4-1446/1

4-1446/1

Sénat de Belgique

SESSION DE 2008-2009

7 OCTOBRE 2009


Proposition de loi visant à légaliser l'acquisition, la détention, le port et l'utilisation du spray au poivre par les particuliers et les agents d'un exploitant d'un réseau de transport en public

(Déposée par Mme Marie-Hélène Crombé-Berton)


DÉVELOPPEMENTS


Dans sa vie de tous les jours, le citoyen est confronté à une criminalité de plus en plus violente: sac-jackings dans la rue ou dans les voitures, agressions physiques, menaces à l'arme blanche ou intimidations malheureusement banalisées. Ces agressions visent régulièrement soit des professions spécifiques, souvent indépendantes, comme les commerçants, soit des personnes plus vulnérables, femmes ou personnes âgées. Or, aucun moyen de défense pour répondre adéquatement à ces agressions n'est actuellement disponible sur le marché belge.

Les accompagnateurs de train sont également quotidiennement confrontés à une violence croissante perpétrée par certains usagers. Ils ne disposent, contrairement aux agents de sécurité « Securail », d'aucun moyen pour se défendre dans les cas critiques. Le même constat doit être tiré pour les contrôleurs, les chauffeurs ou guichetiers des réseaux de transport en public, que ce soient les bus, trams ou trains.

Afin de pallier ces carences, l'auteur de la proposition de loi préconise, d'une part, que tout un chacun, moyennant des conditions strictes, puisse acheter et détenir sur soi, dans sa voiture ou dans tout lieu qu'il souhaite, un spray de défense neutralisant qu'il pourra utiliser en cas de légitime défense. D'autre part, d'autoriser, les conducteurs, accompagnateurs, contrôleurs ou guichetiers d'un réseau de transport en public qui le souhaitent de porter dans le cadre de leur travail ce même type de spray à utiliser dans les mêmes conditions.

Ces dernières années, des progrès ont incontestablement été accomplis afin d'assurer une meilleure prise en compte des victimes d'actes de violence. Elles ont acquis une place à part entière dans le processus judiciaire, de la phase d'instruction à l'exécution de la peine. La justice réparatrice fait son chemin. Cependant, l'auteur de la proposition de loi estime qu'assurer à chacun la possibilité de se défendre contre une agression grâce à un spray au poivre éviterait de nombreuses victimes. Prévenir en amont éviterait de devoir agir en aval !

Actuellement, le spray au poivre est une « arme prohibée » suivant les catégories établies par la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes (ci-après « loi sur les armes »). En Belgique, il n'est donc pas possible d'acquérir et de détenir un tel spray. Cependant, cette interdiction connaît deux exceptions: d'une part, les agents de l'autorité ou de la force publique (article 27 de la loi sur les armes) et, d'autre part, les agents de sécurité (l'article 13.5 de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière et ses arrêtés d'exécution). Seules ces catégories de personnes peuvent obtenir un spray de défense à utiliser en cas d'agression uniquement dans le cadre de leurs missions.

Or, il appert que le spray au poivre est une arme non létale qui ne cause pas de nuisance à long terme. Il est pourtant très efficace car il garantit que l'agresseur soit neutralisé tout en n'étant pas blessé.

En effet, l'exposition à un jet d'oleoresine capsicum sur le visage de l'agresseur aura un triple effet:

— sur les yeux qui seront irrités: l'aveuglement est immédiat et temporaire, ce qui provoque une désorientation de la personne aspergée;

— sur le système respiratoire: suite à la dilatation des muqueuses touchées, la personne aspergée ne peut plus respirer profondément. Une sensation d'asphyxie s'en suit. Cependant, il ne s'agit que d'une sensation. Les voies respiratoires sont toujours efficaces;

— sur la peau: sensation de brûlure.

À ce triple effet, on peut ajouter un effet psychologique indéniable. En effet, la personne aspergée est désorientée, paniquée, ce qui, en règle générale, diminue son agressivité.

Par ailleurs, l'auteur préconise l'utilisation d'un jet — en comparaison au nuage ou l'écume — comme forme de fonctionnement du spray au poivre car il atteint sa cible jusqu'à 4 mètres de distance tout en n'ayant quasiment pas de retombée pour les tiers.

De plus, cette arme est facile à utiliser, légère et de petite taille donc transportable dans une poche, un sac ou une voiture.

