5-203/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

1er OCTOBRE 2010


Proposition de loi généralisant le régime du tiers payant

(Déposée par Mme Marleen Temmerman et M. Frank Vandenbroucke)


DÉVELOPPEMENTS


La maladie et la santé sont inégalement réparties dans la société

Divers facteurs sociologiques ont une incidence sur l'inégalité en matière de santé: les revenus, le travail, le niveau de formation, le logement, l'environnement et leurs conséquences sur le mode de vie. On observe davantage de risques et de problèmes de santé dans les ménages qui sont moins bien classés pour ces paramètres que dans les ménages qui s'en sortent mieux.

Une étude récente de la Fondation Roi Baudouin (FRB) montre que la fracture sanitaire entre les catégories sociales ne cesse de se creuser. Il peut être clairement démontré que l'espérance de vie augmente avec le degré de scolarisation. Les statistiques montrent par exemple qu'une femme de 25 ans disposant d'un diplôme de l'enseignement supérieur peut espérer vivre 18 ans de plus en bonne santé qu'une femme du même âge sans qualification (1) .

D'autres études révèlent que les enfants ayant un faible poids à la naissance sont 1,5 fois plus nombreux chez les ouvriers et 1,6 fois plus nombreux chez les chômeurs que chez les employés ou les indépendants. La mortalité infantile est aussi significativement plus importante: elle est 60 % plus élevée chez les ouvriers et 70 % plus élevée chez les chômeurs que chez les employés. Il ressort de l'enquête de santé menée en 1997 que les enfants asthmatiques âgés entre 3 et 14 ans sont deux fois plus nombreux chez les employés, 2,85 fois plus nombreux chez les ouvriers qualifiés et 3,14 fois plus nombreux chez les ouvriers non qualifiés que chez les cadres.

Les adolescents (de 14 à 18 ans) des catégories sociales défavorisées sont moins souvent vaccinés contre la polio, le tétanos et la rougeole. Environ un quart des adolescents des groupes sociaux défavorisés ne sont pas correctement vaccinés contre le tétanos, et plus d'un tiers ne reçoivent pas la quatrième dose du vaccin contre la polio. La probabilité de ne pas être vacciné contre une maladie est de 1,5 à 4 fois plus élevée chez les enfants de ces catégories sociales que chez les enfants de catégories sociales plus élevées. Il ressort d'une étude de la MC que les enfants issus de ménages qui bénéficient d'un revenu plus élevé vont, en moyenne, deux fois plus souvent chez le dentiste que les enfants des ménages à faibles revenus (2) .

Une autre étude consacrée à l'inégalité sanitaire met quant à elle le doigt sur les différences dans le domaine de la santé entre la catégorie des 20 % des revenus fiscaux les plus bas et celle des 20 % les plus élevés. Elle met en exergue les inégalités sociales importantes qui existent au sein de la population belge dans le domaine de la santé (3)

Tableau 1: indicateurs de santé et catégorie sociale

Événements au cours de l'année 2006 Indice standardisé pour la catégorie Ratio (1)/(2)
la plus faible (1) la plus élevée (2)
Taux de mortalité 121.0 83.4 1.45
Décès à domicile 82.9 109.6 0.76
Incapacité de travail (30 jours minimum) 124.7 80.6 1.55
Invalidité 132.8 80 1.66
Admission dans une institution psychiatrique ou dans le service (neuro)-psychiatrique d'un hôpital général 158.5 72.4 2.19
Soins dentaires préventifs 72.4 113.6 0.64
Facturation d'un forfait pour soins urgents 143.4 87.5 1.64

Les différences sont tout aussi marquées sur le plan de la santé mentale. Les personnes vivant dans la pauvreté se sentent moins bien, souffrent davantage de dépressions, d'angoisses et de troubles du sommeil. Le prix de la pauvreté est énorme en termes de santé mentale.

La pauvreté se transmet de génération en génération. Il est dès lors prioritaire d'éviter toute forme de retard dans les familles pauvres. Nous constatons que toutes sortes de maladies et d'affections plus ou moins graves touchant les enfants (par exemple, œil paresseux, caries dentaires, malformation du pied, affections asthmatiques, etc.) ne sont pas traitées ou le sont trop tard. Ces enfants commencent donc leur vie avec un déficit de santé qui est irréversible dans la plupart des cas.

Nous finançons de plus en plus nos soins de santé de notre poche (dépenses « out-of-pocket »)

Les causes d'inégalité au sein de la population belge en matière de maladies et de médecine préventive sont diverses. Un facteur important à cet égard est le coût des soins de santé, que les ménages socialement vulnérables ont du mal à supporter et qui grève également de plus en plus le budget des personnes disposant de revenus moyens. Les catégories à faibles revenus étant davantage confrontées à la maladie, elles doivent consacrer aux soins de santé une part plus grande du budget de leur ménage en termes relatifs comme en termes absolus.

Les données diffèrent d'une étude à l'autre, mais les conclusions concordent: ces dernières années, nous finançons de plus en plus nos soins de santé de notre poche (dépenses « out-of-pocket ») et nous ne réalisons pas un bon score en la matière sur le plan international. Voici les résultats de trois études:

Les dépenses nationales en soins de santé, 7e édition, Assuralia, mars 2010

La quote-part personnelle du patient comprend les dépenses qui ne sont pas financées par les pouvoirs publics et qui ne sont pas remboursées par l'assureur privé ni par la mutualité dans le cadre d'une assurance complémentaire. Nous constatons que la quote-part du patient continue d'augmenter (19,5 % en 2008 contre 18,8 % en 2007). Il s'agit:

— des tickets modérateurs officiels (le maximum à facturer est déjà déduit des tickets modérateurs);

— des dépenses out-of-pocket (suppléments d'honoraires, médicaments non remboursables, etc.).

Les dépenses out-of-pocket, tickets modérateurs et assurances privées ont représenté ensemble une quotité de 24,1 % en 2008. La Belgique se classe ainsi parmi les pays les plus chers d'Europe, aux côtés de l'Espagne et de la Suisse.

