4-1589/1 | 4-1589/1 |
6 JANVIER 2010
La loi du 10 août 2005 modifiant diverses dispositions en vue de renforcer la lutte contre la traite et le trafic des êtres humains et contre les pratiques des marchands de sommeil a inséré un nouvel article 433quinquies dans le Code pénal. Cet article définit clairement la notion de traite des êtres humains qui se distingue donc de celle de trafic d'êtres humains, définie à l'article 77bis de la loi du 15 décembre 1980 sur l'accès au territoire, le séjour, l'établissement et l'éloignement des étrangers. Ces modifications légales ont permis à la Belgique de satisfaire à diverses dispositions du droit international.
La loi du 10 août 2005 représente assurément une avancée importante dans la lutte contre la traite des êtres humains. L'infraction de traite des êtres humains est définie comme le fait de recruter, de transporter, de transférer, d'héberger, d'accueillir une personne et de passer ou de transférer le contrôle exercé sur elle, dans le but d'exploiter cette personne. La loi énumère ensuite limitativement les types d'exploitation suivants:
1. l'exploitation de la prostitution ou de la pédopornographie;
2. l'exploitation de la mendicité;
3. le fait de mettre au travail ou de permettre la mise au travail d'une personne dans des conditions contraires à la dignité humaine;
4. le prélèvement d'organes;
5. le fait de forcer une personne à commettre un crime ou un délit contre son gré.
Cette liste décrit bien les types d'exploitation, mais n'adopte pas toujours la même approche. Ainsi, l'exploitation sexuelle visée au point 1º est décrite sur la base d'une énumération limitative: l'infraction concernée y est limitée à la prostitution et à la pédopornographie. En revanche, pour l'exploitation économique définie au point 3º, au lieu d'opter pour une approche limitative, le législateur a préféré parler de « conditions contraires à la dignité humaine ».
Ce dernier choix présente le grand avantage de permettre une interprétation plus large sur la base de la jurisprudence, l'interprétation n'étant pas limitée aux cas spécifiques qui sont cités dans la loi. Selon l'auteur, cette approche est bien plus intéressante pour lutter contre la traite des êtres humains qui, à l'instar de l'ensemble du secteur criminel, évolue sans cesse et se professionnalise de plus en plus. Cela vaut certainement aussi pour les infractions relatives à l'exploitation sexuelle.
Il en résulte que certains faits qui devraient en fait être punis comme une infraction de traite des êtres humains ne sont pas mentionnés dans la liste des cas d'exploitation sexuelle. Plusieurs rapports font état de ce problème, notamment le dernier rapport publié par l'ONG Human Rights without Frontiers International à propos de la traite des êtres humains en Belgique, lequel recommande d'étendre la définition de l'exploitation sexuelle à toutes les formes de ce type d'exploitation (1) . Dans son rapport de 2007 sur la traite et le trafic des êtres humains, le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme plaide lui aussi en faveur d'une extension dans ce sens (2) . Sur la base des dossiers dans lesquels le Centre se constitue partie civile, il constate en effet que la définition actuelle de la traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle ne vise pas toutes les formes d'exploitation.
Le « dossier V » est un exemple dans lequel l'accusé exploitait sexuellement ses victimes, mais n'a toutefois pas été condamné pour traite des êtres humains (3) . Dans ce dossier, le principal prévenu a été poursuivi sur la base de l'article 433quinquies, § 1er, 1º et 3º, du Code pénal. On lui reprochait, d'une part, d'avoir recruté des jeunes filles roumaines en vue d'exploiter leur prostitution et, d'autre part, d'avoir mis au travail ces filles ainsi que d'autres Roumains dans des conditions contraires à la dignité humaine. Tant le tribunal correctionnel de Charleroi que la cour d'appel de Mons ont jugé qu'il était question de traite des êtres humains à des fins d'exploitation par le travail. Mais les deux juridictions ont conclu que le dossier ne prouvait pas avec certitude que le prévenu avait l'intention d'exploiter la débauche ou la prostitution des jeunes filles qu'il a fait venir de Roumanie. En réalité, il ressortait clairement du dossier judiciaire que le prévenu avait fait venir ces jeunes filles également dans le but d'assouvir ses pulsions sexuelles. On peut dès lors se demander si les verdicts judiciaires auraient été différents si le chef d'inculpation de « traite des êtres humains » visait toute forme d'exploitation sexuelle et pas seulement l'exploitation de la débauche ou de la prostitution.
Afin de faire en sorte que les faits de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle puissent être poursuivis comme tels, la présente proposition de loi vise à étendre la définition de l'exploitation sexuelle, établie à l'article 433quinquies du Code pénal, à toute forme d'exploitation sexuelle. À cet effet, l'auteur choisit de reprendre la définition formulée dans la décision-cadre du 19 juillet 2002 du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains (4) . La conformité de la proposition de loi à la réglementation européenne est ainsi garantie.
Article 2
Telle qu'elle est définie à l'article 433quinquies, § 1er, 1º, du Code pénal, l'exploitation sexuelle en tant que forme de traite des êtres humains est limitée à l'exploitation de la pédopornographie et de la prostitution. La modification proposée ci-après vise à étendre cette définition à toutes les formes d'exploitation sexuelle. Pour ce faire, elle reprend la définition formulée à l'article 1er, 1, de la décision-cadre du 19 juillet 2002 du Conseil de l'Union européenne relative à la lutte contre la traite des êtres humains.
Nahima LANJRI. Wouter BEKE. Dirk CLAES. Sabine de BETHUNE. Tony VAN PARYS. |
Article 1er
La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.
Art. 2
Dans l'article 433quinquies, § 1er, du Code pénal, inséré par la loi du 10 août 2005, le 1º est remplacé par ce qui suit:
« 1º d'exploiter la prostitution de cette personne ou de la soumettre à d'autres formes d'exploitation sexuelle, y compris la pornographie; »
3 décembre 2009.
Nahima LANJRI. Wouter BEKE. Dirk CLAES. Sabine de BETHUNE. Tony VAN PARYS. |
(1) Human Rights without Frontiers International, Trafficking in Human Beings in Belgium, 2007-2008, Brussels, 2009.
(2) Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, La traite et le trafic des êtres humains, rapport annuel 2007, Bruxelles, 2008.
(3) Idem, pp. 97-100.
(4) Décision-cadre n° 2002/629/JAI.