Au regard de tous ces éléments, le spray au poivre est incontestablement l'arme adéquate dont devrait pouvoir disposer tout particulier ou tout agent d'un réseau de transport en public dans l'unique but de se défendre contre une agression.

I. Quant à l'achat et à la détention du spray au poivre par les particuliers

Certains craignent que légaliser l'achat et la détention de sprays au poivre par tout un chacun aboutira à une escalade de violence. Ils pensent que les agresseurs se muniront de sprays au poivre afin de commettre leurs méfaits ou, pire, que sachant leur cible susceptible de se défendre avec un spray au poivre, ils utiliseront une arme plus dangereuse.

À cela, il peut être rétorqué que les malfrats n'attendent certainement pas que le spray au poivre ne soit plus prohibé en Belgique pour aller en acheter un exemplaire en France, pays où son acquisition est libre (pas de certificat de bonne vie et mœurs à fournir, pas de formulaire à remplir garantissant la traçabilité). Par ailleurs, on peut compter sur l'impact de la légalisation de ce moyen de défense. La crainte d'être aspergé d'un jet de substance au poivre fera réfléchir à deux fois le voleur sur le point de commettre un sac-jacking.

À l'appui de cette constatation, voyez les résultats d'une étude réalisée aux Pays-Bas à la demande du « minister van Binnenlandse Zaken en Koninkrijksrelaties » par le LSPO (groupe de recherche de l'Académie de Police néérlandaise) en collaboration avec le centre de recherche universitaire IVA de Tilburg sur l'utilisation du spray au poivre par la police hollandaise en 2001 et 2002 (1) . Ainsi, dans 50 % des cas étudiés, la menace réalisée par l'agent de police d'asperger l'agresseur d'un jet de spray au poivre s'est montrée suffisante pour éviter l'agression. Ces chiffres parlent d'eux-mêmes ! Par ailleurs, cette étude met en lumière le fait que la détention du spray au poivre a un effet très positif sur le sentiment de sécurité auprès des agents de police qui le détiennent.

L'auteur de la proposition de loi insiste sur le fait que, dans son esprit, le spray au poivre n'est absolument pas envisagé comme un gadget anodin et inoffensif que l'on pourra acquérir sur un coup de tête. Des conditions strictes d'acquisition, détention et utilisation sont mises en place.

Cependant, il semble incontournable de retirer le spray au poivre de la catégorie des armes prohibées telle que prévue par la classification actuelle de la loi sur les armes (art. 3, § 1er, 10º, de cette loi). En effet, il est antagoniste de maintenir la qualification d'arme prohibée pour une arme qui pourra être acquise par le grand public et qui se retrouvera, peut-être, en définitive, dans les mains d'un grand nombre de nos concitoyens. Dès lors, l'auteur préconise la création, dans la loi sur les armes, d'une catégorie d'armes sui generis, intitulée « des sprays pouvant légalement être acquis, détenus, portés et utilisés », qui complètera les trois catégories existantes de la loi sur les armes, à savoir: les armes prohibées, les armes en vente libre et enfin les armes soumises à autorisation.

Des conditions strictes sont prévues quant à l'achat, la détention, le port et l'utilisation du spray au poivre par un particulier. Elles visent, d'une part, la personne de l'acquéreur, ses qualités et son information quant à l'utilisation du spray au poivre, et, d'autre part, les armuriers qui joueront un rôle prépondérant sans que les formalités à charge de ces derniers ne soient trop lourdes. Enfin la possibilité de tracer le spray au poivre par le biais du registre central des armes permettra d'assurer la transparence nécessaire en cette matière.

1.1. Dispositions relatives à l'acheteur

Ainsi, pour pouvoir acheter un spray au poivre, un particulier devra être majeur et avoir un casier judiciaire vierge. Il ne pourra acquérir et détenir qu'un seul spray au poivre. Il conservera, cependant, la possibilité d'acheter un nouveau spray au poivre en cas de vol, perte, utilisation ou péremption du spray acheté antérieurement. Afin de prouver que la détention du spray au poivre est légale, son propriétaire devra porter sur lui un formulaire rempli par l'armurier qui indiquera à tout le moins l'identité de l'acquéreur, de l'armurier ainsi que les caractéristiques du spray au poivre, dont son numéro d'identification.