Wealthcare of healthcare ?, Itinera Institute, 2010/29, avril 2010

Augmentation des dépenses privées (sous la forme de tickets modérateurs et d'assurances privées) en Belgique: alors qu'elles ne représentaient que 23 % des dépenses totales de soins de santé en 1997, elles atteignent aujourd'hui 28 %. Cette tendance haussière se poursuit.

Eco-Santé OCDE 2010 — Version: juin 2010

Le Belge paie relativement beaucoup de sa poche, comparativement à d'autres pays.

Tableau 2: dépenses « out-of-pocket » en Occident

Health expenditure by financing agent/scheme, Out-of-pocket payments (households), % total expenditure on health, TEH
2007 2008
OECD countries
Australia 18,0
Austria 15,4 15,1
Belgium de 21,3 de 22,2 de
Canada 14,7 14,7 e
Chile
Czech Republic 13,2 15,7
Denmark d 13,8 d
Finland 19,0 19,4
France 7,1 7,4
Germany 13,3 13,0
Greece
Hungary 24,3 23,9
Iceland 16,0 15,3
Ireland 14,1 14,4
Italy 20,1 19,5
Japan 14,6
Korea 35,5 35,0
Luxembourg e
Mexico 50,9 49,3
Netherlands de 5,5 de 5,7 e
New Zealand de 14,3 13,9
Norway 15,1 15,1 e
Poland 24,2 22,4
Portugal
Slovak Republic 26,2 25,7
Spain 21,0 20,7
Sweden 15,8 15,6
Switzerland 30,7 30,8 e
Turkey 21,8
United Kingdom 11,7 11,1
United States 12,3 12,1
Accession countries
Estonia 21,9 19,7
Israel 27,2 29,7
Slovenia 13,3 12,8
Legend b: Break in series d: Differences in methodology e: Estimate

Mais de plus en plus de personnes éprouvent des difficultés à payer leurs soins de santé ...

Les résultats de la dernière enquête de santé en Belgique (2008) ont été publiés à la mi-juillet 2010. Il en ressort que 14 % des personnes interrogées reportent des soins médicaux, dentaires ou mentaux, ou l'achat de médicaments ou de lunettes, car elles ne peuvent pas se permettre ces dépenses. Or, elles n'étaient que 9 % selon l'enquête précédente, réalisée en 1997. À Bruxelles, pas moins d'une personne sur quatre (26 %) diffère des soins pour des raisons financières, contre 11 % en Flandre.

Tableau 3: ménages contraints de différer des dépenses médicales pour des raisons financières (source: étude FRB 2010)

En outre, l'enquête confirme que de plus en plus de personnes (un ménage sur trois) éprouvent des difficultés à intégrer les dépenses de santé dans le budget familial. Ce sont principalement des personnes âgées, lesquelles ont besoin de plus de soins en général. Néanmoins, la composition du ménage joue également un rôle important à cet égard. C'est ainsi que plus de la moitié des familles monoparentales ont actuellement des difficultés à payer leurs dépenses de santé.

En résumé, il existe une réelle fracture sanitaire entre riches et pauvres dans notre société. Celle-ci est due principalement à l'augmentation du coût des soins de santé et au fait que les patients en Belgique doivent de plus en plus financer ces dépenses de leur poche. C'est ainsi que les personnes démunies entrent souvent dans un cercle vicieux: la pauvreté rend malade et la maladie rend pauvre. Autrement dit, la pauvreté mine la santé et une personne en mauvaise santé risque davantage de basculer dans la pauvreté.

Accessibilité des soins de santé

Il existe certes des mesures de soutien qui visent à améliorer l'accessibilité financière des soins de santé, comme l'accès généralisé à l'assurance-maladie, l'intervention majorée, le statut Omnio, le filet de sécurité du maximum à facturer et le forfait pour maladies chroniques.

Le système de la médecine forfaitaire appliqué dans certains cabinets et maisons médicales offre une réponse à divers besoins de soutien, mais cela ne permet d'atteindre que 1,5 % de la population, alors que le nombre de personnes qui ont des difficultés à payer leurs dépenses de soins de santé est beaucoup plus élevé. Des actions politiques supplémentaires s'imposent donc.

Les coûts chez le prestataire de soins constituent un obstacle de taille pour les faibles revenus. En effet, les patients doivent d'abord avancer la totalité de la somme. Le régime du tiers payant est la solution adéquate toute trouvée. Les patients ne paient au prestataire de soins que le montant correspondant au ticket modérateur.

Tant la société civile ...

Depuis le Rapport général sur la pauvreté de 1995, on réclame l'extension du régime du tiers payant aux soins ambulatoires. Cette exigence a été réitérée dans la résolution 44 du rapport annuel 2005 du Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale (4) .

En 2008, Welzijnszorg a demandé un droit automatique au régime du tiers payant dans les soins de première ligne pour toutes les personnes à faibles revenus. Pour l'instant, ces personnes doivent demander elles-mêmes à en bénéficier et le prestataire de soins n'est pas tenu d'accepter. Welzijnszorg exige que le régime du tiers payant devienne un droit automatique pour les personnes à faibles revenus (5) .

En 2010, des organisations telles que « Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen » et « Verbruikersateljee », réunies pour discuter des objectifs de la décennie pour la lutte contre la pauvreté, ont encore plaidé explicitement en faveur d'une généralisation du régime du tiers payant.

Voici ce que l'on peut lire à ce sujet dans les objectifs en question (Decenniumdoelen Armoede 2017): « Introduire le régime du tiers payant dans les soins de première ligne. Les personnes qui ont de faibles revenus peuvent se faire rembourser les soins médicaux par le biais du régime du tiers payant: le patient ne paie alors que le ticket modérateur, et la partie à charge de l'assurance-maladie obligatoire est directement réglée avec la mutualité. Le problème du régime actuel réside dans le fait que son application dépend du bon vouloir du médecin. Pour éviter que des patients doivent avancer eux-mêmes l'argent pour les dépenses de santé, qu'ils reportent des soins ou qu'ils y renoncent, il faut non seulement que le système de paiement forfaitaire soit appliqué plus largement dans les soins de santé, mais aussi que le régime du tiers payant soit, à terme, appliqué purement et simplement à tout le monde dans les soins de première ligne. Actuellement, cette exigence est formulée en priorité pour les groupes de revenus les plus faibles, les malades chroniques, les enfants et les jeunes. (traduction) ».

