5-209/1

5-209/1

Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

4 OCTOBRE 2010


Proposition de résolution relative à l'instauration d'un système de planification de la carrière (SPC)

(Déposée par Mme Sabine de Bethune et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de résolution reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 3 février 2009 (doc. Sénat, nº 4-1159/1 - 2008/2009).

Lorsque c'est possible, les gens veulent de plus en plus faire leurs propres choix, y compris en ce qui concerne le développement de leur carrière. Il est dès lors important d'être correctement informé des droits (constitués) et des obligations et de connaître les conséquences des choix faits ou à faire. Il peut également être utile de connaître l'issue de certains événements, comme la maladie ou la grossesse.

Un système électronique intégré, accessible et sûr peut constituer une solution à cet égard.

Le Système de planification de la carrière (SPC) permet de consulter électroniquement et de manière aisée les droits personnels constitués en matière de pension, de sécurité sociale, de mesures en faveur de l'emploi, d'interruption de la carrière professionnelle et de crédit-temps. Les conséquences de certains choix au niveau de la carrière ou de la rémunération sur la constitution de droits sociaux, financiers ou autres peuvent également être simulées. De cette manière, les personnes concernées — salariés, indépendants, fonctionnaires — peuvent effectuer des choix fondés au cours de leur carrière. Lorsqu'on est bien informé, on sera également moins confronté ultérieurement à des surprises (financières). C'est ainsi que le jeune parent peut choisir de manière plus éclairée entre le travail à temps partiel et le crédit-temps; que le salarié peut vérifier ce que le démarrage d'une activité indépendante impliquerait pour lui (au niveau des droits sociaux et de la pension); qu'un chômeur peut évaluer les conséquences — et les possibilités de reprise du travail ou de formation — après une période d'inactivité; que le fonctionnaire peut vérifier quelles sont les conséquences pour sa pension s'il veut travailler les dernières années comme indépendant ...

Un certain nombre d'applications de ce principe sont déjà disponibles dans le domaine de la sécurité sociale: les personnes peuvent consulter leur dossier individuel en matière de crédit-temps et d'interruption de carrière. Les résidents peuvent aussi déjà faire une simulation de leur pension de retraite légale (en tant que travailleur salarié, indépendant ou fonctionnaire) sur la base de données qu'ils encodent eux-mêmes. Il est d'ores et déjà possible également d'obtenir un aperçu de toutes les mesures de promotion de l'emploi applicables dans une situation d'emploi, mais encore une fois en grande partie sur la base de données à introduire soi-même.

Il y a peu, l'Office national des pensions a fait un pas dans la bonne direction à cet égard. Sur son site Internet, il offre à son public cible la possibilité de se connecter à l'application « MyPension » à l'aide de la carte d'identité électronique ou d'un token fédéral. L'application en question permet à l'utilisateur de consulter lui-même son dossier de pension. Ce système constitue une excellente initiative qui doit cependant encore être développée. Par exemple, il n'intègre manifestement pas les parties de la carrière qui ont été prestées dans d'autres régimes que le régime salarié. Il ne prend donc pas en compte les années de travail en tant que fonctionnaire ou comme indépendant. Il importe toutefois d'intégrer ces données à l'avenir, compte tenu du nombre croissant de carrières mixtes. Actuellement, plus d'un quart des pensionnés ont eu une carrière mixte, et cette proportion continue d'augmenter (1) . En outre, l'application ne permet pas d'obtenir des informations relatives aux pensions complémentaires. En effet, les organismes de pension privés sont peu disposés à transmettre ces informations à l'État (2) . Pourtant, pour maintenir le caractère d'assurance et l'adéquation des pensions, il faudra que les pensions complémentaires soient prises en compte à l'avenir. Enfin, pour les personnes qui maîtrisent moins bien l'outil informatique, il n'est pas évident de consulter leurs données dans un système de ce type. Ces personnes devront recevoir l'aide d'un gestionnaire de dossier issu de la société civile ou du secteur public, à qui il faudra aussi permettre l'accès à la banque de données. Il convient dès lors d'étendre l'initiative louable que représente l'application « MyPension ».