Ces différentes exigences permettront de limiter l'achat de ces armes de défense aux personnes présentant a priori un profil non violent et d'assurer que ce soit bien le propriétaire du spray au poivre qui l'utilise. Ces conditions sont primordiales pour garantir l'introduction sur le marché des armes du spray au poivre sans débordements. Leur non-respect sera sanctionné par une palette de peines pénales conséquentes.

Par ailleurs, pour informer et responsabiliser l'acheteur, l'armurier lui fournira une brochure qui sera établie par le SPF Intérieur exposant la manière adéquate d'utiliser le spray au poivre afin d'allier efficacité et sécurité pour soi et autrui ainsi que les gestes à poser, si cela s'avère possible, pour secourir l'agresseur aspergé ou, le cas échéant, les personnes se trouvant à proximité et qui ont été contaminées.

Il est évident que l'on ne peut contraindre une personne venant de se faire agresser et qui est peut-être encore sous le choc ou effrayée par son agresseur de lui venir en aide. Dès lors, il lui sera imposé d'appeler la police afin que cette dernière puisse localiser la personne aspergée et la secourir.

De plus, cette brochure indiquera les formalités à remplir par l'acquéreur si son spray au poivre est volé, perdu ou s'il désire en acquérir un nouveau.

Enfin, et cela n'est pas la moindre des informations, il y sera rappelé que le spray au poivre ne peut être utilisé qu'en cas de légitime défense, à savoir pour « assurer sa défense contre un danger actuel et direct pour son intégrité physique ou celle d'autrui ». Il est évident qu'il ne peut être utilisé comme arme offensive ou comme gadget en vue d'amuser ou d'impressionner la galerie. La jurisprudence relative à l'article 416 du Code pénal sera applicable.

1.2. Dispositions relatives à l'armurier

L'armurier aura une mission de filtre primordiale. C'est, en effet, l'armurier qui vérifie que le futur acheteur est majeur et que son casier judiciaire est vierge. Si ces conditions sont remplies, il doit alors donner au futur acheteur la brochure d'information dont question ci-dessus afin de le sensibiliser aux conséquences de l'utilisation du spray au poivre. Il doit, également, remplir un formulaire qu'il communiquera au registre central des armes reprenant les données qui permettront de faire correspondre chaque spray au poivre acheté en Belgique à son acquéreur par le biais de son numéro individuel. Cette communication se fait, au choix de l'armurier, par courrier, fax ou mail mais rapidement afin que la banque de données soit à jour.

Il donne à l'acheteur une copie de ce formulaire que ce dernier devra pouvoir présenter, par exemple, aux forces de l'ordre lors d'un contrôle afin de prouver qu'il est bien le propriétaire du spray qu'il porte sur lui ou qui se trouve dans sa voiture.

1.3. Dispositions relatives au registre central des armes

Comme expliqué ci-dessus, si l'acquisition du spray au poivre est autorisée par la proposition de loi, il n'en reste pas moins une arme dont l'acquisition sera très règlementée et dont la traçabilité devra être assurée.

Le registre central des armes, dont la réforme en cours depuis 2006 (recrutement de personnel supplémentaire, nouveau programme informatique, mise à disposition des polices locales d'un guide d'utilisation sur support digital via un intranet policier) doit se finaliser sous peu et est l'outil ad hoc pour atteindre cet objectif.

Avec l'ensemble des formulaires d'acquisition de spray au poivre qu'il recevra des armuriers, ce registre pourra alors effectuer des recoupements et déterminer si, par exemple, une personne détient plusieurs sprays de défense suite à des achats successifs auprès de différents armuriers. Il pourra également identifier le propriétaire d'un spray au poivre retrouvé, par exemple, sur les lieux d'une agression ou sur une personne qui n'en est pas le réel propriétaire lors d'un contrôle de police.

II. Quant à l'acquisition d'un spray au poivre par un agent d'un exploitant d'un réseau de transport en public

La criminalité ferroviaire est en perpétuelle augmentation. Chaque année les statistiques en témoignent. Afin de rassurer les usagers, différentes initiatives ont été prises ces derniers mois: numéro de téléphone gratuit permettant aux clients de la SNCB de signaler les comportements suspects, caméras de surveillance. Cependant ces initiatives concernent essentiellement les gares et leurs abords. Ce n'est pas une réponse à la violence croissante que vivent quotidiennement les accompagnateurs de train dans les wagons et qui restent eux très démunis et isolés face à ces actes.

