerté avec son avocat. Cela est déjà possible sur la base de la législation actuelle, en l'occurrence l'article 47bis, 1., b), du Code d'Instruction criminelle.

— Un inculpé non arrêté qui dispose de revenus insuffisants et qui souhaite faire appel à l'aide juridique gratuite doit s'en charger lui-même via les règles ordinaires (se présenter au bureau d'aide juridique du palais de justice, ...). On ne travaille donc pas ici via le service de permanence du barreau.

— La possibilité de renoncer au droit à l'assistance d'un avocat est acceptée par la Cour européenne des Droits de l'Homme à condition que la renonciation puisse se faire de manière réfléchie. La personne concernée doit pleinement mesurer toute la portée de ces droits (elle doit savoir à quoi elle renonce) et en cas de renonciation implicite résultant de l'attitude de l'inculpé, il faudra démontrer que l'inculpé pouvait raisonnablement prévoir les conséquences de cette attitude (8) .

Dans l'arrêt Sharkunov et Mezentsev c. la Russie, du 10 juin 2010, la Cour européenne des Droits de l'Homme dispose également ce qui suit:

« 106. The Court reiterates that neither the letter nor the spirit of Article 6 of the Convention prevents a person from waiving of his own free will, either expressly or tacitly, the entitlement to the guarantees of a fair trial (see Hermi v. Italy [GC], no. 18114/02, § 73, ECHR 2006-XII). However, such a waiver must, if it is to be effective for Convention purposes, be established in an unequivocal manner and be attended by minimum safeguards commensurate with its importance. »

La proposition de texte prévoit que la renonciation doit être confirmée par écrit et signée par le suspect.

4. La déclaration des droits

Une autre innovation apportée résulte de l'évolution au niveau de l'Union européenne et des discussions qui y sont en cours à propos du projet de directive concernant le droit aux informations relatives aux droits dans le cadre de la procédure pénale et relatives à l'accusation, comme indiqué ci-avant dans le contexte général.

Le § 4 en projet pose le principe qu'une déclaration écrite des droits doit être remise avant la première audition à tout inculpé, qu'il ait été arrêté ou non.

Les modalités concrètes de cette déclaration seront élaborées par le Roi. Cette manière plus flexible de procéder permettra de déterminer de façon très concrète sous quelle forme cette déclaration devra se présenter, quels droit seront précisément accordés dans telle ou telle déclaration, comment formuler la déclaration dans un langage qui doit être simple et compréhensible, ... (9) .

5. Sanction

Pour terminer, le nouveau § 5 en projet précise les conséquences en cas de non-respect des droits et des démarches qui ont été définis aux §§ 1 à 4.

À cet égard, il peut être renvoyé à l'arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2010 (points 29 et 30) qui dispose ce qui suit:

« (traduction) 29. Il est en règle générale porté atteinte au droit de défense et au droit à un procès équitable lorsqu'un inculpé fait des déclarations pendant une audition par la police sans possibilité d'assistance d'un avocat.

30. Cette circonstance n'a toutefois pas automatiquement pour conséquence qu'il soit définitivement impossible de traiter équitablement l'affaire d'un inculpé, et subséquemment prévenu ou accusé. Lorsque les déclarations ne sont pas utilisées comme preuve déterminante par le juge, qu'il n'y a manifestement pas eu usage d'abus ou de contrainte et que le prévenu ne s'est pas trouvé dans une position vulnérable au moment de l'audition et pendant l'instruction, ou qu'il ait été remédié de façon effective et adéquate à la situation vulnérable du prévenu, le caractère équitable du procès demeure préservé. »

Le texte de loi dispose que la condamnation d'une personne ne peut être fondée de manière exclusive, ni dans une mesure déterminante, sur des éléments de preuve obtenus à l'occasion d'une audition qui n'a pas été effectuée conformément aux dispositions des §§ 1 à 4.

Cette disposition est inspirée de la formulation de l'actuel article 189bis, dernier alinéa, du Code d'Instruction criminelle, relatif aux témoignages anonymes.

Chapitre 3 — Dispositions modifiant la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive

Article 3 (article 2bis de la loi relative à la détention préventive)

1. Législation actuelle

Notre législation offre dans le cadre de la détention préventive déjà bon nombre de droits à l'inculpé en vue de préserver son droit de défense et son droit à un procès équitable.

À la fois le Conseil supérieur de la Justice (dans son avis du 25 novembre 2010) et la Cour de cassation (dans divers arrêts) en dressent une liste, notamment:

— la brièveté du temps de privation de liberté fixé constitutionnellement;

— la remise immédiate à l'inculpé, au moment de la signification du mandat d'arrêt, de toutes les pièces visées aux articles 16, § 7, et 18, § 2, de la loi relative à la détention préventive;

— le droit pour l'inculpé de communiquer dès cet instant librement avec son avocat, conformémement à l'article 20, §§ 1er et 2, de la loi précitée. Il n'est même pas possible d'exclure ce droit d'accès permanent à un avocat en cas de mise au secret;

— la possibilité d'avoir, dans un délai très court (5 jours), un débat contradictoire devant la juridiction d'instruction (la chambre du conseil, avec possibilité d'appel devant la chambre des mises en accusation), conformément à l'article 21 de la loi précitée;

— la possibilité, dans le cadre de cette procédure, de consulter la totalité du dossier un jour ouvrable avant l'audience (article 21, § 3, de la loi précitée);

— la présence de l'avocat lors de l'interrogatoire récapitulatif devant le juge d'instruction (article 22, alinéa 3, de la loi précitée);

— la possibilité de demander l'accomplissement d'actes d'instruction complémentaires conformément aux articles 61quinquies et 127 du Code d'Instruction criuminelle;

— la possibilité pour le juge, aussi longtemps que l'instruction n'est pas close, de rendre une ordonnance de remise en liberté qui n'est susceptible d'aucun recours;

— la consultation du dossier et la libre communication du prévenu avec son avocat pendant la procédure devant le juge du fond.

2. Modifications apportées par la proposition de loi

Comme déjà exposé en grande partie dans le cadre du commentaire du texte proposé pour l'article 47, § 2, du Code d'Instruction criminelle, le moment de la privation de liberté constitue, dans la jurisprudence européenne, le moment-clé en ce qui concerne l'assistance de l'avocat.

La Cour européenne des Droits de l'Homme estime que l'accès à un avocat doit être prévu dès la première audition, compte tenu de la situation précaire dans laquelle se trouve alors la personne entendue puisque c'est la première fois qu'elle entre en contact avec les autorités policières et judiciaires.

