4-1606/3 (Sénat)
52-2378/003 (Chambre)

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Sénat et Chambre des représentants de Belgique

SESSION DE 2009-2010

9 FÉVRIER 2010


Les priorités de la présidence belge de l'Union européenne (juillet-décembre 2010)


RAPPORT

FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES ET DE LA DÉFENSE (S), DE LA COMMISSION DES RELATIONS EXTÉRIEURES (CH) ET DU COMITÉ D'AVIS FÉDÉRAL CHARGÉ DES QUESTIONS EUROPÉENNES (S & CH) PAR

MMES TEMMERMAN ET MATZ (S) ET MM. VERSNICK ET DE CROO (CH)


Étant donné que la Belgique assumera la présidence de l'Union européenne au cours du second semestre de 2010, il a été décidé d'organiser des auditions des membres du gouvernement au sujet de leurs priorités respectives.

Les commissions ont procédé à l'audition de M. Charles Michel, ministre de la Coopération au développement, lors de leur réunion commune du 9 février 2010.

I. Exposé introductif de M. Charles Michel, ministre de la Coopération au développement

Le ministre présente les priorités de la coopération au développement dans le cadre de la future présidence belge de l'Union européenne. Son exposé comporte deux parties: le cadre dans lequel s'inscrit cette présidence et ensuite les priorités qui ont été déjà dégagées à ce stade en ce qui concerne la coopération au développement, compte tenu du souhait du gouvernement d'avoir de larges consultations avec la société civile.

A. La coopération au développement dans le cadre du Traité de Lisbonne

Cette présidence 2010 ne se déroulera pas dans le même cadre que celle de 2001. Le traité de Lisbonne vient en effet apporter des changements institutionnels de taille en ce qui concerne l'action extérieure de l'Union européenne, changements qui concernent aussi la coopération au développement et l'aide humanitaire. La Belgique appuie de tout son poids la mise en œuvre la plus rapide qui soit du Traité. Il faut noter deux changements majeurs:

— La création d'un poste de Haut Représentant et d'un service diplomatique européen

D'abord la nomination de Mme Catherine Ashton comme Haute Représentante de l'Union européenne pour les relations extérieures. Cette fonction, que la Belgique appelait de ses vœux, est destinée à apporter plus de cohérence et plus de visibilité dans l'action extérieure de l'Union européenne. Le ministre se réjouit personnellement de cette avancée. Dans cette fonction, la baronne Ashton préside le Conseil Relations extérieures, et donc de facto son segment des ministres de la Coopération au développement.

Le règlement interne du Conseil prévoit qu'elle peut, au besoin, déléguer cette fonction à la présidence tournante. Elle n'a pas encore fait connaître ses intentions à ce sujet.

La Haute Représentante sera à la tête du Service d'action extérieure, service diplomatique de l'Union, qui viendra petit à petit piloter l'action et la représentation de l'Union, et notamment à l'étranger. Le niveau d'incorporation de services de coopération au développement n'est pas encore déterminé.

Les compétences en matière de coopération au développement de Mme Ashton iront au-delà du Conseil des ministres. Par souci de cohérence dans l'action extérieure de l'UE, le Service européen d'action extérieure sera compétent pour des questions politiques liées aux pays en développement. La répartition précise des compétences au niveau des instruments financiers doit aussi être tranchée; la question est très délicate. La Belgique a fermement soutenu le principe d'un commissaire au développement fort. Il ne s'agit nullement de vouloir « politiser » la coopération au développement, mais on ne peut faire comme si la coopération au développement existe en dehors de toute réalité politique.

Une proposition sur le Service européen d'action extérieure devrait être présentée par Mme Ashton d'ici avril 2010. Cette proposition inclura des dispositions relatives à la nature du personnel, à l'organigramme et au fonctionnement du Service d'action extérieure, y compris les délégations de l'Union européenne à l'étranger. Ce sont donc des questions pour lesquelles il n'y a pas encore de réponse claire à l'heure actuelle. Les délégations de la Commission européenne fonctionnent déjà avec un personnel « mixte » qui inclut du personnel de la coopération et cela ne devrait pas changer.

De manière globale, la mise en œuvre du Traité de Lisbonne a soulevé un grand nombre de questions très concrètes à résoudre. Toutes ne sont pas encore résolues à ce stade.

