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4 OCTOBRE 2010
La présente proposition de loi reprend le texte d'une proposition qui a déjà été déposée au Sénat le 1er octobre 2007 (doc. Sénat, nº 4-229/1 - SE 2007).
Au début du siècle précédent est paru en Suède le livre Le siècle de l'enfant de l'écrivain Ellen Key (Barnets Århundrade, Albert Bonniers Förlag, Stockholm, 1900). Selon ce livre, qui anticipait de quoi serait fait le vingtième siècle, les enfants allaient devenir la première priorité de la société et les politiques et les décideurs allaient mesurer attentivement l'incidence de leurs décisions sur l'enfant.
Au début de ce vingt-et-unième siècle, force nous est toutefois de constater que les prévisions d'Ellen Key ne se sont réalisées que très partiellement. Si nous pouvons très largement nous féliciter de la grande attention dont bénéficient actuellement les droits de l'enfant et de ce que la Convention des Nations unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l'enfant fut un tournant historique et une étape importante vers un statut à part entière pour l'enfant, il n'en reste malheureusement pas moins que les décideurs ne parviennent pas à tenir compte vraiment de l'enfant. L'on prend encore trop souvent des décisions politiques qui n'améliorent que très faiblement le bien-être de l'enfant ou, pis, qui ne l'améliorent en rien.
Au niveau fédéral aussi, l'on se pose trop rarement les questions suivantes:
Quel est l'effet des mesures budgétaires ou sociales sur les enfants ? Quelle est la place que l'on donne à l'enfant dans le cadre de la politique en matière de droit d'asile ? Comment la politique en matière de circulation influence-t-elle la mobilité et la sécurité des enfants ? Quelles conséquences les décisions ont-elles pour ce qui est de la santé des enfants ?
Pourtant, il est rare que la politique soit vraiment dénuée de conséquences pour l'enfant. Les domaines politiques ou les décisions politiques qui n'ont, à première vue, aucun effet pour les enfants influenceront eux-mêmes presque toujours d'une façon ou d'une autre, en sens positif ou négatif, l'univers dans lequel vit l'enfant.
Pour pouvoir se faire une idée de l'incidence des décisions politiques, il faut également apprécier la politique en fonction des intérêts de l'enfant et de la mesure dans laquelle elle tient compte des intérêts de celui-ci. Il faut, dès lors, examiner, dans le cadre de la prise de décisions, quelles conséquences une loi en projet aura pour l'environnement de vie global de l'enfant.
C'est dans cette optique que nous plaidons pour l'institution d'une évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant. Cette évaluation doit être réalisée à propos de tous les projets de loi qui sont déposés au Parlement fédéral, dans la mesure où la décision envisagée touche manifestement et directement aux intérêts de l'enfant.
Grâce à cette évaluation, le gouvernement fédéral mettra concrètement en œuvre l'article 3 de la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Cet article qui forme le corps de la Convention part du principe que, dans toutes les prises de décisions concernant les enfants, les intérêts de ceux-ci doivent primer.
La mise en œuvre concrète de ce principe de base suppose que l'on prenne en considération, au moment de définir la politique, diverses solutions possibles à apprécier en fonction de la mesure dans laquelle elles tiennent compte des intérêts des enfants, et que l'on retienne ensuite celle des solutions proposées qui garantit au mieux leurs intérêts.
L'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant permet également de tenir compte de la recommandation de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants, selon laquelle « dans les processus décisionnels, on doit accorder de l'attention à l'organisation d'une évaluation des effets des mesures prises sur les droits de l'enfant. Il s'agit d'un moyen particulier d'encourager la prise en compte des enfants dans les processus décisionnels » (Les enfants nous interpellent, Rapport final de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants, 23 octobre 1997, p. 26).
C'est au niveau flamand qu'a été lancée, en 1997, l'idée d'instituer une évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant, pour que la politique tienne mieux compte des intérêts de l'enfant, et, partant, de l'être humain en général. Le 15 juillet 1997, le Parlement flamand a adopté le décret instituant une évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant et instituant une évaluation de la politique gouvernementale pour ce qui est du respect des droits de l'enfant.
Nous souscrivons au point de vue de la Commission nationale contre l'exploitation sexuelle des enfants, selon lequel une évaluation de l'impact des mesures sur les droits de l'enfant doit pouvoir intervenir à tous les niveaux politiques et à propos de toutes les décisions dont on peut supposer qu'elles peuvent avoir un impact sur les enfants et leurs droits (Les enfants nous interpellent, p. 27). Nous voudrions, par notre initiative, lancer aussi cette idée au niveau fédéral.