Interrogée à plusieurs reprises sur la possibilité d'octroyer aux accompagnateurs de train un spray au poivre afin de se défendre (2) , la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques du moment avait opposé son refus prétextant que la configuration d'un train, notamment son caractère confiné, ne permettait pas son usage.

Or, renseignements pris auprès des instructeurs de la police en matière de gestion de la violence, il appert qu'un spray au poivre dont la diffusion s'effectue au moyen d'un jet peut être utilisé dans un espace aussi confiné qu'un wagon sans répercussion néfaste pour les autres voyageurs.

Dès lors, l'auteur de la proposition préconise que les accompagnateurs de train, mais également les personnes exerçant d'autres professions relevant d'une exploitation de service publique et régulièrement confrontées à la violence, puissent obtenir, s'ils le souhaitent, un spray de défense à condition de ne l'utiliser que dans le cadre de leur activité professionnelle. Il s'agit d'une possibilité laissée au libre choix de l'agent. Certains agents ne sont pas dans des zones à risques et n'éprouveront pas la nécessité de se munir d'un spray de défense.

L'autorisation sera octroyée par le ministre de l'Intérieur suivant une procédure qui sera déterminée par arrêté royal. Cette procédure devra, également, prévoir la manière dont les sprays seront encodés auprès d'un organe centralisateur. Pourquoi pas, à nouveau, le registre central des armes, afin d'en assurer la traçabilité.

Étant donné qu'il s'agit du port et de l'utilisation d'un spray au poivre dans le cadre d'une profession à caractère publique, une formation spécifique sera octroyée à l'agent avant qu'il n'entre en possession de son arme à l'instar de la formation actuelle prodiguée aux policiers et agents de sécurité Securail. Cette formation comprendra, grosso modo, les mêmes informations que celles prévues dans la brochure d'information à l'usage des particuliers mais aura, évidemment, l'avantage d'être plus axée sur la pratique.

À noter que, vu cette formation spécifique et le caractère publique de la profession, les obligations dans le chef de l'agent qui utilise son spray de défense sont plus exigeantes que celles à charge des particuliers, à savoir:

— une procédure d'avertissement doit être suivie avant d'utiliser le spray de défense;

— le spray de défense ne peut être utilisé à l'égard de personnes de moins de 14 ans, de plus de 65 ans ou de femmes enceintes;

— la manière d'asperger et le temps d'aspersion sont déterminés: à minimum un mètre de distance de l'agresseur et ce, le temps nécessaire pour maîtriser l'agresseur ou le mettre en fuite.

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 2

Cet article reprend les définitions qui seront applicables dans le cadre de cette loi.

Article 3

Cet article énumère les différentes conditions que doit présenter un particulier désirant acquérir un spray au poivre — être majeur, avoir un casier judiciaire vierge, ne pas posséder un spray au poivre préalablement à la présente acquisition — ainsi que les conditions dans lesquelles l'acquisition doit être réalisée: auprès d'un armurier agréé, acquisition personnelle, réception d'une brochure informative, signature d'un formulaire d'identification qui assurera la traçabilité du spray au poivre suite à son envoi au registre central des armes et dont la copie, conservée par l'acquéreur, prouvera la légalité de l'achat et de la détention du spray au poivre.

Il délimite également l'utilisation du spray au poivre à la légitime défense.

Article 4

Cet article prévoit l'envoi, par l'armurier, du formulaire d'identification ainsi que la photocopie de la carte d'identité de l'acquéreur et de son extrait de casier judiciaire vierge au registre central des armes.

Article 5

Cet article prévoit la marche à suivre dans l'hypothèse de l'achat d'un spray au poivre par un particulier qui est déjà propriétaire d'une telle arme. Étant donné que la règle est d'accorder un seul spray au poivre par personne, il doit retourner le spray acheté précédemment à l'armurier qui l'acheminera vers le banc d'épreuve.

Article 6

Cet article indique la marche à suivre en cas de vol ou de perte du spray au poivre. Ce vol ou cette perte doit faire l'objet d'un procès-verbal qui sera nécessaire au particulier qui souhaite acquérir une nouvelle arme de ce type.

