5-640/1

5-640/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

23 DÉCEMBRE 2010


Proposition de loi modifiant l'article 293 du Code judiciaire et abrogeant les articles 327 et 327bis du même Code en vue de supprimer la possibilité de détacher des magistrats du parquet

(Déposée par M. Bart Laeremans et Mme Anke Van dermeersch)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 7 avril 2009 (doc. Sénat, nº 4-1278/1 - 2008/2009).

Après l'affaire judiciaire Fortis, où il fut question d'ingérence politique dans le cours de la justice, l'« Ordre des barreaux flamands » a exprimé de vives critiques, par la voix de son bâtonnier Jo Stevens, au sujet du détachement de magistrats du parquet dans des cabinets politiques:

« Les responsables politiques considèrent toujours qu'en ayant des magistrats détachés dans leur cabinet, ils ont leurs entrées à la justice. Les magistrats se trouvent dans une position délicate en termes de loyauté. Ils doivent être loyaux à la fois envers le pouvoir judiciaire, qui est indépendant, et envers le pouvoir exécutif, qui est leur commettant. C'est une situation intenable (1)  ».

L'article 293 du Code judiciaire prévoit un certain nombre d'incompatibilités pour les fonctions de l'ordre judiciaire: « Les fonctions de l'ordre judiciaire sont incompatibles avec l'exercice d'un mandat public conféré par élection, avec toute fonction ou charge publique rémunérée, d'ordre politique ou administratif, avec les charges de notaire ou d'huissier de justice, avec la profession d'avocat, avec l'état militaire et avec l'état ecclésiastique.

Ces fonctions sont également incompatibles lorsqu'elles sont exercées dans une juridiction du travail avec toute fonction dans une organisation représentative de travailleurs salariés, de travailleurs indépendants ou d'employeurs ou dans un organisme qui participe à l'exécution de la législation en matière de sécurité sociale.

La règle énoncée à l'alinéa 2 n'est pas applicable aux fonctions exercées dans les organisations qui y sont prévues lorsque celles-ci ont exclusivement trait aux intérêts des personnes qui exercent des fonctions judiciaires. »

En revanche, tout mandat accepté dans un cabinet ministériel par un magistrat du parquet n'est pas considéré comme une fonction publique rémunérée ou comme une fonction publique de nature politique ou administrative. En effet, l'intéressé n'est pas nommé statutairement, mais est chargé d'une mission.

D'ailleurs, le législateur a prévu lui-même expressément cette possibilité de détachement dans le Code judiciaire. En effet, l'article 327 du Code judiciaire prévoit que le ministre de la Justice peut, de l'avis conforme du procureur général, déléguer des magistrats du parquet au service du Roi ou dans des services publics fédéraux, des organes stratégiques et des secrétariats, ou auprès de commissions, d'organismes ou d'offices gouvernementaux.

L'article 327bis dispose que les magistrats du parquet peuvent assumer une mission spécifique auprès du Service public fédéral Justice, de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace et de la Cellule de traitement des informations financières.

Les affinités politiques d'un magistrat du parquet qui a été détaché dans un cabinet sont notoires, ce qui peut poser question quant à son objectivité. La justice est censée être neutre et impartiale.

La présente proposition de loi vise:

1º à insérer parmi les incompatibilités prévues à l'article 293 du Code judiciaire, la notion de « missions »;

2º à abroger les articles 327 et 327bis du Code judiciaire.

Les magistrats du parquet ne pourront plus être employés au service du Roi ou dans des services publics fédéraux, des organes stratégiques et des secrétariats, auprès de commissions, d'organismes ou d'offices gouvernementaux, auprès de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace ou de la Cellule de traitement des informations financières. Par la suppression de la possibilité de détacher des magistrats du parquet, les auteurs de la présente proposition entendent optimiser la séparation des pouvoirs et l'impartialité de la justice.

Bart LAEREMANS.
Anke VAN DERMEERSCH.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 77 de la Constitution.

Art. 2

Dans l'article 293 du Code judiciaire, les modifications suivantes sont apportées:

1º à l'alinéa 1er, les mots « avec toute fonction ou charge publique rémunérée » sont remplacés par les mots « avec toute fonction publique, charge publique ou mission »;

2º à l'alinéa 2, les mots « ou mission » sont insérés entre les mots « avec toute fonction » et les mots « dans une organisation »;

3º à l'alinéa 3, les mots « ou missions » sont insérés entre les mots « aux fonctions » et le mot « exercées ».

Art. 3

L'article 327 du même Code, modifié par les lois des 17 juillet 2000, 10 avril 2003 et 27 décembre 2004, est abrogé.

Art. 4

L'article 327bis du même Code, modifié par les lois des 17 juillet 2000, 10 avril 2003 et 10 juillet 2006, est abrogé.

Art. 5

Les magistrats d'un parquet qui sont délégués au service du Roi ou dans des services publics fédéraux, des organes stratégiques et des secrétariats, auprès de commissions, d'organismes ou d'offices gouvernementaux ou auprès de l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace ou de la Cellule de traitement des informations financières, seront relevés de leur mission au plus tard un mois après l'entrée en vigueur de la présente loi.

Art. 6

La présente loi entre en vigueur le premier jour du mois qui suit celui au cours duquel elle aura été publiée au Moniteur belge.

14 décembre 2010.

Bart LAEREMANS.
Anke VAN DERMEERSCH.

(1) « Advocaten in verzet tegen « paniekwetten » », De Standaard, 27 janvier 2009.