4-1226/4

4-1226/4

Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

21 AVRIL 2010


Proposition de loi modifiant la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, en ce qui concerne le retrait immédiat du permis de conduire et l'immobilisation d'un véhicule comme mesure de sûreté


RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES ET DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES PAR

M. DUCHATELET


I. INTRODUCTION

La proposition de loi qui fait l'objet du présent rapport a été déposée le 16 mars 2009 et prise en considération le 19 mars 2009. La commission l'a examinée au cours de ses réunions du 24 juin 2009 et des 20 janvier, 3 et 24 mars et 21 avril 2010 en présence de M. Schouppe, secrétaire d'État à la Mobilité. Au cours de la discussion, la commission a demandé, par l'intermédiaire du ministre de la Justice, l'avis du Collège des procureurs généraux. L'avis en question est annexé au présent rapport.

II. EXPOSÉ DE L'AUTEUR DE LA PROPOSITION DE LOI

M. Van Den Driessche relève qu'actuellement, lorsque l'on constate après un test de l'haleine qu'une personne conduit sous l'influence de l'alcool, il faut systématiquement, et parfois à des heures impossibles, prendre contact avec le procureur du Roi et lui demander si le permis de conduire peut être retiré immédiatement, avant de pouvoir procéder réellement au retrait immédiat du permis de conduire. Or, dans la pratique, le procureur du Roi ordonne toujours, sans exception, le retrait du permis de conduire. Les dispositions à l'examen ont dès lors pour but d'adapter la loi à cette réalité. Elles visent donc à habiliter l'officier de police judiciaire, auxiliaire du procureur du Roi, qui est de garde, à retirer le permis de conduire immédiatement et pour une durée de 48 heures à la suite d'un alcootest positif. Le procureur du Roi décide ensuite, dans les deux jours ouvrables de la décision de l'officier de police judiciaire, soit de confirmer le retrait immédiat, soit de restituer le permis de conduire à son titulaire.

Les dispositions proposées présentent l'avantage de décharger les parquets et de simplifier le système, et ce sans porter atteinte en aucune manière aux droits des justiciables.

L'intervenant indique encore que cette procédure n'est introduite que pour les alcootests positifs, dès lors qu'ils ne laissent aucun doute sur le résultat. Pour ce qui est de la consommation de drogue, par exemple, les résultats ne sont pas infaillibles, raison pour laquelle la procédure actuelle est maintenue.

III. DISCUSSION GÉNÉRALE

M. Duchatelet souscrit à la proposition. Il estime cependant que l'agent de police doit avoir un grade suffisamment élevé pour pouvoir faire preuve de l'autorité voulue.

M. Van Gaever marque aussi son accord sur l'initiative.

M. Beke se demande comment la réglementation actuelle a pu voir le jour.

M. Duchatelet explique que la règle générale veut que le procureur du Roi examine la situation, ce qui est encore pertinent en cas de consommation de drogue, d'excès de vitesse et de crimes en général. En revanche, il est possible de mesurer avec précision la consommation d'alcool, ce ne qui ne laisse donc aucun doute. Cela explique pourquoi l'on peut déroger à la réglementation générale en cas d'alcootest positif.

M. Monfils n'est pas favorable à la mesure proposée. Il estime que le contribuable a droit à une intervention du pouvoir judiciaire et qu'il ne faut pas s'en remettre exclusivement à la police pour la décision en question.

Le secrétaire d'État déclare qu'il s'agit d'éviter de surcharger le parquet avec des milliers de dossiers qui peuvent en réalité être traités assez facilement par la police. Il ajoute que la proposition à l'examen est bien conçue et que les développements sont très complets. Il signale cependant que cette matière concerne aussi la Justice et qu'il est dès lors pertinent de demander officiellement l'avis du ministre de la Justice et du Collège des procureurs généraux sur cette question. L'avis du Collège des procureurs généraux est annexé au présent rapport.

Par ailleurs, si la proposition est adoptée, la procédure relative au retrait immédiat du permis de conduire variera en fonction du motif du retrait. Ne serait-il pas préférable de modifier la procédure pour tous les cas où le retrait immédiat du permis de conduire est envisageable ? La problématique de la vitesse n'est-elle pas aussi importante que celle de l'alcool ?