Article 7

Cet article énumère les fonctions pour lesquelles il est autorisé de demander un spray au poivre à utiliser dans le cadre de sa mission, à savoir les conducteurs, accompagnateurs, contrôleurs et guichetiers d'un exploitant d'un réseau de transport en public. Ces agents doivent avoir un casier judiciaire vierge. La procédure de demande et d'obtention sera déterminée par arrêté royal. Un arrêté royal devra également prévoir les modalités permettant que la traçabilité des sprays accordés à ces agents soit assurée.

Article 8

Cet article délimite les conditions d'utilisation du spray au poivre à la légitime défense.

Article 9

Cet article détermine la manière dont le spray au poivre est porté par les agents.

Article 10

Cet article concerne la formation que doivent suivre les agents avant d'obtenir leur spray au poivre.

Article 11

Cet article impose à l'exploitant du réseau de transport en public d'équiper les espaces dans lesquels les agents sont susceptibles d'utiliser leur spray au poivre de sorte à assurer que les soins puissent être administrés aux personnes aspergées ou contaminées.

Article 12

Cet article interdit l'utilisation du spray au poivre à l'encontre des personnes vulnérables: enfants, femmes enceintes et personnes âgées.

Article 13

Cet article délimite le temps d'aspersion et la distance à garantir entre l'agent et l'agresseur au moment de l'aspersion.

Article 14

Cet article impose à l'agent ayant utilisé son spray au poivre d'avertir la police.

Article 15

Cet article énumère les sanctions pénales prévues en cas de non-respect par les particuliers des dispositions de cette loi.

Article 16

Cet article introduit dans la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes une nouvelle catégorie d'armes, à savoir les sprays au poivre pouvant légalement être acquis et détenus. Cette catégorie complète la classification actuelle comprenant les armes prohibées, les armes soumises à autorisation et les armes en vente libre.

Sont énumérés, dans cette catégorie, les sprays pouvant déjà, suivant la législation actuelle, être acquis et détenus, d'une part, par les agents de l'autorité et de la force publique et, d'autre part, par les agents de sécurité Sécurail ainsi que les sprays pouvant, suivant la présente proposition de loi, dorénavant être acquis et détenus par les agents d'un exploitant de réseau de transport en public et par les particuliers.

Article 17

Cet article vise à compléter l'article 19, 2º, de la loi sur les armes afin d'incriminer la vente de sprays au poivre à des particuliers de moins de 18 ans.

Article 18

Actuellement, la loi du 10 avril 1990 règlementant la sécurité privée et particulière prévoit en son article 13.5 que l'agent de sécurité Sécurail peut obtenir, par dérogation à la loi sur les armes, un spray au poivre, arme actuellement prohibée suivant cette législation. Cette dérogation n'a plus lieu d'être puisque la proposition de loi classe les sprays au poivre dans une nouvelle catégorie visant spécifiquement les sprays acquis et détenus par ces agents.

L'article 27 de la loi sur les armes prévoyant cette même dérogation pour les agents de l'autorité ou de la force publique ne doit, quant à lui, pas être modifié car il est rédigé d'une manière plus générale.

Article 19

L'entrée en vigueur de la loi est postposée à six mois après sa publication au Moniteur belge afin de permettre la prise des arrêtés royaux d'exécution et l'organisation du registre central des armes qui devra remplir une nouvelle mission.

Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON.

PROPOSITION DE LOI


Article 1er

La présente loi règle une matière visée à l'article 78 de la Constitution.

Chapitre Ier

Définitions

Art. 2

Pour l'application de la présente loi, on entend par:

1º armurier agréé: armurier tel que défini par la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes;

2º spray au poivre: spray de petite capacité répondant aux conditions suivantes:

a) être pourvu d'un produit non gazeux neutralisant, l'oleoresin capsicum, ne causant aucun dommage corporel ou matériel permanent ou tout autre produit non gazeux neutralisant qui assure un niveau d'efficacité et de protection équivalent, fabriqué à partir d'extraits de poivre, dont la diffusion s'effectue au moyen d'un jet;

b) être pourvu d'une soupape de sécurité qui doit être ouverte avant de pouvoir utiliser l'aérosol;

c) être pourvu d'un numéro individuel;

d) en ce qui concerne le spray au poivre octroyé aux agents d'un exploitant d'un réseau de transport public, il doit, de plus, présenter les caractéristiques permettant son utilisation à l'intérieur des véhicules du réseau ou espaces confinés.