— Le renforcement de la cohérence dans l'action extérieure de l'UE

Le traité de Lisbonne établit explicitement comme objectif de l'action extérieure de l'UE le soutien au développement durable sur le plan économique, social et environnemental des pays en développement dans le but essentiel d'éradiquer la pauvreté.

Cela devra permettre de renforcer la cohérence dans l'action extérieure de l'UE, dont sera garante Mme Ashton, par exemple entre le commerce extérieur et la coopération. Par ailleurs, comme le nouveau commissaire au Commerce exerce désormais la fonction de commissaire au Développement, on peut espérer qu'il montrera une certaine sensibilité à cet égard !

— Le renforcement des compétences de l'UE en matière d'aide humanitaire

Le traité de Lisbonne introduit pour la première fois une base juridique spécifique pour l'aide humanitaire. Cette disposition souligne la spécificité de la politique d'aide humanitaire et insiste sur l'application des principes du droit international dans ce domaine, notamment en matière d'impartialité et de non-discrimination.

L'ancien portefeuille du commissaire à la Coopération au développement et à l'Action humanitaire sera divisé dès l'entrée en fonction de la nouvelle commission, c'est-à-dire aujourd'hui. C'est le commissaire letton Andris Piebalgs qui reprendra les compétences en matière de coopération au développement alors que la Bulgare Kristalina Georgieva se voit attribuer un nouveau portefeuille englobant l'aide humanitaire et la réponse civile aux situations de crise.

Le ministre devrait rencontrer les nouveaux commissaires une fois qu'ils auront été confirmés dans leurs fonctions.

— Le rôle de la présidence tournante

Cette nouvelle architecture ne manquera pas de modifier considérablement le rôle que la Belgique jouera en matière de coopération au développement dans le cadre de cette présidence. La responsabilité des divers acteurs deviendra plus claire dès l'entrée en fonction de la nouvelle Commission et dès la création du Service européen pour l'action extérieure.

Quelles que soient ces évolutions, nous conserverons une certaine influence sur les débats, ainsi que la possibilité de réfléchir à des sujets qui nous tiennent particulièrement à cœur.

B. Le calendrier européen du deuxième semestre de 2010

On n'élabore pas le programme d'une présidence en partant de rien. Quatre paramètres en constituent la base:

— Les dossiers relatifs aux thèmes majeurs de la coopération au développement qui sont en permanence à l'ordre du jour et qui sont régulièrement examinés dans le cadre des conclusions du Conseil. En l'espèce, il s'agit essentiellement de l'efficacité de l'aide en application de la Déclaration de Paris et de l'Agenda d'Accra.

— Le financement de l'aide au développement, et plus précisément les engagements européens dans le domaine de l'APD, que certains ont du mal à respecter. Le ministre a demandé et obtenu que cette question soit examinée au Conseil européen, de manière à envoyer un signal politique fort. Les ministres de la Coopération au développement devront régulièrement faire le point de la situation et inciter les « mauvais élèves » à intensifier leurs efforts. Des possibilités de financement innovantes seront également évoquées.

— Une autre partie du calendrier européen est fixée par le programme de travail de la Commission européenne. Étant donné que le nouveau commissaire n'a pas encore pris ses fonctions, les perspectives en la matière ne sont pas encore très claires. Quelles seront les priorités politiques du nouveau commissaire ? Quelles communications seront publiées par la Commission sous notre présidence ? Nous obtiendrons vraisemblablement des réponses à ces questions ainsi qu'à d'autres dans les semaines à venir.

— Il existe certaines clauses de rendez-vous qui avaient été fixées dans des conclusions du Conseil adoptées antérieurement. Un rendez-vous est d'ores et déjà certain: la révision, à mi-mandat, du plan d'action du consensus européen sur l'aide humanitaire.

L'UE doit également se préparer à de grands rendez-vous internationaux comme le sommet sur les objectifs du millénaire, le sommet Union européenne-Afrique en Lybie et la Conférence des parties sur les changements climatiques qui aura lieu en décembre à Mexico. En 2010, l'on fêtera aussi le dixième anniversaire de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité.

Enfin, les points suivants sont également à l'ordre du jour: les journées européennes du développement des 9 et 10 décembre 2010, qui marqueront la fin de notre présidence, le Conseil informel du 7 juillet et le volet développement du Conseil Relations extérieures des 22 et 23 novembre.

