5-635/1

5-635/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2010-2011

22 DÉCEMBRE 2010


Proposition de loi portant modification de l'article 54 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs

(Déposée par M. Dirk Claes et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 21 avril 2010 par M. Tony Van Parys et consorts (doc. Sénat, nº 4-1751/1 - 2009/2010).

La vulnérabilité particulière de l'administration de la justice pénale a été récemment mise en lumière à la suite de révélations selon lesquelles des agents pénitentiaires ayant contracté des dettes de jeu seraient enclins à se laisser corrompre par les détenus.

La loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs interdit l'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II aux magistrats, aux notaires, aux huissiers et aux membres des services de police en dehors de l'exercice de leurs fonctions (article 54, § 2). La loi du 10 janvier 2010 portant modification de la législation relative aux jeux de hasard complète ce paragraphe 2 par un alinéa 2 qui précise que la pratique des jeux de hasard au sens de la loi du 7 mai 1999, pour lesquels une obligation d'enregistrement existe, à l'exception des paris, est interdite aux magistrats, aux notaires, aux huissiers et aux membres des services de police en dehors de l'exercice de leurs fonctions. En vertu de l'article 64 de la loi du 7 mai 1999, les infractions à cette interdiction sont punies d'un emprisonnement d'un mois à trois ans et d'une amende de 26 euros à 25 000 euros.

À l'heure actuelle, l'interdiction d'accès précitée ne vaut pas pour les agents pénitentiaires.

Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent étendre l'interdiction d'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II aux agents pénitentiaires, en les ajoutant à la liste des personnes énumérées à l'article 54, § 2, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs.

Deux raisons justifient d'ancrer cette interdiction dans la loi. D'une part, l'interdiction implique une restriction du droit au respect de la vie privée consacré par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, lequel prévoit qu'il ne peut y avoir ingérence dans l'exercice de ce droit que pour autant que celle-ci soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

D'autre part, la Commission des jeux de hasard insiste pour que l'on fasse figurer le contrôle des jeux de hasard dans le plan national de sécurité, au motif que ceux-ci peuvent constituer le terreau d'activités criminelles comme des règlements de compte, des pratiques usurières, des pratiques de blanchiment d'argent et des pratiques frauduleuses. À l'heure actuelle, la lutte contre la grande criminalité économique et financière figure déjà parmi les priorités fixées par le gouvernement dans le plan national de sécurité 2008-2011.

Il semble incontestable que les agents pénitentiaires qui contractent des dettes en s'adonnant à des jeux de hasard sont, plus que les autres, susceptibles d'être tentés de prendre part à des activités illégales pour pouvoir apurer leurs dettes éventuelles. Il importe que le législateur prenne une initiative afin de limiter ce risque au maximum. En conséquence, il paraît justifié d'instaurer une interdiction d'accès aux établissements de jeux de hasard des classes I et II.

Dans son arrêt du 8 septembre 2009, la Cour européenne de justice de Luxembourg a souligné que les États membres de l'Union européenne sont en droit d'imposer des restrictions légales en ce qui concerne l'exploitation de jeux de hasard. Dans cet arrêt, la Cour souligne « qu'il convient de relever à cet égard que la lutte contre la criminalité peut constituer une raison impérieuse d'intérêt général susceptible de justifier des restrictions quant aux opérateurs autorisés à proposer des services dans le secteur des jeux de hasard. En effet, compte tenu de l'importance des sommes qu'ils permettent de collecter et des gains qu'ils peuvent offrir aux joueurs, ces jeux comportent des risques élevés de délits et de fraudes. » (arrêt Liga Portuguesa de Futebol Profissional, CJCE, 8 septembre 2009).

On peut déduire des considérations de la Cour de justice qu'une restriction des services peut être admise pour certaines catégories de personnes parce que celles-ci remplissent une fonction d'intérêt général et qu'elles ne peuvent en aucune façon prendre le risque d'être impliquées dans des activités criminelles ou frauduleuses. Dans cette optique, il semble légitime d'étendre la liste des catégories professionnelles figurant dans la loi du 7 mai 1999 afin d'y inclure celle des agents pénitentiaires.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er

Dans la loi du 10 janvier 2010, l'article 54 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs est considéré comme un article de loi réglant une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Article 2

Cet article vise à faire figurer la catégorie professionnelle des agents pénitentiaires parmi celles qui sont déjà soumises à une interdiction d'accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I et II. Étant donné que les agents pénitentiaires ne doivent, en principe, jamais entrer dans ces salles de jeux dans l'exercice de leurs fonctions, il est décidé d'insérer un nouvel alinéa dans l'article 54, § 2, de la loi du 7 mai 1999.

Dirk CLAES.
Sabine de BETHUNE.
Rik TORFS.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 54, § 2, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, modifié par la loi du 10 janvier 2010, est complété par un alinéa rédigé comme suit:

« L'accès aux salles de jeux visées à l'alinéa 1er et la pratique des jeux de hasard visée à l'alinéa 2 sont également interdits aux agents pénitentiaires. »

25 novembre 2010.

Dirk CLAES.
Sabine de BETHUNE.
Rik TORFS.