5-114/1

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Sénat de Belgique

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2010

21 SEPTEMBRE 2010


Proposition de loi modifiant la réglementation concernant la garantie d'achèvement de travaux exécutés par des entrepreneurs agréés et par des personnes autres que des entrepreneurs agréés

(Déposée par Mme Sabine de Bethune et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction (appelée la « loi Breyne ») règle les relations contractuelles entre les maîtres de l'ouvrage et les entrepreneurs de certains travaux (1) .

L'article 12 de cette loi prévoit un système de cautionnement visant à garantir le parfait achèvement des travaux par le vendeur/l'entrepreneur. Cet article établit une distinction entre, d'une part, l'entrepreneur agréé et, d'autre part, d'autres personnes non agréées.

Pour l'entrepreneur agréé, la loi du 9 juillet 1971 (et l'arrêté d'exécution) prévoit la constitution d'un cautionnement à hauteur de 5 % de la valeur des travaux auprès de la Caisse des dépôts et consignations (2) . De plus, selon la doctrine récente, le montant du cautionnement ne s'élève qu'à 5 % du prix de l'appartement individuel (3) .

La réception s'effectue en deux phases: la réception provisoire et la réception définitive. Entre ces deux phases, il s'écoule au minimum un an (4) . Le cautionnement est libéré par moitiés, la première à la réception provisoire et la seconde à la réception définitive (5) . L'acheteur/le maître de l'ouvrage bénéficie ainsi de garanties suffisantes que l'entrepreneur achèvera les travaux. En pratique, il s'avère toutefois que le maître de l'ouvrage n'est pas suffisamment protégé par ce cautionnement de 5 % en cas de faillite de l'entrepreneur agréé.

Pour les autres personnes qui n'ont pas la qualité d'entrepreneur agréé au sens de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux (par exemple un promoteur immobilier), la loi du 9 juillet 1971 (et l'arrêté d'exécution) impose un cautionnement par un établissement de crédit ou une caisse de cautionnement. L'engagement expire néanmoins à la réception provisoire du bâtiment et non à la réception définitive (6) .

La réception provisoire du bâtiment sert à constater l'achèvement des travaux et à consigner les éventuels vices et remarques dans un procès-verbal. La réception provisoire prévoit généralement une période d'essai et un délai permettant à l'entrepreneur de remédier aux vices constatés.

À cet égard, le problème suivant se pose: différents vices peuvent encore être constatés au moment de la réception provisoire. Étant donné que l'engagement de la caution (établissement de crédit ou caisse de cautionnement) expire à la réception provisoire, le maître de l'ouvrage dispose de peu de moyens pour contraindre le promoteur immobilier à achever les travaux conformément aux remarques consignées dans le procès-verbal. Sa seule possibilité est d'intenter un procès, mais cette solution est peu efficace et peu recommandable étant donné la durée et le coût d'une action en justice.

Le nœud du problème réside dans la formulation de l'article 4, in fine, de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction (7) dont le dernier alinéa stipule que « L'engagement de la caution prend fin à la réception provisoire des travaux ».

Pour garantir une meilleure protection de l'acheteur/du maître de l'ouvrage, la présente proposition de loi dispose que l'engagement de la caution ne prend fin qu'à la réception définitive des travaux. L'acheteur/le maître de l'ouvrage disposera ainsi d'une garantie effective à l'égard de la caution au cas où le vendeur/l'entrepreneur ne respecterait pas son engagement de parfait achèvement du bâtiment comme convenu. Afin de limiter le coût de ce cautionnement, il n'est imposé à l'entrepreneur qu'une garantie de remboursement jusqu'à la réception provisoire. Ce cautionnement implique que l'établissement de crédit ou la caisse de cautionnement se porte caution solidaire avec l'entrepreneur pour le remboursement des montants déjà payés par le maître de l'ouvrage en cas de résolution du contrat par la faute de l'entrepreneur. Pour la période comprise entre la réception provisoire et la réception définitive, les auteurs prévoient une garantie d'achèvement. Ce cautionnement implique que l'établissement de crédit ou la caisse de cautionnement et l'entrepreneur se portent caution solidaire pour le coût de l'achèvement du bâtiment au cas où l'entrepreneur ne respecterait pas ses engagements en la matière.

