4-1569/1

4-1569/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2009-2010

13 JANVIER 2010


Proposition de loi modifiant le Code civil en ce qui concerne le comportement incorrect des bénéficiaires et en vue d'autoriser la représentation de l'héritier renonçant

(Déposée par Mme Martine Taelman et consorts)


DÉVELOPPEMENTS


La présente proposition de loi reprend, en le modifiant, le texte d'une proposition qui a déjà été déposée à la Chambre des représentants le 24 juin 2005 (doc. Chambre, nº 51-1885/001).

I. PROPOSITION DE LOI MODIFIANT LE CODE CIVIL EN CE QUI CONCERNE LE COMPORTEMENT INCORRECT DES BÉNÉFICIAIRES

A. Nécessité d'actualisation et d'harmonisation

Plusieurs dispositions du Code civil sanctionnent le comportement indigne des bénéficiaires. On ne peut, par exemple, pas hériter de quelqu'un à qui l'on a donné la mort (art. 727 C. civ.). Autre exemple: la donation peut être révoquée, par le donateur, pour cause d'ingratitude si le donataire s'est rendu coupable d'injures (art. 955 C. civ.).

Toutefois, si des comportements indignes sont également constatés dans d'autres domaines, aucune disposition ne règle actuellement, par exemple, l'impact des comportements indignes entre époux sur les avantages matrimoniaux. Il en va de même en ce qui concerne les actions alimentaires à la charge de la succession.

Nous constatons que les dispositions concernées varient considérablement en ce qui concerne les comportements indignes donnant lieu à une sanction, les personnes susceptibles d'être sanctionnées, la procédure qui aboutit à la sanction et les effets de ladite sanction en droit patrimonial.

Si toutes ces situations sont similaires, elles sont réglées de multiples manières. Or, cet état de fait, qui est source d'injustices, d'aberrations et de lacunes, débouche parfois, en pratique, sur des situations navrantes.

La présente proposition de loi s'inspire en partie du Dossier 4332-4333, Travaux du Comité d'études et de législation du notariat (1995-1996), Dupuis, Gilly, 2000, 375-391.

Nous évaluons ci-dessous les différentes dispositions que nous entendons actualiser.

B. L'indignité successorale

Les héritiers qui ont eu un comportement incorrect vis-à-vis du testateur peuvent être exclus de sa succession ab intestat pour raison d'indignité successorale. L'article 727 du Code civil énumère les trois cas dans lesquels cette sanction civile s'applique:

1. être condamné pour avoir donné ou tenté de donner la mort au testateur;

2. avoir porté contre le testateur une accusation jugée calomnieuse portant sur un fait punissable de la réclusion à perpétuité ou de la détention à perpétuité;

3. être instruit du meurtre du testateur sans le dénoncer à la justice.

La législation relative à l'indignité successorale est restée pratiquement inchangée depuis 1804 (1) . À de nombreuses reprises, la doctrine a prôné l'adaptation et l'actualisation de cette législation, qui s'imposent d'autant plus que les violences intrafamiliales augmentent malheureusement aussi, ce qui se traduit par une augmentation du nombre d'affaires judiciaires où l'indignité successorale est invoquée (2) .

1. Les cas d'indignité

Les cas d'indignité sont perçus comme assez restrictifs, surtout en comparaison de ce qui prévaut dans d'autres pays européens, qui sanctionnent un nombre beaucoup plus important de comportements incorrects (3) , par exemple, les coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort (4) ; la non-assistance à personne en danger, en l'occurrence le testateur (5) ; l'homicide ou la tentative d'homicide de parents très proches du testateur, le refus de fournir des aliments au testateur, des pressions exercées sur le testateur pour qu'il établisse un testament ou pour qu'il ne révoque pas un testament existant (6) ; le refus d'un parent de reconnaître un enfant adultérin dont la filiation a été établie judiciairement par la suite, etc.

Les auteurs du Code civil ont toutefois sciemment limité le nombre de cas d'indignité successorale, contrairement au droit romain, qui énumérait quatorze situations (7) .

On peut donc se demander à juste titre s'il ne convient pas d'augmenter le nombre de cas d'indignité successorale. Est-il admissible qu'une personne qui a rompu la solidarité avec le testateur de façon délibérée et flagrante puisse également revendiquer sa succession ?

Les motifs actuels doivent, eux aussi, faire l'objet d'une révision. La doctrine s'interroge surtout sur le maintien du troisième motif: « être instruit du meurtre du testateur sans le dénoncer à la justice ». Ce motif paraît inspiré d'une sorte de doctrine de la vendetta privée (8) . Il a dès lors été supprimé lors de la modification de l'article 727 du C. civ. français.

2. Qui est frappé d'indignité ?

Tant l'auteur que le coauteur peuvent être frappés d'indignité (art. 66 C. pén.). En ce qui concerne les complices (art. 67 C. pén.), il y a controverse. Une certain courant de jurisprudence estime que les complices ne peuvent pas être qualifiés d'indignes (9) . En revanche, le courant doctrinal majoritaire considère leur attitude à l'égard du testateur tout aussi blâmable que celle des coauteurs (10) . Tant dans le Code civil français que dans le Code civil néerlandais, les complices sont explicitement qualifiés d'indignes (11) . Il serait judicieux que la législation belge le prévoie également.

Actuellement, les enfants d'un indigne ne peuvent hériter que de leur chef, et sans le secours de la représentation (art. 730 C. civ.).

Exemple:

Pierre a une mère Marie, un frère Paul et deux enfants: Anne et Catherine. Son frère Paul est lui-même sans enfant. Pierre tue sa mère. L'héritage reviendra entièrement à Paul. Les enfants ne peuvent en effet succéder par représentation à Pierre, leur papa indigne. Dans l'hypothèse où leur oncle Paul serait prédécédé, Anne et Catherine auraient toutefois reçu chacune la moitié de l'héritage, puisqu'elles auraient alors hérité de leur chef.

On ne voit pas très bien pourquoi les enfants pourraient hériter de leur chef, mais pas par représentation. Ces filles sont en effet innocentes de l'acte posé par leur père. La réglementation paraît dès lors contraire au caractère personnel de la sanction civile de l'indignité (12) . Elle a dès lors été modifiée en France et aux Pays-Bas (13) . Pour permettre la représentation en pareil cas, il faudra néanmoins aussi modifier certaines règles qui lui sont propres. Bien entendu, la représentation doit également être admise en cas de renonciation de la part de l'héritier entrant normalement en ligne de compte.

3. Comment devient-on indigne ?

Dans l'état actuel du droit, la preuve du comportement indigne ne peut en règle générale être fournie que par une condamnation coulée en force de chose jugée qui entraîne cette sanction civile de plein droit. Ce système présente toutefois des inconvénients (14) .

