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M. Philippe Monfils (MR). - Le plan présenté par le ministre De Crem vise tous les secteurs de la Défense, à savoir l'infrastructure, le matériel et le personnel.
Si ce plan rendu nécessaire par la situation budgétaire peut globalement être accepté, il entraîne toutefois des conséquences pénibles pour une grande partie du personnel.
En effet, pour 6 200 changements d'affectation, on peut considérer que 3 800 militaires seront délocalisés. Dans certains cas, cette transhumance entraînera de très gros problèmes. Je songe notamment au personnel de Bierset qui a déjà assumé le retour d'Allemagne et dont une partie se retrouvera à Heverlee. Je pense aussi aux militaires de Bastogne et d'Arlon qui seront délocalisés à des centaines de kilomètres.
Pour être accepté par les militaires, ce plan demande évidemment un accompagnement social.
Je vous ai interrogé en commission de la Défense le 21 octobre dernier à ce sujet, monsieur le ministre, et vous m'avez répondu que des mesures sociales individualisées seraient prévues. Vous vous étiez également engagé à consulter les syndicats sur ces points précis et à les associer à la mise en place de ces plans individualisés.
Or, manifestement, jusqu'ici, il n'en est rien.
Lors d'une première réunion avec les syndicats, ceux-ci vous ont interrogé sur le budget prévu pour l'accompagnement social individuel et sur la possibilité d'amender le plan en ce qui concerne Arlon, Bastogne et le Hainaut, comme certains parlementaires l'avaient aussi demandé. Aucune réponse n'a été donnée lors de cette première réunion. Il en a malheureusement été de même lors de la seconde rencontre, ce qui a entraîné le départ des syndicats.
Vous venez de convoquer une troisième réunion sans ordre du jour ni contact préalable, ce qui conduit évidemment les syndicats à maintenir leur manifestation nationale.
Êtes-vous prêt à concrétiser vos promesses, c'est-à-dire à débloquer un budget permettant l'accompagnement social individuel des militaires et de leur famille visés par les déménagements ? Tiendrez-vous compte de la situation personnelle de chacun ?
Par ailleurs, après avoir entres autres entendu les parlementaires, n'envisagez-vous pas de modifier certains points de votre plan relatifs aux situations du personnel dans le Luxembourg et dans le Hainaut ? Je crois que ce serait très bien accueilli par les militaires, et cela ne changerait rien à l'ensemble de votre projet.
Enfin, envisagez-vous une reprise des négociations avec les syndicats ? Si oui, quand et comment ? Je ne vise pas ici l'annulation par le Conseil d'État de divers éléments de la concertation syndicale : c'est un autre problème auquel vous devrez répondre par une initiative législative. Je parle ici uniquement des conséquences sociales du plan que vous avez fait approuver par le gouvernement.
M. Pieter De Crem, ministre de la Défense. - Le plan stratégique est un ensemble cohérent qui doit permettre à la Défense de trouver un équilibre global à court terme et de maintenir son niveau d'ambition avec un budget réduit.
Un total de 34 000 hommes et femmes permet d'atteindre cet objectif dans le contexte budgétaire donné. La réduction des effectifs entraîne une surcapacité des infrastructures dont le coût de fonctionnement n'est pas négligeable. Une réduction des infrastructures et donc la fermeture de quartiers est inéluctable. Les quartiers maintenus constituent un ensemble cohérent.
Mon chef d'État-major et moi avons pris l'initiative de cette proposition qui résulte du travail réalisé conjointement par ses services et mon cabinet.
Comme vous, je suis conscient que cette transformation entraînera, notamment, une série de mutations parmi le personnel concerné. Je rappelle toutefois qu'il n'y aura aucun licenciement. Le 12 octobre dernier, j'ai donc présenté ce plan aux organisations syndicales et indiqué qu'un plan d'accompagnement serait élaboré en concertation avec elles.
Une première rencontre a eu lieu le 22 octobre dernier. Elle a permis d'élaborer le plan d'accompagnement et d'établir un plan de travail. Les organisations syndicales ont effectivement demandé quel était le budget prévu pour cet accompagnement. Comme je l'ai indiqué en commission, aucune enveloppe budgétaire n'a été préalablement fixée pour ces mesures d'accompagnement. Cette enveloppe sera fixée dès que la négociation aura abouti.
Quant à la possibilité d'amender le plan, je rappelle que celui-ci constitue un ensemble. En modifier le contenu ou en retarder l'exécution aurait des conséquences budgétaires très négatives. Il est en effet indispensable pour assurer l'avenir des forces armées belges et son exécution se doit d'être rapide.
J'ai la volonté de réaliser ce plan dans les plus brefs délais et ce, avant la fin de la législature. Ce n'est qu'à ce prix que la transformation sera viable à terme. Il serait évidemment plus facile de maintenir tout ou partie des quartiers amenés à disparaître et de reporter leur fermeture à la prochaine législature, mais ce n'est pas ma manière de concevoir la politique.
J'ai donc chargé mes collaborateurs d'élaborer les mesures d'accompagnement avec les organisations syndicales. Trois des organisations syndicales ont décidé de quitter la table des négociations dès la seconde réunion et de manifester dimanche prochain. Bien que je regrette cette décision, je la respecte.