... que les pouvoirs publics reconnaissent l'utilité du régime du tiers payant

Mme Laurette Onkelinx, la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, a annoncé qu'elle examinerait les possibilités d'extension du régime du tiers payant aux médecins généralistes (6) à la demande du Syndicaat Vlaamse Huisartsen. Les médecins généralistes espèrent limiter ainsi le risque pour leur propre sécurité étant donné qu'ils ne finiraient plus leur tournée de visites à domicile avec une coquette somme d'argent en poche. De même, ils espèrent venir ainsi en aide aux personnes qui ont des difficultés financières et pallier un handicap concurrentiel qui pèse sur les soins de première ligne par rapport aux hôpitaux. La ministre affirme dans sa note de politique générale qu'elle entend faire appliquer dès aujourd'hui le régime du tiers payant pendant le week-end afin d'éviter que les médecins généralistes aient une trop grosse somme d'argent sur eux (7) .

L'Accord national médico-mutualiste 2009-2010 dispose que la Commission nationale médico-mutualiste (CNMM) chargera un groupe de travail de formuler des propositions concernant l'extension et le renforcement du système du tiers payant social, le transfert électronique des données de facturation et le paiement plus rapide des médecins généralistes par les organismes assureurs. Il a été convenu dans le même accord que la CNMM poursuivra ses travaux au sein d'un planning global au niveau de l'INAMI concernant la facturation électronique de prestations ambulatoires en application du régime du tiers payant. On examinera la possibilité de permettre également l'application du régime du tiers payant via la facturation électronique pour les prestations actuellement exclues.

L'accord 2009-2010 prévoit aussi que l'accès au système du tiers payant facultatif est ouvert, à leur demande, aux médecins qui n'ont pas adhéré à l'accord, à condition qu'ils notifient au Collège intermutualiste national qu'ils respecteront les tarifs de l'accord pour les prestations couvertes par le système du tiers payant aux mêmes conditions que les médecins engagés.

Les organismes assureurs s'engagent à développer une procédure commune et simple afin d'assurer un paiement rapide des honoraires dus. À terme, cette procédure sera intégrée dans le cadre du projet My Carenet. La CNMM recommande d'appliquer le régime du tiers payant pour les consultations et les visites à tous les bénéficiaires du régime préférentiel qui présentent un document de leur organisme assureur attestant qu'ils ont droit à ce régime.

Propositions formulées au sein de groupes de travail sur la base de l'accord national médico-mutualiste 2009-2010 (points 7.2.2 et 14.2)

— Assurer une accessibilité optimale des soins pour certains groupes de patients.

À cet effet, il faut passer à un système obligatoire ne permettant plus au médecin de refuser l'application du régime du tiers payant social si le patient en fait la demande. À terme, il conviendra d'examiner si un système automatique ne constitue pas une meilleure solution et n'est pas moins stigmatisant pour le patient (si les données peuvent être échangées par voie électronique).

— Simplification administrative du système actuel de tiers payant social pour le médecin.

Dans l'état actuel de la législation, les médecins ont plusieurs raisons d'être réticents à l'égard du régime du tiers payant social. Ils veulent éviter des tracasseries administratives supplémentaires, ils ne sont pas certains que leur patient est bien « en règle » et ils doivent attendre longtemps pour percevoir leurs honoraires. Par ailleurs, le fait que de nombreux médecins aient déjà recours aujourd'hui à un bureau de tarification externe nuance quelque peu cette problématique.

Le délai prévu actuellement par la loi est de trente jours à compter de la fin du mois de la réception des attestations de soins. Le médecin peut déposer des attestations une fois par mois au maximum.

Ce délai de paiement serait considérablement réduit si:

1. les médecins pouvaient déposer leurs attestations plusieurs fois par mois;

2. pour les attestations déposées dans le cadre du tiers payant social, il existait une dispense d'inscription dans le facturier d'entrée (obligation pour les factures dans le cadre du tiers payant).

Problèmes supplémentaires

— Identification du groupe cible: quel instrument ?

À l'heure actuelle, il n'est pas (encore) possible d'échanger électroniquement avec le médecin généraliste des données relatives au statut du patient (qui fait partie du groupe cible du tiers payant social). Ces données peuvent être chargées sur la carte SIS, mais les médecins ne disposent pas d'un lecteur de carte. À moyen terme, il faudra donc chercher une solution par le biais de e-health/My Carenet. (Il va de soi que la consultation des données d'assurabilité d'un patient n'a de raison d'être pour le médecin que dans le cadre de l'application du tiers payant). Des documents papier pourront être utilisés au cours d'une période transitoire. La grande majorité des membres bénéficiant du tiers payant social relèvent du statut BIM ou Omnio. Pour ces membres, la vignette de la mutualité doit suffire. En ce qui concerne le groupe cible restant, on pourrait utiliser une simple attestation que la mutualité délivrerait au maximum une fois par année civile.

— Identification du groupe cible: mise à jour des données.

Tant la vignette de la mutualité que l'attestation délivrée risquent de ne pas (ou plus) correspondre aux données d'assurabilité au moment de la consultation chez le médecin. C'est pourquoi l'on pourrait faire du droit à l'application du tiers payant social un droit annuel. Les modifications du statut du patient durant l'année en cours n'auraient alors aucune incidence sur le droit à l'application du tiers payant social, ni sur le taux de remboursement.

Conclusion: cela fait plusieurs années que divers acteurs insistent sur la nécessité d'étendre le régime du tiers payant. Depuis pas mal de temps, des groupes de travail ont été chargés d'étudier les moyens d'étendre le régime du tiers payant et ils ont formulé d'excellentes propositions et recommandations. Mais dans les faits, le régime des années 80 n'a guère été modifié, voire pas du tout.

