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M. Philippe Monfils (MR). - Le « prix de l'amour », qui n'a rien d'érotique, me tient particulièrement à coeur, et j'ai d'ailleurs déposé une proposition de loi visant à supprimer la discrimination dont sont victimes les personnes handicapées cohabitantes. Je ne peux en effet tolérer que la personne handicapée n'ait pas le droit de vivre en couple sans devoir payer au prix fort ce choix de vie. De telles mesures risquent dans certains cas d'amener la personne handicapée à rester isolée par crainte de perdre totalement son allocation. C'est inacceptable !
En effet, la législation actuelle (la loi du 27 février 1987 et ses différents arrêtés d'exécution) prévoit que le montant de l'allocation d'intégration perçu par une personne handicapée est réduit en fonction des revenus de son conjoint. Cette disposition a certes été modifiée quelques fois.
En 2001, le système du « prix de l'amour » a été allégé en ce qui concerne les catégories 3, 4 et 5. Plus récemment, en juillet 2008, le gouvernement a décidé d'étendre l'immunisation de près de 20 000 euros sur les revenus du partenaire, qui était déjà accordée aux catégories 3, 4 et 5 des bénéficiaires de l'allocation d'intégration, aux catégories 1 et 2.
Si ces avancées sont positives, il reste encore néanmoins du chemin à parcourir.
L'accord de gouvernement prévoit d'immuniser totalement les revenus du conjoint (ou du partenaire) pour le calcul de l'allocation d'intégration des personnes handicapées. Je m'en réjouissais. J'admets que cette mesure a un prix mais sachant que, voici quelques semaines, nous avons adopté une modification de la Constitution pour réaffirmer les droits des personnes handicapées, je pense que la suppression du « prix de l'amour » serait une application parfaite de cette nouvelle disposition constitutionnelle.
Je le répète, il n'est pas normal qu'une personne détermine son choix de vie sentimentale en fonction de sa situation financière. Je souhaiterais dès lors savoir, monsieur le secrétaire d'État, où en est ce point de l'accord gouvernemental.
Avez-vous pris les initiatives nécessaires pour faire avancer ce dossier ? Le dossier est-il sur votre bureau ? Pensez-vous que le gouvernement actuel pourrait aller plus loin que les quelques modifications déjà apportées à la législation qui, à mes yeux, restent insuffisantes car elles maintiennent une discrimination ?
(Voorzitter: de heer Hugo Vandenberghe, eerste ondervoorzitter.)
M. Jean-Marc Delizée, secrétaire d'État aux Affaires sociales, chargé des Personnes handicapées. - Je suis bien sûr totalement en phase avec la demande que vous exprimez au nom des personnes handicapées, d'autant plus qu'en tant que parlementaire, j'ai aussi déposé à plusieurs reprises des propositions de loi, dont celle visant à supprimer ce que l'on appelle le « prix de l'amour ». Vous avez raison de dire qu'une avancée, même partielle, a été faite au cours de cette législature. En effet, au début de celle-ci, le « prix de l'amour » a été partiellement supprimé pour les catégories 1 et 2, grâce à Mmes Onkelinx et Fernandez Fernandez.
Ma première réflexion portera sur le court et moyen terme, la deuxième concernera davantage le long terme.
Nous devons appliquer la législation actuelle qui prévoit effectivement de prendre en compte les revenus du partenaire - qu'il s'agisse d'un mariage ou d'une cohabitation - dans le calcul des allocations, ce qui a pour effet que les allocations peuvent être réduites ou supprimées en fonction des revenus du partenaire.
Une modification de la législation a un coût financier. Ainsi, le coût de la suppression de la prise en compte des revenus du partenaire de la personne handicapée est estimé, pour 2009, à environ 39 millions d'euros pour les bénéficiaires actuels, sans tenir compte d'un éventuel effet d'appel externe.
D'autres revendications ont également été émises. Si, dans un scénario maximaliste, toutes les conditions de revenus étaient annulées, à savoir celles de la personne handicapée (le coût du travail) et celles du partenaire (le prix de l'amour), le surcoût - en ce compris un effet d'appel possible - serait de l'ordre de 361 millions d'euros. Je suis évidemment très demandeur d'obtenir un tel budget.
Lors de la confection du budget 2009, j'ai proposé aux personnes qui négociaient les budgets de prendre de telles mesures. Malheureusement, ce ne fut pas le cas. Comme vous le savez, nous faisons partie d'une majorité et les décisions prises résultent d'un consensus. J'ai connu une situation identique dans le domaine de la lutte contre la pauvreté.
Dans les débats au parlement, tous les partis sont d'accord de supprimer la pauvreté et de prendre telle ou telle mesure positive en faveurs des personnes handicapées. Cependant, quand il s'agit de négocier concrètement des budgets, le discours est différent.
Vous me demandez si le dossier est sur ma table. Je vous répondrai qu'il est sur la table de chaque ministre lors de l'élaboration de chaque budget ou de chaque contrôle budgétaire. Ensuite, des choix doivent être faits et des consensus doivent être trouvés.