Entre-temps, ces mêmes organisations syndicales ont heureusement fait part de leurs suggestions. J'ai donc demandé à mes collaborateurs de poursuivre les travaux préparatoires avec l'organisation restée à la table des négociations.
Je n'ai nullement l'intention d'imposer les mesures envisagées mais, au contraire, de les finaliser le plus rapidement possible avec l'ensemble des organisations syndicales représentatives.
J'ai cru comprendre que les trois organisations concernées ne souhaitaient pas revenir à la table des négociations avant la manifestation de ce dimanche. J'essayerai dès lundi de reprendre le dialogue.
Entre-temps, mon administration a établi un projet des mesures envisagées. Parallèlement aux mesures financières, une série de mesures pratiques ont été élaborées.
Elles concernent par exemple la consultation des membres du personnel afin de tenir compte de leur situation professionnelle et familiale personnelle.
On examinera des mesures visant à aider les intéressés à trouver un autre logement, à couvrir les frais de déménagement et les frais d'installation, à accorder des facilités pour les garanties locatives.
Des mesures seront proposées en faveur des enfants et des familles - facilités d'horaire, gardiennage des enfants, intervention dans les frais de scolarité.
Je citerai encore l'activation de notre service social avec la création d'un guichet unique, l'octroi de priorités pour certaines interventions purement sociales ou relatives à l'attribution de logements, aux vacances, etc.
Toutes ces mesures seront négociées au plus vite. J'insiste pour que chaque situation soit examinée avec toute l'attention requise. L'incertitude face à son avenir crée une inquiétude auprès du personnel qu'il faut lever au plus vite. J'ai donc donné des instructions au département afin que chacun puisse connaître le plus rapidement possible le sort qui lui est réservé.
Je ne compte pas revenir sur le plan d'infrastructure. Celui-ci doit être exécuté au plus vite. Il est équilibré et cohérent ; il touche l'ensemble des provinces et n'épargne d'ailleurs pas ma région ni ma circonscription électorale. Si des changements devaient être opérés, cela nécessiterait des mesures compensatoires, à savoir d'autres fermetures et une adaptation de l'organisation finale. Dans ce dossier, il faut décider, mais il faut aussi exécuter les décisions. Je tiendrai compte des souhaits individuels et des suggestions qui seront formulées par les organisations syndicales. Je suis toujours prêt à poursuivre le dialogue, mais, je le répète, je ne reviendrai pas sur le plan d'infrastructure.
M. Philippe Monfils (MR). - J'ai deux remarques à formuler.
D'abord, monsieur le ministre, vous paraissez très ferme en ce qui concerne le plan géographique. Lors de la réunion parlementaire du 21 octobre, j'avais cru comprendre - je n'étais d'ailleurs pas le seul - que vous étiez ouvert à une réflexion, notamment en ce qui concerne le Hainaut et la situation particulière d'Arlon et Bastogne. Je constate qu'une fois sorti de ces discussions en réunion mixte Chambre-Sénat, vous reprenez une position ferme et définitive. J'en prends acte et je le regrette. En effet, j'avais cru comprendre qu'une possibilité de modification n'était pas exclue dans certaines situations extrêmement difficiles, notamment au niveau du personnel. Je citerai aussi le cas de Bastogne, mais nous n'allons pas recommencer le débat que nous avons eu le 21 octobre.
Ma seconde remarque porte sur votre négociation : pour dialoguer, il faut être deux, pour négocier aussi. Or la délégation syndicale a reproché l'absence de réponse lors de la deuxième réunion. Je sais que l'on ne pouvait pas fixer les interventions sociales à une centaine de milliers d'euros près, mais on pouvait indiquer une enveloppe, définir une marche à suivre, expliquer comment les décisions seraient prises au cas par cas.
Vous présentez maintenant des ouvertures en séance publique du Sénat, et je m'en réjouis, mais si tout cela avait été dit dans les négociations, nous n'en serions pas où nous en sommes aujourd'hui, avec une organisation syndicale qui continue à discuter, les autres organisations ayant quitté la table des négociations, et vous auriez certainement fait l'économie de la manifestation de dimanche.
Les militaires sont de braves gens, ils ne manifestent pas le jeudi ou le vendredi comme d'autres secteurs, mais seulement quand ils sont en congé. Et il en faut beaucoup pour les faire sortir de leurs casernes !
Je vous invite à tout faire pour reprendre contact, avancer des chiffres, des propositions concrètes et un calendrier de négociations fermes et définitives. J'espère en tout cas que les conséquences de la transhumance seront prises en considération pour essayer d'aboutir à des solutions acceptables pour les militaires et leurs familles.
M. Pieter De Crem, ministre de la Défense. - Je tiendrai bien entendu compte des suggestions et des recommandations de M. Monfils.
J'aborderai la question du calendrier mercredi prochain en commission de la Défense de la Chambre. Je tiendrai aussi compte des observations de M. Monfils à propos de la transhumance et du contexte aigu qui peut parfois se présenter.