L'exigence d'une condamnation préalable a en effet pour conséquence que la sanction est évitée lorsqu'il est impossible, pour l'une ou l'autre raison, d'aboutir à une condamnation.

Exemple:

Joseph et Marie sont mariés et n'ont pas d'enfant. Joseph commet un crime passionnel: il tue Marie après l'avoir prise en flagrant délit d'adultère. Immédiatement après, il se suicide. Conséquence: Marie meurt avant Joseph, lequel devient ainsi le conjoint survivant et peut donc prétendre, s'ils étaient mariés sous le régime de la communauté, à l'ensemble du patrimoine commun en pleine propriété.

Comme Joseph s'est suicidé, il n'est plus possible de prononcer une condamnation entraînant une indignité successorale. La famille de Joseph hérite par conséquent de l'ensemble du patrimoine commun, tandis que celle de Marie a seulement droit au patrimoine propre de Marie, puisque le droit d'usufruit de Joseph sur ce patrimoine s'est éteint à son décès.

Il y a, en l'occurrence, contradiction avec l'article 955 du Code civil. En cas de révocation de donations pour cause d'ingratitude, seuls certains comportements indignes sont pris en compte, sans que leur auteur doive avoir été condamné pour cela.

Parfois, le fait que la sanction soit encourue de plein droit semble également trop sévère. Pourquoi le pardon de la victime n'a-t-il d'ailleurs aucune influence sur l'indignité successorale ? Ceci donne lieu à des jugements insatisfaisants. L'absence de pouvoir d'appréciation empêche en effet toute nuance (15) .

Le législateur français opère une distinction entre une catégorie limitée de faits entraînant de plein droit l'indignité (16) et une catégorie plus large de faits pour lesquels le juge jouit d'un pouvoir d'appréciation lui permettant de conclure ou non à l'indignité (17) .

Le pardon du testateur exclut également l'indignité dans plusieurs pays européens (18) .

Il convient d'observer que l'article 745septies du Code civil dispose que le conjoint survivant peut perdre ses droits successoraux s'il a été déchu de l'autorité parentale. Le plus souvent la doctrine considère de facto cet article comme un cas d'indignité successorale (19) . Jusqu'à présent, c'est le seul article qui permette au juge de jouir d'un pouvoir d'appréciation.

4. Effets de l'indignité

La conséquence principale de l'indignité est évidemment l'incapacité à hériter. Il peut toutefois en résulter des conséquences néfastes pour des tiers de bonne foi. L'indigne est en effet réputé ne jamais avoir été héritier. Il est privé de ses droits avec effet rétroactif. Tous les actes juridiques qu'il a posés vis-à-vis de ces biens doivent être considérés comme nuls et non avenus, ce qui a des implications négatives pour la sécurité juridique.

Exemple:

Pierre a tué sa mère, Marie, sans éveiller le moindre soupçon à son encontre. Personne n'est au courant. L'indignité n'est pas constatée. Pierre hérite de sa mère un terrain à bâtir. Il vend ce terrain pour une somme importante à un jeune couple, qui y construit une maison. Deux ans plus tard, l'on découvre que Pierre a assassiné sa mère. Il était donc indigne et ne pouvait hériter du terrain à bâtir, dont la vente est par conséquent annulée avec effet rétroactif.

Des tiers de bonne foi ne peuvent invoquer que l'article 2279 du Code civil et la prescription acquisitive prévue par l'article 2265 du Code civil. Si la théorie de l'héritier apparent (20) recueille de plus en plus d'adhésion en Belgique, il est toutefois souhaitable de régler explicitement les droits des tiers de bonne foi (voir aussi l'article 334ter du Code civil).

Aux Pays-Bas, il est prévu explicitement qu'il faut respecter les droits acquis de bonne foi par des tiers avant l'établissement de l'indignité (21) .

C. Révocation de donations pour cause d'ingratitude

L'article 955 du Code civil énumère les comportements indignes qui peuvent donner lieu à la révocation judiciaire de la donation pour cause d'ingratitude:

1. le donataire attente à la vie du donateur;

2. le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves;

3. le donataire refuse des aliments au donateur.

Les deux premiers entraînent également la révocation des legs (libéralité) (art. 1046 C. civ.), au même titre que l'injure grave faite par le légataire à la mémoire du testateur (art. 1047 C. civ.).

Une assimilation complète des causes d'indignité successorale à celles de la révocation pour cause d'ingratitude n'est pas requise (22) . Alors que l'on peut parfois être appelé à la succession sans qu'il y ait jamais eu de lien étroit entre le testateur et l'héritier, il n'en va pas de même dans le cadre de donations. Une donation découle en effet toujours de l'inclination personnelle du donateur envers le donataire. Il n'apparaît donc pas déraisonnable d'ajouter ici quelques causes plus strictes (23) . Parallèlement à la possibilité de révocation judiciaire des donations et des legs pour cause d'ingratitude, que la loi prévoit déjà depuis longtemps, il serait judicieux de confirmer explicitement, dans le cadre de cette approche plus générale, que les institutions contractuelles sont également révocables judiciairement pour cause d'ingratitude, même si cela est déjà admis par la jurisprudence et la doctrine.

1. Comment devient-on ingrat ?

Sur d'autres points, il existe, entre l'indignité et l'ingratitude, des différences qui sont plus difficiles à justifier.

Pourquoi l'héritier qui tue son testateur doit-il être condamné pénalement à l'indignité, si le donataire qui a attenté à la vie de son donateur peut être considéré comme ingrat sans faire l'objet d'une condamnation pénale ?

2. Conséquences de l'ingratitude

Contrairement au régime en matière d'indignité, des règles visant à protéger, dans certaines conditions, les droits de tiers sont prévues à l'article 958 du Code civil.

De plus, l'ingratitude ne s'applique pas de plein droit, mais son application doit être réclamée. Si le donateur ne demande pas la révocation dans un court délai, on considère en outre qu'il a pardonné au donataire son comportement indigne. Mais pourquoi, dans ce cas, le pardon ne peut-il pas jouer un rôle en matière d'indignité successorale ?

D. Perte des avantages matrimoniaux en cas de comportement incorrect de la part de l'un des conjoints

Les avantages matrimoniaux sont des avantages fixés par les conjoints en faveur de l'un ou de l'autre et qui découlent de la composition, des effets ou de la liquidation-partage du régime matrimonial choisi. Traditionnellement, l'on établit surtout une distinction entre deux types d'avantages matrimoniaux:

1. les clauses d'apport modifient la composition du patrimoine (un conjoint peut, par exemple, inclure un terrain à bâtir dans le patrimoine commun, de sorte que l'autre conjoint en bénéficie également, étant donné que les deux conjoints sont dorénavant propriétaires pour moitié de ce terrain à bâtir);

2. les clauses de partage inégal à l'avantage du conjoint survivant (par exemple, la clause d'attribution de communauté attribuant l'intégralité du patrimoine commun au conjoint survivant).