La Cour souligne que la phase initiale de l'instruction peut être déterminante pour la collecte de preuves et peut en ce sens influencer le reste de la procédure et le procès lui-même. Il en résulte qu'un suspect qui ne jouit pas de sa liberté d'aller et venir se retrouve dans une position particulièrement vulnérable, une vulnérabilité à laquelle seule l'assistance d'un avocat peut remédier.

La Cour accorde cependant aussi le droit à l'assistance d'un avocat en dehors de tout interrogatoire, comme par exemple dans l'arrêt Dayanan c. la Turquie, du 13 octobre 2009:

« 32. Comme le soulignent les normes internationales généralement reconnues, que la Cour accepte et qui encadrent sa jurisprudence, un accusé doit, dès qu'il est privé de liberté, pouvoir bénéficier de l'assistance d'un avocat et cela indépendamment des interrogatoires qu'il subit (pour les textes de droit international pertinents en la matière, voir Salduz, précité, §§ 37-44) ... ».

Il est donc clair qu'il convient de modifier notre législation, dans la mesure l'assistance d'un avocat est prévue seulement après l'audition par le juge d'instruction, et de prévoir également cette assistance durant les premières vingt-quatre heures de la privation de liberté.

Le paragraphe 1er de l'article 2bis proposé prévoit le droit d'une concertation confidentielle préalablement à la première audition par les services de police.

En raison de circonstances ou dans le cas exceptionnel de l'article 59 du Code d'Instruction criminelle (le juge d'instruction agissant dans un cas de flagrant délit), il peut arriver exeptionnellement que l'inculpé n'ait pu être entendu par les services de police. Lorsque, dans pareil cas, la première audition est effectuée par le procureur du roi ou par le juge d'instruction, la concertation confidentielle doit bien entendu également être garantie.

Cette disposition est parallèle à celle prévue à l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle à l'égard de personnes qui n'ont pas été arrêtées.

Par conséquent, il peut être renvoyé à ce qui a été dit plus haut à cet égard, étant entendu que la concertation avec l'avocat est également susceptible de porter sur le contrôle des conditions de la détention.

De nouveau, la concertation préalable doit uniquement être garantie avant la première audition. En effet, les dispositions de la loi relative à la détention préventive (article 20 de ladite loi) permettent à l'inculpé de communiquer librement avec son avocat et excluent une mise au secret vis-à-vis de l'avocat.

Les modalités d'organisation de la concertation (par téléphone ou sur place), sauf dans la mesure où elles sont explicitement définies dans le texte de la loi, sont quant à elles laissées les plus libres possibles pour permettre à la pratique de les définir de la façon la plus efficace possible.

La différence avec l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle se situe au niveau du fait que des règles complémentaires plus spécifiques sont nécessaires en l'occurrence, en raison de l'extrême brièveté du délai d'arrestation applicable (24 heures).

Il s'agit plus particulièrement des éléments suivants:

— le délai dans lequel la concertation avec l'avocat doit avoir lieu, à savoir dans les 2 heures;

— la durée de la concertation, à savoir maximum 30 minutes;

— l'organisation avec les barreaux, à savoir la nécessité d'une permanence;

— la possibilité d'avoir une concertation confidentielle par téléphone avec la permanence si, en raison de circonstances, la concertation confidentielle prévue n'a pas pu avoir lieu dans les deux heures, après quoi l'audition pourra débuter;

— des exigences plus strictes en ce qui concerne la possibilité de renonciation. La Cour européenne considère en effet que plus les faits faisant l'objet de l'inculpation sont graves ou plus l'inculpé est une personne vulnérable, il convient dans ces cas de poser des exigences plus sévères pour la définition des modalités concrètes du droit d'assistance. C'est pour cette raison qu'un mineur d'âge qui a été privé de liberté n'est pas en mesure de renoncer à ce droit, tandis qu'une personne arrêtée majeure pourra uniquement le faire après concertation confidentielle par téléphone avec la permanence.

Leparagraphe 2 prévoit l'assistance de l'avocat lors de l'audition.

Dans l'arrêt Brusco c. la France, du 14 octobre 2010, la Cour dispose ce qui suit:

« 1. La Cour rappelle également que la personne placée en garde à vue a le droit d'être assistée d'un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu'elle n'a pas été informée par les autorités de son droit de se taire. »

L'assistance de l'avocat du suspect lors de l'interrogatoire par la police doit être axée sur la préservation des droits de l'intéressé. Pour rappel, il est utile de mentionner que l'assistance doit être « effective ». Conformément à la jurisprudence de la CEDH, elle remplit trois fonctions essentielles:

1º le respect du droit de ne pas s'accuser soi-même et du droit de se taire;

2º le traitement réservé à la personne interrogée durant l'audition, en particulier la question de savoir s'il n'y a pas eu usage d'abus ou de contrainte;

3º la notification des droits de la défense visés à l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle et la régularité de l'audition.

La Cour n'indique cependant pas si l'avocat a le droit d'intervenir ou non pendant l'audition, ni s'il suffit par exemple qu'il formule ses remarques ultérieurement.

Cette question semble donc pouvoir être réglementée conformément aux dispositions et usages du droit interne et compte tenu du triple objectif de l'assistance de l'avocat comme exposé plus haut.

Les auteurs de la proposition de loi condidèrent que les situations suivantes NE SONT PAS AUTORISÉES:

— l'audition ne peut pas dériver vers une plaidoirie de l'avocat vis-à-vis de la personne qui interroge;

— l'avocat ne peut pas soulever de contestations juridiques, ni entrer en discussion avec les verbalisants;

— l'avocat ne peut pas faire cesser l'audition, ni l'influencer, mais doit au contraire faire preuve de retenue de manière à ce que l'audition puisse connaître un déroulement normal;

— pendant l'audition, l'avocat ne peut pas parler à son client, ni lui glisser quelque chose à l'oreille, ni se concerter ou avoir des contacts avec lui (par des signes par exemple);

— l'avocat ne peut pas répondre à la place du client;

— l'avocat ne peut pas s'opposer à ce qu'une question soit posée.

PAR CONTRE, les situations suivantes peuvent être AUTORISÉES:

— l'audition peut être interrompue/suspendue en cas de nouvel élément (élément non connu lors de la concertation confidentiel préalable — des faits de toxicomanie sont révélés dans un dossier de viol par exemple) ou une seule fois à la demande du suspect pour permettre à l'avocat de se concerter à nouveau en toute confidentialité avec son client pendant 15 minutes maximum;

— l'avocat peut demander qu'il soit fait immédiatement mention dans le procès-verbal de ses remarques concernant la violation des trois objectifs précités.