Chapitre II

De la vente à des particuliers

Art. 3

§ 1. L'acquisition d'un spray au poivre par un particulier se fait exclusivement auprès d'un armurier agréé. Cette acquisition est strictement personnelle. Un particulier ne peut posséder qu'un seul spray au poivre ayant pour unique objectif d'assurer sa défense contre un danger actuel et direct pour son intégrité physique ou celle d'autrui.

§ 2. L'acquéreur doit satisfaire aux conditions suivantes:

1º être majeur;

2º présenter un extrait du casier judiciaire duquel il ressort qu'il ne fait l'objet d'aucune condamnation.

§ 3. Lors de l'achat du spray au poivre, l'acquéreur reçoit une documentation établie par le Roi, sur proposition du ministre de l'Intérieur, exposant:

— l'utilisation adéquate du spray au poivre;

— les effets de son utilisation, et notamment les réactions anormales possibles des personnes aspergées ou contaminées;

— les gestes qui peuvent être posés, le cas échéant, pour secourir les personnes ayant été aspergées ou contaminées lors de son utilisation ainsi que les raisons de la nécessité de poser ces gestes;

— l'obligation d'appeler la police après l'utilisation du spray au poivre afin de localiser les personnes aspergées ou contaminées et de permettre que des soins leur soient prodigués;

— les formalités à remplir en cas de vol, perte ou demande de renouvellement du spray au poivre;

— les limites légales d'utilisation du spray au poivre et les sanctions pénales prévues en cas d'utilisation abusive.

Lors de la réception du spray au poivre, l'acquéreur signe un formulaire établi par le Roi attestant qu'il a pris connaissance de cette documentation et qu'il s'engage à respecter les indications qu'elle contient. Ce formulaire reprend notamment l'identité du vendeur, l'identité de l'acquéreur, les caractéristiques du spray au poivre vendu et son numéro d'identification.

Il reçoit une copie de ce formulaire qu'il doit détenir lorsqu'il porte le spray au poivre afin de prouver la légalité de sa détention.

Art. 4

Dans les plus brefs délais, l'armurier communique au registre central des armes, par courrier, par fax ou par voie électronique, les dossiers des particuliers ayant acheté un spray au poivre comprenant:

1º une photocopie de la carte d'identité;

2º l'extrait du casier judiciaire;

3º le formulaire visé à l'article 3, § 3, alinéa 2.

Art. 5

Lorsque l'acquéreur souhaite acquérir un nouveau spray au poivre, il doit retourner le spray au poivre qu'il possède et le formulaire visé à l'article 3, § 3, alinéa 2, y afférent à un armurier.

Ce formulaire est communiqué par l'armurier au registre central des armes, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article précédent.

Une fois par an au moins, l'armurier retourne les sprays au poivre visés à l'alinéa premier au banc d'épreuve

Art. 6

Toute perte ou vol d'un spray au poivre doit être signalé sans délai à la police locale qui établit un procès-verbal que l'acquéreur doit conserver ou communiquer à un armurier lorsqu'il souhaite en acquérir un nouveau. Dans cette dernière hypothèse, le procès-verbal établissant la perte ou le vol du spray au poivre est annexé au formulaire visé à l'article 3, § 3, alinéa 2, y afférent envoyé au registre central des armes.

Chapitre III

De l'acquisition d'un spray au poivre par un conducteur, un accompagnateur, un contrôleur ou un guichetier d'un exploitant d'un réseau de transport public

Art. 7

Tout conducteur, accompagnateur, contrôleur ou guichetier d'un exploitant d'un réseau de transport en public, appelé ci-après « l'agent », qui remplit les conditions visées à l'article 3, § 2, peut demander au ministre de l'Intérieur, selon une procédure déterminée par le Roi, d'être autorisé à porter dans le cadre de ses activités professionnelles un spray au poivre. Cette procédure vise également à encoder les sprays mis à la disposition des agents.

Art. 8

L'utilisation de ce spray au poivre est permise à l'agent uniquement si c'est nécessaire pour la défense contre un danger actuel et direct pour son intégrité physique ou celle d'autrui, lorsque ce danger ne peut pas être évité ou stoppé avec un moyen moins drastique.

Art. 9

Le spray au poivre est porté de manière non visible dans un étui muni d'un système de fermeture.