Enfin, l'intervenant souhaiterait assouplir la disposition qui prévoit que le ministère public doit confirmer le retrait immédiat dans les deux jours. Il est d'avis qu'il faudrait prévoir que le parquet n'intervient que s'il décide que le permis de conduire doit être restitué au titulaire.

IV. DISCUSSION DES ARTICLES

Article 1er

Cet article n'appelle aucune observation.

Article 2

M. Van Den Driessche déclare qu'il souhaite lui-même tenir compte de l'avis du Collège des procureurs généraux et qu'il dépose trois amendements à cet effet.

Il dépose l'amendement nº 1 (doc. Sénat, nº 4-1226/2) visant à faire en sorte que le retrait immédiat d'un permis de conduire puisse aussi être ordonné par l'officier de police judiciaire, non seulement en cas d'alcoolémie trop élevée mais aussi en cas d'excès de vitesse.

L'intervenant indique qu'il n'a pas encore retenu la possibilité de retrait immédiat par l'officier de police judiciaire en cas de conduite sous influence de drogue, car il souhaite que des tests clairs et irréfutables soient aussi disponibles en la matière. Il est tout à fait envisageable d'étendre ultérieurement cette possibilité à ce type d'infraction.

L'amendement vise également à tenir compte de la deuxième remarque formulée dans l'avis du Collège des procureurs généraux. L'amendement proposé tend ainsi à supprimer la confirmation du retrait par le procureur du Roi ou, le cas échéant, par le procureur général, telle qu'elle est prévue dans la proposition de loi.

Le secrétaire d'État à la Mobilité demande s'il faut décider maintenant de modifier la loi pour quelques infractions ou s'il vaut peut-être mieux modifier ultérieurement la législation pour toutes les infractions du quatrième degré en même temps. Il convient éventuellement d'examiner encore une fois cette question.

Il estime aussi qu'il est superflu de renvoyer aux directives du Collège des procureurs généraux, car cela est toujours possible dans le cadre de la politique des poursuites définie par le ministre de la Justice et le Collège des procureurs généraux.

M. Van Den Driessche indique qu'apporter une modification aujourd'hui n'empêche pas d'en apporter une autre demain, et qu'il désire avancer sur cette question en modifiant cette disposition très simple. En ce qui concerne la deuxième remarque, il dépose un sous-amendement à l'amendement nº 1 (amendement nº 4, doc. Sénat, nº 4-1357/3) visant à supprimer, dans l'amendement nº 1 proposé, les mots « et conformément aux directives du Collège des procureurs généraux, ». À cet égard, il renvoie à l'observation formulée par le secrétaire d'État sur cette question.

Article 3

M. Van Den Driessche dépose l'amendement nº 2 (doc. Sénat, nº 4-1226/2) qui vise à modifier également l'article 56 de la loi relative à la police de la circulation routière, à la suite de la modification proposée à l'amendement nº 1.

Article 4

Cet article n'appelle aucune observation.

Article 5

Cet article n'appelle aucune observation.

Article 6

M. Van Den Driessche dépose l'amendement nº 3 (doc. Sénat, nº 4-1226/2) qui vise à modifier également l'article 58bis de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, à la suite de la modification proposée à l'amendement nº 1.

Le secrétaire d'État à la Mobilité déclare que la proposition de loi à l'examen et ses amendements visent à faire en sorte qu'en cas de conduite sous l'influence de l'alcool ou de dépassement des limitations de vitesse, la décision de retirer immédiatement le permis de conduire pour une période de 15 jours ne soit plus prise par le parquet ou par le substitut de garde, comme cela se passe habituellement dans la pratique, mais par l'officier de police ayant le grade d'officier de justice. La même procédure est également prévue pour l'immobilisation du véhicule lorsque le conducteur n'est pas titulaire du permis de conduire.

La proposition de loi à l'examen touche aux compétences de la Justice et plus particulièrement à celles des parquets.

La procédure actuelle repose sur les éléments suivants:

— la loi établit un cadre général des cas dans lesquels le parquet peut procéder au retrait;

— dans le cadre de la politique des poursuites, le Collège des procureurs généraux a décrit ces cas d'une manière plus précise et détaillée, aussi bien en matière de conduite sous influence de l'alcool qu'en matière d'excès de vitesse;

— compte tenu de ces directives du Collège, l'on peut effectivement se demander pourquoi le magistrat du parquet doit être disponible à toute heure du jour et de la nuit pour approuver la décision de retirer le permis de conduire; de ce point de vue, l'on peut souscrire à la proposition de loi;

— le Collège des procureurs généraux a répondu qu'il était favorable à une simplification de la procédure, de préférence en prévoyant une faculté de délégation dans la loi.