C'est cette vision que défend explicitement la doctrine: « Le législateur ferait mieux d'opter, comme indiqué ci-avant, pour un système mixte dans lequel l'entrepreneur donnerait une garantie de remboursement pour la première partie des travaux et une garantie d'achèvement pour la deuxième partie. » (8) .

Les auteurs prévoient en outre que les entrepreneurs tant agréés que non agréés devront constituer un cautionnement auprès d'un établissement de crédit ou d'une caisse de cautionnement. Ce faisant, ils mettent un terme à une forme de concurrence déloyale entre les entrepreneurs agréés et non agréés. Cette discrimination ne trouve aucune justification objective (9) . En outre, l'entrepreneur agréé pourra utiliser, pour l'exercice de sa profession, le montant de la garantie de 5 % immobilisé sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations, ce qui ne pourra que profiter à notre économie.

La BOUWUNIE a constitué en son sein une « caisse de cautionnement ». Tant les petits que les grands entrepreneurs de travaux publics ou privés peuvent y faire appel pour conclure un cautionnement. Ce dernier est offert en échange d'une cotisation unique de 75 euros. Ce montant est remboursé ou imputé sur une nouvelle demande dès que la caution est libérée par le maître de l'ouvrage. L'entrepreneur devient un associé de la caisse de cautionnement au prorata d'une part de 25 euros par tranche de 2 500 euros de caution. L'assemblée générale des actionnaires fixe chaque année le dividende attribué aux actionnaires. Une rétribution de seulement 1 % du montant des cautions ouvertes est réclamée à l'entrepreneur. Ce montant représente le coût final pour l'entrepreneur (10) . Le grand avantage de cette caisse de cautionnement est que les demandes de cautionnement sont traitées avec une grande simplicité administrative.

Par ailleurs, la procédure de libération d'une caution n'est pas une mince affaire. La procédure en vigueur à la Caisse des dépôts et consignations en définit les modalités. Un document de libération doit être signé par toutes les parties bénéficiaires de la caution. De plus, ces signatures doivent être légalisées à la commune. La libération de la caution est encore plus compliquée en cas de mariage (signature obligatoire des deux conjoints) ou de décès (signature obligatoire de tous les héritiers). Il est clair qu'en cas de divorce ou de succession conflictuelle, il pourra s'écouler un long délai avant que toutes les personnes concernées soient parvenues à un accord pour libérer la caution. Durant toute cette période, l'entrepreneur doit maintenir une caution et supporter les frais qui en découlent. C'est la raison pour laquelle les auteurs adaptent la procédure de libération afin de garantir la sécurité juridique. Le Roi peut définir les modalités de la libération de l'engagement de cautionnement pour l'entrepreneur. La présente proposition de loi prévoit en tout cas que cet engagement expire au plus tard dix ans après la demande de libération introduite par l'entrepreneur ou le maître de l'ouvrage. Ce délai a été aligné sur celui de la responsabilité décennale des entrepreneurs et des architectes pour les vices entachant la construction.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Tant les entrepreneurs agréés que les entrepreneurs non agréés doivent constituer un cautionnement auprès d'un établissement de crédit ou d'une caisse de cautionnement. Ce cautionnement consiste en une garantie de remboursement jusqu'à la réception provisoire et en une garantie d'achèvement entre la réception provisoire et la réception définitive. L'article dispose en outre que dans les quinze jours de la réception provisoire ou définitive, l'acheteur ou le maître de l'ouvrage devra accorder la mainlevée pour la partie du cautionnement devenue caduque. À partir du quinzième jour, des intérêts seront imputés au maître de l'ouvrage ou à l'acheteur négligent, au taux d'intérêt légal. Afin de garantir la sécurité juridique, l'article prévoit que l'obligation de fournir un cautionnement expire en tout cas au plus tard dix ans après la demande de mainlevée, après réception des travaux, effectuée par l'entrepreneur ou le vendeur. L'article prévoit enfin que le Roi pourra prendre un arrêté d'exécution afin de préciser comment le cautionnement doit être fourni, comment l'acheteur ou le maître de l'ouvrage en est informé et comment le vendeur ou l'entrepreneur est libéré de son obligation de fournir un cautionnement.