Art. 10

L'agent ayant obtenu l'autorisation visée à l'article 7 doit, avant d'entrer en possession d'un spray de défense, suivre une formation déterminée par le Roi, sur proposition du ministre de l'Intérieur, quant à:

— l'utilisation adéquate du spray au poivre;

— la procédure d'avertissement à suivre avant d'utiliser le spray au poivre;

— les effets de son utilisation envers l'agresseur ainsi que les autres usagers, et notamment les réactions anormales possibles des personnes aspergées ou contaminées;

— les mesures d'assistance à appliquer aux personnes ayant été aspergées ou contaminées lors de son utilisation,

— les limites légales d'utilisation du spray au poivre et les sanctions pénales prévues en cas d'utilisation abusive.

Art. 11

Afin d'assurer que soient prodigués les soins à la personne aspergée ou contaminée dans les plus brefs délais, l'exploitant du réseau de transport en public équipe ses locaux et véhicules de l'équipement ad hoc déterminé par arrêté royal.

Art. 12

Le spray au poivre ne peut être utilisé à l'égard des personnes qui manifestement:

1º ont moins de 14 ans;

2º ont plus de 65 ans;

3º sont enceintes.

Art. 13

L'aspersion n'a lieu que pendant le temps strictement nécessaire pour maîtriser l'agresseur ou le mettre en fuite. Dans la mesure du possible, elle s'accomplit à minimum un mètre de distance de l'agresseur.

Art. 14

En cas d'utilisation du spray au poivre contre une personne, la police est toujours appelée par l'agent.

Chapitre IV

Sanctions

Art. 15

Les contrevenants aux dispositions de la présente loi ou de ses arrêtés d'exécution seront punis d'un emprisonnement d'un jour au moins à un an et d'une amende de 25 euros à 2 500 euros, ou d'une de ces peines seulement.

Chapitre V

Dispositions modificatives

Art. 16

L'article 3 de la loi du 8 juin 2006 réglant des activités économiques et individuelles avec des armes est complété par le paragraphe 4 rédigé comme suit:

« § 4. Sont des sprays pouvant légalement être acquis, détenus, portés et utilisés:

1º les sprays acquis par les agents de l'autorité ou de la force publique conformément à l'article 27 et ses arrêtés d'exécution;

2º les sprays acquis par des agents de sécurité tel que définis à l'article 13.5 de la loi du 10 avril 1990 réglementant la sécurité privée et particulière et ses arrêtés d'exécution;

3º les sprays acquis par un agent d'un exploitant d'un réseau de transport en public suivant les conditions déterminées au chapitre III de la loi du ... visant à légaliser l'acquisition, la détention, le port et l'utilisation du spray au poivre par les particuliers et les agents d'un exploitant d'un réseau de transport en public;

4º les sprays achetés par des particuliers suivant les conditions déterminées au chapitre II de la loi du ... visant à légaliser l'acquisition, la détention, le port et l'utilisation du spray au poivre par les particuliers et les agents d'un exploitant d'un réseau de transport en public.

Art. 17

Dans l'article 19 de la même loi, le 2º est remplacé par ce qui suit:

« 2º de vendre des armes à feu ou des sprays au poivre à des particuliers de moins de 18 ans; ».

Art. 18

Dans l'article 13.5 de la loi du 10 avril 1990 règlementant la sécurité privée et particulière, le membre de phrase « Par dérogation à l'article 3, § 1er, 10º, de la loi sur les armes » est abrogé.

Chapitre V

Entrée en vigueur

Art. 19

La présente loi entre en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit celui de sa publication au Moniteur belge.

3 février 2009.

Marie-Hélène CROMBÉ-BERTON.

(1) LSPO, Politie Onderwijs- en Kenniscentrum, Apeldoorn, ISBN 90-5500-158-9.

(2) Question orale de la sénatrice Marie-Hélène Crombé-Berton à la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques sur « l'autorisation pour les accompagnateurs de train de se munir d'un spray anti-agression » (no 4-377), séance plénière du Sénat du 2 juin 2008 et question orale de la sénatrice Marie-Hélène Crombé-Berton à la ministre de la Fonction publique et des Entreprises publiques sur « les sanctions à l'encontre des personnes auteurs d'actes de violence dans les trains » (no 4-437), séance plénière du Sénat du 6 novembre 2008.