Eu égard aux circonstances et à la charge de travail des parquets, le secrétaire d'État soutient les propositions de modification à l'examen.

V. VOTES

L'article 1er est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 4, sous-amendement à l'amendement nº 1, et l'amendement nº 1 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents. L'article 2 ainsi amendé est également adopté à l'unanimité.

L'amendement nº 2 et l'article 3 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

Les articles 4 et 5 sont adoptés à l'unanimité des 9 membres présents.

L'amendement nº 3 et l'article 6 ainsi amendé sont adoptés à l'unanimité.

L'ensemble de la proposition de loi amendée est adopté à l'unanimité des 9 membres présents.

Le présent rapport a été approuvé à l'unanimité des 9 membres présents.

Le rapporteur, Le président,
Roland DUCHATELET. Wouter BEKE.

ANNEXE


Si certes le Collège des procureurs généraux n'est pas insensible à la lourdeur de la charge que constituent les appels de nuit des magistrats de garde en vue de décider d'un éventuel retrait immédiat du permis de conduire, principalement lors de contrôles organisés, il a dû considérer qu'il s'agit là d'une prérogative qui de lege lata lui appartient exclusivement (« Le retrait immédiat est ordonné par le procureur du Roi ... » article 55, alinéa 3 de la loi relative à la police de la circulaire routière).

La seule exception prévue par le texte concerne la citation de l'auteur de l'infraction devant le tribunal compétent au moment du retrait en vue de requérir une ordonnance de prolongation de retrait d'au maximum trois mois (« Par dérogation au paragraphe premier, le procureur du Roi ou, par délégation, un officier de police judiciaire peut ... » article 55bis, § 4 de la même loi).

Le législateur qui introduisit par sa loi du 1er août 1963 relative au permis de conduire des conducteurs de véhicules automoteurs et modifiant la loi du 1er août 1899 portant révision de la législation et des règlements sur la police du roulage, l'arrêté-loi du 14 novembre 1939 relatif à la répression de l'ivresse et la loi du 1er juillet 1956 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, la faculté de retirer immédiatement le permis de conduire a confié expressément cette prérogative au ministère public en considérant que ce pouvoir se superpose à l'interdiction temporaire de conduire (Pasinomie 1965, page 1043).

Une faculté de délégation ne pourrait dès lors être instituée par voie de directives. C'est donc compte tenu de cette analyse que le Collège des procureurs généraux a énoncé dans sa circulaire COL 9/2006 du 31 mars 2006 l'obligation pour les services de police d'en référer au procureur du Roi dans chaque cas où un retrait immédiat du permis de conduire pourrait être ordonné.

En ce qui concerne l'économie même de la proposition de loi, il me paraît en effet plus cohérent et efficient de prévoir une faculté de délégation dans tous les cas énumérés par l'article 55 de la loi précitée.

Des directives préciseront les cas dans lesquels une telle délégation pourra effectivement avoir lieu.

À cet égard, il me semble lourd et superflu de prévoir dans la nouvelle disposition (article 2, 1º, alinéa 2 du projet) que cette délégation sera faite « aux conditions définies par le Roi sur proposition du Collège des procureurs généraux ».

Par ailleurs, le rôle de l'officier de police judiciaire, en cas de délégation dans le cadre de l'application de l'article 55 de la loi relative à la police de la circulation routière, doit être circonscrit à la seule décision de retrait en ne dérogeant pas aux termes généraux de l'article 55 de la loi selon lesquels « Le permis de conduire ou le document qui en tient lieu peut être restitué par le ministère public qui en a ordonné le retrait [lui-même ou par délégation], soit d'office, soit à la requête du titulaire ».

Dans cet esprit, il serait aussi superflu et inefficient de prévoir que le procureur du Roi ou le cas échéant le procureur général doit confirmer le retrait immédiat du permis de conduire ou ordonner sa restitution dans les deux jours ouvrables qui suivent la décision de retrait étant d'ailleurs entendu que l'officier de police judiciaire a décidé du retrait par délégation, disposant ainsi à part entière de la prérogative du ministère oublie.

Le ministre de la Justice,
Stefaan DE CLERCK.