4-1681/1

4-1681/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

25 FÉVRIER 2010


Proposition de loi visant à supprimer la limitation du champ d'application de la responsabilité solidaire des commettants pour les dettes sociales et fiscales des entrepreneurs et des sous-traitants

(Déposée par Mme Nahima Lanjri et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La lutte contre la fraude sociale et la fraude fiscale est engagée depuis bien des années déjà et doit être poursuivie. Il faut notamment s'employer à sanctionner les pratiques frauduleuses des pourvoyeurs de main-d'œuvre dans tous les secteurs.

Réglementation en vigueur

L'article 30bis de la loi ONSS (1) dispose que le commettant qui, pour les travaux visés au § 1er, fait appel à un entrepreneur ou à un sous-traitant qui a des dettes sociales ou fiscales est solidairement responsable du paiement de ces dettes.

Le commettant qui effectue le paiement de tout ou partie du prix des travaux à un entrepreneur ou un sous-traitant qui, au moment du paiement, a des dettes sociales est tenu, lors du paiement, d'effectuer la retenue prévue par la loi sur le montant de la facture. La responsabilité solidaire du commettant s'éteint si celui-ci satisfait à son obligation de retenue.

Une réglementation identique est inscrite dans la législation fiscale, plus précisément aux articles 400 à 404 du Code des impôts sur les revenus 1992.

Les travaux soumis à la responsabilité solidaire et à l'obligation de retenue mentionnées ci-dessus sont fixés dans l'arrêté royal du 27 décembre 2007 portant exécution des articles 400, 401, 403, 404 et 406 du Code des impôts sur les revenus 1992 et de l'article 30bis de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Ils se limitent au secteur de la construction.

La responsabilité solidaire des commettants pour les dettes sociales et fiscales des entrepreneurs et sous-traitants a été instaurée par la loi du 4 août 1978 de réorientation économique en vue de combattre les pratiques frauduleuses des pourvoyeurs de main-d'œuvre.

Le fait de recourir à des pourvoyeurs de main-d'œuvre n'est pas interdit en soi. Cependant, la législation sociale et fiscale n'est pas respectée dans bon nombre de cas. Parmi les principales fraudes constatées, citons le non-paiement des cotisations sociales, du précompte professionnel et de la TVA, le non-respect du salaire minimum ou du temps de travail, etc. Les législations sociale et fiscale n'étant pas respectées, les entrepreneurs et les sous-traitants concernés sont en mesure de soumettre des offres de prix attrayantes. Ensuite, les commettants rédigent un contrat de manière que leur responsabilité ne soit pas mise en cause. Pareilles pratiques aboutissent à des distorsions de la concurrence, à une perturbation du marché du travail ainsi qu'à des fraudes sociales et fiscales.

Aujourd'hui encore, nous sommes confrontés aux pratiques frauduleuses des pourvoyeurs de main-d'œuvre. Trop fréquemment encore, des entrepreneurs ou des sous-traitants se rendent coupables de fraude sociale et fiscale sans que l'on puisse les sanctionner parce qu'ils changent de nom trop rapidement ou parce qu'ils disparaissent dans la nature. À l'heure actuelle, la responsabilité des commettants n'est mise en cause que dans le secteur de la construction.

Historique

Jusqu'au 1er janvier 2008, la responsabilité solidaire du commettant en ce qui concerne les dettes sociales et fiscales de l'entrepreneur ou du sous-traitant et l'obligation de retenue étaient liées à l'absence d'enregistrement de l'entrepreneur ou du sous-traitant.

Le commettant évitait de travailler avec des entrepreneurs non enregistrés en raison de la responsabilité aggravée que cela impliquait. En conséquence, chaque entrepreneur était de facto obligé de se faire enregistrer, s'il voulait avoir une chance de décrocher des marchés.

Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2006, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé que ces mesures constituaient une restriction injustifiée de la libre prestation des services.

Afin de donner suite à la condamnation prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes, les autorités belges ont procédé à une modification de la législation en question par le biais de la loi-programme du 27 avril 2007 (plus exactement les articles 55, 56, 141 et 142) entrant en vigueur au 1er janvier 2008. À la suite de cette modification, la responsabilité solidaire du commettant en ce qui concerne les dettes sociales et fiscales de l'entrepreneur ou du sous-traitant et l'obligation de retenue ne sont plus liées au non-enregistrement de l'entrepreneur ou du sous-traitant, mais au fait qu'il a des dettes sociales ou fiscales. Une base de données accessible au public permettra de vérifier si l'entrepreneur ou le sous-traitant a des dettes de ce genre.

Ainsi, un entrepreneur ou un sous-traitant sera réputé avoir des dettes sociales s'il doit plus de 2 500 euros d’arriérés de cotisations sociales à l'ONSS. Si l'inspection sociale constate par exemple qu'une entreprise de nettoyage n'a pas déclaré toutes les heures supplémentaires de ses travailleurs, l'ONSS lui réclamera, à la suite de ce constat par l'inspection sociale, des cotisations, des majorations de cotisations et des intérêts de retard pour les heures supplémentaires non déclarées. L'entreprise de nettoyage sera réputée avoir des dettes sociales si elle ne paie pas ces sommes dont elle est redevable. Pour autant que le commettant soit responsable solidairement, il sera également réputé avoir des dettes sociales s'il omet de payer lui aussi les sommes dues.

Dans le rapport de la commission spéciale chargée de l'examen du projet de loi de réorientation économique (2) , le champ d'application de la responsabilité solidaire et l'obligation de retenue sont limités au secteur de la construction, le motif invoqué étant la volonté de limiter les lourdes conséquences de ces mesures pour les PME. En effet, celles-ci se verraient imposer l'obligation de se faire enregistrer et la lourde responsabilité incombant aux commettants les inciterait à moins recourir à des sous-traitants.