C. Le programme du trio de présidences et la mise en concordance du programme belge avec les priorités espagnoles

Un autre aspect important de notre présidence sera notre volonté de coopérer efficacement en trio avec l'Espagne et la Hongrie, de manière à donner plus de consistance au travail des présidences tournantes. Notre programme correspondra étroitement à celui de l'Espagne, dont il pourra reprendre certaines priorités au cas où celles-ci n'auraient pas été réalisées; l'exécution de ces priorités sera également mise en avant. À cet égard, on songe tout d'abord à des thèmes tels que les soins de santé, le genre ou la sécurité alimentaire.

D. Les priorités belges

— Les objectifs du millénaire

Les objectifs du millénaire feront l'objet d'une attention particulière cette année; l'événement majeur sera le sommet sur les objectifs du millénaire qui aura lieu en septembre à New York. L'Union européenne y sera présente à un haut niveau, avec des débats au niveau des ministres de la Coopération au développement, qui devront aboutir à l'adoption de conclusions au mois de juin. Ces conclusions devront ensuite être confirmées au niveau des chefs d'État et de gouvernement. Tout cela illustre la grande importance que notre pays attache à cette question.

Pour la Belgique, ce sommet doit tirer la sonnette d'alarme sur fait que les OMD ne seront pas atteints sans une intensification considérable des efforts. Il sera nécessaire d'accroître l'aide au développement, à concurrence de la norme de 0,7 % citée comme référence par la Belgique. Toutefois, les pays en développement eux-mêmes devront aussi fournir des efforts plus importants, en particulier en matière de bonne gouvernance économique et politique. En effet, les OMD constituent une responsabilité partagée du Nord et du Sud. Ils relèvent également d'un partenariat entre les pouvoirs publics et les citoyens. En ce sens, il convient d'utiliser davantage les OMD comme un instrument politique permettant aux citoyens du Sud d'exiger une plus grande responsabilisation de leurs autorités quant à la politique qu'elles mettent en œuvre. Les organisations non gouvernementales ont un rôle important à jouer en l'espèce.

Le sommet sur les objectifs du millénaire doit surtout permettre de développer des stratégies d'action concrètes à partir des leçons du passé.

— L'efficacité de l'aide

En vue du sommet de Séoul en novembre 2011, un cadre opérationnel en matière d'efficacité de l'aide a été adopté pour organiser le travail de l'UE. Il a été décidé que chaque présidence ferait avancer un volet de l'efficacité de l'aide. L'Espagne se chargera de la division du travail entre pays bénéficiaires, de la responsabilité mutuelle et de la coopération Sud-Sud.

La Belgique a pour projet de porter le thème de l'aide budgétaire à l'agenda. Il s'agit d'une question importante pour laquelle il n'y pas encore de position commune au sein de l'Union. Or, des initiatives dispersées dans l'octroi ou la suspension d'aide budgétaire sectorielle ou générale ou à un pays tiers, que ce soit pour des raisons économiques ou politiques, manquent systématiquement leur cible. Les questions qui pourraient être soulevées sont les suivantes:

— Quand entamer la modalité de l'aide budgétaire ?

— Au-delà des critères macro-économiques, quelles obligations ou devoirs entraîne-t-elle pour le pays bénéficiaire ?

— Quand arrêter l'aide budgétaire ? Quels critères politiques, comme le non-respect des droits de l'homme ou l'absence d'efforts dans la lutte contre la corruption ?

— Comment resserrer les liens entre « political dialogue » et « policy dialogue » ?

Une position commune à ce sujet augmenterait sensiblement l'efficacité de cette modalité d'aide. Les avis sont évidemment partagés à ce sujet et le ministre doit mener des consultations avec ses homologues, ainsi qu'avec le futur commissaire, pour estimer si ce débat est suffisamment mûr et s'il peut mener à un résultat.

— Les situations de fragilité

La Belgique veillera à ce qu'une attention particulière soit portée aux États en situation de fragilité, que ce soit dans le débat sur l'aide budgétaire ou encore dans la discussion sur le lien entre situation de fragilité, sécurité et développement.