Il semble indiqué d'inscrire uniquement dans le texte de loi ce qui est autorisé. Les dispositions contenues dans les développements doivent être lues et appliquées conjointement avec le texte de loi.

Le droit à l'assistance lors de l'audition est inscrit au chapitre 1er de la loi relative à la détention préventive, qui traite des premières vingt-quatre heures de la privation de liberté.

Il s'agit d'un choix délibéré vu la situation particulièrement précaire dans laquelle l'inculpé se trouve à ce moment-là.

Il en va autrement à partir du moment où la personne a été placée sous mandat d'arrêt.

Comme indiqué plus haut, le Code d'Instruction criminelle prévoit dans ce cas déja nombre de droits complémentaires et de procédures relativement lourdes, qui garantissent des droits étendus dans notre système juridique encore et toujours basé sur le principe du secret de l'instruction.

La question peut être posée de savoir si ces droits ne suffisent pas à garantir un procès équitable.

Il convient de prendre également en considération les implications organisationnelles et budgétaires.

Afin que la période de la détention préventive demeure la plus courte possible, les dossiers portant sur des personnes qui ont été arrêtées sont aujourd'hui traités prioritairement. Or, l'efficacité de l'instruction risque d'être à ce point entravée que l'inculpé lui-même n'en retire aucun bénéfice.

Lesparagraphes 3 et 4 introduisent deux nouveaux droits: le droit d'informer une personne de confiance de l'arrestation ainsi que le droit à une assistance médicale, en ce compris le droit de demander un examen par un médecin de son choix.

Ces droits existent déjà dans le cadre des arrestations administratives, aux articles 33quater et 33quinquies de la loi du 5 août 1992 sur la fonction de police. Ils sont désormais ausi prévus explicitement pour les arrestations judiciaires. La formulation présente un parallélisme avec celle des dispositions de la loi sur la fonction de police.

À propos du droit d'informer une personne de confiance, il peut être référé aux « normes CPT » en la matière, où ce droit figure en deuxième position sur la liste des droits que le CPT juge les plus importants (10) .

Le CPT définit ce droit comme suit:

« The right of those concerned to have the fact of their detention notified to a third party, close relative or consular representation ».

En d'autres termes, il n'est pas requis que la personne concernée doive pouvoir procéder elle-même à cette communication.

Il est également évident que les personnes qui interrogent ont une obligation de moyens et non une obligation de résultats. Elles sont tenues de faire ce qui est possible dans les circonstances données pour avertir une personne de confiance.

Pour être complet, il convient d'observer que le CPT autorise également des exceptions (en cas de risque de collusion, par exemple) et accorde aussi la possibilité de reporter ce droit pour des raisons bien définies et pour un délai bien précis, lequel a été fixé à 48 heures en 2007.

Dans la proposition de loi, cette dérogation a été intégrée dans le texte du paragraphe 5.

Le paragrahe 4 confirme le droit à une assistance médicale et sa formulation est entièrement analogue à celle de la disposition concernant les arrestations administratives.

Le paragraphe 5 accorde au procureur du Roi ou, le cas échéant, au juge d'instruction la possibilité de décider de déroger, pour motifs impérieux, aux droits accordés aux paragraphes 1er, 2 et 3, à savoir le droit à une concertation confidentielle, le droit à l'assistance par l'avocat et le droit d'informer une personne de confiance de l'arrestation.

À la fois le CPT et la jurisprudence Salduz autorisent cette possibilité d'exception et la proposition de loi reprend littéralement la formulation utilisée par la Cour européenne:

L'arrêt Salduz dispose que le droit à l'assistance d'un avocat ne peut être restreint, « sauf à démontrer, à la lumière des circonstances particulières de l'espèce, qu'il existe des raisons impérieuses de restreindre ce droit. »

Les circonstances particulières et les raisons impérieuses doivent être décrites dans la décision motivée du procureur ou du juge d'instruction.

L'option est donc prise de ne pas définir ces exceptions de manière générale dans la loi (par exemple, exception pour les dossiers terroristes, ...) mais de les motiver concrètement pour chaque dossier.

Cela implique qu'il sera possible d'apprécier a posteriori si des raisons impérieuses particulières pour priver une personne de certains droits étaient bien présentes dans un dossier concret et si le droit à un procès équitable a été violé ou non.

Cette appréciation pourra être faite à la fois par les juridictions d'instruction, par le juge du fond et par la Cour européenne des Droits de l'Homme elle-même.

Exemples de dossiers dans lesquels une telle mesure est susceptible de s'imposer:

— une affaire d'enlèvement, où il faut pouvoir réagir rapidement afin de localiser la victime qui est peut-être en danger de mort;

— une grave affaire de terrorisme, qui menace potentiellement la sécurité générale.

Article 4 (article 15bis de la loi relative à la détention préventive)

L'article 15bis en projet est un article nouveau, dont l'insertion dans la loi a été rendue nécessaire pour les raisons suivantes.

L'article 12 de la Constitution dispose que nul ne peut être arrêté qu'en vertu de l'ordonnance motivée du juge, qui doit être signifiée au moment de l'arrestation, ou au plus tard dans les vingt-quatre heures.

Depuis longtemps, les différents acteurs de la justice abordent la question de l'extrême brièveté du délai de 24 heures (11) . La jurisprudence Salduz impose à présent de nouvelles obligations complémentaires, à remplir dans ce délai.

Le service de la Politique criminelle a établi un tableau récapitulatif de droit comparé des délais d'arrestation applicables dans tous les pays européens en se basant sur l'étude réalisée par A.M. Kalmthout, M.M. Knapen et C. Morgenstein (12) . Ce tableau est joint en annexe.

Il en ressort que la majorité des pays prévoit un double délai, en l'occurrence un premier délai pour présenter le suspect devant le juge ou le tribunal et ensuite un second délai dans lequel cette instance doit prendre une décision.

Cela a pour conséquence que dans la plupart des pays, le délai d'arrestation est considérablement plus long qu'en Belgique.

Il s'agit d'un élément qui a également son importance dans l'optique d'une interprétation correcte des arrêts de la Cour européenne, en ce sens qu'il est possible, dans de nombreux pays, d'effectuer plusieurs auditions dans les limites du délai d'arrestation.