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Peter VAN ROMPUY.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 12 de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction, modifié par la loi du 3 mai 1993, est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 12. Le vendeur ou l'entrepreneur, qu'il satisfasse ou non aux exigences de la loi du 20 mars 1991 organisant l'agréation d'entrepreneurs de travaux, est tenu, en cas de résolution du contrat à défaut d'achèvement, de garantir le remboursement des sommes versées jusqu'à la réception provisoire, et de garantir l'achèvement de la maison ou de l'appartement, ou, le cas échéant, de la transformation ou de l'agrandissement, entre la réception provisoire et la réception définitive.

L'acheteur ou le maître de l'ouvrage accordera la mainlevée du cautionnement dans les quinze jours de la demande que le vendeur ou l'entrepreneur lui aura adressée en ce sens, à l'occasion, selon le cas, de la réception provisoire ou de la réception définitive. À l'expiration de ce délai de quinze jours, le vendeur ou l'entrepreneur aura droit, à titre d'indemnité due par l'acheteur ou le maître de l'ouvrage, à des intérêts calculés au taux d'intérêt légal sur le montant du cautionnement dont la mainlevée n'a pas été accordée. L'obligation de fournir un cautionnement expire de plein droit dans les dix ans de la demande de mainlevée du cautionnement effectuée par le vendeur ou l'entrepreneur.

Le Roi fixe les conditions de la constitution du cautionnement et précise comment l'acheteur ou le maître de l'ouvrage en est informé et comment le vendeur ou l'entrepreneur est libéré de son obligation de fournir un cautionnement. »

Art. 3

La présente loi entre en vigueur le premier jour du troisième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge.

28 juillet 2010.

Sabine de BETHUNE.
Wouter BEKE.
Peter VAN ROMPUY.

(1) Moniteur belge du 11 septembre 1971.

(2) Art. 3 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction.

(3) S. MAES, « Wet Breyne: knelpunten bij de toepassing », NJW, no 175, 30 janvier 2008, p. 62.

(4) Art. 9 de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction.

(5) Art. 3 de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction.

(6) Art. 4, in fine, de l'arrêté royal du 21 octobre 1971 portant exécution de la loi du 9 juillet 1971 réglementant la construction d'habitations et la vente d'habitations à construire ou en voie de construction.

(7) Moniteur belge du 4 novembre 1971.

(8) M. BOES, « De notariële verkoopakte in verband met de wetgeving op de ruimtelijke ordening en met de wet van 9 juli 1971 tot regeling van de woningbouw en de verkoop van te bouwen of in aanbouw zijnde woningen », T. Not. 1973, 202; M. DEVROEY, De Wet Breyne, 2000, 151, no 65, et S. MAES, « Wet Breyne: knelpunten bij de toepassing », NJW, no 175, 30 janvier 2008, p. 67.

(9) H. UYTTERSPROT, « De wet Breyne: zekerheidsstelling en achterpoorten », TVV 2006, 787, no 8 et suivants, et S. MAES,« Wet Breyne: knelpunten bij de toepassing », NJW, no 175, 30 janvier 2008, p. 66.

(10) Voir site web de la Bouwunie: http://www.bouwunie.be/viewobj.jsp ?article=50663.