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Mme la présidente. - M. Olivier Chastel, secrétaire d'État aux Affaires européennes, répondra.
Mme Marie Arena (PS). - Les accords de libre-échange conclus entre l'Union européenne et les pays ACP, c'est-à-dire les 76 pays en développement d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, accords de partenariat économique ou APE, sont en négociation depuis 2002.
Les APE ont été fortement critiqués au long de ces huit années, critiques émanant à la fois de la société civile, au Nord comme au Sud, des dirigeants des États concernés, de l'ONU et du Parlement européen. Par conséquent, à ce jour, seul l'APE final, l'APE CARIFORUM, qui concerne les pays des Caraïbes, a été ratifié. En outre, seuls 20 pays africains ont entrepris ou signé des APE intérimaires. Enfin, 40 pays, soit plus de la moitié des 76 pays ACP, n'ont pas paraphé ni signé une quelconque forme d'accord de partenariat économique.
Les critiques émises par les opposants des APE sont notamment fondées sur la crainte d'un choc budgétaire, à la suite du démantèlement des droits de douane, qui affectera les ressources de pays pauvres dont les tarifs à l'importation constituent, à ce stade de leur développement, un optimum fiscal.
Les opposants craignent également un choc pour la balance des paiements, avec pour effet des ajustements relatifs aux revenus, aux prix intérieurs ou aux services sociaux existants, ajustements qui seront d'autant plus brutaux que les taux de change des monnaies des partenaires seront fixes.
Ils craignent aussi un choc industriel exposant les pays ACP à un risque de désindustrialisation dû à la disparition du réseau des petites et moyennes entreprises, lesquelles font vivre les familles qui veulent éduquer leurs enfants et contribuer ainsi à la mise en valeur du potentiel humain dans le secteur économique de ces pays.
Ils craignent enfin un choc agricole qui remettrait en question la pérennité des agricultures vivrières de subsistance, dont l'existence et le développement constituent les conditions clefs du recul de la pauvreté dans des pays majoritairement ruraux.
Tout récemment, la Commission européenne a annoncé la relance des négociations des APE. M. De Gucht, commissaire du commerce, a, quant à lui, fait part de son souhait d'amener ces accords à une conclusion rapide. À cette fin, une série de réunions ministérielles ont eu lieu récemment et se tiendront encore dans les semaines à venir.
Votre participation est prévue lors de la prochaine session de l'assemblée parlementaire ACP-UE. Pouvez-vous nous informer de la position de la Belgique et de l'Europe, dont vous ferez part à cette occasion ?
Pouvez-vous nous informer de l'état des négociations et du calendrier à venir ?
Les règles de l'OMC n'exigent pas que les pays ACP procèdent à la libéralisation dans les domaines des services, des investissements, des marchés publics, des droits de propriété intellectuelle et de la concurrence. Or, l'Union européenne ferait pression sur ces pays pour qu'ils prennent des engagements additionnels dans les APE complets. Confirmez-vous cette information ? Que pense notre gouvernement de cette situation ?
Comment les pays avec lesquels nous avons conclu des projets de coopération et qui sont concernés par ces accords réagissent-ils aux contraintes des APE ?
M. Olivier Chastel, secrétaire d'État aux Affaires européennes. - Je vous lis la réponse du ministre Michel.
Je n'ai pas pu assister à l'assemblée parlementaire ACP-EU qui s'est tenue à Kinshasa du 2 au 4 décembre.
En ce qui concerne l'état des négociations et le calendrier à venir, la décision de négocier des accords de partenariat économique a été prise conjointement par les États ACP et l'Union européenne - il s'agit des articles 36 et 37 de l'Accord de Cotonou - pour remplacer de commun accord les préférences commerciales par des accords compatibles avec les règles de l'OMC.
La Commission européenne négocie ces accords au nom de l'Union européenne. Les commissaires De Gucht et Piebalgs ont d'ailleurs eu des échanges sur les APE avec les partenaires des pays ACP lors du comité ministériel conjoint UE-ACP du 22 octobre dernier. Le commissaire De Gucht a évoqué le dossier, au nom de l'Union européenne, à l'occasion de l'Assemblée parlementaire ACP-UE qui s'est tenue le week-end dernier à Kinshasa.
Pour ce qui est des éléments figurant dans les APE, le but ultime reste la conclusion d'APE à part entière, y compris pour les services et les investissements.
Les négociations en vue de la conclusion des APE durent plus longtemps que prévu. Pour répondre aux obligations de l'OMC, l'Union européenne et les pays ACP ont conclu fin 2007 des APE intérimaires qui ne concernent que le commerce de marchandises. Il s'agit d'une solution provisoire.
Les négociations se poursuivent afin d'aboutir à des accords régionaux et larges avec les autres régions. Ces dernières années, les avancées ont été faibles en raison d'un manque de confiance et de la sensibilité politique de ce dossier dans certains pays africains.
Un APE peut en effet entraîner une concurrence accrue pour les producteurs nationaux ou une diminution des recettes tarifaires. L'Union européenne s'est dès lors engagée à soutenir les différentes régions ACP par l'aide au développement, avec des paquets régionaux d'aide pour le commerce, lors de la période d'adaptation à un nouveau régime commercial.
Cette aide s'opère via les contributions bilatérales des États membres, dont la Belgique, et le 10e Fonds européen de développement. Elle s'inscrit dans la stratégie de L'Union européenne d'aide pour le commerce. Un premier exemple de paquet régional d'aide pour le commerce est le PAPED - Programme APE pour le développement - qui a été préparé pour les pays d'Afrique occidentale.
La lenteur des négociations fait que les pays qui ont commencé à mettre en oeuvre les APE intérimaires sans les avoir ratifiés bénéficient depuis trois ans des mêmes avantages que les pays qui appliquent les APE selon les règles, notamment le même accès au marché via le règlement d'accès au marché. Ce règlement prévoit toutefois que les pays ACP doivent ratifier les APE dans un délai raisonnable. En effet, tant qu'ils ne le font pas, l'Union Européenne se trouve dans une situation d'insécurité juridique à l'égard de l'OMC. C'est pourquoi la Commission insiste sur la nécessité d'une nouvelle échéance. Sinon, ces pays n'auront aucun incitant pour signer un jour un APE, ce qui risque de démanteler tout le processus.
La Commission s'efforcera de préparer un calendrier réaliste et raisonnable pour la finalisation des processus APE, là où c'est possible. Elle continue à espérer, par exemple, que l'APE avec la Communauté de développement de l'Afrique australe pourra être finalisé pour la fin de cette année.
Les pays partenaires de la coopération belge négocient via les groupes régionaux dont ils sont membres et qui sont les interlocuteurs de la Commission européenne dans les négociations. Cela n'empêche pas que le dossier APE et les difficultés qui y sont liées puissent être abordés, le cas échéant, à l'occasion de contacts bilatéraux avec notre pays.
Mme Marie Arena (PS). - Il est important que les parlements nationaux se soucient de l'état d'avancement des signatures d'APE, dans la mesure où ils devront, in fine, les ratifier. Il conviendrait que nous soyons en amont de la démarche plutôt que de nous retrouver devant le fait accompli. Dans cet esprit, peut-être la commission des Relations extérieures pourraient-elle consacrer une thématique particulière à l'accord de Cotonou et aux applications des APE.