4-113 | 4-113 |
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je vous ai déjà interrogé à plusieurs reprises sur le transfert de détenus belges vers la prison de Tilburg et, plus particulièrement, sur le respect de leurs droits et de ceux de leur famille.
Avant de vous interroger précisément sur l'actualité de ce dossier, je voudrais rappeler ici l'opposition de principe de mon groupe à cette politique menée par votre gouvernement qui externalise ses responsabilités. Je vous rappelle que si les Pays-Bas peuvent nous louer leurs établissements pénitentiaires, c'est parce que leur politique a été d'investir dans la prévention et la réinsertion. Leurs prisons étant maintenant vides, nous pouvons en disposer.
Cela étant, je reviens sur l'actualité de ce dossier, notamment sur les recours introduits par certains détenus. Ces référés porteraient sur les promesses non tenues et sur un régime de détention plus strict à Tilburg qu'en Belgique.
Je souhaiterais ensuite évoquer un recours de la section francophone de la Ligue des Droits de l'Homme qui avance cinq arguments que je ne développerai pas ici.
Je souhaiterais enfin évoquer avec vous les tensions particulièrement vives qui régneraient au sein de la prison de Tilburg et dont se fait l'écho, cette semaine, la presse hollandaise, que l'on ne peut soupçonner d'être l'antichambre de l'opposition ou des mouvements de défense des droits de l'homme.
Je ne développerai pas ici les différents éléments, mais il apparaît que tant les doléances des détenus que certains aspects du recours de la Ligue portent bien sur des éléments que vous aviez garantis à plusieurs reprises, tant dans votre note de politique générale qu'en commission ou en séance plénière. Vous aviez affirmé que le statut juridique interne et externe du détenu restait sous la juridiction belge. Vous nous aviez également certifié que les droits des familles et des détenus étaient identiques à ceux des détenus en Belgique. Cependant, au vu de l'actualité, je me vois contrainte de revenir aujourd'hui sur certaines questions que je vous avais déjà posées.
Pouvez-vous me dire, monsieur le ministre, combien de détenus ont été effectivement transférés ? Étaient-ils tous volontaires ? Comment ont-ils été approchés ? Comment leur volonté a-t-elle été formalisée ? Qui les a approchés ? Qui les a interrogés ? Quelles consignes ont-elles été données à votre administration en la matière ?
Pouvez-vous me fournir des informations quant aux déplacements des familles ? Rencontrent-elles des difficultés à atteindre la prison ? Vous aviez évoqué, lors d'une de vos précédentes réponses, la possibilité d'organiser le transport de celles-ci. Avez-vous été sollicité en ce sens ou, mieux encore, avez-vous anticipé cette demande ? Un élément que nous n'avions pas identifié était évidemment le coût des communications téléphoniques. Avez-vous, toujours dans la volonté de respecter les droits des détenus, négocié des tarifs préférentiels avec les opérateurs néerlandais ou offrez-vous des cartes téléphoniques aux détenus ? Comment l'objectif de réinsertion est-il rencontré ? Avez-vous vous-même constaté la réalité carcérale à Tilburg depuis que les détenus y ont été transférés ou avez-vous l'intention de vous y rendre ?
M. Stefaan De Clerck, ministre de la Justice. - Je suis réellement étonné que la Ligue des droits de l'homme entame une procédure contre les transferts de détenus vers la prison de Tilburg. Cette initiative a été prise essentiellement par souci de respect envers les détenus et le personnel, afin d'apporter une solution à des situations inhumaines. La Belgique ayant été condamnée à plusieurs reprises pour situation inacceptable dans les prisons, j'ai recherché une solution permettant d'assurer de bonne conditions de détention. Je ne comprends pas que l'on puisse affirmer que cette solution est contraire aux droits de l'homme.
Le Service gestion de la détention de la direction générale Établissements pénitentiaires décide quels détenus sont envoyés à Tilburg, compte tenu des critères fixés dans la convention, de la situation familiale des détenus ou du parcours de réintégration.
Les objections pertinentes et sérieuses sont toujours prises en considération, même si le transfert ne doit pas nécessairement se faire avec l'autorisation du détenu. Le détenu ne choisit d'ailleurs pas non plus son lieu de détention en Belgique. Les francophones doivent cependant donner leur accord au transfert à Tilburg étant donné le changement de rôle linguistique. En ce qui concerne les néerlandophones et les étrangers, la décision est prise par la direction générale. Il s'agit de la procédure standard pour toutes les décisions concernant la classification des détenus.
On ne demande donc pas l'accord formel du détenu et son opposition n'est pas une contre-indication si les conditions du transfert sont remplies.
Au 24 février 2010, 439 détenus séjournaient à Tilburg. Les derniers transfèrements sont prévus pour cette semaine. La capacité de 500 places sera atteinte comme prévu.
