5-11COM

5-11COM

Commission des Relations extérieures et de la Défense

Annales

MERCREDI 8 DÉCEMBRE 2010 - SÉANCE DE L'APRÈS-MIDI

(Suite)

Demande d'explications de Mme Marie Arena au vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles sur «les négociations relatives au statut de rehaussement de la Tunisie dans le cadre de la politique européenne de voisinage de l'Union européenne» (nº 5-98)

Mme la présidente. - M. Olivier Chastel, secrétaire d'État aux Affaires européennes répondra.

Mme Marie Arena (PS). - En juin dernier, le Parlement tunisien a adopté une loi visant à compléter les dispositions de l'article 61bis du Code pénal en y ajoutant l'incrimination « des personnes qui établissent, de manière directe ou indirecte, des contacts avec des agents d'un État étranger, d'une institution ou d'une organisation étrangère dans le but de les inciter à porter atteinte aux intérêts vitaux de la Tunisie et à sa sécurité économique ». Les personnes incriminées pourront ainsi être condamnées à des peines allant de cinq à vingt ans de prison ferme, en vertu de l'article 62 du Code pénal relatif à la sécurité intérieure.

L'adoption de cette loi a immédiatement été condamnée par l'Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l'Homme - programme conjoint de la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme, FIDH, et de l'Organisation mondiale contre la torture, OMCT -, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme, REMDH, Reporters sans frontières, RSF, Amnesty International et Human Rights Watch. D'après ces organisations, cet amendement pourrait permettre de poursuivre et d'emprisonner des défenseurs des droits de l'homme soutenus par des organisations étrangères et multilatérales.

Outre l'adoption de cette loi, les organisations internationales ont également signalé que dans les mois qui ont suivi les élections d'octobre 2009, les défenseurs des droits de l'homme en Tunisie ont été l'objet de campagnes de diffamation dans la presse, de violences physiques ou encore d'arrestations arbitraires.

Par ailleurs, la Tunisie a fait l'objet de rapports de suivi négatifs en matière de Politique Européenne de Voisinage (PEV), concernant les droits de l'homme, depuis que celle-ci a été mise en place en 2004. De même, plusieurs résolutions du Parlement européen ont appelé à plus de démocratie dans ce pays.

Or, tout récemment, l'Union européenne a engagé des négociations concernant le statut de rehaussement de la Tunisie. À ce sujet, je souhaiterais obtenir les réponses suivantes :

Pensez-vous que l'article 61bis du Code pénal tunisien soit un obstacle au statut de rehaussement actuellement négocié ?

La Belgique compte-t-elle plaider pour que ce rehaussement soit conditionné à une série d'actions à mener en matière de respect des droits de l'homme en Tunisie ?

Pouvez-vous nous dresser un état des lieux des négociations avec l'Union européenne à ce sujet et nous communiquer le calendrier de travail ?

M. Olivier Chastel, secrétaire d'État aux Affaires européennes. - J'ai le plaisir de vous faire part de la réponse qui m'a été communiquée par le ministre des Affaires étrangères et des Réformes institutionnelles.

Comme le ministre vous l'a dit récemment, l'Union européenne est particulièrement attentive à la prise en compte de la dimension « droits de l'homme et gouvernance » dans le nouveau plan d'action actuellement en négociation avec la partie tunisienne. Ce message a été notamment répété par l'Union européenne lors du dernier Conseil d'association du 11 mai 2010 et lors du groupe ad hoc, chargé du pilotage du nouveau plan d'action et qui s'est réuni les 27 et 28 septembre derniers. Le message européen est clair : le statut avancé, qui sera concrétisé par le nouveau plan d'action, nécessite des engagements dans le domaine des droits de l'homme et de la gouvernance. L'adoption en juin 2010 par le Parlement tunisien de l'article 61bis du Code pénal fait dès lors l'objet d'une certaine inquiétude du côté de l'Union européenne. Le commissaire Füle en a fait part à notre partenaire tunisien, notamment lors du groupe ad hoc. Le ministre des Affaires étrangères a eu l'occasion d'exprimer les mêmes préoccupations à son homologue tunisien en marge de la conférence ministérielle euro-méditerranéenne sur le commerce.

La volonté européenne et belge, de retrouver un langage clair et précis en ces matières dans le nouveau plan d'action, est forte. Le volet « démocratie, état de droit et gouvernance » y aura une place essentielle. Le principe d'entamer des négociations sur un statut avancé avec la Tunisie a été adopté lors du conseil Affaires générales et Relations extérieures du 8 décembre 2008. L'Union européenne a réussi à faire accepter à la Tunisie le fait que cela impliquait des engagements précis dans le domaine des droits de l'homme et de la gouvernance, engagements devant se traduire dans le nouveau plan d'action. Les Tunisiens nous ont transmis leurs propositions en mars 2010. Un premier groupe ad hoc s'est réuni en septembre 2010. Le ministre n'a pas encore d'indication sur la date de la tenue de la seconde session.

Mme Marie Arena (PS). - Loin de moi l'idée de ne pas adhérer à un rehaussement des relations de l'Europe avec la Tunisie mais je crois qu'il faut se servir de ce moment important pour exiger une refonte des droits et du respect des droits de l'homme en Tunisie. Il faut saisir l'opportunité de négocier avec la Tunisie pour faire avancer le débat et faire progresser les droits de l'homme de manière manifeste en Tunisie.