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30 NOVEMBRE 2010
Les cultes jouissent en Belgique d'une liberté absolue d'adhésion et d'exercice, garantie par la Constitution. Celle-ci interdit toute ingérence de l'État dans l'organisation et l'exercice des cultes, tout en disposant que tous les pouvoirs émanent de la Nation.
On ne connaît cependant pas en Belgique de séparation stricte entre l'Église et l'État, telle que l'observe par exemple aujourd'hui la République française.
En effet, la Constitution, en son article 181, a conservé l'héritage du Concordat napoléonien en garantissant le financement des cultes reconnus en mettant à charge de l'État les traitements et pensions des ministres des cultes ainsi que des délégués chargés de l'assistance morale non confessionnelle. En plus de la laïcité organisée, six cultes sont actuellement reconnus: catholique romain, protestant, israélite, anglican, musulman et orthodoxe.
Le législateur n'a pas non plus modifié substantiellement les autres sources de financement que sont les fabriques d'églises. Celles-ci ont d'ailleurs été régionalisées le 1er janvier 2002.
Il a, en outre, instauré des financements nouveaux, aussi divers que les aumôniers pénitentiaires et militaires, les émissions religieuses et de la morale laïque, l'exonération du précompte immobilier.
Cependant, le budget global actuellement à charge de la collectivité et affecté au financement des cultes et de la laïcité organisée est proportionnellement bien au-dessous des revenus de la dîme et du patrimoine de l'église catholique sous l'ancien régime.
De plus, l'actuelle répartition des budgets alloués au financement des cultes est injuste, car elle n'est en rien le reflet de la véritable sociologie des opinions philosophique dans la population.
C'est pourquoi, il semble se dégager un consensus concernant la modification du système de financement des cultes reconnus, hérité du passé, et notamment le financement automatique du culte catholique sur la base du nombre de paroisses, lui-même défini par le nombre d'habitants, quel que soit leur choix philosophique. Ce critère est différent de celui appliqué aux autres cultes et mouvements philosophiques, dont le financement se fait en fonction du nombre de « fidèles ». Toutes les estimations, tant de chercheurs indépendants que des instances des cultes eux-mêmes, indiquent une discordance entre la part de chaque culte dans la pratique des fidèles et la part du budget affecté.
Dans le même esprit, le gouvernement a annoncé qu'il donnerait la priorité à la mise sur un pied d'égalité des différents cultes reconnus ainsi que des organisations non confessionnelles et du culte islamique, à la suite de l'élection de l'organe représentatif de ce dernier.
Ainsi, en octobre 2006 une commission « des Sages », nommées à l'instigation du ministre de la Justice, a déposé un rapport recommandant plusieurs réformes notamment quant à la transparence et la collecte de données en vue d'établir une répartition équitable des moyens budgétaires, la révision du système des pensions, ...
La présente proposition de loi s'attache à réformer le système de financement des cultes et vise à établir le lien le plus objectif possible entre la répartition des subsides et la représentation de chaque culte dans la population, voire la part de la population qui estime que la collectivité ne devrait pas intervenir financièrement.
Comme il a été mentionné plus haut, le financement actuel à charge de l'État fédéral, qui résulte de l'article181 de la Constitution, consiste en le paiement des traitements et pensions des ministres du culte et des délégués des mouvements philosophiques.
Il paraît logique et équitable que ces moyens budgétaires soient répartis entre les différents mouvements bénéficiaires en fonction de leur présence dans la population belge.
Dans cette optique, la présente proposition impose de respecter dans le partage des moyens budgétaires une clé de répartition basée sur une enquête faite au sein de la population du Royaume.
Le Roi est chargé d'organiser tous les cinq ans une enquête afin de pouvoir évaluer l'importance relative de chacun des mouvements reconnus. Lors de cette enquête, chaque citoyen majeur résidant sur le territoire du Royaume serait appelé à émettre un choix entre les cultes et mouvements philosophiques proposés ou à émettre un choix blanc.
L'indispensable garantie de la protection de la vie privée et de la stricte confidentialité des choix philosophiques des citoyens ne représente aucunement un obstacle à cette proposition. Ainsi, il serait parfaitement praticable d'adresser périodiquement à chaque citoyen majeur un formulaire officiel anonyme où le choix entre l'un des cultes reconnus ou la laïcité organisée serait à cocher. Ce formulaire serait à renvoyer au Service public fédéral (SPF) Justice sous enveloppe pré-adressée et pré-timbrée.
Sur la base des résultats de cette enquête, le Roi, par arrêté délibéré en Conseil des ministres, détermine la clef de répartition des moyens budgétaires affectés au paiement des traitements visé à l'article 181 de la Constitution, entre les différents courants religieux et philosophiques.
De cette façon, le nombre des ministres du culte ou des délégués de chaque mouvement philosophique, dont le traitement est pris en charge par l'État, sera proportionnel à la représentation de ce mouvement dans la population belge.
Cependant, si ce système est parfaitement applicable aux traitements des ministres du culte et délégués « pratiquants », il ne peut être appliqué à leurs pensions. En effet celles-ci ne peuvent être considérées comme le reflet de l'importance actuelle de l'un ou l'autre mouvement, mais bien résultant de la situation passée.
En effet, si l'on considère la pension comme une rémunération différée, il ne serait pas logique de faire varier l'enveloppe budgétaire en fonction de l'importance actuelle des cultes dans la population. Dans le cas contraire des ministres du culte « retraités » pourraient être privés de leur pension dans la mesure où le mouvement qu'ils représentaient perd de l'influence.
C'est pour cette raison que la proposition exclut expressément l'application de la clef de répartition aux moyens budgétaires affectés au paiement des pensions.
Jacky MORAEL Freya PIRYNS. |
Article premier
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Les sommes portées annuellement au budget de l'État fédéral en vertu de l'article 181 de la Constitution, à l'exception des pensions, sont réparties entre les cultes et mouvements philosophiques reconnus par le ministre de la Justice en fonction de leur importance relative telle qu'elle résulte des coefficients déterminés par l'arrêté royal visé à l'article 4.
Art. 3
Tous les cinq ans, le Roi organise une enquête auprès de la population, dont Il détermine la forme, par laquelle tous les citoyens majeurs résidant sur le territoire du Royaume déclarent leur choix pour un culte ou un mouvement philosophique reconnu ou déclarent se reconnaître dans aucune des propositions formulées.
Art. 4
Des résultats de l'enquête organisée en application de l'article 3, il est déduit l'importance relative de chacun des cultes ou mouvements philosophiques, qui est traduite dans un coefficient attribué à chacun des cultes et mouvements reconnus et dont la somme est égale à un. Ces coefficients sont sanctionnés par un arrêté royal délibéré en Conseil des ministres.
Art. 5
La présente loi est applicable pour la première fois à partir de l'année budgétaire 2011.
21 octobre 2010.
Jacky MORAEL Freya PIRYNS. |