Un plan d'action devra notamment être adopté en la matière. Il a pour objectif d'améliorer la coopération de l'UE, ensemble avec les autres acteurs internationaux, avec les pays en situation de fragilité et leur population. Il doit également permettre à l'UE de contribuer de manière cohérente et coordonnée à la consolidation de la paix et à la consolidation étatique, dans la mesure où ces pays sont souvent en situation de conflit ou post-conflit.

— Changement climatique et développement

Le ministre a pour ambition de rendre plus fort et plus visible le rôle des ministres de la coopération au développement dans ce débat, en prévision de la conférence de Mexico. La coopération au développement a l'expertise nécessaire concernant les stratégies d'adaptation et la gestion des flux financiers à destination des pays en développement. Par ailleurs, la coopération est étroitement concernée par les décisions qui devront être prises en matière de financement, y compris pour l'après 2013, et de gouvernance (future architecture institutionnelle de la lutte contre le changement climatique).

Le ministre plaide fortement, tant au niveau européen qu'au niveau du gouvernement fédéral, pour une additionnalité de l'aide aux 0,7 %. Il faudra aussi trouver des sources innovantes pour financer l'adaptation au changement climatique et il semble logique à cet égard qu'une partie des recettes des droits d'émission soit consacrée à cet objectif. S'agissant du Fast Start, il faudra être pragmatique: il y aura un mélange d'aide publique au développement (APD) et d'aide non APD. Mais l'objectif de l'APD doit évidement rester la lutte contre la pauvreté.

— Sécurité alimentaire et agriculture

La crise alimentaire illustre le désinvestissement dans le secteur de l'agriculture. De nouveaux défis sont apparus des dernières années — et non des moindres, comme le changement climatique — et ont rendu nécessaire la révision du cadre stratégique européen sur la sécurité alimentaire. Ce travail devrait débuter sous la présidence espagnole et sera poursuivi par la Belgique.

— Aide humanitaire

Le Traité de Lisbonne fait de l'UE un véritable acteur sur le plan de l'aide humanitaire. L'UE est le 1er donateur mondial. Cependant, la catastrophe survenue à Haïti montre que l'UE agit encore en ordre dispersé, simplement parce qu'elle ne s'est pas encore dotée de toutes les structures adéquates pour réagir face à ce genre de situations. La Belgique portera les initiatives qui permettront à l'UE de se renforcer en tant qu'acteur humanitaire, en particulier du point de vue des mécanismes de coordination de l'aide humanitaire (EU FAST). Une révision du plan d'action relatif au consensus européen sur l'aide humanitaire interviendra aussi sous la présidence belge. Cet exercice permettra de faire le point en la matière.

— Priorité transversale

De manière générale, le ministre accordera une attention particulière à la question de la bonne gouvernance et de la gestion démocratique dans les pays en développement, notamment en ce qui concerne le thème de l'aide budgétaire, ainsi qu'au respect des droits de l'homme, avec une attention spécifique pour les droits de l'enfant et une politique effective du genre. Ce sont là des constantes de la politique belge en matière de développement que le ministre entend porter au niveau européen.

On traverse une période de transition institutionnelle qui va évoluer rapidement. Le 17 février prochain, le ministre rencontrera lors du Conseil informel des ministres de la Coopération au développement à Ségovie le nouveau commissaire au Développement. Le ministre pourra se mettre d'accord avec lui sur les thèmes prioritaires qui pourront être mis à l'agenda du Conseil suivant le calendrier législatif de la Commission. D'ici avril, Mme Ashton aura pu déterminer sa position par rapport à son implication dans les questions de développement et notamment en ce qui concerne le Service d'action extérieure et les instruments financiers de l'Union européenne. Ces éléments permettront de finaliser ensemble l'agenda du deuxième trimestre.

Une série de précisions attendues sur le plan institutionnel de l'UE dans les mois à venir s'inscrivent dans le processus de préparation de la présidence belge de l'Union européenne.

II. Échange de vues

Selon Mme de Bethune, notre pays maintient le bon cap en ce qui concerne l'aide publique au développement (APD) et l'objectif qui prévoit d'affecter 0,7 % du revenu national brut (RNB) à l'aide au développement. Outre l'APD, quels points concrets relatifs au développement durable seront-ils inscrits à l'ordre du jour du Conseil européen ?

La sécurité alimentaire et l'agriculture familiale sont-elles des sujets de discussion du trio de présidences actuel et quel est le lien avec le thème du changement climatique ?