En ce qui concerne les avantages matrimoniaux, le Code civil ne prévoit aucun règlement sanctionnant un comportement incorrect de l'un des conjoints. D'ailleurs, dans les cas exceptionnels d'assimilation d'avantages matrimoniaux à des donations (articles 1455, 1464 et 1465 du C. civ.), l'on admet à présent que cette assimilation n'a lieu que dans le cadre de la protection accordée sous la forme d'une réserve et pas, dès lors, dans le cadre de l'article 955 du Code civil.

Cas de déchéance des avantages matrimoniaux

L'article 1429 du Code civil prévoit que le divorce ne donne plus ouverture aux droits de survie. L'article 334ter du même Code prévoit que tous les droits que l'autre époux a consentis par contrat de mariage sont révoqués de plein droit à l'égard du conjoint qui s'avère avoir un enfant adultérin.

Cela signifie toutefois que bon nombre de comportements incorrects n'entraînent pas la déchéance d'un avantage matrimonial. Aucune disposition ne prévoit, par exemple, la déchéance à l'égard du conjoint qui a assassiné son époux(se) (24) .

Étant donné que la liquidation-partage du patrimoine matrimonial a lieu avant la liquidation-partage de la succession, cet effet est encore renforcé. Les avantages matrimoniaux peuvent vider la succession de sa substance. Si, en cas de comportement incorrect, il n'est pas possible d'agir sur les avantages matrimoniaux, une indignité successorale à l'égard d'une succession vidée de sa substance n'a plus beaucoup de sens.

Lors de la récente modification de l'article 1447 du Code civil, qui prévoit qu'en cas de violence conjugale, la victime se fait attribuer par préférence le logement familial, on a également omis de doter cette violence conjugale d'effets sur les avantages matrimoniaux.

C'est la raison pour laquelle la présente proposition de loi entend sanctionner le comportement incorrect du conjoint survivant, au sens de l'article 727 du Code civil, par une possibilité de déchéance de l'avantage matrimonial, qu'il s'agisse d'une clause d'apport ou d'une clause de partage inégal (25) .

E. Le droit aux aliments à charge de la succession

L'action alimentaire permet de créer la solidarité obligatoire entre des personnes dans le besoin et leurs parents plus aisés. Le Code civil prévoit également la possibilité, pour les personnes suivantes, d'introduire des actions alimentaires de ce type à charge de la succession:

— l'époux survivant, à charge de la succession de l'époux prémourant (art. 205bis, § 1er, C. civ.);

— l'ex-époux, à charge de la succession de l'ex-partenaire prédécédé lorsque ce dernier devait des aliments après le divorce (art. 301, § 6, et 307bis, § 1er, C. civ.);

— l'enfant envers lequel le testateur a été condamné à des aliments sur pied de l'article 339bis, alinéa 1er, Code civil;

— les adoptants, à charge de la succession de l'enfant adopté (art. 364, alinéa 2, C. civ.);

— le pupille, à charge de la succession du tuteur officieux (art. 475quinquies, alinéa 2, C. civ.);

— les ascendants, à charge de la succession de leur descendant sans enfant, à concurrence des droits successoraux dont ils sont privés par les libéralités qu'il a faites au profit de son conjoint survivant (art. 205bis, § 2, C. civ.);

— les ascendants, à charge de la succession de leur descendant sans enfant, à concurrence des droits successoraux dont ils sont privés par les libéralités qu'il a faites au profit de son cohabitant légal survivant (art. 1477, § 5, C. civ.).

Le Code civil ne prévoit pas de règlement général en ce qui concerne l'impact des comportements incorrects sur la possibilité d'intenter une action alimentaire à charge de la succession. Quelques dispositions isolées existent toutefois.

Par exemple, l'époux coupable ne peut, en cas de divorce, obtenir d'aliments à charge de son ex-partenaire (art. 301; 308 C. civ.) ni, partant, à charge de la succession de celui-ci. La loi relative à la protection de la jeunesse prévoit également qu'un parent est exclu du droit aux aliments à charge de l'enfant dont il a été déchu de l'autorité parentale.

Dans certains cas en outre, la jurisprudence et la doctrine tiennent effectivement compte du comportement incorrect dans la fixation du montant de la pension alimentaire. Le montant est alors limité à un minimum (26) .

L'on peut toutefois aboutir à des situations curieuses: un ex-époux qui, lors du divorce, a été jugé coupable, perd tout droit aux aliments, même à l'égard de la succession de l'ex-partenaire, alors qu'un époux qui assassine sa moitié peut, en revanche, toujours intenter une action alimentaire à charge de la succession de sa victime, même s'il se retrouve dans le besoin précisément parce que le meurtre l'a rendu indigne de la succession et si les donations de la victime ont, pour la même raison, été révoquées pour cause d'ingratitude !

F. Contenu de la proposition de loi

La présente proposition de loi vise à actualiser les causes d'indignité successorale en complétant, à l'article 727 du Code civil, la liste des comportements incorrects à sanctionner. En outre, ces mêmes comportements pourront désormais également entraîner la déchéance d'une action alimentaire à charge de la succession et la déchéance d'avantages matrimoniaux.

Mais désormais, les droits des tiers de bonne foi resteront sauvegardés.

La proposition de loi se base essentiellement sur une proposition élaborée par un groupe de travail du Comité d'études et de législation de la Fédération royale du notariat belge (27) faisant suite à l'analyse critique d'une proposition de loi modifiant les articles 727 et 730 du Code civil. (déposée à l'époque au Sénat) (28) , laquelle n'a toutefois pas été adoptée.

II. PROPOSITION DE LOI MODIFIANT LE CODE CIVIL EN VUE D'AUTORISER LA REPRÉSENTATION DE L'HÉRITIER RENONÇANT

Étant donné qu'il est proposé de permettre la représentation d'une personne frappée d'indignité successorale, il convient également d'adapter plusieurs dispositions en matière de représentation.

En outre, dans un souci de cohérence, il s'indique également de permettre la représentation d'un héritier renonçant.

Une proposition de loi en ce sens a déjà été déposée, en l'occurrence la proposition de loi modifiant le Code civil en vue d'autoriser la représentation de l'héritier renonçant (doc. Sénat, 4-131/1 — SE 2007), déposée le 31 juillet 2007, mais en raison de considérations d'ordre technico-juridique, il est préférable d'intégrer les deux propositions de loi au sein de la proposition de loi actuelle, plus générale.

La présente proposition de loi reprend dès lors le texte de la proposition de loi précitée.