Pour la clarté et l'uniformité, il convient d'oeuvrer à rendre les évaluations de l'incidence des décisions sur l'enfant le plus uniformes possibles à tous les niveaux de pouvoir, et ce, pour ce qui est tant de leur conception que de leur mise en œuvre concrète.
Article 3
Cet article rappelle que le gouvernement fédéral a pour mission de donner un contenu aux droits qui ont été inscrits dans la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant et de concrétiser ceux-ci. Pour pouvoir s'acquitter de cette mission, le gouvernement doit tenir compte en permanence des intérêts et des droits de l'enfant et il doit avoir la volonté politique constante de les préserver et de les protéger.
Les droits qui ont été inscrits dans la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant constituent par conséquent un critère d'appréciation universellement admis. L'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant est donc, pour le pouvoir exécutif, un instrument politique grâce auquel il peut oeuvrer à respecter au maximum les dispositions de la Convention et à donner vraiment, à l'enfant, la place qui lui revient dans notre société.
Comme la Convention relative aux droits de l'enfant présente un caractère global et vise dès lors à la protection de l'enfant dans tous les domaines, l'appréciation des dispositions en question dans la phase du développement de la politique en fonction de la mesure dans laquelle elles tiennent compte de l'intérêt de l'enfant devra également être globale, en ce sens qu'il y aura lieu de tenir compte de tous les aspects de la situation dans laquelle vit l'enfant, en tant que sujet, en tant que partie concernée et en tant que membre de la société.
Article 4
Le premier alinéa pose comme principe général que chaque projet de loi doit être accompagné, au moment de son dépôt, d'une évaluation de l'incidence sur l'enfant des décisions proposées, pour autant qu'elles se rapportent à un intérêt manifeste de l'enfant.
Le deuxième alinéa concerne l'établissement concret de l'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant.
Article 5
Cet article définit le contenu de l'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant. Dans l'examen du contenu, de la portée et de l'incidence d'une décision, l'on doit toujours se laisser guider par les intérêts de l'enfant et par le souci d'assurer le respect des droits de celui-ci, tels qu'ils sont définis dans la Convention de l'ONU relative aux droits de l'enfant. Lorsque diverses solutions sont possibles, il faut toujours donner la préférence à celle qui garantit au mieux le respect des intérêts et des droits de l'enfant.
Article 6
Cet article prévoit un délai de transition de six mois, pour que le gouvernement fédéral puisse prendre les dispositions préparatoires pour pouvoir mener à bien la mission qui lui est assignée et qui est définie dans la proposition qui vous est soumise.
Sabine de BETHUNE. Dirk CLAES. Cindy FRANSSEN. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Pour l'application de la présente loi, l'on entend par:
1º la Convention: la Convention relative aux droits de l'enfant, adoptée à New York le 20 novembre 1989;
2º l'enfant: toute personne âgée de moins de dix-huit ans;
3º le gouvernement: le gouvernement fédéral;
4º l'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant: un document public qui décrit la situation de l'enfant dans son environnement direct, les effets prévisibles d'une décision projetée et les solutions de rechange à celle-ci.
Art. 3
Conformément aux dispositions de la présente loi, la politique du gouvernement est appréciée en fonction de sa conformité aux dispositions de la Convention.
Art. 4
Chaque projet de loi déposé dans une des Chambres législatives est accompagné d'une évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant, lorsque les décisions projetées touchent manifestement et directement aux intérêts de l'enfant.
Pour ce qui est de l'établissement de l'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant, le gouvernement peut faire appel à l'administration ou conclure un accord avec un ou plusieurs centres spécialisés en évaluations d'incidence.
Art. 5
L'évaluation de l'incidence des décisions sur l'enfant doit au moins indiquer:
1º l'incidence d'une décision projetée sur l'enfant;
2º les solutions de rechange à la décision proposée et, en particulier, un énoncé des mesures envisagées en vue de prévenir d'importants effets négatifs possibles, de les limiter et, si possible, d'y remédier;
3º une énumération des difficultés rencontrées dans la récolte des informations requises.
Art. 6
La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge.
20 juillet 2010.
Sabine de BETHUNE. Dirk CLAES. Cindy FRANSSEN. |