Mme de Bethune se demande par ailleurs si la problématique des droits de l'enfant et du genre peut être également un thème prioritaire vu que la présidence espagnole actuelle lui porte, elle aussi, un grand intérêt.

L'intervenante attire l'attention sur les accents régionaux, assez peu présents dans l'exposé introductif du ministre. Notre pays pourrait par exemple veiller à ce que la problématique des Grands Lacs figure à l'ordre du jour européen.

M. Dallemagne (Chambre) demande si le ministre a été consulté sur la mise en place de la nouvelle architecture institutionnelle de l'Union européenne qui est assez floue pour l'instant. Les craintes concernant une diminution de l'enveloppe budgétaire de la coopération au développement se confirment-elles ?

L'orateur se félicite du fait que les initiatives relatives aux objectifs du millénaire fassent partie des priorités du ministre.

En ce qui concerne l'adaptation au changement climatique, l'orateur partage l'avis du ministre qu'il ne faut pas trop charger le budget de la coopération au développement, mais plutôt trouver des moyens additionnels de financement.

Dans le cadre du Fast Start, le gouvernement belge a mis à disposition un budget additionnel de 50 000 million d'euros. À partir de quel budget va-t-on travailler et quels pays membres s'inscrivent-ils dans le programme Fast Start ? Quelles sont les premières actions menées dans ce cadre-là et où auront-elles lieu ? Quelle est la feuille de route pour la mise en place d'un corps civil lors de la présidence belge ? Comment l'Union européenne va-t-elle s'inscrire dans la reconstruction d'Haïti ?

À l'occasion du 50e anniversaire de l'indépendance du Congo, l'Union européenne devrait prendre une initiative politique qui s'inscrive aussi dans les partenariats avec les pays ACP.

M. Wille estime que la présidence belge peut être l'occasion de mettre en avant un certain nombre de priorités. Le critère de bonne gouvernance doit conditionner la mise en œuvre d'une stratégie de développement commune avec l'Afrique.

Lors du Conseil européen informel du 11 février 2010, il sera question du renforcement de l'intégration et de la coordination des actions humanitaires menées par l'Union européenne et les États membres. Le ministre est favorable à un soutien militaire des actions humanitaires « Search and Rescue ». De nombreux États « souverainistes » demeurent toutefois opposés à cette idée. Or, si la crise en Haïti a montré les avantages d'une telle approche, encore faut-il que celle-ci soit appliquée.

Pour éviter tout saupoudrage, la Belgique a pris l'initiative de limiter à un thème économique et un thème social la coopération au développement avec un pays partenaire. En ce qui concerne la coopération avec l'Afrique centrale, trois secteurs ont été retenus.

Il pourrait être utile qu'au moment où il assurera la présidence de l'Union européenne, notre pays examine la possibilité de conclure de nouveaux accords de coopération avec les économies dites émergentes, comme l'Inde et le Brésil, mais aussi la Chine, même si celle-ci est de plus en plus critiquée pour son approche en Afrique.

M. Wille est d'avis qu'il n'est pas toujours possible de débloquer des moyens financiers supplémentaires pour la coopération au développement. C'est pourquoi il faut s'efforcer de financer les initiatives prises avec les moyens existants et veiller dès lors à ce que celles-ci présentent un intérêt pour la coopération au développement.

M. De Vriendt (Chambre) estime qu'il est important qu'un Conseil européen informel soit consacré à la coopération au développement et espère que le ministre jouera un rôle moteur afin d'y associer la société civile.

Avant de prendre de nouvelles initiatives, il faut commencer par évaluer en profondeur le plan d'action européen 2008 relatif aux OMD.

La Belgique doit développer une stratégie afin d'inciter les États membres de l'Union européenne à consacrer 0,56 % de leur RNB à la coopération au développement en 2010.

M. De Vriendt aimerait savoir ce qu'il en est des accords de partenariat économique (APE) européens. L'objectif est de conclure des accords régionaux, par exemple avec l'Afrique de l'Ouest. Toutefois, l'intervenant estime que ces APE ne sont pas un bon moyen pour parvenir à des accords commerciaux car ils affaiblissent encore plus les économies fragiles des pays en développement.