Seuls le Luxembourg et la Roumanie appliquent une règle identique de 24 heures, dans lesquelles doivent intervenir non seulement la comparution devant le juge, mais également la décision de celui-ci à propos de la détention préventive.

En Belgique et en Roumanie, ce délai est en outre inscrit dans la Constitution.

Au plan politique, une majorité a exprimé sa préférence pour le maintien du délai d'arrestation de 24 heures, considéré comme un principe important pour la protection de la liberté des personnes.

Cependant, on n'ignorait également pas qu'il deviendra difficile de respecter le délai constitutionnel de 24 heures du fait de l'instauration de l'assistance de l'avocat.

Il ressort des auditions qui ont été organisées que le respect du délai de 24 heures poserait souvent problème pour des grandes enquêtes principalement (p. ex. des enquêtes dans lesquelles une bande criminelle a été démantelée et où des dizaines de personnes ont été arrêtées), d'autant qu'un avocat peut difficilement assister plusieurs personnes arrêtées dans un même dossier (13) et qu'il faut souvent avoir recours à des interprètes.

En d'autres termes, il peut en résulter que les personnes arrêtées n'ont pas toutes pu bénéficier d'une concertation préalable avec leur avocat ou que celle-ci n'a pu avoir lieu que tardivement, la conséquence étant que l'audition n'a pu être effectuée dans le délai de 24 heures légalement prévu.

En d'autres termes, des dossiers de cette ampleur courent le risque de tourner court pour cause de violation du droit à un procès équitable. D'où l'importance de déjà y parer, d'une manière ou d'une autre, afin d'éviter les problèmes et l'indignation publique et de mettre de tels dossiers à l'abri.

En pareils cas, il est dès lors justifié que le juge d'instruction puisse, à une seule reprise, rendre une ordonnance motivée permettant que le délai de 24 heures soit prolongé exceptionnellement de 24 heures maximum.

Il est par ailleurs également ressorti des auditions qui ont été organisées qu'une prolongation est également susceptible de permettre dans certains dossiers aux juges d'instruction d'être mieux informés pour prendre une décision concernant la détention préventive. Il serait ainsi possible d'examiner et d'ajouter des éléments afférents à une éventuelle mise en liberté sous conditions, par exemple.

En ce sens, une prolongation est également susceptible de contribuer à la protection de la liberté de la personne et à une diminution du recours à la détention préventive.

L'article 15bis en projet énonce une solution qui est compatible avec le prescrit actuel de l'article 12 de la Constitution, ce en attendant un débat approfondi sur une éventuelle modification de la Constitution. En effet, l'article 12 de la Constitution a entre-temps été inscrit dans la liste des articles ouverts à révision.

Cela a été dicté par le principe d'une prolongation ponctuelle du délai d'arrestation, ce précisément dans les cas concrets où il est démontré que cela se justifie. On n'est donc pas partisan d'une prolongation systématique, ni automatique de 24 heures à 48 heures.

Une ordonnance de prolongation peut être rendue sur réquisition du procureur du Roi ou sur l'initiative personnelle du juge d'iunstruction.

Une telle ordonnance ne peut être rendue qu'à une seule reprise dans un dossier.

En sa qualité de juge indépendant, le juge d'instruction décide souverainement d'accéder ou non à la réquisition du procureur du Roi. S'il n'y accède pas, l'inculpé doit être mis en liberté.

Une réquisition du procureur du Roi au juge d'instruction implique généralement l'ouverture d'une instruction et la poursuite de l'enquête par le juge d'instruction.

Ceci pourrait toutefois engendrer à nouveau une augmentation sensible du nombre d'instructions. Davantage d'instructions implique également davantage de règlements de la procédure et donc des audiences supplémentaires de la chambre du conseil s'accompagnant de possibilités de recours devant la chambre des mises en accusation, ... Bref, la chaîne judiciaire et les délais de traitement seront à nouveau sensiblement allongés. Il peut également être renvoyé au premier « non paper » du ministre de la Justice, dans lequel il était proposé de faire exécuter la réquisition du procureur du Roi par le biais de la mini-instruction (article 28septies du Code d'Instruction criminelle).

L'ordonnance de prolongation proprement dite doit être motivée. De manière à ne pas obtenir des motivations standard, il est explicitement indiqué dans la loi quels éléments au moins doivent figurer dans l'ordonnance.

En ce qui concerne le premier élément, il convient d'indiquer dans la motivation qu'il y a, sur la base du dossier, à cet instant suffisamment de raisons sérieuses qui requièrent que la personne soit désormais privée de sa liberté. En effet, conformément à l'article 12 de la Constitution, un juge doit se prononcer dans les 24 heures par une ordonnance motivée sur la nécessité de priver la personne de sa liberté.

En ce qui concerne le deuxième élément, il convient d'indiquer dans la motivation quelles sont les circonstances concrètes qui justifient une prolongation.

Ces raisons peuvent se situer à la fois dans le passé ou dans l'avenir:

Il se peut que certains droits ne puissent être garantis au cours des premières 24 heures en raison de circonstances exceptionnelles inhérentes à l'affaire ou à la personne. Ces circonstances doivent être expliquées dans la motivation (p.ex la personne n'a pu être entendue parce qu'elle avait été admise à l'hôpital, parce qu'elle était saoûle, parce qu'il n'y avait qu'un seul interprète pour plusieurs suspects, ...).

Il se peut également que le juge d'instruction souhaite disposer de davantage de temps pour pouvoir décider si un mandat d'arrêt sera décerné ou si une mise en liberté sous condition sera accordée.

En tant que troisième élément, le juge d'instruction doit énumérer explicitement dans son ordonnance motivée quels actes d'instruction doivent encore être posés.

Enfin, il est également tenu de renseigner explicitement de combien de temps le délai sera prolongé (jamais plus de 24 heures). Ce nouveau délai doit figurer dans l'ordonnance et doit correspondre à la durée qui a été nécessaire pour l'application de l'article 2bis et de l'article 47bis, § 2, 3º, du Code d'instruction criminelle.

L'ordonnance de prolongation doit être signifiée à l'inculpé dans les 24 heures de la sa privation de liberté effective, ce sous peine de sa mise en liberté. Ceci est en conformité avec ce qui est prévu pour le mandat d'amener.

L'ordonnance de prolongation n'est susceptible d'aucun recours. Cela est explicitement précisé de manière à exclure toutes discussions futures à ce sujet.

En guise de garantie complémentaire, l'inculpé a le droit de se concerter confidentiellement avec son avocat pendant la durée de la prolongation.