Notre pays est confronté au vieillissement rapide de sa population. En conséquence, les Belges héritent en moyenne de plus en plus tard. L'espérance de vie est de 76 ans pour les hommes et même de 82 ans pour les femmes (29) . La plupart des personnes âgées d'aujourd'hui ont eu leurs enfants entre 20 et 30 ans. Il s'ensuit que de nombreuses personnes héritent alors qu'elles sont pratiquement en fin de carrière.

Pourtant, c'est au début de notre vie que nous réalisons les investissements les plus lourds (acheter/construire une maison, mettre des enfants au monde, etc.). De nombreux jeunes ménages empruntent donc des sommes considérables pour financer ces investissements.

Si la représentation est également possible en cas de renonciation, il est surtout important, du point de vue du droit civil, que les parents puissent alors choisir de transmettre ce qu'ils héritent de leurs propres parents (à un âge plus avancé) immédiatement à leurs enfants (c'est-à-dire les petits-enfants du défunt). Sous l'empire du droit actuellement en vigueur, les petits-enfants ne peuvent venir à la succession de leur grand-parent, à laquelle leur parent a renoncé, que de leur propre chef, et ils sont alors exclus par les autres enfants de leur grand-parent, qui n'ont pas rejeté la succession et se trouvent dans un degré plus rapproché, ou par les autres petits-enfants si ceux-ci viennent quand même à la succession par représentation.

Si les parents désirent toutefois transmettre cette succession à leurs enfants sous l'empire du droit actuel, l'opération n'est plus intéressante du point de vue fiscal. En effet, ils doivent d'abord accepter eux-mêmes la succession et en faire ensuite donation à leurs enfants. Outre les droits de succession déjà payés, ils doivent encore s'acquitter de droits de donation (30) .

Il peut être remédié à ces problèmes en autorisant la représentation d'un héritier renonçant. Imaginons que les grands-parents décèdent et que les parents renoncent à l'héritage, les petits-enfants peuvent dans ce cas hériter de leurs grands-parents par le biais de la représentation. Les droits de succession ne seraient dès lors dus qu'une seule fois sur cet héritage.

Ce régime correspond au « saut de génération volontaire » déjà évoqué il y a quelques années.

De Page avait déjà critiqué, en son temps, l'impossibilité d'occuper la place d'un héritier renonçant (31) :

« L'on ne vient jamais par représentation d'un héritier qui a renoncé » (art. 787 C. civ.).

Cette règle se justifie assez mal.

La doctrine enseigne qu'en renonçant, le successible épuise son droit; le représentant ne trouve donc plus aucun droit à exercer à la place du représenté. L'explication repose, à notre avis, sur une confusion entre la représentation successorale et la représentation conventionnelle.

(...)

Mais on peut répondre que la renonciation est un acte subjectif et non familial, et que la renonciation d'un successible ne lie que celui qui l'a faite.

(...)

Le problème gît en droit, et nous persistons à ne pas voir pourquoi les descendants ne peuvent occuper la place d'un renonçant, qui est censé n'avoir jamais été héritier (art. 785 C. civ.)

Cette règle conduit d'ailleurs à des résultats choquants. »

Cette critique se fait toujours entendre dans la doctrine actuelle (32) .

Le nouveau Code civil néerlandais, par exemple, autorise la représentation de l'héritier renonçant (33) .

Nous ne voyons dès lors aucune raison de conserver cette règle surannée dans le Code civil.

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 2 (203, § 2, C. civ.)

Le § 6 qu'il est proposé d'ajouter à l'article 205bis prévoit la possibilité de rejeter les actions à charge de la succession. Il est souhaitable de prévoir également pour le beau-parent survivant la possibilité d'être dispensé de l'obligation de contribution prévue par l'article 203, § 1er, du Code civil, à l'égard d'un bel-enfant indigne.

C'est le juge saisi qui appréciera si la dispense est justifiée.

Article 3 (205bis C. civ.)

Il est ajouté un § 6 à cet article. Le juge peut rejeter l'action en réclamation d'une pension alimentaire à charge de la succession si le demandeur s'est comporté de façon incorrecte. Pour l'énumération des comportements incorrects à prendre en considération, il est renvoyé à l'article 727 du Code civil.

Article 4-6 (301, § 10; 353.14, alinéa 2 et 339bis C. civ.)

La majorité des articles relatifs aux aliments à charge de la succession renvoient déjà à l'article 205bis. Ils doivent toutefois être adaptés de manière à renvoyer désormais aussi au § 6 nouvellement inséré.

Article 7 (art. 387 C. civ.)

Il est inséré à l'article 387 proposé du Code civil une référence à l'article 730, alinéa 2, du même Code, qui énonce les exceptions à l'usufruit légal des parents.

Article 8 (art. 727 C. civ.)

La proposition de loi vise avant tout à actualiser la liste des comportements incorrects en élargissant l'article 727 du Code civil.

La Commission du Droit de la famille de la Fédération royale du notariat belge estime que l'exigence récurrente du constat en droit civil de l'indignité successorale, par un juge disposant d'un pouvoir d'appréciation, entraîne une charge de procédure trop lourde pour les héritiers. Elle implique en effet que même si un héritier a été condamné au pénal pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, le tribunal civil aura quand même à statuer sur l'indignité.

Dans le cas des donations et des legs, où une déclaration de volonté explicite du donateur ou du testateur est à la base de la libéralité, il se justifie d'exiger en outre une décision du tribunal civil pour faire intervenir la révocation pour cause d'ingratitude. En revanche, il n'apparaît pas justifié de toujours l'exiger pour l'indignité successorale relativement au droit successoral ab intestat.

L'on établit une distinction entre une catégorie de faits entraînant d'office une indignité (c'est-à-dire sans que le tribunal civil ait à se prononcer) (art. 727, § 1er, C. civ.) et une catégorie de faits pour lesquels le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation pour conclure ou non à l'indignité (art. 727, §§ 2 et 3, C. civ.).

Comme aux Pays-Bas et en France, la possibilité de pardon a été prévue (art. 727, § 4, C. civ.) (34) . Il ne peut être question d'un pardon que si le testateur a pu apprécier les comportements indignes en pleine connaissance de cause. Le pardon empêche l'indignité et rend sans objet une action en déclaration d'indignité.

Article 9 (art. 728 C. civ.)

La cause d'indignité prévue par l'actuel article 727, 3º, du Code civil est supprimée. Cette cause a aussi été abandonnée en France et aux Pays-Bas lors de la réforme relative à l'indignité réalisée dans ces deux pays. En effet, la situation visée ne se produit pratiquement jamais. Puisque cette cause disparaît, il faut également abroger l'article 728 du Code civil, qui y est lié.

Les règles de procédure relatives à l'action en déclaration d'indignité sont désormais inscrites dans le nouvel article 728 du Code civil.