L'Union européenne a formulé un certain nombre d'objectifs en matière de climat. Lors du sommet qui lui fut consacré du 7 au 18 décembre 2009 à Copenhague, il a été décidé de porter l'objectif de réduction des émissions de CO2 de 13 % à 19 %. C'est insuffisant pour pouvoir maintenir l'augmentation de la température sous le seuil critique de 2 %.

Le quatrième rapport d'évaluation du groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) précise que les pays développés doivent réduire leurs émissions de CO2 de 40 %. Le 25 novembre 2009, le Parlement européen a adopté une résolution sur la stratégie de l'Union européenne en vue de la Conférence de Copenhague sur le changement climatique (B7 0083/2010). Le 3 décembre 2009, la Chambre a adopté à son tour une résolution (« Proposition de résolution en vue de la Conférence des Nations unies sur le changement climatique de Copenhague du 7 au 18 décembre 2009 », doc. Chambre, nº 52-2263) qui insiste sur la réduction de 40 % des émissions de CO2. L'Union européenne s'est engagée à ne réduire ses émissions de CO2 que de 20 % d'ici à 2020, mais s'est dit prête à les réduire de 30 % si les autres pays développés sont disposés à fournir un effort comparable. L'intervenant insiste sur un engagement unilatéral de l'Union européenne de réduire ses émissions de CO2 à concurrence de 30 % à 40 %.

M. De Vriendt souhaite que, durant la présidence belge, une stratégie soit mise au point en matière d'émissions de CO2 en vue du prochain sommet sur le climat qui aura lieu à Mexico.

Étant donné qu'il n'a pas été tenu compte du changement climatique lors de la fixation de l'objectif prévoyant de consacrer 0,7 % du RNB à la coopération au développement, il convient, pour atteindre celui-ci, de dégager des moyens supplémentaires.

Mme Vautmans (Chambre) estime que la Belgique doit éviter de se fixer des objectifs trop ambitieux lorsqu'elle assurera la présidence de l'Union européenne, vu la brièveté de celle-ci.

Elle est d'avis que la première priorité dans le cadre des OMD doit être la lutte contre la mortalité maternelle. On constate en effet l'absence de toute avancée dans ce domaine.

Mme Vautmans précise par ailleurs que la Belgique pourrait inciter les États membres de l'Union européenne ne disposant encore d'aucun scénario de croissance contraignant pour atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB pour la coopération au développement, à prévoir une disposition légale dans ce sens.

En outre, l'intervenante fait référence aux élections qui auront lieu dans plusieurs pays de la région des Grands Lacs, à savoir au Burundi en 2010 et au Rwanda ainsi qu'au Congo en 2011. La Belgique aidera-t-elle ces pays à organiser correctement leurs élections ? Une mission d'observation de l'UE sera d'ailleurs dépêchée au Burundi durant les élections.

La présidence belge sera marquée par la célébration du 10e anniversaire de la résolution 1325 des Nations unies sur les femmes, la paix et la sécurité. La Belgique fut le dixième pays en 2009 à lancer son propre plan d'action en la matière. Notre pays poursuivra-t-il cet effort en tenant compte des résultats engrangés par la présidence espagnole ?

Mme Vautmans renvoie à la proposition de résolution relative à l'équipe EU-Fast à Haïti que M. Dallemagne vient de déposer à la Chambre (aucun texte n'a encore été publié). Il est important d'apporter un soutien militaire aux actions d'aide humanitaire et d'inscrire l'EU-Fast à l'ordre du jour européen.

Il importe également d'être attentif aux conséquences néfastes du changement climatique pour les pays en développement et il faudrait que l'Union européenne insiste unanimement sur un débloquage de la bande de Gaza.

Mme Arena (Chambre) partage les priorités citées par le ministre dans son exposé introductif. Il convient d'évaluer le travail accompli en ce qui concerne les objectifs du millénaire avant de se fixer un nouveau planning. Il faut se doter de moyens complémentaires pour réaliser ces objectifs.

Des propositions ont été faites pour attribuer des moyens complémentaires à la coopération au développement, comme par exemple la Taxe Tobin-Spahn ou la taxe carbone. La Belgique défendra-t-elle le principe de l'additionnalité au niveau de l'Union européenne tout en cherchant des solutions créatives ? Si une évaluation s'impose, il faut éviter par ailleurs que la bureaucratie s'installe dans l'aide au développement sous prétexte de l'efficacité.