Article 5 (article 16 de la loi relative à la détention préventive)

1. Législation actuelle

L'article 16, § 2, de la loi relative à la détention préventive impose au juge d'instruction l'obligation d'interroger personnellement l'inculpé mis à disposition sur les faits incriminés et de l'entendre en ses observations à ce sujet.

À l'issue de l'audition sur les faits, le juge d'instruction doit informer la personne concernée qu'un mandat d'arrêt est susceptible d'être décerné à son encontre et il doit ensuite l'entendre en ses observations à ce sujet.

L'audition doit se dérouler dans une langue que l'inculpé comprend. Le cas échéant, elle se déroulera avec l'aide d'un interprète.

Les données de l'audition et les observations de l'inculpé doivent être relatées au procès-verbal qu'il convient de rédiger.

Il s'agit d'une règle de forme substantielle.

Cette audition doit avoir lieu avant qu'un mandat d'arrêt soit décerné, lequel doit être signifié dans les 24 heures de la privation de liberté.

Cela signifie par conséquent que le juge d'instruction doit accomplir les actes suivants dans les limites du délai d'arrestation de 24 heures:

— interroger l'inculpé;

— rédiger le procès-verbal d'audition;

— rédiger le mandat d'arrêt motivé.

2. Modifications apportées par la proposition de loi

Au préalable, il semble indiqué de s'attarder quelque peu sur les considérations concernant l'instauration ou non d'un débat contradictoire devant le juge d'instruction.

Lors de l'audition du 20 octobre 2010, monsieur Damien Vandermeersch, avocat général près la Cour de cassation, proposa un système alternatif qui consistait à conférer un contenu plutôt minimal à l'assistance d'un avocat lors de l'audition par la police tout en compensant cela par l'octroi de droits plus étendus lors de la phase devant le juge d'instruction (concertation confidentielle préalable, accès limité au dossier, audition en présence de l'avocat et avec débat contradictoire). Pour que cela soit possible, le juge d'instruction disposerait de l'opportunité de prolonger le délai d'arrestation de 24 heures, ce après avoir contrôlé prima facies si les conditions pour la délivrance d'un mandat d'arrêt sont potentiellement réunies. La prolongation du délai d'arrestation constitue en l'occurrence non pas un élément ponctuel, mais un élément structurel.

Le Conseil supérieur de la Justice a formulé le 25 novembre 2010 un avis complémentaire concernant l'assistance d'un avocat lors de la phase devant le juge d'instruction et la prolongation du délai de privation de liberté. Dans son avis, le Conseil supérieur soulignait que si l'assistance de l'avocat devait également comporter la possibilité de faire valoir des arguments concernant la délivrance d'un mandat d'arrêt, l'égalité des armes exigeait en toute logique que le ministère public puisse y prendre part, ce dans le cadre d'un véritable débat contradictoire.

Par ailleurs, le Conseil supérieur de la Justice estimait que l'intervention de l'avocat lors de l'audition par le juge d'instruction ouvrait en quelque sorte une brèche dans notre système inquisitorial strict, ce qui situe la réflexion à un tout autre niveau que la réflexion dans le cadre de l'avis demandé.

Le débat contradictoire devant le juge d'instruction n'a pas été retenu dans la mesure où cela requiert un débat plus fondamental et où cela s'inscrit dans le cadre d'une plus vaste réforme de la détention préventive. Cela suppose en outre des services de garde supplémentaires au niveau du parquet et des juges d'instruction. Considérant, enfin, que le nombre d'auditions devant les juges d'instruction concerne seulement une minorité des dossiers dans lesquels il a été procédé à une privation de liberté (en l'occurrence 13 769 dossiers sur 94 995 arrestations confirmées), cette option n'offre pas de solution dans le cadre de Salduz pour les nombreux dossiers dans lesquels il n'y a pas d'audition devant le juge d'instruction.

Il est, tout au plus, autorisé à l'avocat, à l'instar de son client, de faire part au juge d'instruction de ses observations concernant la possibilité qu'un mandat d'arrêt soit décerné. Le juge doit l'entendre mais n'est pas tenu d'engager un débat contradictoire avec celui-ci afin de répondre aux observations formulées par l'avocat et son client.

Modalités pratiques

Comme déjà indiqué, l'option fondamentale retenue consiste à maintenir le délai de 24 heures et à réserver sa prolongation à des cas exceptionnels.

Cela implique que la détermination des droits doit se faire par rapport à ce bref délai de 24 heures et en tenant compte des possibilités pratiques et organisationnelles dans les limites de ce délai.

— Concertation confidentielle préalable

Vu l'extrême brièveté du délai d'arrestation de 24 heures, l'avocat a eu l'opportunité de se concerter confidentiellement avec son client peu de temps avant seulement, si bien qu'il ne semble pas opportun de lui accorder à nouveau cette possibilité quelques heures plus tard.

Il n'est également pas réalisable de concevoir à nouveau un temps d'attente de 2 heures 30 minutes dans ce bref délai de 24 heures.

À cela s'ajoutent des objections matérielles pratiques.

Le 2 décembre 2010, le ministre de la Justice a adressé un courrier aux 27 présidents des tribunaux de première instance pour demander s'ils disposent de suffisamment de locaux afin de pouvoir assurer pareil entretien préalable. Plus de la moitié des présidents ont dit ne pas dispsoser de locaux en nombre suffisant et/ou ont fait état de problèmes de sécurité.

Dans certains arrondissements, la concertation avec l'avocat a lieu, par la force des choses, dans le couloir et la question peut être posée de savoir si cela répond encore à la notion « concertation confidentielle ».

— Assistance lors de l'audition par le juge d'instruction

Le placement sous mandat d'arrêt constitue une mesure particulièrement radicale à l'égard d'une personne qui est présumée être innocente.

L'audition préalable par le juge d'instruction constitue dès lors un moment important, si bien que l'assistance d'un avocat semble justifiée.

L'assistance d'un avocat lors de la première audition par le juge d'instruction peut donner lieu à une application relativement souple. En effet, l'avocat sait depuis la phase préalable au niveau de la police à quel moment son client a été arrêté et dans quel délai maximal il devra comparaître devant le juge d'instruction. Quoi de plus normal dès lors qu'un avocat qui souhaite assister à cette audition doive pendre ses dispositions ? Par ailleurs, la loi prévoit que le juge d'instruction est tenu d'informer à temps l'avocat du moment fixé pour l'audition.

Si l'avocat n'est pas présent au moment prévu, l'audition peut débuter. En cas d'arrivée tardive, l'avocat peut, dès son arrivée, assister au reste de l'audition.