Comparaison avec d'autres pays

En fait, le régime du tiers payant est un système qui est appliqué automatiquement dans de nombreux pays (Canada, Allemagne, Pays-Bas, pays scandinaves, etc.). Le « remboursement » est, en réalité, une forme désuète de paiement des prestations dans le secteur médical. Tel n'est toutefois pas le cas dans des pays comme la Belgique, la France, le Grand-Duché de Luxembourg et, en partie, les Pays-Bas, où l'on applique le régime de restitution: le patient paie d'abord le montant intégral au prestataire de soins, puis l'organisme assureur rembourse les frais sur la base de l'attestation reçue, après déduction de l'intervention personnelle (ticket modérateur) (8) . La situation dans notre pays est donc plutôt exceptionnelle.

Pour les soins médicaux intensifs et de longue durée en particulier, ces avances sur les honoraires atteignent des montants considérables. Les mesures existantes (intervention majorée, maximum à facturer) n'y changent rien car elles n'ont d'impact que sur le ticket modérateur. Le budget des ménages à faibles revenus ne permet pas ou guère d'avancer de telles sommes, surtout s'il s'agit de visites multiples à brefs intervalles, ce qui met en péril la continuité des soins médicaux.

Régime du tiers payant: mesures existantes

Le régime du tiers payant est un système qui évite au patient d'avancer les frais. Des motivations tant sociales qu'administratives et budgétaires interviennent dans l'application de cet instrument. Le régime du tiers payant est réglé par l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994. L'idée qui sous-tend cet arrêté royal est d'interdire le tiers payant pour toutes les prestations qui sont la conséquence directe d'une initiative du patient, afin de le sensibiliser davantage au coût des prestations. L'objectif poursuivi ici est donc de limiter le nombre d'avis, de consultations et de visites (9) .

Le régime du tiers payant peut être appliqué par le dispensateur de soins, pour autant que les prestations ne soient pas soumises à des dispositions particulières (voir les rubriques ci-dessous).

Le régime du tiers payant comporte quatre applications obligatoires (article 5 (10) ) (11) :

1. l'intervention de l'assurance dans le prix de la journée d'entretien et les prestations y assimilées;

2. l'intervention de l'assurance dans le coût de toutes les prestations de santé dispensées pendant une hospitalisation;

3. l'intervention de l'assurance dans le coût des prestations de biologie clinique dispensées à des bénéficiaires non hospitalisés et qui sont visées aux articles 3, § 1er, A, II et C, I, 18, § 2, B, e) et 24 de l'annexe à l'arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, et à l'article 2, § 2, de l'arrêté royal du 24 septembre 1992 fixant des modalités relatives aux honoraires forfaitaires pour certaines prestations de biologie clinique, dispensées à des bénéficiaires non hospitalisés, ainsi qu'à la sous-traitance de ces prestations, lorsque ces prestations sont effectuées dans des laboratoires de biologie clinique pour lesquels les organismes assureurs retiennent en garantie les montants des interventions de l'assurance soins de santé conformément à l'arrêté royal du 17 février 1995 déterminant les conditions et les modalités particulières conformément auxquelles les organismes assureurs sont autorisés, en application de l'article 61 de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, à retenir en garantie des montants des interventions de l'assurance soins de santé dus pour des prestations dispensées dans les laboratoires de biologie clinique débiteurs auprès de l'Institut national d'assurance maladie-invalidité;

4. l'intervention de l'assurance dans le coût des prestations de santé mentionnées sous les numéros 450192 et 450214 dans le cadre du dépistage organisé du cancer du sein par mammographie, visé à l'article 17, § 1er, 1ºbis, de l'annexe à l'arrêté royal précité du 14 septembre 1984.

Dans certains cas, il est interdit d'appliquer le régime du tiers payant (article 6, alinéa 1er), à savoir pour les frais suivants:

1. le coût de toutes les prestations de santé visées au chapitre II de l'annexe à l'arrêté royal du 14 septembre 1984 établissant la nomenclature des prestations de santé en matière d'assurance obligatoire soins de santé et indemnités (consultations, visites et avis médicaux);

2. les frais de déplacement fixés conformément aux dispositions de l'article 50 de la loi coordonnée précitée;

3. le coût des prestations de santé mentionnées sous les numéros 0401-301011 et 0404-301033 à l'article 5, § 2, de l'annexe à l'arrêté royal précité du 14 septembre 1984 (consultations chez un dentiste et consultations d'un dentiste à domicile);

4. le coût des prestations de santé mentionnées sous les numéros de code figurant dans la rubrique « Traitements préventifs » à l'article 5, § 2, de l'annexe à l'arrêté royal précité du 14 septembre 1984;

5. le coût des prestations de santé dispensées à des bénéficiaires non hospitalisés et figurant sous le titre « Radiographies » à l'article 5, § 2, de l'annexe à l'arrêté royal précité du 14 septembre 1984;

6. le coût des prestations de santé dispensées à des bénéficiaires non hospitalisés et figurant sous le titre « Soins conservateurs » à l'article 5, § 2, de l'annexe à l'arrêté royal précité du 14 septembre 1984, sauf si ces prestations sont délivrées à des bénéficiaires âgés de moins de 18 ans.

Il existe un certain nombre d'exceptions à cette interdiction, qui autorisent l'application du régime du tiers payant pour les prestations mentionnées à l'alinéa précédent (article 6, alinéa 2)

Il y a tout d'abord les exceptions liées à la structure:

1. Lorsque les patients reçoivent des soins qui sont payés forfaitairement par la mutualité au prestataire de soins dans les centres de santé de quartier (maisons médicales). Le régime du tiers payant y est obligatoire. Des exceptions sont toutefois prévues si le patient reçoit des soins médicaux qui sont payés à la prestation.

2. Les soins dispensés dans les centres de soins de santé mentale, les centres de planification familiale et d'information sexuelle et les centres d'accueil pour toxicomanes.

3. Les soins dispensés dans des structures spécialisées dans les soins aux enfants, aux personnes âgées ou aux personnes handicapées qui y passent la nuit (comme une MRPA ou une MRS agréée, un centre médico-pédiatrique, un centre de revalidation).