Malgré les informations alarmantes parues dans une certaine presse néerlandaise, la situation à Tilburg est calme et rien ne laisse présager une révolte. La collaboration entre le personnel néerlandais et belge se déroule sans difficulté particulière. II est évident que lors de la mise en service d'une prison, quelques problèmes de rodage peuvent se poser et que les détenus doivent s'adapter après leur transfert. Le nombre d'incidents à Tilburg n'est pas plus élevé que dans d'autres prisons.
Certaines des plaintes relayées par la presse néerlandaise sont absolument infondées. Le régime de Tilburg est non seulement en conformité avec la réglementation belge, mais de surcroît plus favorable que dans certaines prisons belges. À l'exception de certaines particularités, comme le mode de distribution des repas, le fonctionnement est identique du point de vue légal à celui des prisons en Belgique. Ces particularités ne constituent pas une raison pour dire que les détenus ne veulent pas rester à Tilburg.
Les formations dispensées en janvier et février à l'intention du personnel néerlandais l'ont été de façon très professionnelle.
Le 3 février 2010, la Ligue francophone des droits de l'homme a annoncé son intention d'intenter une action contre les transferts devant la Cour constitutionnelle. Je n'ai pu prendre connaissance de cette plainte que par l'intermédiaire des médias.
Le droit belge est d'application dans l'établissement de Tilburg. Le statut juridique interne et externe des détenus qui séjournent dans l'établissement est une matière purement belge. Le traité concerne exclusivement la location d'un établissement qui dispose de la capacité nécessaire sur le territoire néerlandais. Il n'est donc nullement question d'un transfert de l'exécution des peines aux Pays-Bas.
Les condamnations sont exécutées dans l'établissement de Tilburg exactement comme en Belgique.
Je déplore que la Ligue soit réticente au traité. La situation dans nos établissements pénitentiaires belges est problématique et des mesures doivent être prises d'urgence. Des rapports du Comité européen pour la prévention de la torture indiquent que la surpopulation dans nos établissements pénitentiaires a une incidence sur les conditions de vie des détenus.
À Tilburg, chaque détenu séjourne dans sa propre cellule équipée de sanitaires et dispose du même statut juridique que tout autre détenu en Belgique.
La Ligue ne peut quand même pas être opposée à une mesure qui améliore les conditions de vie des détenus tout en préservant leurs droits.
Le droit de visite est garanti à Tilburg. Les détenus ont la possibilité de séjourner et de travailler dans leur propre cellule. En outre, la correspondance avec le bus ou le train est aisée, bien plus que vers Wortel ou Merksplas. Il existe aussi d'autres possibilités d'accéder à la prison.
En ce qui concerne le droit aux communications téléphoniques, les détenus à Tilburg peuvent avoir des facilités analogues à celles dont ils bénéficiaient en Belgique. Les tarifs ne sont pas plus élevés.
Concernant les besoins des détenus sur le plan de la réinsertion, une équipe psychosociale belge est présente dans l'établissement de Tilburg. De plus, une concertation est actuellement menée avec la Communauté flamande au sujet de la prestation d'aide et de services.
Vous me demandez si j'ai encore l'intention de me rendre sur place. Je puis vous dire que j'ai déjà visité l'établissement à deux reprises et que je n'exclus pas de m'y rendre prochainement une fois encore.
J'ajoute que si les Néerlandais ont obtenu de tels résultats, ce n'est pas grâce à la resocialisation des détenus, mais essentiellement parce que, par le passé, ils ont construit beaucoup plus de prisons que nous. Nous disposons maintenant d'un plan d'investissements, certes limité, mais nous espérons en constater rapidement les résultats.
Mme Zakia Khattabi (Ecolo). - Je suis quelque peu embarrassée, monsieur le ministre. En effet, je considère presque indécent qu'en votre qualité de ministre de la Justice, vous deviez vous justifier en avançant le fait que les conditions sont plus favorables à Tilburg que dans les prisons belges.
Si l'information arrivait aux oreilles des détenus, je comprendrais qu'ils déposent plainte pour discrimination en sens inverse. Selon vos dires, la situation à Tiburg est tellement agréable que nous devrions tous souhaiter y séjourner !
Si les prisons néerlandaises se sont vidées, c'est aussi en raison d'une volonté politique d'investir dans d'autres formules. Nous ne nous rejoignons donc pas sur ce point.
Par ailleurs, vous démentez les informations relayées par la presse néerlandaise. J'en prends acte. J'espère toutefois qu'il ne s'agit pas d'une attitude lénifiante et que je ne serai pas amenée, dans quelques semaines, à revenir vers vous pour vous interroger sur des incidents qui se seraient passés à la prison de Tilburg.