Comme, à partir du 1er janvier 2008, la responsabilité solidaire et l'obligation de retenue sont dissociées de l'enregistrement de l'entrepreneur ou du sous-traitant, la première charge administrative disparaît donc. Aujourd'hui, un entrepreneur peut se faire enregistrer sur une base facultative, mais l'absence d'enregistrement n'a aucune conséquence sur l'obtention ou non d'un marché. En outre, la pratique montre que l'on continue à recourir abondamment à des entrepreneurs ou des sous-traitants pour l'exécution de certains marchés.

Tous les secteurs

La lutte contre les pratiques frauduleuses des pourvoyeurs de main-d'œuvre n'est pas encore à son terme. Le recours aux pourvoyeurs de main-d'œuvre est une pratique qui ne se limite pas au secteur de la construction; elle existe également dans d'autres secteurs tels que celui du nettoyage et de l'horeca.

La responsabilité solidaire et l'obligation de retenue étant conditionnées par l'existence de dettes sociales et fiscales, plus rien ne justifie de les limiter au secteur de la construction. Les entrepreneurs ne sont plus soumis à des procédures administratives et les commettants peuvent vérifier à tout moment si l'entrepreneur ou le sous-traitant en question a des dettes sociales ou fiscales, grâce à des bases de données accessibles au public.

L'extension du champ d'application de la responsabilité solidaire et de l'obligation de retenue à l'ensemble des secteurs d'activité permet de combattre plus efficacement et plus largement les pratiques frauduleuses des pourvoyeurs de main-d'œuvre, dans tous les secteurs où ils sont actifs.

Enregistrement d'entrepreneurs

Eu égard à ce qui précède, force est de constater que rien dans la réglementation actuelle ne justifie non plus la limitation du champ d'application de l'enregistrement volontaire. Un entrepreneur enregistré est censé être en règle avec le fisc (impôts, précompte professionnel, TVA) et l'ONSS (obligations sociales) et bénéficie aussi d'autres avantages.

Tout entrepreneur doit dès lors pouvoir recourir à cette possibilité, quel que soit son secteur d'activité.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2

Cet article supprime la limitation au secteur de la construction des activités auxquelles s'appliquent la responsabilité solidaire et l'obligation de retenue.

Articles 3 à 10

Ces articles contiennent les modifications à apporter à l'arrêté royal du 27 décembre 2007.

Il s'agit simplement des références aux activités limitées qu'il y a lieu de supprimer.

Article 11

Cet article contient les modifications à apporter à la loi ONSS.

La loi ONSS fait référence aux activités fixées par le Roi. L'auteur veut supprimer la limitation des activités et inverse les choses en habilitant le Roi à exclure certaines activités. La limitation à certaines activités pour ce qui est de l'enregistrement des entrepreneurs est également annulée dans cet article.

Article 12

Dans cet article figurent les modifications à apporter au Code des impôts sur les revenus 1992.

Par analogie avec l'article précédent, les choses sont inversées en habilitant le Roi à exclure certaines activités.

Nahima LANJRI.
Dirk CLAES.
Cindy FRANSSEN.
Els SCHELFHOUT.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Art. 2

L'article 1er de l'arrêté royal du 27 décembre 2007 portant exécution des articles 400, 401, 403, 404 et 406 du Code des impôts sur les revenus 1992 et de l'article 30bis de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs est abrogé.

Art. 3

À l'article 2 du même arrêté sont apportées les modifications suivantes:

1º au § 1er, 2º, les mots « pour une activité visée à l'article 1er » sont supprimés;

2º au § 1er, 9º, 10º et 13º, les mots « relatives à l'exercice d'activités visées à l'article 1er, » sont chaque fois supprimés;

3º au § 2, les mots « qui exercent une activité visée à l'article 1er, » sont supprimés;

4º au § 4, les mots « pour des activités dans le secteur de la construction » sont supprimés;

Art. 4

À l'article 5, § 1er, 8º, du même arrêté, les mots « par les agences d'intérim construction agréées » sont remplacés par les mots « par les agences d'intérim agréées ».

Art. 5

À l'article 6, § 1er, 8º et 9º du même arrêté, les mots « d'une entreprise d'intérim de construction » sont chaque fois supprimés.

Art. 6

À l'article 7, 8º, du même arrêté, les mots « visée à l'article 1er » sont supprimés.

Art. 7

À l'article 8, 4º, du même arrêté, les mots « relatives à l'exercice d'activités visées à l'article 1er, » sont supprimés.

Art. 8

Aux articles 23, alinéa 1er, et 29, alinéa 1er, du même arrêté, les mots « précitée à l'article 1er » sont à chaque fois supprimés.

Art. 9

À l'article 30, § 1er, du même arrêté, les mots « visés à l'article 1er » sont supprimés.

Art. 10

L'article 38 du même arrêté est abrogé.

Art. 11

L'article 30bis, § 1, 1º, de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs est remplacé comme suit:

« 1º travaux: tous les travaux à l'exception des activités exclues par le Roi; ».

Art. 12

L'article 400, 1º, du Code des impôts sur les revenus 1992 est remplacé par la disposition suivante:

« 1º travaux: tous les travaux à l'exception des activités exclues par le Roi; ».

25 janvier 2008.

Nahima LANJRI.
Dirk CLAES.
Cindy FRANSSEN.
Els SCHELFHOUT.

(1) Loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs.

(2) 1977-1978, S. 415-2, pp. 94-95.