4. Les soins dispensés dans le cadre d'un service de garde.

D'autres exceptions sont d'application dans le chef de l'ayant droit et des personnes à sa charge:

1. les soins administrés à des personnes qui, au cours du traitement, décèdent ou sont dans le coma;

2. les soins administrés à des personnes se trouvant dans une situation financière de détresse (12) ;

3. les soins administrés à des personnes pour la période durant laquelle elles ont droit à l'intervention majorée de l'assurance;

4. les prestations administrées à des personnes dont le revenu brut imposable est inférieur au montant annuel du revenu d'intégration et qui sont, de ce fait, exonérées de l'obligation de cotiser;

5. les prestations administrées à des personnes qui sont en chômage complet depuis au moins six mois;

6. les soins administrés à une personne qui a droit aux allocations familiales majorées;

7. l'utilisation du dossier médical global et du passeport du diabète donne lieu au paiement d'une indemnité annuelle, pour laquelle le patient peut demander l'application du tiers payant sans que le médecin puisse lui opposer un refus;

8. les prestations dentaires aux ayants droit jusqu'à leur 18e anniversaire; le patient peut demander l'application du tiers payant; si le médecin accepte, il doit appliquer les tarifs de la convention (13) .

Le médecin ou le dentiste adresse une demande d'accès au régime du tiers payant au Collège intermutualiste national, qui examine la demande et, sur la base de ces critères, l'accepte ou la refuse. Ce système s'applique donc à tous les patients et pour toutes les prestations ne faisant pas l'objet d'une interdiction. Les exceptions prévues à l'article 6, alinéa 2, peuvent être appliquées par tous les médecins et dentistes, qui peuvent décider pour chaque patient séparément. D'autres prestataires de soins (infirmiers, kinésithérapeutes, orthophonistes, etc.) peuvent recourir à ces possibilités d'application du système du tiers payant qui sont prévues dans les contrats respectifs entre les organismes assureurs et les prestataires de soins.

Analyse du problème du régime actuel du tiers payant

Le régime en vigueur présente plusieurs inconvénients marquants:

1. Une difficulté fondamentale réside en ce que, exception faite des cas d'application obligatoire prévus à l'article 5, c'est toujours le prestataire de soins qui décide d'appliquer ou non ce régime (14) .

En vertu de la réglementation actuelle, le patient soigné en ambulatoire n'a donc pas droit, à quelques exceptions près, au régime du tiers payant, même si ses revenus ne lui permettent pas d'avancer le ticket modérateur ou s'ils ne le permettent qu'à peine. Pour les bénéficiaires issus de familles à faibles revenus mentionnés à l'article 6, alinéa 2, 5º à 7º, le régime du tiers payant peut être appliqué pour les prestations normalement exclues mais, dans ce cas-ci également, uniquement si le prestataire de soins le décide.

2. Le patient doit se renseigner lui-même sur la possibilité d'obtenir, auprès d'un prestataire, le bénéfice du tiers payant, ce qui est également source d'obstacles en raison du manque d'informations disponibles, des capacités de communication limitées du patient, d'entraves administratives, etc.

3. La mauvaise application du système actuel a pour conséquence qu'un certain nombre d'ayants droit doivent (continuer à) payer, ce qui hypothèque l'accès aux soins ambulatoires.

4. Le système actuel du tiers payant est toujours limité à un groupe spécifique d'« ayants droit » et reste inaccessible aux autres citoyens.

5. Pour les prestataires de soins, la complexité du système signifie une lourde charge administrative pour laquelle ils ne bénéficient d'aucune compensation financière. Au contraire, ils risquent une amende de 25 à 250 euros s'ils commettent des erreurs de traitement administratif, par exemple en délivrant en retard les documents relatifs au régime du tiers payant.

Conséquence: faible taux d'application

Il ressort de données de l'INAMI qu'en 2003, seulement 6 % du montant total remboursé pour des consultations, visites, conseils et déplacements l'ont été par le biais du tiers payant pour des patients ambulatoires (15) . Pour les soins dentaires, 14,8 % du montant remboursé par l'INAMI en 2003 l'ont été par le biais du tiers payant. Selon une étude des Mutualités libres, le tiers payant n'a été appliqué qu'à 11 % des affiliés dans le cadre de soins dentaires (16) . Une petite partie de ceux-ci (3 %) ont invoqué pour cela une situation de détresse financière. Seuls 39 % des dentistes qui ont traité des patients affiliés MLOZ ont appliqué au moins une fois le tiers payant. En outre, des différences régionales et provinciales ont également été constatées. L'application du tiers payant par les dentistes est inversement proportionnelle à leur ancienneté.

Des données plus récentes (INAMI, juin 2010) indiquent que le nombre de médecins qui ont effectué des prestations en recourant au tiers payant a augmenté de 3,5 %, passant de 29 935 en 2004 à 30 937 en 2008 (voir tableau 3). Un recul de 6 à 7 % a même été enregistré chez les dentistes: alors qu'en 2004, 5 113 dentistes ont recouru au tiers payant, ils n'étaient plus que 4 779 à le faire quatre ans plus tard (voir tableau). Le nombre de demandes introduites est manifestement inconnu.

Il y a environ un an, plusieurs bureaux de tarification ont soudainement remarqué une augmentation spectaculaire du recours au tiers payant. Ce phénomène était en partie imputable à un doublement du nombre de notes d'honoraires de médecin impayées, qui a amené de plus en plus de médecins à recourir au système du tiers payant (la nomenclature des prestations médicales ne permet pas d'identifier les prestations qui ont été effectuées dans le cadre d'un service de garde).

Tableau 4: application du régime du tiers payant par les médecins et les dentistes (2004-2008)

Dans 95 % des cas, les infirmiers qui soignent à domicile appliquent le régime du tiers payant. Les spécialistes l'appliquent rarement en ce qui concerne les prestations ambulatoires et les hôpitaux sont soumis à des règles spécifiques. Les kinésithérapeutes disposent de peu de possibilités d'appliquer le tiers payant en raison des accords conclus avec les organismes assureurs. L'incidence du régime du tiers payant est donc très limitée actuellement.