Cette action peut uniquement être introduite par d'autres héritiers. Il n'est pas opportun de l'ouvrir à tout intéressé (par exemple, au créancier d'un autre héritier, qui pourrait ainsi accroître le patrimoine de son débiteur-héritier en demandant l'indignité). L'indignité est une affaire de famille. Il incombe aux cohéritiers de juger de l'opportunité d'une telle action.

La relative brièveté du délai (un an) s'inscrit dans le souci de ne pas laisser les intéressés trop longtemps dans l'incertitude.

Article 10 (art. 729 C. civ.)

L'article 729 du Code civil est adapté en vue d'assurer une meilleure protection des droits des tiers de bonne foi ayant traité avec l'indigne.

Article 11 (art. 730 C. civ.)

À l'heure actuelle, les enfants d'un indigne ne peuvent pas venir à la succession par représentation. Ils ne sont pourtant pas responsables du comportement incorrect de leur parent.

La formulation actuelle de l'article 730 du Code civil fait uniquement référence au « père » et non à la « mère ». Cette discrimination entre hommes et femmes qui a été oubliée dans le Code civil est à présent supprimée.

Article 12 (art. 739 C. civ.)

En définissant ainsi la représentation, la législation lui assigne la même fonction que celle retenue depuis longtemps par la doctrine, qui a aussi été confirmée récemment par la Cour de cassation. D'ailleurs, cette définition correspond mieux au règlement qui permet également la représentation après renonciation et indignité.

Dans un arrêt du 9 décembre 1993 (voir la discussion dans Overzicht van rechtspraak, erfenissen (1988-1995), TPR 1997, 178), la Cour de cassation a précisé que les héritiers appelés à la succession par représentation y viennent « de leur propre chef ». En effet, il est généralement admis que la représentation ne s'entend pas dans son acception conventionnelle.

La différence réside dans le fait qu'un représentant conventionnel intervient au nom et pour le compte de celui qu'il représente, alors qu'un représentant successoral intervient à titre personnel. Dans les deux nouveaux cas de représentation, la personne représentée n'a pas de droits dans la succession et ceux-ci ne pourraient donc pas non plus être repris par le représentant.

Article 13 (art. 740, alinéa 2, C. civ.)

Le remplacement des mots « Elle est admise » par les mots « Elle a lieu » confirme le caractère obligatoire de la représentation à chaque fois qu'elle est techniquement possible.

Voir par ailleurs le commentaire donné pour l'article 744, proposé, du Code civil.

Articles 14 et 15 (art. 744 et 787 C. civ.)

L'actuel article 744, alinéa 1er, du Code civil dispose que l'on ne représente que les personnes qui sont mortes. Il s'agit avant tout d'étendre les cas de représentation, en l'occurrence en la prévoyant également, à l'instar de ce qui se fait en France et aux Pays-Bas, dans le cas où un héritier encore vivant ne vient pas à la succession parce qu'il est indigne ou renonçant. En outre, à la demande du Conseil d'État, le législateur prend attitude sur un point contesté et déclare la représentation obligatoire à chaque fois que ses conditions d'application sont remplies, si bien qu'il n'appartient pas à l'héritier, comme le prétendaient certains, de décider malgré tout s'il préfère ou non venir à la succession de son propre chef.

Puisque l'article 744, alinéa 1er, proposé autorise la représentation en cas de renonciation à la succession, il convient d'abroger l'article 787.

Une lecture trop rapide de l'article 744, alinéa 2, peut donner la fausse impression que la représentation d'un héritier renonçant est déjà possible. Or, rien n'est moins vrai. L'alinéa 2 précise seulement que la représentation est possible en dépit du fait que le représentant a renoncé à la succession de celui qu'il représente. Un exemple suffit pour s'en convaincre:

Yves a un père, Jean, un oncle Louis et un grand-père Joseph. Jean, son père, est le premier à décéder. Yves est l'héritier légal de son père. Il décide toutefois, pour des raisons personnelles, de renoncer à la succession de son père. Quelques années plus tard, c'est au tour de Joseph, son grand-père, de décéder. Du fait que son fils Jean est prédécédé, ce sont l'oncle Louis, de son propre chef, et son petit-fils Yves qui représentent Jean. Yves peut hériter de son grand-père Joseph, en dépit du fait qu'il avait renoncé à l'époque à la succession de Jean (article 744, alinéa 2, C. civ.).

Article 16 (art. 848 C. civ.)

Dans sa formulation actuelle, l'article 848 du Code civil oblige un héritier, qui vient à la succession par représentation d'une personne (par hypothèse prédécédée) qui a bénéficié d'un don par avancement d'hoirie, à rapporter ce don, même dans le cas où il aurait répudié la succession du donataire. Mais si un héritier vient à la succession de son propre chef, il n'y est pas tenu, même s'il a accepté la succession du donataire. Cette distinction s'explique par le fait que l'actuel article 739 confond ici la représentation successorale et la représentation conventionnelle en affirmant que les représentants entrent dans la place, dans le degré et dans les droits du représenté. Puisque la proposition admet que le représentant vient à la succession à titre personnel et que la représentation est désormais également possible vis-à-vis d'une personne encore en vie ayant renoncé à la succession ou ayant été déclarée indigne, il est nécessaire d'adapter l'article 848 du Code civil.

Pour commencer, dans cette nouvelle optique, l'apport par le représentant ne se justifie que dans le cas d'une représentation à la suite du prédécès du donataire et à condition que le remplaçant ait accepté la succession du donataire et soit, de ce fait, tenu à ses obligations en qualité d'héritier et donc d'ayant droit du donataire.

Il y a lieu d'appliquer l'article 845 du Code civil en cas de représentation d'un donataire ayant renoncé à la succession.

En cas de représentation d'un donataire qui a été indigne, les faits qui ont donné lieu à l'indignité seront également de nature à faire révoquer judiciairement la donation effectuée par avancement d'hoirie, pour cause d'ingratitude. Si le testateur a laissé expirer le délai prévu à cet effet, il est présumé avoir pardonné ce comportement incorrect du donataire, si bien qu'il ne peut dès lors plus être déclaré indigne de la succession.

Article 17 (art. 953 C. civ.)

L'occasion est mise à profit pour corriger la loi. Les mots « pour cause de survenance d'enfants » ont en effet été supprimés implicitement par l'article 77 de la loi du 31 mars 1987, qui abroge les articles 960 à 966 du Code civil.

Une modification de l'article 955 du Code civil a été envisagée, mais a été jugée superflue. L'article 955, 2º, du Code civil vise en effet les « délits » et « sévices graves », qui peuvent en fait englober tous les actes prévus à l'article 727 proposé du Code civil, voire davantage. Si les causes d'ingratitude sont plus nombreuses, c'est qu'une donation est toujours basée sur l'affection personnelle que le donateur porte au donataire. En revanche, on peut parfois être appelé à la succession d'une personne que l'on a à peine connue.

Article 18 (art. 957 C. civ.)