La Belgique convaincra-t-elle l'Union européenne de transférer de la technologie aux pays émergents pour éviter qu'ils ne se trouvent eux-mêmes dans une logique d'émission de CO2?

Quelle sera la position de la Belgique en ce qui concerne les mécanismes de régulation des spéculations en matière de denrées alimentaires ? Comment la Belgique va-t-elle combattre les paradis fiscaux ? De quelle manière l'Union européenne va-t-elle envisager la réforme du FMI et de la BM ? Il faut envisager le transfert des litiges commerciaux de l'OMC vers des instances plus démocratiques comme les Nations unies. L'Union européenne tient-elle suffisamment compte des normes sociales de l'OMT ?

M. Van der Maelen (Chambre) demande si le ministre tiendra également compte du dialogue qu'il a mené avec les ONG.

En outre, l'intervenant se réfère à la proposition de résolution concernant l'application de normes sociales et environnementales dans le cadre de la mondialisation, adoptée par la Chambre le 16 juillet 2009. Il y est demandé instamment de réserver une place au travail décent dans le cadre de la politique belge de développement (doc. Chambre, nº 52-1948/004). En effet, le travail décent combine à merveille le développement social et le développement économique. Toutefois, ce thème est insuffisamment abordé dans l'exposé du ministre.

Des moyens supplémentaires sont nécessaires pour lutter contre la pauvreté, mais aussi pour faire face aux conséquences des changements climatiques. L'on pourrait également recourir, pour ce faire, à la taxe Tobin. Dès la fin 2004, la Belgique s'est dotée d'une loi instaurant une taxe sur les opérations de change de devises, de billets de banque et de monnaies. Cette taxe sur les transactions financières est de plus en plus soutenue par les grands pays de l'Union européenne. Notre pays contribuera-t-il à cette évolution favorable ?

M. Van der Maelen se réjouit que le ministre évoque les flux illicites de capitaux en provenance des pays en développement. La résolution de ce problème pourrait procurer à ces pays des revenus supplémentaires importants.

Mme Temmerman souligne que la direction générale de la Coopération au développement (DGCD) a publié en mars 2007 une excellente note politique concernant les droits sexuels et reproductifs, mais que celle-ci est restée lettre morte.

Réponses du ministre Michel

La Belgique estime qu'il faut donner à l'Union européenne une capacité de manœuvre réelle sur le terrain de la coopération au développement. Mais, au moment où la Belgique prendra la présidence de l'UE, tous les problèmes institutionnels ne seront pas encore résolus.

Certains pays membres de l'UE tiennent des discours ambitieux et proclament qu'ils vont faire de grands efforts financiers dans le domaine de la coopération au développement. Il ne s'agit cependant souvent pas de moyens additionnels, puisque ces pays ne répondent pas au critère budgétaire international du 0,7 % du revenu national brut (RNB).

Le ministre estime que le fait d'atteindre l'objectif de 0,7 % du RNB est très important pour la crédibilité de notre pays dans le cadre de la présidence belge. Il plaide également pour l'affectation de moyens supplémentaires à la coopération au développement.

Le ministre souhaite que la Société belge d'investissement pour les pays en développement (BIO) s'inscrive dans la logique de la sélection sur le plan géographique et sur le plan sectoriel et qu'elle promeuve l'agriculture familiale.

À l'occasion du 10e anniversaire de la résolution 1325 sur les femmes, la paix et la sécurité du Conseil de sécurité de l'ONU, des événements particuliers seront organisés conjointement avec le SPF Affaires étrangères dans le cadre de la présidence belge de l'Union européenne.

La Belgique s'est engagée à octroyer à des femmes la moitié des bourses prévues dans le cadre de la coopération au développement bilatérale, même si les pays partenaires ne sont pas toujours d'accord avec une telle initiative.

Notre préoccupation pour l'Afrique centrale doit naturellement apparaître lors de la présidence belge de l'Union européenne. Le calendrier électoral dans ces pays revêt une importance primordiale pour notre pays et pour l'Union européenne.