SPC: tout le monde y gagne

La présente résolution vise à inciter le gouvernement fédéral à œuvrer rapidement, de manière résolue et avec une vision réfléchie, au développement d'un système intégré d'information: le Système de Planification de la Carrière. Un tel système comporte une plus-value pour les différents acteurs et doit permettre une simplification accrue:

— les travailleurs salariés, les indépendants et les fonctionnaires sont informés des conséquences de leurs choix de carrière sur la constitution de certains droits en matière de pension, d'interruption de carrière, de crédit-temps, de chômage, de maladie et invalidité et de formation ou en matière de primes à l'emploi ou à la formation;

— ce système intégré peut également permettre à un employeur de ne devoir encoder les données qu'une seule fois;

— grâce à un meilleur service offert aux assurés sociaux et aux employeurs, les pouvoirs publics peuvent se concentrer davantage sur leurs missions fondamentales.

Rôle des pouvoirs publics

Les pouvoirs publics ont un rôle crucial à jouer dans le SPC.

Opérationnalisation

Les pouvoirs publics doivent assurer une mise à disposition et une gestion coordonnées des données. Idéalement, on prévoira une collaboration entre toutes les autorités concernées (fédéral, Régions, Communautés, ...), les partenaires sociaux qui siègent à la Banque-Carrefour de la sécurité sociale (BCSS) et les organisations sociales de la société civile.

Outre un accès sécurisé aux données de base pertinentes qui sont disponibles dans les banques de données des instances du secteur social et du fisc, le SPC suppose que l'on mette progressivement en place un ensemble de règles permettant de calculer et de simuler les différents droits et avantages. Ces règles doivent pouvoir être facilement applicables aux données de base disponibles. C'est pourquoi il est nécessaire que les personnes édictant les règles fassent preuve de suffisamment de discipline au niveau des concepts utilisés dans la réglementation. Ces concepts doivent renvoyer le plus possible aux données de base concrètes telles qu'elles sont disponibles dans les banques de données susmentionnées. La désignation d'un ministre chargé de la coordination peut être un premier pas dans la bonne direction. À cet égard, nous pensons en tout premier lieu au premier ministre.

Sécurisation

Le SPC doit, d'une façon bien sécurisée, donner accès et recourir aux données sur le citoyen concerné qui sont disponibles auprès des divers acteurs du secteur social (sous la coordination de la Banque-carrefour de la sécurité sociale) et du fisc. Les citoyens pourront ainsi consulter leurs droits acquis et réaliser des simulations qui tiennent compte de leur situation spécifique, sans avoir à réintroduire les informations déjà disponibles. Les données à caractère personnel ne seront accessibles qu'après authentification du demandeur par le biais de la carte d'identité électronique. L'accès aux données à caractère personnel sera ainsi bien protégé.

Éviter la fracture numérique

Il est important que les données et autres programmes de calcul soient mis à la disposition de l'utilisateur de façon correcte et compréhensible, afin de le servir au mieux. À cet égard, les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle important en développant et en mettant à disposition les programmes qui servent de base à tous les prestataires de services. Les pouvoirs publics doivent garantir que ces programmes puissent venir en aide à tout le monde, même à ceux qui sont moins doués ou qui sont financièrement moins à l'aise. Les interlocuteurs sociaux reconnus ont, à cet égard, un rôle important à jouer.

Rôle de la société civile

Le SPC pourra non seulement être utilisé par des citoyens individuels, mais aussi par toutes sortes de conseillers et de professionnels de l'aide, moyennant toujours l'autorisation de l'intéressé, bien sûr. En effet, tout le monde n'a pas accès à Internet et le SPC lui-même n'est pas à la portée du premier venu. Par ailleurs, il est utopique de penser que le SPC puisse apporter une réponse toute faite à n'importe quelle question. Si ce système pourra répondre à un grand nombre de questions standard et effectuer des simulations standard, une aide spécialisée nécessitera toujours des contacts interactifs avec des spécialistes capables d'utiliser le SPC à l'appui de leurs conseils. Dans ce sens, les services publics de la sécurité sociale, les syndicats, les mutualités, la maison sociale (CPAS) pourront jouer un rôle significatif. Ces organismes ont en effet acquis une grande réputation quant à la qualité de leurs services.

Dans le même temps, les pouvoirs publics devront veiller, notamment en sécurisant correctement l'utilisation (du système) par la société civile reconnue et les prestataires de services, à empêcher que ces flux d'informations soient commercialisés et utilisés indûment.