Projets pilotes « Règle du tiers payant »

Les projets pilotes « Règle du tiers payant » qui ont été lancés à Gand, dans le pays de Waas, à Anvers et à Liège ont montré que la promotion du régime du tiers payant qui se fonde sur la concertation et le soutien pratique (élaboration d'une procédure et information efficace) a un effet positif sur l'accessibilité des soins de santé.

C'est à la suite d'une série de constats que les projets ont été mis sur pied. Tout d'abord, les médecins ont remarqué qu'un nombre croissant de patients éprouvaient des difficultés de paiement. Ceux-ci ont dès lors tendance à reporter ou à annuler une consultation. Les médecins ont également constaté que les patients s'adressaient plutôt aux services d'urgence parce que ceux-ci n'exigaient aucun paiement direct.

Le projet mené à Gand a entraîné un quasi-doublement du nombre de généralistes appliquant le régime du tiers payant, qui est passé de 6,8 % à 12,2 %. Le nombre de patients pour lesquels le régime du tiers payant a été appliqué a plus que quadruplé. L'augmentation a été la plus nette pour les patients bénéficiant d'une intervention majorée, à savoir les retraités et les invalides, essentiellement.

Proposition: un droit automatique au régime du tiers payant

Le régime du tiers payant peut fortement contribuer à améliorer l'accessibilité des soins de santé et à combler le fossé qui existe entre les pauvres et les riches en matière de santé. De nombreuses études montrent que le fait de devoir débourser de l'argent constitue un frein considérable à l'accès aux soins, même lorsque les frais sont remboursés en grande partie. Le World Health Report 2008 « Primary Health Care: now more than ever ! » considère le fait de devoir débourser de l'argent comme un grand frein à l'universalité des soins.

L'intervention majorée et, plus particulièrement, le maximum à facturer permettent de limiter dans une certaine mesure le coût du ticket modérateur à payer par les ménages. En revanche, l'obligation d'avancer les montants remboursables facturés pour la plupart des prestations ambulatoires peut poser problème aux ménages. Le régime du tiers payant est d'ores et déjà une mesure de principe, prévue par la loi, qui n'est cependant guère appliquée. Cela tient aux entraves légales et administratives, à la complexité de la mesure, au manque d'information de toutes les parties concernées, à l'autonomie réduite des patients et à leur peur d'être stigmatisés comme indigents à la suite de leur demande. Afin d'éviter cette situation, nous souhaitons ériger le régime du tiers payant en droit. En vue d'améliorer l'accessibilité administrative du régime, il est absolument indispensable que l'avantage soit octroyé automatiquement.

L'application obligatoire élimine une éventuelle concurrence entre les dispensateurs de soins, ce qui améliore aussi l'attractivité du système.

Un régime généralisé de tiers payant permet d'assurer un suivi immédiat des profils de prestation et de détecter directement d'éventuels abus.

En vue d'améliorer la transparence du système, les auteurs estiment qu'il faut imposer aux dispensateurs de soins l'obligation de délivrer une facture du patient lorsqu'ils appliquent le régime du tiers payant. Le Comité de l'assurance est habilité à définir les modalités de la facture du patient (sur proposition de la commission de conventions ou d'accords concernée). Ces modalités sont également fixées dans la loi.

Modalités

Le régime du tiers payant obligatoire s'applique à toutes les prestations. Si le champ d'application était, par exemple, limité aux consultations et aux visites à domicile, les actes techniques en seraient exclus, alors que ce sont les prestations les plus coûteuses.

Nous voulons faire en sorte que le régime du tiers payant soit plus acceptable et plus intéressant pour les dispensateurs de soins, et ce, par le biais de campagnes d'informations ciblées, de la simplification administrative, de contrôles efficaces et de l'informatisation. Il convient également de prévoir des règles en vue d'accélérer le remboursement par l'organisme assureur, en cas d'application du régime du tiers payant, au dispensateur de soins, celui-ci devant actuellement attendre nettement plus longtemps pour percevoir ses honoraires que pour un remboursement ordinaire. À cet effet, il conviendra, dans une phase ultérieure, d'adapter la réglementation pour les mutualités afin de permettre aux organismes assureurs de procéder plus rapidement aux paiements. Dans l'arrêté royal du 27 avril 2007 modifiant l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, l'application du régime du tiers payant en médecine générale a été modifiée de manière à ce que le système puisse fonctionner plus rapidement et soit applicable aussi pendant le service de garde.

Sur le plan technique, l'application du régime du tiers payant obligatoire doit passer par la voie électronique: la disparition de la carte SIS et l'enregistrement des données sociales sur la puce de la carte d'identité d'ici à 2013 entraîneront une énorme simplification administrative. L'un des principaux projets de l'INAMI en matière d'informatisation et de modernisation pour la période 2010-2012 est MyCareNet. Il s'agit d'un réseau permettant aux prestataires de soins et aux organismes assureurs d'échanger des données administratives et financières. Jusqu'à présent, un réseau de ce type n'existait qu'entre les hôpitaux et les organismes assureurs.

Le nouveau réseau permet aux prestataires de soins de visualiser les droits des patients. Les bénéficiaires du statut Omnio, qui donne droit à un remboursement plus important des frais médicaux aux personnes dont le revenu du ménage est peu élevé, pourront ainsi faire valoir leurs droits plus facilement.

L'introduction du nouveau réseau permettra aussi de supprimer la carte SIS dès 2013. Le patient devrait alors être identifié à la pharmacie au moyen de sa carte d'identité électronique.

Un deuxième grand projet intitulé Recip-e vise à inciter les prestataires de soins à établir des prescriptions électroniques.

Tous ces projets d'informatisation doivent contribuer à réduire le travail inutile qui est fait actuellement par un grand nombre d'employés (établir des relevés manuellement, vérifier des documents, etc.).

Mesures transitoires

En vue d'assurer l'applicabilité du régime dans le cadre de la réglementation et du fonctionnement de l'INAMI, ainsi que pour permettre aux dispensateurs de soins et aux organismes assureurs de s'adapter aux nouvelles règles, une série de mesures transitoires sont prévues jusqu'en 2014:

1. À partir de 2011, tous les bénéficiaires peuvent demander de leur propre initiative l'application du régime du tiers payant au dispensateur de soins, lequel ne peut pas refuser. Cette disposition est ajoutée à l'article 4 de l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.