L'occasion est mise à profit pour apporter des éclaircissements. L'article 957, alinéa 2, du Code civil est assez ambigu et prête à discussion.

Articles 19-20 (art. 1046-1047 C. civ.)

Un alinéa 2 est ajouté à l'article 1046 parce que le délai dans lequel les actions en révocation des legs pour cause d'ingratitude doivent être engagées fait l'objet d'un débat au sein de la jurisprudence et de la doctrine (parce qu'il n'est pas explicitement renvoyé à l'article 957 du Code civil).

Pour les mêmes motifs, l'article 1047 du Code civil est également légèrement adapté.

Article 21 (art. 1093 C. civ.)

L'ajout proposé à l'article 1093 du Code civil permet de confirmer la jurisprudence et la doctrine actuelles en la matière, qui admettent que l'article 959 du Code civil — qui prévoit que les donations en faveur de mariage ne sont pas révocables pour cause d'ingratitude — ne s'applique pas aux donations entre époux, même lorsqu'elles ont été faites dans le cadre d'un contrat de mariage (Cass. 9 février 2007).

Article 22 (art. 1428bis C. civ.)

Cet article établit une règle générale concernant la perte des avantages matrimoniaux en cas de comportement incorrect d'un époux. En effet, le notariat est souvent confronté à cette problématique. En vertu du droit actuel, lorsque les époux insèrent dans leur contrat de mariage une clause d'attribution de communauté au conjoint survivant, mais qu'un époux assassine l'autre, les héritiers de l'époux assassiné ne peuvent empêcher l'attribution de l'ensemble du patrimoine commun à l'assassin qu'en introduisant une procédure distincte basée sur le droit général des obligations (en l'occurrence l'article 1178 du Code civil, pour avoir (délibérément) fait obstacle à la réalisation de la condition de survie).

Mais cette procédure ne permet pas d'annuler les avantages nés d'un apport effectué par l'époux assassiné.

L'article 1428bis proposé prévoit que tous les avantages matrimoniaux sont perdus en cas de comportement incorrect de l'époux survivant.

Les mots « sans qu'il soit toutefois porté préjudice aux droits acquis entre-temps par des tiers de bonne foi » permettent que des biens apportés, par exemple, restent bel et bien des biens communs à l'égard des créanciers. La sécurité juridique exige que les créanciers qui pouvaient poursuivre le paiement de dettes sur le patrimoine commun puissent continuer à compter ces biens parmi leurs gages. Ces biens ne seront considérés comme des biens propres de l'époux prédécédé que dans les rapports entre les époux. S'ils sont actionnés par les créanciers pour régler des dettes communes, une indemnisation sera due (35) .

Article 23 (art. 1477, § 5, C. civ.)

L'article 1477, § 5, du Code civil. prévoit à charge du cohabitant légal survivant une obligation similaire à celle imposée au conjoint survivant par l'article 203, § 2, du Code civil. Il s'impose donc de prévoir une possibilité de dispense de cette obligation, à l'instar de l'article 2 de la présente proposition de loi.

Article 24 (art. 1477, § 6, C. civ.)

Cet ajout permet de remédier à un oubli du législateur, le renvoi doit effectivement porter sur l'article 205bis, §§ 2 à 6, du Code civil.

Article 25 (art. 33, 5º, de la loi relative à la protection de la jeunesse)

Le cas visé à l'article 33, 5º, de la loi relative à la protection de la jeunesse est la seule cause d'indignité non extraite du Code civil. Elle est insérée dans le Code civil par l'article 727.1, proposé, et l'article 33, 5º, de la loi relative à la protection de la jeunesse est dès lors abrogé.

Martine TAELMAN.
Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON.
Guy SWENNEN.
Céline FREMAULT.
Yoeri VASTERSAVENDTS.

PROPOSITION DE LOI


CHAPITRE Ier

Disposition générale

Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

CHAPITRE II

Modifications du Code civil

Art. 2

L'article 203, § 2, du Code civil est complété par un alinéa 2, libellé comme suit:

« L'époux survivant peut être dispensé de cette obligation à l'égard d'un enfant qui s'est rendu coupable, envers le conjoint prédécédé, d'un des faits énumérés à l'article 727 ».

Art. 3

L'article 205bis du même Code est complété par un § 6, libellé comme suit:

« § 6. Le juge peut rejeter l'action en réclamation d'une pension alimentaire si le demandeur s'est rendu coupable d'un des faits énumérés à l'article 727 ».

Art. 4

À l'article 301, § 10, du même Code, les mots « 205bis, §§ 2, 3, 4 et 5 » sont remplacés par les mots « 205bis, §§ 2 à 6 ».

Art. 5

À l'article 353.14, alinéa 2, du même Code, les mots « 205bis, §§ 3 à 5 » sont remplacés par les mots « 205bis, §§ 3 à 6 ».

Art. 6

À l'article 339bis du même Code, les mots « 205bis, §§ 3 et 4 » sont remplacés par les mots « 205bis, §§ 3, 4 et 6 ».

Art. 7

L'article 387 du même Code est complété par ce qui suit:

« L'article 730, alinéa 2, du présent Code est applicable ».

Art. 8

L'article 727 du même Code, modifié par la loi du 23 janvier 2003, est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 727.— § 1er. Celui qui serait condamné, comme auteur ou complice, pour avoir donné ou tenté de donner la mort au défunt, est déclaré de plein droit indigne de lui succéder.

§ 2. Peut être déclaré indigne de succéder, et est, comme tel, exclu des successions, celui qui, comme auteur ou complice:

— a commis un fait qualifié crime sur la personne du défunt, sans que les conditions visées au § 1er soient remplies;

— a accompli volontairement, mais sans intention de tuer, un acte qui a entraîné la mort du défunt;

— n'est pas venu en aide au défunt lorsqu'il était en danger de mort, alors qu'il pouvait intervenir sans danger sérieux pour lui-même ou pour autrui;

— a porté contre le défunt une accusation calomnieuse pour des faits punissables d'une peine criminelle;

— a, au cours d'une enquête pénale, accusé faussement le défunt de faits punissables d'une peine criminelle.

§ 3. Peuvent également être déclarés indignes:

— le parent du défunt qui, le jour du décès, était déchu de tout ou partie de l'autorité parentale à son égard;

— le parent qui, délibérément, n'a pris aucune initiative pour faire naître le lien de filiation vis-à-vis du défunt alors que ce lien a été établi judiciairement par la suite.

§ 4. Le pardon accordé sans ambiguïté par le défunt exclut l'indignité. ».

Art. 9

L'article 728 du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 728.— Dans les cas visés à l'article 727, §§ 2 et 3, l'indignité est prononcée par le tribunal de première instance du lieu où la succession a été ouverte, à la demande d'un héritier. La demande doit être introduite dans l'année qui suit le décès ou le jour où les faits visés à l'article 727, §§ 2 et 3, ont été prouvés. ».