Fixation de priorités, également à relativement brève échéance (fin 2011)

Le SPC ouvre de multiples possibilités: questions en matière de grossesse et de maladie, de congés, de handicap, de changement de statut, d'embauche ou de formation. En principe, ce système d'informations intégré bien structuré devrait permettre de répondre à toutes les questions afférentes à la sécurité sociale. On ne pourra toutefois pas tout réaliser en même temps. Il est possible de développer les données qui sont d'ores et déjà encodées et de les mettre en corrélation.

D'ici fin 2011, des applications répondant aux questions complémentaires suivantes paraissent pour le moins réalisables:

— Quels sont les droits concrets qu'une personne ou un chômeur déterminé a ou ouvre pour un employeur déterminé en matière de réductions de cotisations, de subventions salariales, de programmes en faveur de l'emploi et d'autres interventions des pouvoirs publics ?

— Quels sont les droits d'un travailleur déterminé concernant les différentes formes d'interruption de carrière ordinaire ou thématique ou de crédit-temps, et quel est l'impact de ces droits sur les prestations sociales et les pensions ?

— Informations financières sur les droits constitués en matière de pension légale dans le régime des travailleurs salariés, dans le régime des fonctionnaires et dans le régime des travailleurs indépendants, et en matière de pension complémentaire.

Plus concrètement:

— que sont les droits constitués ?

— simulations en ce qui concerne les conséquences financières d'un départ à un âge déterminé;

— simulations en ce qui concerne les retombées sur la pension d'une évolution du salaire, d'une modification de la durée du travail, d'une reprise du travail, d'un changement de carrière, ...

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Dirk CLAES.
Cindy FRANSSEN.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION


Le Sénat,

A. considérant que les travailleurs souhaitent de plus en plus opérer leurs propres choix librement, également en ce qui concerne le développement de leur carrière;

B. considérant que les travailleurs doivent dès lors pouvoir disposer d'informations suffisantes afin qu'ils puissent évaluer les conséquences de leurs choix et qu'ils n'aient pas de surprises désagréables plus tard;

C. considérant que le Système de Planification de la Carrière (SPC) peut constituer un tremplin important vers une plus grande simplification administrative;

D. considérant que le SPC permet aux travailleurs d'accéder aux informations sur leurs propres droits sociaux, ce qui permet de réduire le fossé entre les personnes qui connaissent bien les régimes existants et celles qui ne les connaissent pas bien;

E. considérant que les travailleurs ont déjà actuellement une connaissance limitée de certains droits constitués en matière de crédit-temps, d'interruption de carrière et de pension légale;

Demande au gouvernement:

1. de développer, sous la coordination de la Banque-carrefour de la sécurité sociale et en collaboration avec les autorités (autorité fédérale, Régions et Communautés), les partenaires sociaux représentés au sein de la BCSS et les organisations représentatives de la société civile, un système de planification de la carrière permettant aux citoyens de procéder à une estimation des différentes conséquences de leurs propres choix de carrière et de consulter les droits constitués en matière de pension légale et de pension complémentaire;

2. qu'il soit élaboré un compte carrière et pension intégré, par personne, contenant les informations pertinentes pour le système de planification de la carrière, que ces informations concernent des prestations professionnelles en tant que salarié, fonctionnaire ou indépendant;

3. qu'un ou plusieurs ministres coordinateurs, en particulier le premier ministre, soient désignés au sein du gouvernement fédéral et chargés spécifiquement de guider et d'accompagner la mise en application du SPC;

4. de définir, en collaboration avec les partenaires sociaux représentés au sein du Comité de gestion de la Banque-carrefour de la sécurité sociale et avec les autres administrations concernées, un calendrier concret pour l'introduction du SPC, prévoyant de finaliser d'ici la fin 2011 un certain nombre d'applications du système en matière de réductions de cotisations, de subventions salariales ou de programmes de mise au travail, d'interruption de carrière et de crédit-temps et concernant les différents régimes de pension légale et complémentaire;

5. d'assurer la sécurisation et les garanties nécessaires en matière de protection de la vie privée du SPC;

6. de veiller — en concertation avec les partenaires sociaux représentés au sein de la BCSS et les organisations représentatives de la société civile — à ce qu'un service individuel, accessible et de qualité, dépourvu de tout but commercial, puisse être élaboré sur la base du système de planification de la carrière proposé.

20 juillet 2010.

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Dirk CLAES.
Cindy FRANSSEN.

(1) Information obtenue au cours de l'audition du professeur Berghman (KULeuven) au sein du Groupe de travail du Sénat « Vieillissement de la population », le 23 février 2010.

(2) Idem.