Le gouvernement belge plaide depuis 2003 en faveur de la création d'un projet Euro Fast, ce qui impliquerait un renforcement de la coordination de l'aide humanitaire au niveau européen. Le ministre a tenu un vigoureux plaidoyer en ce sens lors du dernier Conseil européen. Il a également eu des contacts bilatéraux informels à ce propos. L'idée est soutenue par la Belgique, la France, l'Espagne, les Pays-Bas et le Luxembourg. Cependant, le Royaume-Uni, la Suède et le Danemark ont des réticences parce qu'ils redoutent la confusion entre les opérations militaires et les opérations humanitaires.

Pour mener à bien des opérations urgentes de reconstruction comme en Haïti, il faut un appui militaire. À la table officielle du Conseil européen des ministres de la Coopération au développement, il n'y a eu aucune opposition, même pas de la part des pays qui, de manière informelle, ont fait état de leurs réticences. Les conclusions de ce Conseil reprennent de manière expresse l'engagement de renforcer la coordination sur le plan de l'aide humanitaire en chargeant la Commission européenne de faire très rapidement des propositions opérationnelles. Le rapport Barnier de l'Union européenne de 2005 ayant comme titre « Pour une force européenne de protection civile: Europe Aid » montre qu'il y a une volonté politique ferme à cet égard au sein de l'Union européenne. Cette question sera abordée par le Conseil européen des chefs d'État et de gouvernement du 11 février, présidé par M. Herman Van Rompuy. Cela signifie que ce sujet pourrait bien constituer un thème extrêmement important de la présidence belge et on pourrait, le cas échéant, finaliser un plan opérationnel en termes de coordination de l'aide humanitaire.

L'Union européenne est, de loin, le premier bailleur pour l'aide humanitaire et on mesure bien qu'une action davantage coordonnée aura des effets très favorables dans les quelques heures et jours qui suivent la survenance d'une catastrophe.

Au début avril 2010, une conférence pour la reconstruction d'Haïti aura lieu à New York et la Belgique y sera présente.

La présidence belge sera rythmée par le calendrier international, notamment par le sommet entre l'EU et l'Afrique qui aura lieu en Libye, le sommet sur les OMD de New York et le sommet climatique qui va se dérouler au Mexique.

Il ne faut pas modifier les OMD avant 2015, date fixée par la communauté internationale. Il convient à l'heure actuelle d'augmenter le rythme de leur mise en application et de bien évaluer les différences parfois préoccupantes entre la mise en application des OMD dans les campagnes et dans les villes. Il faut analyser la responsabilité des pays du Nord, bailleurs de fonds, et considérer les efforts que les pays en développement doivent livrer sur le plan de la gouvernance, de la lutte contre la corruption et de la réforme de l'État.

Le ministre souhaite soutenir le dialogue avec les « pays émergents », notamment avec le Brésil, l'Inde et la Chine, qui sont singulièrement présents en Afrique. Il s'agit toutefois d'un travail à long terme, mais il ne faut pas oublier que ces pays ont aussi intérêt à une bonne gouvernance en Afrique.

Pour mener à bien les négociations des EPA, il faut davantage de cohérence entre le commissaire chargé du Développement et de l'Aide humanitaire et le commissaire compétent pour le Commerce.

Le travail décent constitue quant à lui également une priorité, pleinement parallèle aux OMD.

Il faut s'inscrire dans une logique de stabilité et de sécurité sur le plan international pour assurer notre propre bien-être et notre prospérité. Il faut relever un nombre d'enjeux importants comme la sécurité alimentaire ou les changements climatiques qui créent des difficultés pour l'agriculture et l'accès à l'eau potable. Ces problèmes engendrent de l'insécurité et donnent lieu à des conflits, mais il incombe à l'Union européenne d'opérer des choix financiers afin de rencontrer ces préoccupations.

Le ministre se dit favorable à la mise en œuvre de la loi du 19 novembre 2004 instaurant une taxe sur les opérations de change de devises, de billets de banque et de monnaies. Il espère que le gouvernement belge fera les efforts nécessaires pour que cette taxe soit appliquée au sein de l'UE.

Il partage les préoccupations de Mme Arena quant à la spéculation financière sur les produits alimentaires et il estime qu'il est indiqué de réguler les marchés financiers à cet égard.

Les présidents-rapporteurs,
Marleen TEMMERMAN (S).
Vanessa MATZ (S).
Geert VERSNICK (CH).
Herman DE CROO (CH).