Art. 10

L'article 729 du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 729. — L'indigne est réputé ne jamais avoir acquis aucun droit dans la succession, sans que cela ne porte préjudice aux droits obtenus de bonne foi par des tiers.

L'indigne est en outre tenu de rendre tous les fruits et revenus dont il a eu la jouissance depuis l'ouverture de la succession. ».

Art. 11

L'article 730 du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 730.— Les enfants de l'indigne ne sont pas exclus de la succession pour la faute de leur parent.

Toutefois, l'indigne ne peut en aucun cas réclamer, sur les biens de la succession, la jouissance que la loi accorde aux parents sur les biens de leurs enfants. ».

Art. 12

L'article 739 du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 739. — La représentation implique qu'une personne est censée venir à la succession dans le degré de celui qu'elle représente. ».

Art. 13

L'article 740, alinéa 2, du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« La représentation a lieu aussi bien dans le cas où les enfants du défunt concourent avec les descendants d'un enfant prédécédé, indigne ou renonçant que dans le cas où — si tous les enfants du défunt sont prédécédés, indignes ou renonçants — les descendants de ces enfants se trouvent entre eux en degrés égaux ou inégaux ».

Art. 14

L'article 744, alinéa 1er, du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« On peut représenter les personnes qui sont mortes et les personnes vivantes qui sont indignes de succéder ou qui ont renoncé à la succession ».

Art. 15

L'article 787 du même Code est abrogé.

Art. 16

L'article 848 du même Code est remplacé par la disposition suivante:

« Art. 848. — Les héritiers qui, par représentation, viennent à la succession d'une personne qui a bénéficié d'un don par avancement d'hoirie et qui est prédécédée, sont tenus de rapporter ce don en moins prenant. »

Art. 17

À l'article 953 du même Code, les mots « , pour cause d'ingratitude, et pour cause de survenance d'enfants. » sont remplacés par les mots « et pour cause d'ingratitude. ».

Art. 18

À l'article 957 du même Code sont apportées les modifications suivantes:

1º à l'alinéa 2, les mots « , ni par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que, dans ce dernier cas, l'action n'ait été intentée par le donateur, ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit » sont supprimés;

2º l'article est complété par les alinéas 3 à 5, rédigés comme suit:

« Si le donateur est décédé plus d'un an après le jour où il aura pu connaître le délit, l'action est perdue pour les héritiers.

Si le donateur est décédé sans qu'il ait pu connaître le délit, les héritiers peuvent agir pendant un an à compter du jour du décès ou du jour où ils ont pu avoir connaissance du délit.

Si le donateur est décédé dans l'année à compter du jour où il a pu avoir connaissance du délit, les héritiers peuvent agir dans l'année à compter soit du jour du décès, soit du jour où ils ont pu avoir connaissance du délit. Néanmoins, si les héritiers n'avaient pas connaissance de la donation, ce délai d'un an ne commence à courir qu'à partir du jour où ils ont pu en être informés. ».

Art. 19

L'article 1046 du même Code est complété par un alinéa 2 rédigé comme suit:

« Si elle est fondée sur l'article 955, 1º et 2º, la demande en révocation ne peut être intentée que si le testateur était au courant de l'infraction depuis moins d'un an. Dans ce cas, la demande doit être intentée par les héritiers dans un délai d'un an à compter du jour du décès ou du jour où les faits mentionnés à l'article 955, 1º et 2º, ont été établis. Toutefois, si les héritiers ignoraient l'existence du legs, le délai d'un an ne commence à courir qu'à compter du jour où ils pouvaient en être informés. ».

Art. 20

L'article 1047 du même Code est complété par ce qui suit:

« ou du jour où le délit pouvait être connu des héritiers. ».

Art. 21

L'article 1093 du même Code est complété par l'alinéa suivant:

« En outre, une telle donation sera révocable pour cause d'ingratitude dans les cas prévus à l'article 955, ainsi que, dans le cas prévu à l'article 1047, pour ce qui concerne la donation de biens à venir. ».

Art. 22

Il est inséré dans le même Code un article 1428bis, rédigé comme suit:

« Art. 1428bis. — En cas de dissolution du régime par décès, tous les avantages matrimoniaux — tant ceux nés de la composition du régime que de son partage — peuvent de plein droit être perdus ou être déclarés perdus conformément au prescrit de l'article 727, sans qu'il soit toutefois porté préjudice aux droits acquis entre-temps par des tiers de bonne foi. ». ».

Art. 23

L'article 1477, § 5, du même Code, inséré par la loi du 28 mars 2007, est complété par un alinéa rédigé comme suit:

« Le cohabitant légal survivant peut être dispensé de cette obligation à l'égard d'un enfant qui s'est rendu coupable, envers le cohabitant légal prédécédé, d'un des faits énumérés à l'article 727. »

Art. 24

L'article 1477, § 6, du même Code, inséré par la loi du 28 mars 2007, est complété par ce qui suit:

« L'article 205bis, §§ 3 à 6, du présent Code, s'applique par analogie. »

CHAPITRE III

Modifications à la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait

Art. 25

L'article 33, 5º de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, est abrogé.

1er juillet 2009.

Martine TAELMAN.
Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON.
Guy SWENNEN.
Céline FREMAULT.
Yoeri VASTERSAVENDTS.

(1) Seule la loi du 13 mars 2003 a apporté une adaptation purement technique à l'article 727 C. civ., afin de tenir compte de l'abolition de la peine de mort.

(2) Voir Puelinckx-Coene, M., et Verstraete, J., « Overzicht van rechtspraak, Erfenissen (1978-1987) », TPR 1988, 920, nos 13-19 et Puelinckx-Coene, M., Verstraete, J., et Geelhand, N., « Overzicht van rechtspraak, Erfenissen (1988-1995) », TPR 1997, 920, nos 15-22.

(3) Pour un aperçu détaillé des autres motifs d'indignité successorale dans d'autres législations, voir: Laville, R. et Bersoux, J., « Dévolution légale. Succession ab intestat », lors du 72e Congrès des notaires de France, La dévolution successorale, Deauville 1975, p. 90 et suiv.

(4) Art. 726 C. civ. français.

(5) Art. 727 C. civ. français.

(6) Art. 4.3.1 d) C. civ. néerlandais.

(7) Puelinckx-Coene, « Erfrecht », 1996, no 48.

(8) De Page, IX, no 79; Puelinckx-Coene, « Erfrecht », no 60; Raucent, L., « Les Successions », 1992, no 92; Van Biervliet, « Les Successions », 1937, no 67; Verbeke, A., « Commentaar bij art. 727 B.W. » in Coene, M., Pintens, W. et Vastersavendts, A., Erfenissen, Schenkingen, Testamenten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, 12.