Concernant le rôle de l'avocat devant le juge d'instruction, la question se pose de savoir s'il y a bien lieu de définir ce rôle in extenso, dans la mesure où celui-ci existe déjà et est prévu à l'article 22, § 3, et où il ne donne pas lieu à des difficultés dans la pratique. Si la nécessite s'impose d'inscrire le rôle exact de l'avocat lors d'une audition par les services de police in extenso dans la loi afin d'éviter toutes discussions et difficultés à ce sujet, cela apparaît moins indispensable pour l'audition dirigée par un magistrat.

Dans l'optique d'un maximum de cohérence possible, l'option retenue est un simple renvoi aux dispositions afférentes à l'audition par la police.

— Accès au dossier

Au préalable, il convient d'observer que la dite jurisprudence Salduz ne fait aucune déclaration et n'impose aucune exigence à cet égard.

Dans l'état actuel de la réglementation européenne, il est uniquement exigé qu'un inculpé ait accès à son dossier avant que celui-ci soit apprécié sur le fond ainsi que dans le cadre de l'appréciation d'une éventuelle détention préventive.

Dans son avis du 25 novembre 2010, le Conseil supérieur de la justice propose que l'avocat doive avoir accès à la totalité du dossier répressif, le juge d'instruction pouvant certes, par une ordonnance motivée, interdire l'accès au dossier où à certaines parties de celui-ci dans l'intérêt de l'instruction.

Il résulte toutefois d'une telle disposition que le juge d'instruction devra le cas échéant encore prendre une décision et une ordonnance motivée supplémentaires dans les limites du bref délai de 24 heures.

Cela fera à nouveau augmenter la pression du travail.

Lors des auditions qui ont été organisées, les juges d'instruction ont mis en garde contre l'introduction d'une telle disposition.

Il importe à cet égard de maintenir un équilibre entre les droits de défense et la nécessaire efficacité de recherche.

En effet, l'opportunité de l'accès au dossier à cet instant de la procédure pose question: cela a-t-il un sens d'accorder l'accès à l'apostille du juge d'instruction par laquelle celui-ci demande des actes d'instruction complémentaires, par exemple une perquisition (risque de dissimulation de pièces) ou l'accès aux déclarations d'un co-suspect lorsqu'on souhaite encore procéder à une confrontation ?

En outre, une personne placée sous mandat d'arrêt doit comparaître devant la chambre du conseil à brève échéance, en l'occurrence dans les 5 jours.

Conformément à l'article 21, § 2, de la loi relative à la détention préventive, l'inculpé a accès au dossier un jour ouvrable avant.

En outre, des objections d'ordre pratique se posent à cet égard aussi: la durée accordée à l'avocat pour exercer son droit d'accès (combien de temps) devra une nouvelle fois se situer dans les limites du bref délai de 24 heures, le greffier devra le cas échéant faire une copie des pièces et des locaux devront être disponibles pour permettre à l'avocat de consulter les pièces.

Pour toutes ces raisons, l'option retenue est de ne pas modifier la législation existante sur ce point.

Enfin, une modification est encore apportée au paragraphe 4 de cet article.

Ladite disposition prévoit aujourd'hui que le juge d'instruction doit informer l'inculpé qu'il a le droit de choisir un avocat. Si l'inculpé n'a choisi ou ne choisit aucun avocat, le juge en informe le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué.

Conformément aux principes de la jurisprudence Salduz, la présente proposition de loi prévoit que l'offre de l'assistance d'un avocat doit déjà intervenir à un stade antérieur. Qui plus est, un inculpé qui a été arrêté ne peut renoncer à ce droit qu'après un entretien téléphonique avec le service de permanence organisé par les barreaux.

La disposition est dès lors réécrite de telle manière que l'inculpé qui n'a pas fait appel à un avocat se fasse une nouvelle fois rappeler ce droit par le juge d'instruction.

Le choix peut toutefois aussi être fait de supprimer entièrement ce paragraphe.

Article 6 (article 18 de la loi relative à la détention préventive)

Cet article a trait à la signification du mandat d'arrêt ou, le cas échéant, à la signification du mandat d'amener.

Vu l'article 15bis, nouveau, proposé, il est indispensable d'adapter également cette disposition.

En l'absence d'une ordonnance de prolongation, le dispositif actuel demeure applicable sans le moindre changement.

En présence d'une ordonnance de prolongation, la signification doit intervenir dans le délai tel qu'il a été fixé par le juge d'instruction conformément à l'article 15bis.

Article 7 (article 20 de la loi relative à la détention préventive)

L'article 20 prévoit que l'inculpé peut communiquer librement avec son avocat immédiatement après la première audition par le juge d'instruction et que ce droit peut même être exercé en cas de mise au secret.

Ce principe est maintenu mais par souci d'être complet, il est en outre renvoyé aux nouveaux droits « Salduz » accordés dans une phase antérieure de la procédure.

Christine DEFRAIGNE
Francis DELPÉRÉE
Inge FAES
Martine TAELMAN
Rik TORFS
Güler TURAN.

PROPOSITION DE LOI


Chapitre 1er — Disposition générale

Article 1

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Chapitre 2 — Modification du Code d'Instruction criminelle

Art. 2

À l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle, inséré par la loi du 12 mars 1998, les modifications suivantes sont apportées:

1º Les alinéas 1 à 5 sont remplacés comme suit:

« § 1er. Lors de l'audition de personnes, entendues en quelque qualité que ce soit, l'on respectera au moins les règles suivantes:

1º Au début de toute audition, la personne interrogée est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est communiqué:

a) qu'elle peut demander que toutes les questions qui lui sont posées et les réponses qu'elle donne soient actées dans les termes utilisés;

b) qu'elle peut demander qu'il soit procédé à tel acte d'information ou telle audition;

c) que ses déclarations peuvent êtres utilisées comme preuve en justice;

d) qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même;

Tous ces éléments sont consignés avec précision dans le procès-verbal d'audition. »;

2º L'article est complété par les paragraphes 2, 3, 4 et 5 rédigés comme suit:

§ 2. Sans préjudice du paragraphe 1er, avant qu'il soit procédé à l'audition d'une personne sur des infractions qui peuvent lui être imputées, la personne à interroger est informée succinctement des faits sur lesquels elle sera entendue et il lui est communiqué:

1º qu'elle ne peut être contrainte de s'accuser elle-même;

2º qu'elle a le choix de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire;

3º qu'elle a le droit, avant la première audition, de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix ou avec un avocat qui lui est désigné, pour autant que les infractions qui peuvent lui être imputées soient susceptibles de donner lieu à la délivrance d'un mandat d'arrêt.

