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Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, adoptés le 25 juin 1993 par la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, celle-ci « réaffirme le rôle important et constructif que jouent les institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme ».
Un certain nombre d'États membres de l'Union européenne ont créé des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme, conformément aux principes directeurs définis par les Principes de Paris de 1991 sur les institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme.
En Belgique, la déclaration gouvernementale de 2003 prévoyait la création d'une telle institution. Or, la Commission belge des droits fondamentaux ne semble toujours pas avoir été créée.
Par conséquent, le suivi des observations finales des comités d'experts institués par les traités des Nations unies conclus dans le domaine des droits de l'homme laisse parfois à désirer.
Les développements de la jurisprudence internationale et l'interprétation des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme en vigueur à l'égard de la Belgique ne font pas l'objet d'un suivi systématique.
Enfin, il n'existe pas de lieu de concertation entre les organisations non gouvernementales ayant la défense et la promotion des droits fondamentaux dans leur mandat, d'une part, et les autorités publiques, d'autre part.
C'est notamment pour combler ces lacunes que la Commission belge des droits fondamentaux doit être créée.
Monsieur le ministre, où en est la création de cette commission ? Qu'a-t-on déjà fait dans ce sens et que reste-t-il à faire ? Selon vous, dans quel délai cette commission sera-t-elle effectivement créée et quand pourra-t-elle entamer ses travaux ?
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - Comme vous l'indiquez, le Comité des droits de l'homme de l'ONU nous a recommandé, dans ses observations finales sur notre cinquième rapport périodique sur la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de créer une institution nationale des droits de l'homme en conformité avec les Principes dits de Paris, concernant le statut et le fonctionnement des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme.
La Belgique n'a effectivement pas encore d'institution nationale des droits de l'homme. Une telle création entraîne de nombreuses questions institutionnelles. C'est un problème extrêmement difficile à résoudre. En outre, la question se pose de savoir si cette démarche est vraiment utile.
Sur la base de l'accord du gouvernement du 10 juillet 2003, lequel prévoyait qu' « à l'instar de nos pays voisins, et comme le recommandent le Conseil de l'Europe et les Nations unies, le gouvernement mettra en place une Commission des Droits de l'Homme qu'il consultera régulièrement », des discussions politiques ont effectivement commencé. Mais les gouvernements successifs n'ont cependant pas repris ce dossier dans leurs priorités.
Se fondant notamment sur un document rédigé par une coalition d'ONG en 2006, la Belgique a alors demandé un avis circonstancié au Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme sur deux options concrètes : d'une part, la proposition telle que formulée par la coalition d'ONG, prévoyant schématiquement des accords de coopération entre les différents niveaux de pouvoir et, d'autre part, l'extension du mandat du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme.
Le Haut Commissariat a transmis une évaluation concrète de ces deux options sans cependant en préconiser une en particulier.
Il me paraît important de souligner que même s'il n'existe pas encore « une » institution nationale des droits de l'homme, la Belgique possède déjà plusieurs institutions exerçant des compétences relatives aux droits de l'homme et qu'il serait dommage d'entraver. On peut notamment citer l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes, créé en 2002, qui a pour tâche de veiller au respect de l'égalité des femmes et des hommes et de combattre toute forme de discrimination et d'inégalité basée sur le sexe ; le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, créé en 1993, qui a pour mission de promouvoir l'égalité des chances et de combattre toutes formes de distinction, exclusion, restriction ou préférence basées sur des critères déterminés ; la Commission nationale pour les droits de l'enfant, créé en 2007, qui est une plate-forme de concertation, caractérisée par une large représentation de tous les niveaux de pouvoir et de la société civile ; la Commission Vie privée, qui a pour mission d'interpréter les dispositions de la loi du 8 décembre 1992 relative à la protection de la vie privée à l'égard des traitements de données à caractère personnel ; la Commission interministérielle de droit humanitaire, qui a pour tâche de coordonner les mesures nationales d'application des Conventions de Genève et de leurs Protocoles et d'examiner des questions relatives au droit international humanitaire.
Des pourparlers sont également en cours pour mettre en place un mécanisme indépendant pour la promotion, la protection et le suivi de la mise en oeuvre de la Convention relative aux personnes handicapées.
Les différents mandats de ces institutions recouvrent déjà en partie le mandat d'une potentielle « institution nationale des droits de l'homme ». Plusieurs questions portant sur les droits de l'homme y sont traitées, qu'il s'agisse de groupes vulnérables ou de thématiques particulières.
Les observations finales du Comité des droits de l'homme de l'ONU sur notre cinquième rapport périodique au sujet de la mise en oeuvre du Pacte international relatif aux droits civils et politiques seront bientôt discutées entres les différents départements de l'État fédéral et des entités fédérées. À cette occasion, nous examinerons la recommandation de ce comité de créer une « institution nationale des droits de l'homme » en conformité avec les Principes de Paris.
La création d'une institution spécifique pourrait compléter les mécanismes déjà en place, mais devra cependant tenir compte des institutions existantes, afin de ne pas faire double emploi et d'assurer une approche cohérente en matière de droits de l'homme en Belgique.
Selon la formule récurrente, il appartiendra au prochain gouvernement de mettre la question à l'ordre du jour de l'agenda politique. Un gouvernement en affaires courantes ne peut en décider. Le débat est connu mais il devra un jour faire place à une décision définitive. J'ai été régulièrement confronté à cette demande. Je le répète, nous bénéficions de plusieurs institutions qui fonctionnent bien ; il serait dommage de les handicaper en créant un autre organe qui pourrait faire double emploi et compliquer le paysage.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le ministre. Il me semble - corrigez-moi si je me trompe - que ce gouvernement n'a pas toujours été en affaires courantes et qu'une décision aurait pu être prise. Vous soulignez, à juste titre, l'existence de nombreuses questions institutionnelles, et exposez deux scénarios.
Le rapport est-il disponible ? Est-il public ? Pouvons-nous en disposer, ainsi que des deux analyses qui ont été faites ?
Vous avez cité notamment l'Institut pour l'égalité des femmes et des hommes et le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme. Un des éléments qui rendent la discussion institutionnelle difficile est la question de l'indépendance des institutions. Certains organes ne sont pas indépendants au sens des Principes de Paris. Il faudra effectivement éviter les doubles emplois, tout en veillant à ce que les organes soient totalement indépendants. Certains dossiers ou revendications permettent de mesurer les limites de l'exercice pour certaines institutions, par rapport à l'autorité publique.
Par ailleurs, je vous rejoins sur le fait qu'une décision politique s'impose.
Je regrette que le gouvernement soit en affaires courantes, mais cela vous donne une occasion de refiler « le cadeau » à votre successeur que, par ailleurs, je ne manquerai pas d'interroger, monsieur le ministre.