2. Parallèlement, l'interdiction d'appliquer le régime du tiers payant est supprimée. Cela signifie que les dispensateurs de soins peuvent toujours décider d'appliquer le régime du tiers payant de leur propre initiative. Les restrictions en vigueur, prévues à l'article 4bis du même arrêté royal, sont supprimées à cet effet.

Le groupe cible comprend les bénéficiaires et les personnes à leur charge qui se trouvent dans l'une ou plusieurs des situations suivantes:

— les enfants (jusqu'à l'âge de 18 ans);

— les bénéficiaires qui se trouvent exceptionnellement dans une situation financière individuelle de détresse;

— les bénéficiaires de l'intervention majorée ou du statut Omnio;

— les bénéficiaires qui sont au chômage complet depuis au moins six mois;

— les bénéficiaires dont le revenu brut imposable est inférieur au montant annuel du revenu d'intégration et qui sont, de ce fait, exonérés de l'obligation de cotiser;

— les bénéficiaires d'un remboursement dans le cadre du maximum à facturer au cours de l'année précédente;

— en cas de facturation électronique;

— en cas de prestations de garde.

3. Le régime du tiers payant automatique est instauré à partir de 2011 pour plusieurs groupes cibles prioritaires, à savoir les jeunes, les ménages à faibles revenus et les bénéficiaires qui ont dû faire face à de nombreux frais médicaux dans un passé récent. Outre les prestations pour les groupes cibles spécifiés, la même règle s'applique aussi aux prestations de garde et en cas de facturation électronique. D'autre part, l'on instaure le principe selon lequel le régime du tiers payant est obligatoire pour les bénéficiaires du groupe cible défini, sauf si une convention ou un accord contraire a été conclu entre les dispensateurs de soins et les organismes assureurs.

À partir de 2013, le régime du tiers payant obligatoire et automatique est étendu à tous les bénéficiaires. À ce moment-là, la logistique ne pourra plus poser de problèmes, étant donné que MyCareNet sera opérationnel, la carte SIS sera supprimée et la carte d'identité électronique aura été généralisée.

Régime

Les organismes assureurs examinent, de leur propre initiative, si le patient répond aux conditions. Les bénéficiaires confrontés à des difficultés financières prennent l'initiative de faire une déclaration sur l'honneur à l'organisme assureur. En effet, pour cette catégorie, la mutualité ne dispose pas des données nécessaires pour déterminer le revenu. Pour autant qu'il s'agisse de personnes ou de familles qui possèdent un dossier auprès du CPAS, celui-ci peut jouer un rôle à cet égard en délivrant, en concertation avec l'intéressé, un certificat d'indigence. Il est évident que le dispensateur de soins peut également juger, conformément aux règles existantes, que le bénéficiaire entre en ligne de compte pour le régime du tiers payant eu égard à sa situation financière.

Les organismes assureurs remettent au bénéficiaire ou à son représentant légal une attestation indiquant que le patient entre en ligne de compte pour l'application du régime obligatoire du tiers payant. Pour les assurés qui satisfont aux conditions de l'article 6, alinéa 2, 6º et 7º, les organismes assureurs apposent d'ores et déjà une mention sur la carte SIS en ce qui concerne l'application du régime du tiers payant. En vertu de la présente proposition de loi, ils pourraient étendre cette mention aux données relatives à l'application obligatoire du régime du tiers payant. Si cette étape est franchie, on pourra totalement automatiser la procédure d'application du régime obligatoire du tiers payant dès que l'ensemble des dispensateurs de soins seront en mesure d'effectuer une lecture électronique de la carte SIS.

Il va de soi que le patient qui ne satisfait plus aux conditions est déchu de ce droit et doit restituer l'attestation.

Sur présentation de l'attestation, le prestataire de soins applique le régime du tiers payant à toutes les prestations conformément aux règles énoncées dans l'arrêté royal. Si l'application obligatoire est la règle, les organismes assureurs et les prestataires de soins peuvent toutefois modifier et limiter le caractère obligatoire dans une convention ou un accord suivant les règles qui y sont fixées.

À cet égard, une exception est prévue à l'article 4bis, § 1er, 2º, qui dispose que le prestataire de soins doit appliquer le régime du tiers payant « ordinaire » à l'ensemble de ses patients. Cette disposition cesse d'avoir effet en cas d'application obligatoire étant donné que l'objectif de la modification de l'arrêté royal proposée ici se limite à des groupes cibles spécifiques et prive le prestataire de soins de la possibilité de choisir.

Marleen TEMMERMAN.
Frank VANDENBROUCKE.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

À l'article 53, § 1er, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, modifié en dernier lieu par la loi du 19 décembre 2008, les modifications suivantes sont apportées:

1º l'alinéa 1er est remplacé par ce qui suit:

« Les dispensateurs de soins dont les prestations donnent lieu à une intervention de l'assurance sont tenus de remettre aux bénéficiaires et aux organismes assureurs une attestation matérielle ou électronique de soins ou de fournitures ou un document équivalent dont le modèle est arrêté par le Comité de l'assurance, sur la proposition de la commission de conventions ou d'accords compétente en fonction de la nature des prestations, où figure la mention des prestations effectuées; pour les prestations reprises à la nomenclature visée à l'article 35, § 1er, cette mention est indiquée par le numéro d'ordre à ladite nomenclature ou de la manière déterminée dans un règlement pris par le Comité de l'assurance sur la proposition du Conseil technique compétent en fonction de la nature des prestations. »;

2º les alinéas 7, 8 et 9 sont remplacés par un alinéa rédigé comme suit:

« Le dispensateur de soins, le service ou l'institution reçoit directement, sans intervention du bénéficiaire, de l'organisme assureur auquel est affilié ou inscrit le bénéficiaire à qui les prestations de santé ont été dispensées, le paiement de l'intervention due dans le cadre de l'assurance maladie obligatoire. Le Roi fixe les modalités du paiement des interventions de l'assurance effectué par les organismes assureurs aux dispensateurs de soins. »;

3º le dernier alinéa est abrogé.