Si la personne à interroger démontre qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes, elle peut, le cas échéant, faire appel à l'assistance judiciaire gratuite comme prévu aux articles 508/13 à 508/18 du Code judiciaire.

La personne à interroger peut toutefois renoncer volontairement et de manière réfléchie à ce droit. Elle doit procéder à la renonciation par écrit, dans un document daté et signé par elle.

Si cette audition a lieu sur convocation, ce droit est déjà notifié dans la convocation à l'audition, laquelle est jointe en copie au procès-verbal d'audition. En pareil cas, la personne concernée est censée avoir consulté un avocat avant de se présenter à l'audition.

Uniquement si l'audition n'a pas lieu sur convocation, elle peut être reportée à la demande de la personne à interroger afin de lui donner la possibilité de consulter un avocat.

Tous ces éléments sont consignés avec précision dans un procès-verbal.

§ 3. Sans préjudice des paragraphes 1er et 2, 1º et 2º, toute personne privée de sa liberté conformément aux articles 1er, 2, 3, 15bis et 16 de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive est informée qu'elle jouit des droits énoncés aux articles 2bis, 15bis et 16 de la même loi.

§ 4. Une déclaration écrite des droits prévus aux paragraphes 2 et 3 est remise à la personne visée aux paragraphes 2 et 3 avant la première audition.

La forme et le contenu de cette déclaration des droits sont fixés par le Roi.

§ 5. Les auditions effectuées en violation des dispositions des paragraphes 1er à 4 ne peuvent être utilisées de manière exclusive, ni dans une mesure déterminante aux fins d'une condamnation de la personne interrogée. »

Chapitre 3 — Modifications de la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive

Art. 3

Dans la loi du 20 juillet 1990 relative à la détention préventive, il est inséré un article 2bis rédigé comme suit:

« Art. 2bis. § 1er. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er ou 2, ou en exécution d'un mandat d'amener visé à l'article 3, a le droit, dès ce moment et préalablement au premier interrogatoire par les services de police ou, à défaut, par le procureur du Roi ou le juge d'instruction, de se concerter confidentiellement avec un avocat de son choix. S'il n'a pas choisi d'avocat ou si celui-ci est empêché, contact est pris avec la permanence de l'Ordre des avocats, qui désigne un avocat sur-le-champ.

Si la personne à interroger démontre qu'elle ne dispose pas de ressources suffisantes, elle peut, le cas échéant, faire appel à l'assistance judiciaire gratuite comme prévu aux articles 508/13 à 508/18 du Code judiciaire.

Dès l'instant où contact est pris avec l'avocat choisi ou la permanence, la concertation confidentielle avec l'avocat doit avoir lieu dans les deux heures. À l'issue de la concertation confidentielle, d'une durée maximale de trente minutes, l'audition peut débuter.

Si la concertation confidentielle prévue n'a pas eu lieu dans les deux heures, une concertation confidentielle par téléphone a néanmoins encore lieu avec la permanence, après quoi l'audition peut débuter.

Après une privation de liberté, seule la personne majeure concernée peut volontairement et de manière réfléchie renoncer au droit à une concertation confidentielle préalable avec un avocat, et ce après avoir eu au moins une concertation confidentielle par téléphone avec la permanence. La personne à interroger doit procéder à la renonciation par écrit dans un document daté et signé par elle. Les mineurs ne peuvent pas renoncer à ce droit.

Tous ces éléments sont consignés avec précision dans un procès-verbal.

§ 2. La personne concernée a le droit à être assistée de son avocat lors des auditions qui ont lieu dans le délai visé à l'article 1er, 1º, ou à l'article 2.

L'avocat peut assister à l'audition, laquelle peut cependant déjà avoir débuté conformément au paragraphe 1er, alinéas 3 et 4.

L'assistance de l'avocat a exclusivement pour objet de permettre un contrôle:

1º du respect du droit de la personne interrogée de ne pas s'accuser elle-même ainsi que de sa liberté de choisir de faire une déclaration, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire;

2º du traitement réservé à la personne interrogée durant l'audition, en particulier de l'absence d'abus ou de recours à la contrainte;

3º de la notification des droits de défense visés à l'article 47bis du Code d'Instruction criminelle et de la régularité de l'audition.

L'avocat peut sans délai faire mentionner dans le procès-verbal d'audition les violations des droits indiqués aux 1º, 2º et 3º qu'il estime avoir observées.

L'audition sera interrompue pendant quinze minutes maximum en vue d'une concertation confidentielle supplémentaire, soit une seule fois à la demande de la personne interrogée elle-même, soit en cas de révélation de nouvelles infractions qui ne sont pas en relation avec les faits qui ont été portés à sa connaissance conformément à l'article 47bis, § 2, alinéa 1er, du Code d'Instruction criminelle.

La personne interrogée peut volontairement et de manière réfléchie renoncer à l'assistance d'un avocat pendant l'audition. Il en est fait mention dans le document visé au paragraphe 1er, alinéa 5, ou dans le procès-verbal d'audition.

§ 3. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er, 2 ou 3 a droit à ce qu'une personne de confiance soit informée de son arrestation par le moyen de communication le plus approprié.

§ 4. Quiconque est privé de sa liberté conformément aux articles 1er, 2 ou 3 a droit à une assistance médicale.

Sans préjudice du droit prévu à l'alinéa 1er, cette personne a subsidiairement le droit de demander à être examinée par un médecin de son choix. Les frais relatifs à cet examen sont à sa charge.

§ 5. Par décision motivée du procureur du Roi ou du juge d'instruction en charge, en cas de circonstances particulières inhérentes à l'affaire ou à la personne, il peut être dérogé pour motifs impérieux aux droits mentionnés aux paragraphes 1er, 2 et 3. »

Art. 4

Dans la même loi, il est inséré un chapitre IIbis, comportant l'article 15bis, rédigé comme suit:

« Chapitre IIbis. De l'ordonnance de prolongation

Sur réquisition du procureur du Roi ou d'office, le juge d'instruction peut, à une seule reprise, rendre une ordonnance motivée de prolongation du délai visé à l'article 1er, 1º, ou à l'article 2, pour une durée de vingt-quatre heures maximum. Ce nouveau délai doit figurer dans l'ordonnance et doit correspondre à la durée qui a été nécessaire pour l'application de l'article 2bis et de l'article 47bis, § 2, 3º, du Code d'instruction criminelle.