Je rappelle que l'élaboration du budget 2010 a été particulièrement difficile en raison de la crise budgétaire consécutive à la crise économique et financière. Si des diminutions ont été décidées pour certains budgets, le budget pour le handicap a, par contre, été augmenté de près de cent millions d'euros, ce qui représente un accroissement de 6,5% en cette période de récession et d'économies budgétaires. Quelle est la raison d'une telle augmentation ? Quel qu'il soit, le secrétaire d'État chargé des personnes handicapées se doit d'ajuster les moyens aux demandes. Or nous traitons actuellement un arriéré de dossiers, qui se résorbe d'ailleurs progressivement. Il va de soi que lorsqu'un nombre plus élevé de dossiers sont traités, il y a lieu de payer davantage d'allocations et que les budgets doivent être augmentés en conséquence. Ce sera le cas pour 2010, faute de quoi il ne sera pas possible de payer les droits issus de la législation en vigueur.
La législation, qui date de 1987, n'est plus adaptée aux attentes et aux besoins actuels des personnes handicapées. C'est notamment vrai pour la question de l'accès au travail et des pièges à l'inactivité, mais également pour la question de la vie affective et du « prix de l'amour ».
J'ai donc proposé qu'une réflexion soit menée avec le secteur, l'objectif à atteindre dans les années à venir ou lors d'une prochaine législature étant de repenser complètement l'ensemble du système d'allocations pour aboutir à une simplification administrative ainsi qu'à une accélération et une meilleure efficacité des décisions. Il faudra également étudier d'autres aspects tels que le coût et l'évaluation du handicap, le prix du travail et le prix de l'amour, etc. Je considère qu'à long terme, la question du prix de l'amour doit faire partie d'une réforme du système actuel.
Sur le plan budgétaire, nous devrons fixer des priorités. Le prix de l'amour n'est pas la priorité numéro un du secteur. Pour le Conseil supérieur national des personnes handicapées, la priorité numéro un est le relèvement des revenus de remplacement, et donc du pouvoir d'achat des personnes handicapées, lequel se situe en dessous du seuil de pauvreté ; la priorité numéro deux est le coût du travail. Reste alors la question du cumul avec le revenu du partenaire.
Dans l'immédiat, vu les budgets disponibles, il faudra discuter, négocier, batailler, car il sera impossible de tout réaliser. À plus long terme, il faudra réfléchir à une réforme du système, avec le secteur et tous les acteurs concernés, partenaires sociaux et autres, afin d'examiner la manière de modifier la législation, de financer le système et de définir les priorités des choix politiques futurs.
M. Philippe Monfils (MR). - J'étais parfaitement conscient du fait qu'au cours de la présente législature, il ne serait pas possible d'aller beaucoup plus loin. Cependant, je ne voudrais pas que l'on oublie la question du prix de l'amour sous le prétexte que d'autres efforts ont été faits. Une réflexion approfondie est assurément nécessaire. Elle doit porter sur l'autonomie de la personne handicapée et sur l'individualisation des droits. La personne handicapée devrait-elle continuer à vivre aux crochets d'autrui alors que c'est de moins en moins le cas dans l'ensemble du monde social comme dans le monde professionnel ? On ne peut se contenter d'augmenter les allocations en se disant que ceux qui ont la chance d'avoir un conjoint ou un compagnon qui est à l'aise financièrement, s'en sortiront quand même.
Un problème de dignité de la personne humaine se pose et il ne faut pas le négliger. D'une part, le Conseil national supérieur de la personne handicapée insiste pour qu'une augmentation soit appliquée à tout le monde ; d'autre part, il faut tenir compte de la dignité de la personne handicapée. Cette notion figure d'ailleurs dans la modification de la Constitution que nous avons adoptée à l'unanimité. La personne handicapée a des droits et il convient de les respecter.
Je comprends toutefois qu'en situation de crise, le gouvernement soit amené à faire des choix : soit on n'intervient plus en faveur des personnes disposant de moyens suffisants et on examine dans quelle mesure on peut relever les allocations les plus modestes - c'est exactement ce que nous faisons en ce qui concerne le chômage -, soit on réfléchit à une révision globale de l'ensemble du système d'aide aux personnes handicapées.
Une réflexion doit être menée à cet égard pour l'avenir. Il conviendra aussi à cette occasion de s'interroger sur le maintien ou non de certaines allocations pour handicapés. En effet, il peut s'avérer, compte tenu de toute une série d'éléments, que certains handicaps de moindre importance ne nécessitent pas obligatoirement le versement d'allocations.
M. Jean-Marc Delizée, secrétaire d'État aux Affaires sociales, chargé des Personnes handicapées. - Nous pourrions effectivement en parler pendant des heures de cette question. Je vous rejoins entièrement, monsieur Monfils, et je puis vous dire que ce débat aura bien lieu.