(9) Civ. Epernay, 22 novembre 1950, D. 1950, 781, Rev. Trim. Dr. Civ. 1951, 97, note de Savatier.

(10) Dillemans, « Erfrecht », no 34; Puelinckx-Coene, « Erfrecht », 1996, no 46; Raucent, L., « Les Successions », 1992, no 90; Verbeke, A., « Commentaar bij art. 727 B.W. » dans Coene, M., Pintens, W. et Vastersavendts, A., Erfenissen, Schenkingen, Testamenten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, 5.

(11) Art. 726-727 C. civ. français; art. 4.3.1 a) C. civ. néerlandais.

(12) Puelinckx-Coene, « Erfrecht », 1996, nos 151 et 154.

(13) Art. 729-1 C. civ. français; art. 4.12. 1 C. civ. néerlandais.

(14) Raucent, L., « Les Successions », 1992, no 96; Puelinckx-Coene, « Erfrecht », 1996, no 60; Verbeke, A., « Commentaar bij art. 727 B.W. » dans Coene, M., Pintens, W. et Vastersavendts, A., Erfenissen, Schenkingen, Testamenten. Commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, 8.

(15) Coene, M., « Erfrechtelijke onwaardigheid, herroeping wegens ondankbaarheid en andere (mogelijke) sancties bij onbetamelijk gedrag van een begunstigde — enkele bedenkingen de lege lata en de lege ferenda », Notarieel en Fiscaal Maandblad 1997 (137-149), p. 142.

(16) Art. 726 C. civ. français.

(17) Art. 727, 727-1 C. civ. français.

(18) Art. 728 C. civ. français; art. 4.3.3. C. civ. néerlandais; § 2343 C. civ. allemand; art. 466 C. civ. italien et IV. H-4:201 (2) Principles, Definitions and Model Rules of European Private Law.

(19) Pintens, W., Van der Meersch, B. et Vanwinckelen, K., Inleiding tot het familiaal vermogensrecht, Universitaire Pers Leuven 2002, p. 594.

(20) Geelhand, N., Het vertrouwensbeginsel als instrument van belangenafweging in het erfrecht. Een actualisering en nieuwe benadering van de zogenaamde theorie der schijnerfgenamen., Maklu 1995; Crémieu, « La validation des actes accomplis par l'héritier apparent », Rev. Trim. Dr. Civ., 1910, 39; Donnedieu de Vabres, J., « Les actes de l'héritier apparent », Rev. Trim. Dr. Civ., 1940, 385; Raucent, L, « Les actes de l'héritier apparent », Ann. Dr., 1953, 109.

(21) Art. 4.3.2 C. civ. néerlandais.

(22) Il est à noter que le Code civil allemand assimile pratiquement les réglementations en matière d'indignité et d'ingratitude.

(23) Coene, M., « Erfrechtelijke onwaardigheid, herroeping wegens ondankbaarheid en andere (mogelijke) sancties bij onbetamelijk gedrag van een begunstigde — enkele bedenkingen de lege lata en de lege ferenda », Notarieel en Fiscaal Maandblad 1997, p. 144.

(24) La jurisprudence s'est alors tournée vers l'article 1178 du Code civil. Le droit de survie a alors été considéré comme un engagement conditionnel de survie de la partie adverse. Du fait que le conjoint-assassin a empêché la réalisation de cette condition, elle est considérée comme accomplie. Autrement dit: le conjoint assassiné est considéré comme le survivant et reçoit dès lors le patrimoine commun. L'article 1178 du Code civil n'offre cependant aucune solution pour les clauses de rapport qui ont été faites par le conjoint assassiné et qui profitent également au conjoint-assassin. Une réglementation générale s'impose donc.

(25) On notera qu'actuellement, les articles 299 et 334ter du Code civil sont interprétés de telle manière que la déchéance ne porte que sur les droits de survie. La présente proposition de loi va donc plus loin. Il n'y a en effet aucune raison pour qu'en cas de comportement incorrect, la déchéance soit limitée aux droits de survie, et ne porte pas sur les clauses d'apport.

(26) Gerlo, J., « Onderhoudsgelden », 1985, no 36; Van Houtte, J. et Breda, J., « Behoeftige hoogbejaarden en onderhoudsplichtige kinderen, een rechtssociologisch onderzoek » in Commissie van openbare onderstand en vredegerecht, 1976, 128; Pélissier, J., Les obligations alimentaires, Unité ou diversité ?, Paris 1961, 140.

(27) Trav. Com. ét. et lég. not. — Dossier 4332-4333, et le rapport M. Puelinckx-Coene, Travaux du Comité d'études et de législation du notariat (1995-96), Dupuis, Gilly, 2000, 375-391.

(28) Doc. Sénat 1-176/001, session 1995-1996, déposée par la sénatrice J. Milquet, proposition de loi modifiant les articles 727 et 730 du C. civ.

(29) Chiffres de l'Institut national de statistique.

(30) Cela vaut surtout pour les biens immobiliers. Sous certaines conditions, des biens mobiliers et des valeurs sont transmissibles par don manuel sans être soumis à des droits d'enregistrement. La Communauté flamande s'est d'ailleurs déjà efforcée de réduire sensiblement les droits d'enregistrement sur les donations en ligne directe — c'est-à-dire entre ascendants et descendants — de biens immobiliers et mobiliers (art. 131 de la loi sur les droits d'enregistrement, modifié par le décret de la Communauté flamande du 19 décembre 2003; décret de la Communauté flamande du 24 décembre 2004). Un effort supplémentaire provisoire a également été consenti afin d'augmenter l'attrait de la donation de terrains à bâtir (art. 141novies de la loi sur les droits d'enregistrement, modifié par le décret de la Communauté flamande du 21 décembre 2002; décret de la Communauté flamande du 24 décembre 2002).

(31) De Page, H., Dekkers, R., Traité élémentaire de droit civil belge, Tome IX. Les successions, Bruylant, 1974, p. 138.

(32) Puelinckx-Coene, M., « Erfrecht », Kluwer 1996, marginal 151.

(33) Art. 4.3.3 C. civ. néerlandais; art. 728 C. civ.

(34) Coene, M., « Erfrechtelijke onwaardigheid, herroeping wegens ondankbaarheid en andere (mogelijke) sancties bij onbetamelijk gedrag van een begunstigde — enkele bedenkingen de lege lata en de lege ferenda », Notarieel en Fiscaal Maandblad, 1997, p. 140.

(35) Coene, M., « Erfrechtelijke onwaardigheid, herroeping wegens ondankbaarheid en andere (mogelijke) sancties bij onbetamelijk gedrag van een begunstigde — enkele bedenkingen de lege lata en de lege ferenda », Notarieel en Fiscaal Maandblad, 1997, p. 147.