L'ordonnance motivée de prolongation contient au moins les éléments suivants:

1º les indices sérieux de culpabilité d'un crime ou délit qui nécessitent la poursuite de la privation de liberté;

2º les circonstances concrètes inhérentes à l'affaire ou à la personne, qui justifient une prolongation;

3º l'énumération des actes d'instruction qui doivent encore être posés;

4º en fonction de ces éléments, la détermination de la durée de la prolongation.

L'ordonnance de prolongation doit être signifiée à la personne concernée dans les vingt-quatre heures de la privation de liberté effective. À défaut de signification régulière dans le délai légal, l'inculpé est mis en liberté.

L'ordonnance de prolongation est immédiatement communiquée au procureur du Roi. Cette ordonnance n'est susceptible d'aucun recours.

Pendant la durée de la prolongation, l'inculpé a le droit de se concerter confidentiellement avec son avocat pendant trente minutes maximum. »

Art. 5

À l'article 16 de la même loi, les modifications suivantes sont apportées:

1º Dans le § 2, trois alinéas rédigés comme suit sont insérés entre les alinéas 1 et 2:

« L'inculpé a le droit à être assisté de son avocat lors de l'interrogatoire. Il peut renoncer volontairement et de manière réfléchie à ce droit. Le juge d'instruction en fait alors mention dans le procès-verbal d'audition.

L'avocat peut formuler des observations conformément à l'article 2bis, § 2, alinéa 4.

Le juge d'instruction informe l'avocat à temps des lieu et heure de l'interrogatoire, auquel il peut assister. L'interrogatoire peut débuter à l'heure prévue, même si l'avocat n'est pas encore présent. À son arrivée, l'avocat se joint à l'audition. »

2º Dans le § 2, dans l'alinéa 2 ancien devenant l'alinéa 5, la première phrase est remplacée par la phrase « Le juge d'instruction doit également informer l'inculpé de la possibilité qu'un mandat d'arrêt soit décerné à son encontre, et l'entendre en ses observations à ce sujet et, le cas échéant, en celles de son avocat mais sans donner lieu à l'ouverture d'un débat devant lui ».

3º Le § 4 est remplacé par ce qui suit:

« § 4. Si l'inculpé n'a pas encore d'avocat, le juge d'instruction lui rappelle qu'il a le droit de choisir un avocat et il en informe le bâtonnier de l'Ordre ou son délégué. Il est fait mention de cette formalité dans le procès-verbal d'audition. »

Art. 6

Dans l'article 18 de la même loi, le paragraphe 1 est remplacé par ce qui suit:

« § 1er. Le mandat d'arrêt est signifié à l'inculpé, soit dans les vingt-quatre heures à compter de la privation de liberté effective ou, lorsque le mandat d'arrêt est décerné à charge d'un inculpé déjà détenu sur le fondement d'un mandat d'amener, à compter de la signification de ce dernier, soit dans le délai fixé dans l'ordonnance de prolongation conformément à l'article 15bis. »

Art. 7

Dans l'article 20 de la même loi, le paragraphe 1, modifié par la loi du 12 janvier 2005, est remplacé par ce qui suit:

« § 1er. Sans préjudice des dispositions visées aux articles 2bis, 15bis et 16, l'inculpé peut communiquer librement avec son avocat immédiatement après la première audition par le juge d'instruction. »

19 janvier 2011.

Christine DEFRAIGNE
Francis DELPÉRÉE
Inge FAES
Martine TAELMAN
Rik TORFS
Güler TURAN.

(1) Voir notamment: Cass., 29 décembre 2009, arrêt P.09 1826.F; Cass., 11 mars 2009, arrêt P.090304.F; Cass. 13 janvier 2010, arrêt P.09 1908.F; Cass., 24 février 2010, arrêt P.10 0298.F.; Cass., 23 mars 2010, arrêt P.10 0474.N; Cass., 31 mars 2010, arrêt P.10 0504.F.; Cass., 5 mai 2010, arrêt P.10 0744.F; Cass., 22 juin 2010, arrêt P.10 0872.N.; Cass., 23 juin 2010, arrêt P.10 1009.F.; Cass., 23 novembre 2010, arrêt P.10 1428.N; Cass., 7 décembre 2010, arrêt P.10 1460.N; Cass., 15 décembre 2010, arrêt P.10 0914.F.

(2) R. Verstraeten, Handboek van Strafvordering, Anvers, Maklu, 2007, no 685, p. 348.

(3) M., Bockstaele, « Voorlopige richtlijnen van het college van procureurs-generaal inzake de bijstand van een advocaat bij het eerste politionele verhoor van een verdachte », Panopticon, 2010.4., p. 72.

(4) R., Verstraeten, Handboek voor Strafvordering, 4e édition remaniée, p. 436, no 851.

(5) Projet de loi no 2855 relatif à la garde à vue, qui est actuellement soumis au débat parlementaire et qui n'a dès lors pas encore été adopté.

(6) Cour européenne des droits de l'homme, 13 octobre 2009, no 7377/03, Dayanan c. Turquie.

(7) Articles 143, 148, 169 alinéa 3, 199, 199bis, 231, 233, 283, 329, 330, 380bis, 383, 391bis, 398 alinéa 1er, 420 alinéa 1er, 445, 458, 501 et 508ter du Code pénal.

(8) Cour européenne des droits de l'homme, 1er avril 2010, Pavlenko c. Russie, § 12.

(9) Cf. l'ouvrage du Professeur Taru Spronken, An EU-Wide Letter of Rights — Towards Best Practice, Ed. Intersentia, Anvers, 2010. Cette vaste étude donne un aperçu des différentes « letters of rights » qui ont cours dans l'Union européenne et formule également un certain nombre de modèles et d'exemples.

(10) 1o le droit d'accès à un avocat; 2o le droit de (faire) porter le fait de la privation de liberté à la connaissance de proches; 3o le droit d'accès à un médecin.

(11) Doc 51- 1317

(12) A.M. Kalmhout, M.M. Knapen et C. Morgenstein (eds.), Pre-trial in European Union. An analysis of Minimal Standards in Pre-Trial Detention and the grounds for Regular Review in the Member States of the EU, Nimègue, Wolf Legal Publishers, 2009, p. 61.

(13) Voir article de De Jaegere, Ph. et Verstraeten A., « Het recht op bijstand bij het verhoor. Een deontologische benadering van de taak van de advocaat. », Ad Rem, 3/2010.