Art. 3

Dans l'article 4 de l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, modifié par l'arrêté royal du 8 mai 2001, il est inséré, avant l'alinéa 1er, deux alinéas rédigés comme suit:

« Les interventions de l'assurance pour des prestations de santé peuvent, à l'initiative du dispensateur de soins, être soumises au régime du tiers payant.

Le médecin ne peut pas refuser d'appliquer le régime du tiers payant si le bénéficiaire en fait la demande. »

Art. 4

L'article 4bis du même arrêté royal, modifié en dernier lieu par l'arrêté royal du 9 février 2009, est remplacé par ce qui suit:

« Art. 4bis. — Sauf si une convention ou un accord au sens de l'article 51, § 1er, alinéa 1er, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, en dispose autrement et par dérogation aux dispositions des articles 4 et 6, l'application du régime du tiers payant est obligatoire lors du paiement de l'intervention de l'assurance dans les frais des prestations pour les bénéficiaires qui répondent aux conditions visées à l'article 6, alinéa 2, 5º à 13º.

En fonction de l'alinéa précédent, l'organisme assureur met de sa propre initiative à la disposition du bénéficiaire qui a droit sur cette base à l'application du régime du tiers payant, une attestation établissant ce droit. L'organisme assureur ne met cette attestation à la disposition du bénéficiaire désireux de faire usage de ce droit sur la base des conditions visées à l'article 6, alinéa 2, 5º, qu'après la délivrance par un CPAS d'une attestation à validité réduite prouvant la situation financière précaire.

Le prestataire de soins applique le régime du tiers payant sur présentation de l'attestation s'il en a l'obligation en application de l'alinéa 1er. »

Art. 5

L'article 6, alinéa 2, du même arrêté royal, modifié en dernier lieu par l'arrêté royal du 9 février 2009, est complété par les dispositions 10º à 12º rédigées comme suit:

« 10º aux bénéficiaires n'ayant pas encore atteint l'âge de dix-neuf ans;

11º aux bénéficiaires du statut Omnio visé à l'arrêté royal du 1er avril 2007 fixant les conditions d'octroi de l'intervention majorée de l'assurance visée à l'article 37, §§ 1er et 19, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, et instaurant le statut Omnio, ainsi qu'aux personnes qui sont à leur charge;

12º aux bénéficiaires qui, au cours de l'année civile précédente, avaient droit au maximum à facturer visé dans la loi du 5 juin 2002 relative au maximum à facturer dans l'assurance soins de santé. »

Art. 6

L'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994, cessera d'être en vigueur le 1er janvier 2013.

Art. 7

L'article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2013. Les articles 3, 4 et 5 entrent en vigueur le 1er janvier 2011.

20 juillet 2010.

Marleen TEMMERMAN.
Frank VANDENBROUCKE.

(1) Étude Tackling Health Inequalities in Belgium (TAHIB), une recherche des services publics de programmation Politique scientifiquemenée par l'Institut scientifique de santé publique (ISP), le Centre d’études socio-économiques de la santé (SESA) de l’UCL et le Steunpunt Demografie de la VUB.

(2) Mousset Jean-Philippe, Diels Joris, Oral Health Care. Consumption within the Belgian System, MC, 2002, Bruxelles.

(3) Avalosse Hervé, Gillis Olivier, Cornelis Koen, Mertens Raf, Gezondheidsongelijkheid in België, Onderzoek en Ontwikkeling, MC, juillet 2008.

(4) Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l'exclusion sociale, Abolir la pauvreté. Une contribution au débat et à l'action politiques, décembre 2005; « Hoe gezond zijn arme kinderen ? », Artsenkrant, no 1705, 18 octobre 2005.

(5) Armoede schaadt de gezondheid, texte de la campagne d'aide aux personnes 2008, Welzijnszorg.

(6) « Onkelinx onderzoekt of patiënt enkel remgeld kan betalen aan huisarts », De Morgen, 29 janvier 2008, p. 5.

(7) Note de politique générale de la ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, partie Santé publique, p. 21, doc. 52-0995/002, 3 avril 2008.

(8) De Maeseneer, Jan (promoteur), « Toegankelijkheid in de gezondheidszorg. Eindrapport. Deelrapport 5: Acties om de toegankelijkheid te verbeteren », Université de Gand, Vakgroep Huisartsgeneeskunde en Eerstelijnsgezondheidszorg, 2003.

(9) Rapport au Roi, arrêté royal du 10 octobre 1986.

(10) Toutes les références renvoient à des articles de l'arrêté royal du 10 octobre 1986 portant exécution de l'article 53, § 1er, alinéa 9, de la loi relative à l'assurance obligatoire soins de santé et indemnités, coordonnée le 14 juillet 1994.

(11) Arrêté royal du 10 octobre 1986 relatif au régime de tiers payant et circulaire de l'INAMI du 27 mai 2004 décrivant les modalités d'application des exceptions à l'interdiction en matière d'application du régime du tiers payant.

(12) En ce qui concerne les prestations dentaires, c'est le patient qui en fait la demande dans une déclaration sur l'honneur rédigée et signée de sa main, faisant état qu'il se trouve dans une situation où la réglementation permet l'application du régime du tiers payant. Cette déclaration est jointe à l'attestation. L'application du régime du tiers payant pour des prestations médicales fournies aux bénéficiaires se trouvant occasionnellement dans une situation financière individuelle de détresse n'est pas autorisée pour les prestations fournies par des praticiens de l'art dentaire auxquels le droit au régime du tiers payant a été retiré, et ce pour la durée du retrait.

(13) Arrêté royal du 6 décembre 2005.

(14) Ce n'est que si le patient demande l'application du tiers payant pour la gestion du dossier médical global que le médecin ne peut refuser cette application (article 6, alinéa 3, de l'arrêté royal).

(15) INAMI, service des Soins de santé, section Études actuarielles, Statistiques des soins médicaux, 2004.

(16) Application du tiers payant dans les soins dentaires. Une étude des Mutualités libres, Bruxelles, décembre 2007.